Chapitre 49

Je me réveille dans un lit cette fois mais dans une pièce que je ne reconnais pas. Ma main est dans celle de quelqu'un qui m'est familier. Mais à la vue du visage de Ragna, je retire vivement ma main de la sienne comme si elle me brûlait de par sa trahison. Rien que la voir me brise le cœur, car toutes les personnes qui m'étaient proches se retournaient contre moi, une à une.

_ Aslaug, je t'en pris écoute moi, murmure-t-elle comme si elle avait peur que l'on surprenne notre conversation. Je t'en supplie, écoute moi si tu veux le sauver, me dit-elle avec un regard qui me semble sincère. Mais je me suis tellement trompée que je ne sais que croire.

Voyant mon trouble, Ragna inspire profondément et reprend toujours avec une voix étouffée.

_ Je vais faire vite car nous avons peu de temps. Au début, je voulais le tuer, me venger de ceux qui avaient détruit notre village tout comme Ulrik. Mais j'ai compris que je me fourvoyais et je suis tombée amoureuse de Gunnar. C'est un homme bon, il a agi comme les nôtres auraient fait si la situation avait été inversée. Et tu n'aimes pas Ulrik, c'est Thorsten qui fait battre ton cœur, cela a toujours été Thorsten du jour où vos regards se sont croisés. Alors si tu veux le sauver aide moi et suis moi. Il ne doit pas se marier car Sigfrid l'empoisonnera juste pendant leur nuit de noce, Audar prendra la tête du clan et Ulrik tuera Magnar.

Alors qu'elle m'expose le plan diabolique d'Ulrik et Audar, je fais non de la tête. La seule chose qui m'importe à cet instant est de sauver Thorsten, de le prévenir, et d'arrêter toute cette histoire avant qu'il n'y ait des blessés ou même pire des morts. Car les vikings s'échauffent vite et sont nombreux au château. De plus tous ne portent pas mon père dans leur cœur et ils pourraient se rallier à Audar. Cette pensée me fait frémir, alors que je me redresse sur le lit.

_ Comment allons-nous sortir ? Demandais-je à mon amie.

_ Ulrik et Audar me font confiance. Ils m'ont laissé seule avec toi mais ils ne vont par tarder. Il faut nous hâter si nous voulons quitter la tour sans être repérée par l'un d'eux. Enfile ça, me dit-elle en me tendant une cape. Tu passeras pour une servante.

Je me lève sans difficulté portée par l'envie d'éviter ce drame. Ragna connaît cette partie du château comme sa poche et elle nous fait rapidement sortir de cette tour où j'avais été retenue prisonnière.

Après le récit d'Eimund, je dois voir Aslaug m'assurer qu'elle va bien. Qu'elle est en vie. Dans ces conditions, il est hors de question que j'épouse Sigfrid. Je ferai ce que je dois faire pour l'enfant mais je me refuse de vivre auprès d'une femme pour qui je ne ressens rien. Je veux Aslaug et aucune autre femme. Je dois la voir et ensuite trouver mon père pour tout lui expliquer.

Au fur et à mesure que j'avance vers le château, je me dis qu'il serait plus raisonnable de voir mon père en premier. Ne serait-ce que pour avoir son soutien et son aide. Mais l'idée de ne pas savoir comment elle se porte me rend ivre d'angoisse. Jamais je n'avais ressenti tel amour pour quiconque. À cette révélation, je repense à mon père et à l'amour qui le liait à la mère d'Aslaug. Je comprends enfin, les sacrifices qu'il a fait. Comme lui comprendra pourquoi je me refuse à épouser Sigfrid. Sans réfléchir d'avantage je me rends dans les appartements de celle que j'aime du plus profond de mon être.

Mais sur le chemin, je rencontre ma mère.

_ Thorsten, mon fils voilà que je te cherche depuis des heures, me dit-elle en me tirant par le bras vers mes appartements.

_ Mère, je dois voir ma sœur, c'est de la plus haute importance, lui dis-je sur un ton peu amène.

_ Ta sœur, mais elle va très bien, me répond-t-elle avec un sourire que je ne lui connais pas mais qui semble sincère. Je viens de lui apporter sa tenue pour la cérémonie et elle se porte comme un charme, termine-t-elle en me tirant vers mes appartements.

