Chapitre 35
Lorsque je me réveille, je suis seule. Thorsten est probablement déjà dehors à couper du bois ou chasser. Je m'étire et me prépare en repensant à notre nuit mais . . . surtout au confidence de Thorsten sur la tragique histoire d'amour de son père avec cette jeune irlandaise. Je ne sais pas dire pourquoi, mais cette histoire me trouble. Je ne peux m'empêcher de penser au destin tragique de cette jeune femme ainsi qu'à celui de son enfant.
Enfant que Thorsten était venu chercher dans mon petit village du Danemark. Mon cerveau se met à cogiter et . . . c'est là que je sens mes mains se crisper sur le rebord de la table. Tout ce que m'avait dit Thorsten vient lentement mais sûrement se superposer à ce que je sais de ma propre histoire. Je suis la fille d'une esclave morte en couche. En ce qui concerne mon père, je n'ai pas la moindre information mais au village tout le monde s'est toujours montrer très gentil avec moi, alors qu'au final je n'étais qu'une simple esclave alors pourquoi . . .
J'ai toujours mis cela sur le compte du fait que je n'étais qu'une orpheline dont la mère était morte en couche. Mais il est vrai aussi que la famille du jarl a toujours gardé un œil sur moi . . . Surtout Bergthora la mère de Magnus et Joründ et . . . et si . . . et si c'était . . . Mais cela n'est pas possible. Je . . . je . . . je ne peux pas être cette enfant. Je ne peux pas être la fille que Magnar a eu avec cette jeune irlandaise . . . Mon dieu Magnar . . . Thorsten . . . Oh par tous les dieux, Thorsten est le fils de Magnar . . . ce qui signifie que ce dernier n'est autre que mon . . . je refuse de dire le mot, . . . ce mot . . .
Alors que mon cerveau semble intégrer cette information dès plus horrible . . . mon cœur se brise en milliers de morceaux, tandis qu'une violente nausée me cloue sur place. Comment ? . . . Comment pouvais-je ressentir de telles émotions ? Un tel amour pour cet homme qui n'est autre que mon . . . ? Face à de telles émotions aussi violentes, que contradictoires et douloureuses, mes jambes cèdent et je m'effondre sur le sol en larmes.
J'avais beau retourner tout ce que je savais de mon enfance pour trouver un indice, quelque chose qui ferait que je ne suis pas cette petite fille, . . . mais malheureusement tout va dans ce sens. Et le pire, c'est que je comprends maintenant les propos virulents de Vidrün. Et je ne peux guère la blâmer d'avoir cette réaction à mon égard.
Mes sanglots redoublent d'intensité si cela est encore possible. Ma respiration est de plus en plus irrégulière. Mes larmes m'aveuglent complètement. Je ne sais pas combien de temps, je reste ainsi prostrée sur le sol . . . mais . . . mais ce que je sais . . . c'est que je ne peux pas rester ici, et l'affronter.
Je me redresse tant bien que mal, telle une poupée de chiffon, j'attrape ma cape et sors. Car même si nous étions au printemps, l'air vif du matin me fouette le visage et brûle mes yeux remplis de larmes. Je serre un peu ma cape contre moi . . . mais à l'intérieur je suis toujours transie de froid. Et rien ne pourra plus jamais me réchauffer. Je me sens si vide et . . . je le resterai désespérément . . .
Une fois dehors, je m'engage sur un sentier à peine visible espérant qu'il me ramène au château . . . mais est-ce la bonne solution ? Ne devrais-je pas disparaître une bonne fois pour toute ? . . .
J'allais prendre le dit chemin . . . quand je décide sans me décider. Ce sont mes jambes qui me portent dans le cœur de la forêt. J'avance sans réellement savoir ou voir je vais la vue brouillée par mes larmes qui ne se tarissent pas.
Au bout de longues heures de marche, ma progression devient de plus en plus difficile. La végétation est de plus en plus dense. Et ma robe, rendue lourde par la boue, entrave mes pas. Au bout d'un moment, je me sens lasse, fatiguée,quand au ciel, il s'assombrit. À bout de force, moralement et physiquement, je finis par me laisser choir au pied d'un arbre. Avec la nuit, le froid se devient plus mordant. Je me recroqueville sur moi m'entourant de ma cape humide en espérant garder le peu de chaleur qu'il me reste encore.
Mon esprit et mon cœur tourmentés finissent par me laisser quelques instants de répit. Je finis alors par sombrer dans un sommeil sans rêve . . .
Les premières lueurs de l'aube me réveillent avec douceur. Je ne peux réprimer le sourire qui se dessine sur mes lèvres quand je vois les rayons de l'aube se refléter dans les cheveux et sur son doux visage. Ma main caresse ses cheveux et elle se niche un peu plus contre moi, faisant de moi le plus heureux des hommes.
