Chapitre 41

Je suis Audvald jusqu'au château le cœur battant, à la fois impatiente et terrorisée à l'idée d'être face au jarl. Surtout si ce dernier est réveillé. Mais pour l'instant, j'essaie de me rassurer en pensant uniquement aux soins et aux gestes que je dois faire. Me concentrant sur ma tâche à venir, je me retrouve rapidement sans m'en rendre compte devant les portes des appartements du jarl.

Je n'ai pas le temps de réagir qu'Audvald frappe à la porte et me fait entrer à sa suite. Je sursaute malgré moi quand j'entends sa voix.

_Où est elle ? Combien de temps faut-il donc pour qu'une esclave vienne du village, prononce Thorsten d'une voix glaciale.

L'entendre parler ainsi de moi me brise un peu plus le cœur. Mais cela vaut mieux, il ne doit plus rien y avoir entre nous. Cette distance et cette froideur m'aideront moi aussi à avancer malgré la douleur.

_ Elle est là dans l'entrée, répond Audvald avec le calme et la déférence qu'il lui doit. Il sent bien que ce n'est en aucun cas le moment de l'agacer.

_ Et bien, qu'attend-t-elle pour venir soigner son jarl, s'énerve-t-il un peu plus. Mais il n'y avait pas que de l'énervement dans sa voix.

J'en ai la confirmation quand je pénètre dans la chambre. Thorsten est appuyé contre le mur une coupe pleine à la main. Une servante terrorisée à ses côtés se tenant prête la remplir au moindre signe de ce dernier. Je ne lui adresse alors qu'un simple signe de tête et me dirige vers la couche de Magnar.

Mes premières observations sont rassurantes. Il a encore de la fièvre mais beaucoup moins. Il semblerait que mes soins fonctionnent. Sa respiration semble moins fastidieuse et plus régulière, ce qui est des plus encourageants.

Je constate qu'il n'y a presque plus d'infusion et que les pansement sont été changés comme je l'avais demandés. Je me lave les mains et soulève le bandage afin de voir comment évolue la cicatrisation. Je souris en voyant que la blessure n'est plus aussi rouge ni boursouflée. Je nettoie de nouveau, remets de l'onguent et termine en posant un nouveau bandage propre sur la blessure.

Je suis si concentrée sur Magnar que je ne remarque pas ce qui se passe derrière moi. Il semble encore plongé dans un profond sommeil. Ce qui m'aide pour rester concentrée sur ma tâche. Mais en même temps, j'aurais aimé qu'il me voit.

Je sursaute quand j'entends un bruit sourd derrière moi. C'est le bruit d'un corps qui s'effondre sur le sol. Me retournant vivement, je me retrouve face à un Thorsten mal en point au sol, sa coupe renversée à ses côtés. Et la pauvre servante se faisant rabrouer alors qu'elle essaie juste de l'aider. Cette pauvre jeune fille finit en larmes devant la violence et la dureté des propos d'un Thorsten ivre mort qui n'arrive même pas à se relever seul.

Ayant terminé les soins du jarl, j'avance vers la servante et lui fais discrètement signe de sortir. Elle semble complètement perdue ayant peur des remontrances si elle venait à quitter son poste.

Je lui prends la main et lui murmure doucement.

_ Va dans les cuisines et demande à Adélaïde de préparer un plateau pour Thorsten. Puis apporte le dans ses appartements et dit à Adélaïde que je le ramène chez lui, poursuivis-je calmement.

La jeune fille n'attend pas son reste et sort presque en courant de la pièce. Je souffle un grand coup et m'approche timidement de lui. Il continue de prononcer des paroles qui n'ont aucun sens. Alors qu'il essaie une nouvelle fois de se relever, il s'étale de plus bel et je ne peux réprimer un sourire.

_ Qu'est-ce qui te fais sourire, . . . Eivor ? Me demande-t-il en me lançant un regard des plus noirs.

Je respire calmement puis reprends une attitude qui doit être de mon rang, . . . celui d'une captive.

_ Je vais vous aider à regagner vos appartements. Votre père a besoin de calme mais surtout il ne doit pas vous voir ainsi, dis-je le plus sérieusement du monde.

_ Je n'ai pas besoin de ton aide . . . je n'ai pas besoin de toi . . . personne n'a besoin de toi. Sauf peut être ton petit pêcheur danois. J'ai vu comment il te regardait. Son regard sur ton corps, .. . son agacement quand je suis prêt de toi . . .

Je le regarde interdite, n'en revenant pas de ce qu'il ose me dire.J'hésite entre la fierté. Fierté d'être suffisamment importante pour qu'il ait remarqué tout cela. Mais aussi fureur. Je suis furieuse qu'il ose dire ces choses, de cette manière, avec cette violence. Après tout lui aussi n'avait pas été honnête. Moi j'avais menti sur un nom pour sauver une enfant, . . . lui sur sa situation. Il avait omis de me signifier son engagement envers une autre. Alors contre toute attente, je laisse mes émotions prendre le dessus et lui répond comme aucune captive n'oserait le faire.