_ Mais . . ., repris-je couper par ma mère.

_ Suffit Thorsten. Je marie aujourd'hui mon fils unique. Alors ce dernier va faire ce que je lui demande pour la dernière fois avant d'être unie à sa femme, reprend-t-elle une larme au coin des yeux.

_ Tu as vu Aslaug, redemandais-je à ma mère afin d'être sûre que tout aille bien pour elle.

_ Je l'ai vue comme je te vois, m'assure-t-elle, maintenant va te préparer. Je veux voir mon fils en tenue avant la cérémonie.

_ Mère, je . . ., commençais-je mais elle pose un doigt sur ma bouche pour me faire taire.

_ Suffit, va te préparer. Ton père et moi vous rejoindrons dans une à deux heures, termine-t-elle en me raccompagnant vers mes appartements.

Devant la porte, elle dépose un baiser sur ma joue et retourne à ses occupations. Je baisse la tête vaincu et entre chez moi. Je me dis que parler à Sigfrid serait une bonne chose. Je me change mais ne mets pas ma tenue de cérémonie, car cette mascarade doit cesser. Je sors rapidement et me dirige vers la chambre de Sigfrid où j'entre sans frapper. Pendant un instant, je crois percevoir le bruit étouffé d'une conversation mais c'est impossible car elle doit être seule. J'avance sans faire de bruit jusqu'à la chambre, où je trouve Sigfrid nue, admirant son reflet dans un miroir.  

_ Ah Thorsten, dit-elle sans retourner. Comme je suis heureuse de te voir. Regarde comme notre fils sera fort et vigoureux, poursuit-elle en caressant son ventre trop arrondis à mon goût.

_,Couvre toi, lui répondis-je sans la moindre chaleur dans la voix.

_ Pourquoi es-tu si distant. Je ne te plais plus, reprend-t-elle en minaudant toujours nue.

_ Non, lui répondis-je fermement le regard froid et dur. Je ne supportais pas qu'une femme s'abaissent à cela. Et pour la seconde fois couvre toi. Nous avons à parler, rejoins moi dans le salon, terminais-je en lui tournant le dos.

Alors que je regarde par la fenêtre attendant Sigfrid, je ne fais pas attention aux pas feutrés qui arrivent derrière moi. Mais au moment où un objet dur vient s'abattre sur mon crâne, je m'effondre sur le sol dans un bruit sourd. Et avant que mes yeux ne se ferment car les ténèbres m'envahissent, mes pensées vont vers Aslaug l'amour de ma vie.

Alors que je me réveille péniblement, j'entends des voix que je reconnais sans peine Audar, Ulrik et Sigfrid. Je prends quelques instants pour prendre conscience de ma situation. Je suis torse nu, les bras attachés au dessus de ma tête. Au froid et à l'humidité qui règnent ici, nous sommes dans les cachots du château et personne ne viendra me chercher ici.

_Il se réveille, finit par dire Sigfrid alors qu'elle se colle contre Audar.

_Bien, il va falloir changer notre plan, commence celui-ci. Ulrik amuse toi avec lui autant que tu veux. Moi je vais défier et tuer son père. Ensuite je ferai de Sigfrid ma digne épouse et reine de ce clan, ponctue-t-il par un baiser langoureux qui me donne juste envie de vomir. Et je donnerai la bâtarde comme putain aux barbares que nous rencontrerons comme cadeau de bienvenu, termine-t-il en riant.

_ Non ! Ne pus-je m'empêcher de hurler en me débattant à l'idée que l'on puisse lui faire du mal.

Audar s'approche de moi et bloque mon visage entre ses mains.

_ Je vais enfin reprendre ce qui m'appartient et qui appartient à ma famille. Je vais reprendre le rang qui m'est du et qu'un petit bâtard adopté m'a enlevé, termine-t-il en me donnant un violent coup de poing qui fait éclater mon arcade. Mais il m'en faut plus pour m'anéantir.

_ Je vais sortir d'ici et te tuer. Si tu touches à elle ou à mon père considère que tu es mort, lui répondis-je en le regardant droit dans les yeux alors que le sang coulait le long de ma joue.

