Chapitre 42
_ Éléanore . . ., répète-t-il une deuxième fois en pressant délicatement ma main dans la sienne.
Ses yeux brillent d'un tel éclat de joie et de tristesse mélangées. Je souhaiterais lui répondre mais je n'y arrive pas. Mes paroles, les mots que je voudrais prononcer restent coincés dans ma gorge. Alors je secoue simplement la tête de droite à gauche, car je ne suis pas Éléanore.
Il se redresse légèrement et pose une de ses mains sur ma joue. Ce contact me surprend car rares sont les personnes qui se sont montrées affectueuses avec moi. Je ne peux pas dire que j'ai été malheureuse ou maltraitée. J'avais juste été élevée comme une simple esclave devant servir ses maîtres. Et cela m'avait toujours convenu ainsi. Je n'avais connu que cela après tout. Il ne faut pas oublier non plus que les démonstrations d'affection n'étaient pas courantes pour les esclaves.
Voyant ma réaction ou plutôt mon absence de réaction, Magnar retire sa main de ma joue. Un sourire gêné s'imprime sur son visage ce qui me surprend de la part d'un homme tel que lui.
_ Excuse moi . . . mais tu lui ressembles tellement . . . Pendant un bref instant quand je t'ai vu . . . j'ai cru la revoir. Ta mère était sans nul doute la plus belle femme qu'il m'ait été donné devoir, termine-t-il les yeux remplis de larmes.
Je reste toujours interdite face aux propos de cet homme. De mon père. Je finis par articuler quelques mots mais pas ceux auxquels je pensais.
_C'est vrai, je lui ressemble beaucoup ? Réussis-je à articuler moi-même surprise de ma question.
Il inspire et se redresse un peu plus manifestement content de ma question.
_ Oui, énormément. Tu as les mêmes traits qu'elle à son âge. Les mêmes yeux magnifiques tels deux émeraudes étincelantes. Il marque une courte pause. Je ne connais même pas ton prénom. Alors comment t'appelles-tu ma fille ? Termine-t-il avec un sourire bienveillant.
Cette question aussi simple soit-elle me met dans une position des plus inconfortables. Je le regarde interdite comme si je n'avais pas compris cette question pourtant triviale.
Je suis perdue à me débattre au milieu de l'imbroglio de mes émotions.Je suis incapable de savoir s'il vaut mieux lui dire la vérité ou poursuivre mon mensonge. Lui dire la vérité, me libérerait d'un point, c'est certain. Certes ma sécurité serait hors de cause mais qu'en serait-il pour celle de Ragna ou Ulrik qui risquent bien des choses pour me protéger. Et d'un autre côté, si je garde la vérité secrète, je protège la vie de mes amis et brise le cœur de cet homme qui a déjà beaucoup perdu quoiqu'on en dise.
Magnar pose alors sur moi un regard interdit devant mon absence de réponse face à une question aussi simple.
_Tu . . . Tu m'as entendu, hasarde-t-il.
Je lève les yeux vers lui perdue dans mon débat intérieur. Voyant que je ne réponds toujours pas, il reprend doucement sur le ton de la confidence.
_ Je ne sais pas ce que tu sais de l'histoire d'amour qui m'a uni à ta mère. Mais elle a été l'amour de ma vie. Quand elle a su qu'elle attendait un enfant nous avons discuté des prénoms que nous pourrions donner à notre enfant à venir. Nous avions discuté de deux prénoms. Koll comme mon père, pour un garçon et . . . pour une fille, ta mère et moi étions tombés d'accord sur le prénom Aslaug.
Une fois qu'il a terminé de parler, je le regarde fixement et me rends compte que je pleure quand les larmes dévalent mes joues.
_ Je . . . je m'appelle . . . Aslaug, réussis-je à articuler entre deux sanglots que j'essayais vainement de retenir.
Sans que je ne puisse rien faire, Magnar, mon père m'attire contre lui et me serre dans ses bras. Et sans que je m'y attende davantage, il murmure.
_ Je suis si heureux de t'avoir retrouvée, . . . mon enfant, . . . ma fille. Si tu savais comme je regrette et comme je m'en veux de tout ce qui s'est passé . . . De tout ce que tu as du subir alors que je n'étais pas à vos côtés. Parce que je n'ai pas su vous protéger, ni toi . . . ni ta mère.