_ Tu n'as pas besoin de moi. Très bien. Alors lève toi tout seul et regagne donc tes appartements tout seul . . . ou mieux encore affronte donc ta mère qui sera ravi de te voir ainsi.

Ce que je viens de dire semble marcher. Il semble prendre conscience de ce qui l'attend si Vidrün le voit dans cet état. Il essaie à nouveau de se lever en s'appuyant sur le mur et finit par s'écrouler de plus belle. Je réprime de nouveau un sourire. Puis m'approche de lui pour l'aider. Je sais qu'il ne me demandera pas mon aide à cause de sa fierté mal placé. Comme tout homme viking d'ailleurs, mais je ne peux pas le laisser ainsi.

_ Laisse moi, rage-t-il alors que je m'accroupis pour passer mes bras autour de sa taille pour le maintenir comme je peux.

Je ne l'écoute pas et poursuis mon geste alors qu'il essaie vainement de se lever. Il râle mais ne me repousse pas car il a besoin de moi pour rejoindre ses appartements. Vue l'heure matinale, nous ne croisons pas grand monde, juste quelques servantes qui déambulent vers les appartements de leurs maîtres.

Personne ne nous regarde, ce qui me va très bien. Nous avons réussi à faire le trajet sans qu'il ne tombe. Je pousse un soupire de soulagement quand je vois la porte sculptée de ce dernier.

J'aide Thorsten à entrer et l'emmène jusqu'à sa chambre où je marque un temps d'arrêt. Je me rappelle alors ce que nous avions fait dans cette pièce. Les baisers, les caresses, les promesses et paroles que nous avions échangés entre ses murs. Irrémédiablement les larmes me brûlent les yeux mais je prends sur moi.

Les grognements de Thorsten n'arrivant pas à enlever ses chaussures me ramènent à la réalité . . . ma réalité de servante. Rapidement je m'approche de lui et m'agenouille pour l'aider. Je m'acquitte rapidement de ma tâche et alors que je me relève . . . Thorsten saisit mes poignets et m'attire à lui. Je me retrouve à genoux prisonnière de son étreinte alors qu'il est assis sur le lit.

Sans que je puisse la contrôler, ma respiration s'accélère tout comme la sienne. Ses yeux capturent les miens alors que la pression de ses doigts sur mes mains se transforment en une douce caresse. Caresse qui recouvre mon épiderme de frissons.

_ Que m'as-tu fait ? Finit-il par murmurer doucement en posant son front contre le mien.

Alors que j'ouvre la bouche pour essayer de formuler une réponse cohérente, Thorsten plaque durement ses lèvres contre les miennes. D'abord interdite, je n'ose pas bouger. Puis le baiser devient plus doux, plus tendre, plus amoureux . . .

Et là toute ma raison m'abandonne une fois de plus . Je me laisse aller. Même si la douleur qui suivra n'en sera que plus forte, plus dure. J'apprécie cette bulle de douceur. Puis insidieusement ma raison se réveille et me rappelle à quel point ce que nous faisons est interdit.

Je rassemble alors toute la force et le courage qui sont en moi pour me redresser vivement mettant fin à cette étreinte. D'abord interdit par ma réaction, son visage finit par se crisper. Je prends alors les devants en parlant la première alors que son regard se fait de glace.

_ Je me dois de retourner auprès de votre père. C'est bien mon rôle et ma tâche, il me semble. Ou dois-je coucher avec vous avant . Est-ce là aussi une de mes attributions, lui rétorquais-je vivement.

Mes paroles sont dures et violentes mais mon but est de le bousculer pour me permettre de me soustraire à son emprise. Son regard et son visage se ferment. Je m'attends à des propos durs, . . . blessants. Mais il reste interdit même si ces propos sont durs et froids.

_ Je n'ai jamais forcé une femme à coucher avec moi. Je n'ai jamais eu besoin de la force ou la contrainte pour amener une femme dans ma couche, me répond-t-il cinglant comme si l'alcool s'était soudainement évaporé. Maintenant va voir mon père. Tu lui seras sans doute plus utile qu'à moi, termine-t-il avant de me tourner le dos.

Je ferme les yeux quand il me tourne le dos et expire doucement le temps de reprendre une certaine contenance. Sans un regard en arrière, je quitte les appartements de Thorsten pour ceux de Magnar.

Audvald est comme tout à l'heure devant la porte ? Quand il me voit, il se décale et ouvre la porte avec un signe de tête respectueux. Je me dirige tout de suite vers la chambre du jarl et prépare l'onguent et les bandages propres. Absorbée par ma tâche, je ne remarque pas que Magnar s'éveille doucement. Alors que je fixe le bandage sur sa poitrine, une main se pose sur la mienne.

J'étouffe un cri de surprise et lève les yeux vers Magnar qui plonge son regard dans le mien. Nous restons un moment à nous observer en silence jusqu'à ce qu'il prononce ce mot . . . ce prénom . . . qui fait éclater à lui seul la vérité sur mes origines.

_ Eléanore . . .



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