Audar recule d'un pas devant ma véhémence, mais je suis attaché et lui non. Il est libre de ses mouvements et moi non. Et il le sait très bien c'est pour cela que je suis attaché car sinon il ne ferait pas long feu face à moi. Lui comme moi savons très bien qui aurait le dessus dans un combat au corps à corps. Audar me toise du regard mais sans lever la main sur moi. Il se tourne vers Sigfrid et lui dit en caressant son ventre.

_ Prends soin de notre fils, ma reine.

Puis il gagne la porte mais avant de la franchir, il se tourne vers moi et me nargue en disant.

_J'ai un duel à gagner et un clan à soumettre, termine-t-il en claquant la porte emmenant avec lui cette garce de Sigfrid.

Je n'ai pas le temps de lui répondre qu'Ulrik me donne un violent coup de poing dans l'estomac qui m'empêche de répondre me coupant le souffle. Sans un mot les coups se mettent à pleuvoir sur moi alors que je suis attaché incapable de pouvoir les rendre, incapable de pouvoir sauver ceux que j'aime le plus au monde. Alors je me concentre et encaisse les coups les uns après les autres ne pensant qu'à ma vengeance.

Avec Ragna nous parcourons le château, afin de trouver mon père ou Thorsten, afin de les prévenir de ce qui se trame dans leur dos.Mais la demeure est vaste et avec les préparatifs chaque fois que nous pensons nous approcher de l'un d'eux, celui-ci n'est plus là quand nous arrivons. Le temps ne va pas tarder à nous manquer et nous progressons difficilement car les hommes d'Audar sont partout et aux aguets.

Quand enfin, j'aperçois mon père, ce dernier se rend dans la salle de réception au bras de Vidrün. Il traverse cette même salle que nous avions traversé ensemble hier pour me présenter au reste du clan. En quelques heures tout avait basculé. Mon père s'installe à la table d'honneur. Sentant le moment fatidique arriver, je ne fais plus attention et avance d'un pas décidé et vif sous le regard inquiet de Ragna, mais tant pis pour ma sécurité. Je dois prévenir mon père. Mais la salle est bondée et je mets du temps à comprendre quand on me tire en arrière. Je me retourne pour voir le visage de la personne qui me retient et découvre Audvald, le jeune frère d'Audar qui me maintient fermement contre lui. Alors j'essaie de l'appeler mais le bruit est tel qu'il ne m'entend pas. Les rires, la musique, les hommes déjà ivres, tout ce bruit couvre mon appel. Audvald me fait taire en pointant une dague sur mon ventre. Je le regarde ivre de rage devant choisir entre ma vie et celle de mon père. Mais je n'ai pas le temps de faire un choix car une voix forte et claire s'élève au-dessus du brouhaha de la fête.

_Audar, soufflais-je en me retournant vers l'endroit d'où provenait la voix, les yeux emplis de larmes connaissant la suite des événements.

Tous s'arrêtent de parler et s'écartent sur le passage de cet homme qui va défier mon père, ne lui laissant aucune chance au vu son état de santé. Et il sait que son fils ne pourra prendre sa place puis qu'il le retient.

_ Aujourd'hui est un jour de fête, commence Audar, mais pas celui que tu crois. C'est un jour de fête pour ma famille car je te défie Magnar. Je te défie car pour moi et bon nombre d'entre nous tu n'as plus ta place ici, en tant que jarl. Tu es devenu faible et tes décisions comme celle de retrouver ta fille sont inconsidérées.Nous avons perdu beaucoup d'hommes pour retrouver cette fille, une bâtarde irlandaise, . . . .

Mon père se lève et tonne d'une voix de stentor.

_ Suffit ! Alors tu me défies. Tu auras attendu que je sois à peine remis d'une blessure infectée, pour tenter ta chance. Je reconnais en cela la couardise de ta famille, termine mon père en s'approchant de lui. Allons régler cela comme des Vikings digne de ce nom, termine ce dernier en tapant du poing sur la table. Tous les yeux les suivent, dont les miens ruisselant de larmes, car je connais l'issue funeste de ce combat . . .



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