Chapitre 44
Je ne sais pas vraiment combien de temps je reste endormie. Mais une chose est sûre quand j'ouvre les yeux, je me sens mieux. Physiquement en tout cas car les nausées et les étourdissements semblent avoir disparus. Moralement c'est une autre histoire, je ne sais plus du tout où j'en suis . . . ni même qui je suis.
Je me redresse doucement quand on frappe à la porte. Mais je n'ai pas le temps de répondre que la porte s'ouvre sur une jeune fille des cuisines. Elle me salue avec un beau sourire et vient déposer près de moi un plateau copieusement garni. Je la remercie puis elle quitte la pièce avec un sourire courtois.
Je m'étire et pose les yeux sur ce dernier avec envie. Mais pour autant, je me sens gênée, . . . gênée de me faire servir. Toute ma vie, j'avais été au service des autres et là on me servait. Ce changement aussi agréable soit-il est déstabilisant. Je me décide enfin à goûter ce plateau et me régale avec le pain et les œufs frais. Je commence à attaquer les fruits quand la porte s'ouvre sans que personne ne s'annonce. Et quelques secondes plus tard, Ulrik se présente devant moi torse nu. Pendant un instant, je détaille son torse parfaitement sculpté. Je suis le chemin des gouttes d'eau qui tombent de ses cheveux jusqu'à son torse qu'elles dévalent. C'est lui qui prend la parole me ramenant à la réalité.
_Tu es réveillée et tu dévores, sourit-il en regardant le plateau à moitié vide.
_Oh je suis désolée, repris-je avec une mine contrite. C'est vrai qu'il ne reste presque rien.
J'avais un appétit impressionnant ce matin. Mais ces derniers jours avaient été riche en événements et émotions alors quoi de plus normal que de reprendre des forces. Je me lève, prends le plateau puis me dirige vers la porte de ce qui était maintenant nos appartements.
_Que comptes-tu faire avec ce plateau dans les mains Aslaug ? Me questionne-t-il en m'arrêtant dans ma progression en posant sa main sur mon bras.
Je lève les yeux vers lui et mon cœur rate un battement. J'avais eu tendance à oublier à quel point Ulrik était bel homme. Et surtout combien j'avais été attirée par lui . . . mais depuis il y avait eu Thorsten. Et mes sentiments pour Ulrik avaient alors évolué en une profonde amitié.
_Et bien, . . . je vais descendre dans les cuisines pour te faire un plateau, lui répondis-je simplement.
Ulrik marque un temps d'arrêt mais n'enlève pas sa main sur mon bras. Puis un sourire ourle ses lèvres et ses yeux gris clairs deviennent rieurs.
_ Aslaug, tu es la fille d'un jarl. Tu n'auras plus jamais à servir qui que se soit et encore moins moi, termine-t-il cette fois-ci en riant.
Puis il me prend le plateau des mains, ouvre la porte et le tend à quelqu'un que je ne vois pas, probablement une servante, puis il repose son regard sur moi.
_ Ferme la bouche petite Aslaug. Tu vas vraiment avoir besoin de moi pour te faire à ton nouveau statut, reprend-t-il cette fois le plus sérieusement du monde.
Mais je reçois le coup de grâce quand il me regarde en me disant le plus naturellement du monde.
_ Mais ne t'inquiète pas. Tout rentrera dans l'ordre quand nos noces seront célébrées après celle de Thorsten dans quelques jours.
Je le regarde ahurie. J'avais compris les mots qui sont sortis de sa bouche mais mon cerveau cherche encore à intégrer les informations.
_Nous allons nous marier, . . . toi et . . . moi, repris-je en articulant bien chaque mot.
Ulrik ne semble pas surpris de son annonce et continue de s'habiller comme si tout était normal. Puis il vient s'asseoir à mes côtés sur le lit. Car à ses mots, j'ai ressenti le besoin de me poser pour ne pas tomber par terre. Il prend quelques inspirations puis il se tourne légèrement afin de me faire face.
_ Aslaug, je sais que tu m'aimes pas, commence-t-il. J'allais prendre la parole mais il me fait signe de le laisser finir. J'accepte à contre cœur et l'écoute reprendre. J'ai toujours su que tu étais ma cousine. Notre grand-mère a remarqué très tôt que je te regardais différemment des autres filles. Elle m'a donc expliqué qui tu étais. Alors j'ai appris à mettre de côté ce que je ressentais pour toi même si cela n'a pas toujours était évident. Mais je l'ai fait, j'ai appris à le faire. Et pourtant, nous allons nous marier car personne ne sait qui je suis. Et d'ici peu, tu seras heureuse d'avoir un mari même si c'est moi. Ne t'inquiète pas, nous aurons des chambres séparées. Je serai discret si je prends une maîtresse et je te demanderai de faire pareil le cas échéant . . .À défaut d'être unie à l'homme que tu aimes, . . . tu seras unie à ton plus vieil et fidèle ami, termine-t-il avec un sourire triste.
Je sens les larmes envahir mes joues. Combien de vies avais-je gâcher à moi seule par ma naissance ou encore mes actes irréfléchis.
_ Je suis désolée, . . . tellement . . . désolée, réussis-je à articuler péniblement avant de fondre en larmes.
