Chapitre 37

Je reste blottie au creux des bras protecteur d'Ulrik. Son odeur, sa voix, sa présence me rappellent l'époque où ma vie était simple, facile, . . . loin de lui, . . . loin de Thorsten. Comme je regrette ma vie de jeune esclave. Une vie à ne soucier que des tâches quotidiennes à accomplir. Pour certains, cette vie simple pourrait sembler dure, pénible ou encore peu valorisante. Mais pas pour moi, car cette vie simple était la mienne depuis mon plus jeune âge. Et j'aimais cette vie simple.

Je ne dis rien et reste dans ses bras, contre lui, contre ce qu'il me rappelait de ma vie d'avant qui à cet instant me manquait cruellement. J'avais besoin de me raccrocher à quelque chose ou à quelqu'un que je connaissais et qui savait qui j'étais vraiment. À cet instant, je sais qu'Ulrik ne me laissera pas. Il sera là pour me protéger contre la tempête qui se soulève doucement mais sûrement autour de moi.


Au moment où l'on cogne contre la porte de la chambre de mon père, je me redresse d'un bond ayant le secret espoir de voir Eivor franchir celle-ci pour me rejoindre même si je sais que cela est impossible.

J'indique à la personne d'entrer, me rappelant que cette dernière est seule et livrée à elle-même dans une forêt qu'elle ne connaît pas le moins du monde. À cette simple pensée, mon cœur se serre et me fait ressentir une émotion que je ne connaissais pas encore. S'il lui arrivait quelque chose, je ne sais pas comment je réagirais pour être honnête. Mais l'arrivée de Dagny dans la chambre me ramène à la réalité. Quand elle s'arrête devant moi, je suis face à une jeune fille penaude et embarrassée, ce qui est étonnant quand on connaît son caractère si enjoué.

_ Qui y a-t-il Dagny ? Demandais-je plus vivement que je ne l'aurais voulu.

Elle s'approche timidement de moi sans jamais oser me regarder. Et c'est toujours en gardant les yeux rivés au sol qu'elle commence à parler d'une voix lointaine.

_ Je pense qu'il y aurait peut être une façon d'aider votre père, de le soulager et pourquoi pas de le sauver. Elle, pourrait l'aider, termine-t-elle dans un murmure à peine audible, . . . puis elle marque une pause comme si elle hésitait à poursuivre de peur de ma réaction.

_ Quelle est ton idée ? Tu penses que ton père aurait pu oublier un traitement qui pourrait aider mon père. Fais bien attention à ce que tu dis. Cela pourrait avoir de lourdes conséquences pour ton père, terminais-je cinglant à l'idée que tout ne soit pas fait pour sauver un homme tel que mon père.

À mon ton, Dagny recule de plusieurs pas le visage inquiet. Puis elle semble reprendre une certaine contenance et reprend aussi calmement qu'elle le peut.

_ Non, non, ne croyez pas cela. Mon père a utilisé toutes ses connaissances pour venir en aide à notre jarl . . . tout comme moi d'ailleurs . . . Mais il y a quelqu'un qui connaît de nombreux remèdes que ni mon père ni moi ne connaissons. De plus elle sait utiliser des plantes que nous ne connaissons pas ou que nous n'avons pas l'habitude d'utiliser, termine-t-elle un peu gênée d'avouer que les compétences de son père n'étaient pas aussi étendues qu'elle le pensait.

_ Tu penses à Eivor, lui répondis-je perdu dans mes pensées à l'évocation de son prénom. Puis la réalité me revient de plein fouet au visage. Je n'ai pas la moindre idée de l'endroit où elle se trouve. J'avais laissé des hommes du clan partir à sa recherche au lieu de le faire moi-même. J'inspire profondément pour reprendre une contenance et chasser de mon esprit la vision de son doux visage.

_ C'est une très bonne idée. Mais cela va être difficile car je ne sais pas où est Eivor pour l'instant, dis-je le plus posément possible afin de garder mes émotions pour moi.

Mais à ma surprise, le visage de Dagny s'éclaire d'un léger sourire que je ne comprends pas tout de suite.

_ Ulrik l'a retrouvée et l'a ramenée chez lui. Elle est un peu faible mais elle se remettra vite, elle est forte, . . .

_ Pourquoi Ulrik ne l'a pas ramenée au château ? Lui coupais-je la parole, agacé par l'initiative de ce dernier à la ramener chez lui au de la ramener auprès de moi.

Le sourire de Dagny s'efface devant mon visage redevenu dur et impassible et certain malaise se lit sur son visage enfantin.

_ Tu devrais voir cela avec lui directement. Je n'ai pas toutes les informations, reprend-t-elle plus mal à l'aise que jamais. Il est clair qu'elle sait des choses qu'elle se refuse à me dire.

J'ai envie et besoin de savoir de quoi il en retourne. Mais pour l'instant ce qui importe c'est la santé de mon père et rien d'autre même si j'ai du mal à l'accepter. Je m'occuperai du manque de respect d'Ulrik plus tard. L'essentiel étant la survie de mon père . . . et le bien être d'Eivor.

_ Bien, acquiesçais-je pour mettre un terme à cette conversation. Fais la venir le plus vite possible au chevet de mon père.

Elle ne dit rien, semblant réfléchir à une réponse, puis elle reprend cette fois pleine d'assurance.

_ Je pense pouvoir la faire venir dans l'heure.

_ Et bien, vas-y, répondis-je simplement en l'invitant d'un signe de tête à se retirer.

Rien que d'avoir, évoquer son prénom mon cœur bat plus fort et plus vite. Mais je dois me reprendre, il y a . . . j'ai des priorités que je ne peux malheureusement plus occulter.