Même si cette étreinte me surprend, je l'accepte avec plaisir. Ces paroles me vont droit au cœur, d'autant plus qu'il est mon père. Il desserre alors son étreinte sans la rompre. Il plonge son regard dans le mien. Je sens qu'il voudrait me poser une question mais qu'il n'ose pas.
_ Tu veux savoir quelque chose ? Puis je me reprends, veuillez m'excuser, vous voulez . . . mais je n'ai pas le temps de finir que Magnar me coupe la parole.
Il pose sa main sous mon menton et relève mon visage pour m'obliger à le regarder dans les yeux.
_ Tu n'auras plus jamais à t'excuser et encore moins devant moi. Tu es ma fille, mon sang, et toi plus que quiconque a le droit de me dire ce que bon te semble. Et mon enfant ne me vouvoie pas, termine-t-il.
J'esquisse un léger sourire qui illumine les yeux bleus de Magnar.
_Tu es vraiment tout le portrait de ta mère . . . Tu . . . Tu as eu la chance de vivre un peu avec elle, de la connaître ? Finit-il par me demander.
Je baisse de nouveau les yeux ne voulant pas voir la tristesse que je pourrais lire dans ses yeux dans quelques secondes.
_ Non, je . . . je ne l'ai pas connue. Elle . . . elle est morte en me donnant la vie, terminais-je les joues à nouveau ruisselantes de larmes.
Il ne dit plus un mot. Quand je trouve le courage de le regarder. Je découvre le visage d'un homme ravagé par la douleur ce qui me brise le cœur.
_ Je suis tellement désolée, je ne . . . commençais-je mais là encore Magnar me coupe la parole.
_ Non ma fille, tu n'as pas à t'excuser. Si quelqu'un doit se faire pardonner c'est moi, dit-il durement avant de grimacer à cause de la douleur.
Aussitôt je reprends mon rôle de soigneuse.
_ Tu fais beaucoup trop d'efforts alors que tu commences seulement à aller mieux. Il faut te ménager, et te reposer si tu veux guérir, lui rétorquais-je d'un ton sans appel.
Contre toute attente, Magnar obéit et se rallonge.
_ Je vais regarder pour voir si ta blessure ne s'est pas rouverte, poursuivis-je.
Alors que je soulève le bandage et inspecte sa blessure pour m'assurer que tout va bien, mon père reprend la parole.
_Qui t'a appris à soigner, à fabriquer les onguents et la connaissance des remèdes et des plantes ?
Sans lever les yeux, toujours accaparée par mon auscultations, je lui réponds simplement.
_ Bergthora m'a appris. Elle a toujours été bienveillante avec moi quand j'y pense. Elle veillait sur moi au village. Puis elle m'a mise au service d'Eivor dès sa naissance. Et quand je ne m'occupais pas d'elle. Bergthora m'apprenait tout ce qu'elle savait sur les plantes et comment s'en servir ou les préparer, tout cela, terminais-je en me redressant.
_ Alors ma mère a veillé sur toi, même si elle était contre le fait que je divorce de Vidrün pour ta mère . . . Elle a pris sur elle et a pris soin de toi.
J'acquiesce et lui souris tendrement car Bergthora sous ses aspects froids et distants avait toujours été protectrice avec moi.
_ Oui, elle a toujours veillé sur moi, . . . Bon tu dois te reposer. Je vais rentrer au village. Je passerai ce soir, dis-je simplement en prenant les bandages souillés pour les faire bouillir.
_ Où vis-tu ?
_Je vis dans la maison d'Ulrik, un pêcheur de mon village.
_Oh ! Et vous êtes engagés l'un envers l'autre ? Plaisante-t-il.
_Oh non ! Je connais Ulrik depuis que je suis enfant, lui répondis-je rougissante à l'idée des quelques étreintes que nous avions partagées.
_ Alors pourquoi rougis-tu ma très chère fille, . . . Aslaug ? M'interroge-t-il, mais je reste figée car Thorsten vient d'entrerdans la pièce.
_ Aslaug ? Reprend mon père ce qui augmente le sentiment d'incompréhension sur le visage de Thorsten.
Je ne sais plus quoi dire ni faire. Et l'incompréhension mêlée de surprise sur le visage de ce dernier laissent vite place à de la colère et de la rage.
_ Alors, tu ne réponds pas Aslaug . . . ou bien dois-je dire Eivor ? Termine-t-il en appuyant bien sur les deux prénoms auxquels je répondais.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top