Je me laisse faire quand il me prend dans ses bras pour me consoler comme il l'a déjà fait tant de fois. J'ai causé encore plus de dégâts en voulant sauver une enfant. Mais quelque part, je suis tellement heureuse de connaître enfin la vérité sur mes origines. Tout se bouscule dans ma tête. Ce sont de violentes nausées qui me sortent de mes réflexions. Je repousse Ulrik un peu plus vivement que je ne l'aurais voulu et court pour aller vomir tout ce que je venais d' ingurgité.
Mon corps est secoué de spasmes. Je suis la tête au dessus d'un baquet quand je sens une main me frotter délicatement le dos et l'autre dégager des mèches de mon front humide. Même si j'apprécie cette attention, je ne veux pas qu'Ulrik me voit comme ça.
_ Non, je t'en prie. Sors d'ici, je ne veux pas que tu me vois comme cela, s'il te plaît, le suppliais-je presque sans pouvoir le regarder.
Il ne me répond pas tout de suite, et sans même me retourner je sais qu'il sourit.
_ Aslaug, dans quelques jours nous serons mariés. Et il est normal que je sois là pour toi, reprend-t-il le plus naturellement du monde.
Je finis par accepter son aide car mes forces m'abandonnent à nouveau.Il finit par me porter et me dépose délicatement sur mon lit. Et alors qu'il s'éloigne pour me laisser me reposer, je lui attrape de justesse la main. Il se retourne pour me faire face.
_Ulrik, . . . qu'est-ce que j'ai ? Demandais-je d'une petite voix inquiète de me sentir si faible à nouveau.
Il s'approche et s'assoit sur mon lit et commence à me caresser les cheveux avec un sourire rassurant.
_ Ne t'inquiète pas petite Aslaug. Tu n'as rien de grave. Rassure toi, je ne laisserai jamais rien t'arriver, me murmure-t-il avec un sourire rassurant. Je dois rejoindre Gunnar et les autres pour l'entraînement, reprend-t-il plus sérieusement. Je vais demander à Ragna de veiller sur toi.
J'acquiesce d'un simple signe de tête. Et je le regarde s'éloigner. Mais à peine a-t-il franchi la porte que mes paupières se ferment et que je sombre à nouveau dans un profond sommeil.
Quelques jours ont passé depuis toutes ses révélations. Et aujourd'hui est un jour particulier. Mon père Magnar, a réuni divers chefs de clan pour le mariage de Sigfrid et Thorsten, demain. Et le mien dans trois jours. Mais c'est aujourd'hui, qu'il va me présenter à tous en tant que sa fille légitime.
Je suis morte d'angoisse à l'idée de ce qu'ils vont penser ou à l'idée de faire un faux pas qui mettrait tout le monde dans l'embarras. Je n'ai absolument jamais été mise en avant de la sorte alors je me sens terriblement angoissée. De plus, depuis un moment, je n'ai recroisé ni Vidrün, ni Sigfrid, ni . . . même . . . lui. . . Thorsten . . . Alors les revoir tous réunis me pétrifie davantage.
Pour l'occasion, Ragna est venue m'aider à me préparer ce que j'apprécie grandement, j'ai besoin d'une amie pour supporter ces préparatifs. Pendant longtemps, j'ai aidé à préparer la femme de notre jarl. Mais jamais, je ne me serai imaginée être à une telle place d'honneur. J'essaie de garder le peu de calme qu'il me reste. Mais en regardant Ragna s'affairer autour de moi le sourire aux lèvres. J'avoue que c'est difficile d'attendre. Quand je pense ne plus pouvoir tenir, elle se place devant moi.
_ Par tous les dieux, Aslaug, tu es vraiment splendide. Tu es sans nulle doute la digne héritière de ce clan ma belle.
Puis elle m'amène devant un grand miroir, . . . et là j'avoue que je peine à me reconnaître moi-même. Mes cheveux sont tressés et les nattes sont joliment ramenées en chignon. Je n'avais jamais eu de coiffure aussi aussi sophistiquée. Ragna c'est surpassée.
Mes mains ne peuvent s'arrêter de caresser l'étoffe de ma robe. Ragna a raison. La jeune femme dans le miroir est très belle. La robe d'un violet profond met en valeur le vert émeraude de mes yeux. Alors que j'essaie de retrouver mes traits dans cette fille que je regarde. Je n'entends pas Ragna sortir de la pièce, ni Magnar y entrer. Je sursaute quand il se place à mes côtés.
Nos regards se croisent dans le miroir. Il se penche alors vers moi et me dit d'une voix émue.
_Tu lui ressembles tant. À chaque regard que je pose sur toi, je la revoie.
Puis il se décale et commence à sortir une étoffe avec des carreaux qu'il noue avec délicatesse autour de ma taille, les yeux brillants d'émotion.
_Qu'est-ce que c'est ? Demandais-je.
Il termine de nouer l'étoffe et me tourne vers lui pour que je lui fasse face.
_C'est un tartan. C'est une étoffe aux couleurs du clan de la famille de ta mère. Elle la portait la première fois où je l'ai vue . . . le jour où je suis tombée amoureux d'elle, termine-t-il la voix remplie d'émotion à l'évocation de la femme qu'il a tant aimé et qu'il aime encore sans nul doute.
Nous restons un petit moment à nous regarder aussi ému l'un que l'autre. Mon père finit par rompre le silence.
_ Bien. Allons te présenter en tant que ma fille aux yeux de tous et prendre la place qui te revient de droit mon enfant.
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