Peu à peu sous les paroles réconfortantes d'Ulrik, j'arrive à calmer mes sanglots. Je rassemble peu à peu mes idées. À regret, je m'écarte doucement du torse chaud et protecteur de ce dernier sans pour autant quitter le cocon protecteur de ses bras. J'inspire profondément pour pouvoir articuler quelques mots.

_ Merci Ulrik, Merci pour tout vraiment. Tu n'étais pas obligé. Puis je baisse les yeux, je crois que je devrais manger quelque chose, terminais-je avec une voix que je peinais moi-même à reconnaître.

Ulrik me sonde avec son regard gris acier avant de se relever en me relevant avec lui. La façon dont il me regarde est d'une telle intensité que mes joues s'empourprent sans que je ne puisse rien y faire. Il pose alors sa main sur ma joue avant de me répondre.

_ Suis-moi, il y a ce qu'il te faut à côté, reprend-t-il avec douceur.

Sans un mot, je le suis après avoir simplement acquiescé. Mes yeux s'arrondissent quand je vois le plateau avec autant de bonnes victuailles. Sans crier gare mon ventre se rappelle à moi et se met à gronder. Ulrik rit face à mon air gêné et je finis par rougir comme à mon habitude.

_ Sers toi. Mange à ta faim. Tu dois reprendre des forces, reprend-t-il plus sérieusement en poussant le plateau vers moi.

Je m'assois et commence à manger, ce qui me fait énormément de bien. Mais je sursaute quand on frappe à la porte. Ulrik pose sa main sur mon bras se voulant rassurant. Bien que ce geste m'apporte un certain réconfort, je sais que je ne devrais pas être là avec lui, ici. Et j'ai peur de ce qui pourrait lui arriver rien que pour m'avoir simplement aider.

_ Ne bouge pas je m'en occupe. Tu ne risques rien ici, me répond-t-il avant de se diriger vers la porte la tête haute et la démarche assurée.

Mais mon corps se détend instantanément quand je vois Dagny rentrer dans la pièce suivi par Ulrik. Je n'ai pas le temps d'ouvrir la bouche que cette dernière se jette dans mes bras.

_ Je suis tellement heureuse que tu ailles bien. Tu vas bien n'est-ce pas ? Me demande-t-elle.

J'ai à peine le temps d'acquiescer que son visage devient plus sérieux. Je devine aisément que ce qu'elle va me dire ne doit pas être des plus faciles. Je décide alors de l'aider un peu.

_ Que vais-je devoir faire ? Lui demandais-je en la regardant droit dans les yeux.

Le fait qu'elle ne soutienne pas mon regard ne me dit rien qui vaille. Pourtant elle inspire et finit par prendre la parole.

_ Il faudrait que tu vois notre jarl Magnus. Que tu l'auscultes. Je sais que c'est beaucoup te demander quand on sait que nous t'avons enlevée et que maintenant on te demande de soigner le commanditaire de celui qui t'a fait ça. Mon père et moi avons essayé tout ce que nous connaissions . . . mais rien ne semble le guérir, ni même le soulager depuis quelques temps, termine-t-elle toujours le regard baissé.

_ Je comprends ce que tu me dis mais je ne vois pas ce que je pourrais faire de plus, lui répondis-je le plus humblement du monde.

Dagny prend alors une grande inspiration en prenant mes mains dans les siennes.

_ Je sais que je ne devrais pas dire cela mais . . . tu connais bien plus de choses sur les plantes et les onguents que mon père et moi réunis. Et même si ce dernier se refuse à l'admettre, je ne peux plus garder le silence, il en va de la santé de notre jarl, de sa vie . . . termine-t-elle émue.

Je ne sais pas si je pourrais faire quelque chose de plus mais le fait de savoir que cet homme est probablement mon père me donne l'envie de le voir. Mais en même temps la peur me paralyse. Que ferais-je devant cet homme ? Pourtant la seule façon de le savoir et de me rendre à son chevet. Alors que je me lève pour suivre Dagny, Ulrik se place devant moi et pose ses larges sur mes épaules.

_ Tu ne leur dois rien, absolument rien. Ne va pas là-bas, reste avec moi, ici. J'obtiendrais que tu puisses rester avec ici. Je te protégerai, me dit-il le plus sincèrement du monde.

Pendant un bref et court instant, j'hésite. Connaissant Ulrik et la place qu'il avait prise sur l'île aux cotés de Gunnar dans les rangs des guerriers, je ne doutais pas de ce qu'il avançait. Et même si je ne pouvais clairement pas vivre mon amour avec Thorsten, je trouvais odieux de choisir Ulrik par défaut. Mais la protection qu'il me proposait m'apaisait. Car l'idée de me retrouver dans le château avec Vidrün et Sigfrid me terrifiait autant quelle me soulevait le cœur.

_ Je comprends tes inquiétudes Ulrik. Mais je me dois d'essayer de faire quelque chose pour cet homme quoi qu'il m'ait fait. Sinon à quoi servirait toutes les connaissances que l'on m'a enseignées pendant mon enfance. Comment me regarderait celle qui m'a tout appris, dis-je en le regardant. Lui et moi savions très bien que je parlais de sa grand-mère, une des femmes les plus importantes pour lui.

Il semble baisser sa garde mais son regard intense me fixe comme s'il pesait le pour et le contre de me laisser partir. Alors je prononce les mots qui l'apaiseront pour qu'il me laisse rencontrer cet homme.

_ Je vais voir si je peux l'aider et Dagny me ramènera auprès de toi ma mission terminée, lui répondis-je en soutenant son regard.

Sur ces paroles, il pose délicatement ses lèvres sur mon front et me murmure de faire attention à moi avant de me laisser partir avec Dagny, avant de me laisser rencontrer mon père . . .

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