Mais comme le nuage qui passe devant les doux rayons de ce soleil matinal assombrissant la pièce, ma condition et ma réalité me rattrapent brutalement voilant de noirceur ce moment de bonheur. Car alors que je serre contre moi celle qui représente ce qu'il y a de plus important au monde pour moi. Je sais que je suis promis à une autre qui porte mon enfant. Et même si je ne ressens aucun amour pour sa mère, cet enfant à venir doit avoir un statut quoi que je décide . . .
En effet, je repousse ce moment, celui de la décision, depuis trop longtemps. Je me dois d'affronter la situation et de trouver une solution qui me permettra d'avoir Eivor à mes côtés comme unique compagne et de donner un statut à mon futur enfant.
Comprenant que je n'arriverai pas à prendre une décision en restant ici. Je me lève doucement prenant soin de ne pas la réveiller. Je ne peux m'empêcher de la contempler, comme je ne peux empêcher mon cœur de se gonfler en la regardant ainsi. Je dois me faire violence pour ne pas la réveiller et déposer mille baiser sur son corps.
Je me raisonne, m'habille rapidement et sors. L'air frais me revigore et je m'enfonce dans la forêt pour marcher. Cette dernière est mon refuge. Son calme et sa verdure m'apaisent me permettant de toujours trouver une solution à mes problèmes.
Pourtant cette fois, rien ne me vient pour solutionner ma situation. Soit je renonce à Eivor, ce qui me semble intolérable, . . . soit je perds tout droit sur mon enfant. Mais je risquerais aussi la sécurité de mon clan, ce qui est beaucoup plus préoccupant. Tous les membres de ma famille n'ont pas à se retrouver au milieu d'une guerre que j'aurais déclenché par amour. Pourquoi Sigfrid et sa famille accepteraient que je ne l'épouse pas alors qu'elle attend mon enfant. Ne trouvant plus de solution, la rage et le désespoir montant en moi, je donne un premier coup de poing dans le chêne devant moi. Puis un second, . . . un troisième, . . . un autre et encore un autre, . . . Je ressens pas la douleur, juste un liquide chaud et poisseux recouvrir mes mains et le tronc de l'arbre. Pourquoi m'avoir fait rencontrer et aimer une femme magnifique que je ne pourrais probablement jamais avoir.
Je n'avais plus qu'une seule solution, rentrer au château et tout révéler à mon père. Lui seul pourrait me comprendre et m'aider à faire le bon choix. Lui aussi avait connu ce genre de situation . . .
Je rentre d'un pas vif jusqu'à notre cocon protecteur mais avec un étrange pré sentiment. À l'intérieur de la pièce principale, je suis surpris de ne pas la voir s'affairer avec son sourire et ses yeux pétillants. Depuis que nous étions seuls, elle était redevenue souriante et enjouée. Je la cherche rapidement mais ne la trouve pas.
Je finis par sortir et arpenter les abords de la maison. Ne la trouvant nul part, je commence à m'inquiéter. Mais je me ressaisis sachant qu'elle aime cueillir des plantes pour créer ou renouveler le stock de plantes médicinales. Alors je rentre m'allonger quelques instants en attendant son retour.
Mais je devais être beaucoup plus fatiguer que je ne le pensais car à peine allongé, je sombre dans un profond sommeil. Quand je me réveille, la luminosité a déjà fortement baissé et mon cœur se serre ne voyant toujours pas Eivor. Cette fois, un sentiment étrange me glace le cœur, la peur. Peur qu'elle se soit perdue dans la vaste forêt. Peur qu'elle se soit blessée. Sans hésiter une seconde de plus, je me lève et me dirige prestement vers la porte. Au moment où je l'ouvre, je me retrouve face à Gunnar. Mais mon ami n'a pas la tête des bons jours, lui d'habitude toujours si goguenard. Bien au contraire sa mine est grave et sérieuse. Et pendant un instant, il me semble voir des larmes remplir son regard. J'allais prendre la parole quand ce dernier me devance.
_ Mon ami, tu te dois de rentrer au plus vite. Ton père, notre jarl, se meurt, . . . il te faudra remplir tes devoirs de fils mais aussi ceux de chef de clan, termine mon ami de toujours.
Je le regarde interdit, comprenant ce qu'il vient de me dire. Comprenant que l'homme qui m'avait élevé comme son propre fils était aux portes de la mort. J'allais devoir reprendre les choses en main, poursuivre son œuvre et cela peut importe ce que mon cœur pouvait vouloir ou penser. Voyant que je ne dis toujours rien, Gunnar reprend la parole.
_ Nous ne devons partir sur le champ, il ne tiendra plus longtemps, me dit ce dernier mal à l'aise.
_ Oui, . . . mais je ne sais pas où est Eivor ? Lui répondis-je en le suivant.
_ Mon frère, elle n'est pas la priorité pour l'instant, mais voyant ma détresse, il reprend. Je vais envoyer des hommes de confiance à sa recherche, termine-t-il en me donnant une accolade réconfortante.
Je récupère mon cheval et suis mon ami vers le château. J'avance dans la forêt laissant derrière moi mon bonheur pour faire face à mes responsabilité.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top