Chapitre 31
J'essaie encore de comprendre ce que vient de me dire Sigfrid. Ma main reste sur son ventre légèrement rebondi pendant les instants où mon cerveau intègre toutes ces nouvelles. Et quand Sigfrid tente de poser sa main sur la mienne, je la retire vivement ce qui me vaut une grimace de tristesse de sa part. Mais il m'est impossible de lui donner plus . . . pas tout de suite. Je m'adosse contre le mur derrière moi pour reprendre mon souffle, mes esprits.
_ Tu ne sembles pas heureux de cette nouvelle, me chuchote-t-elle le regard triste mais pas seulement.
Je la regarde interdit, incapable de lui dire la vérité. Car la vérité c'est que je ne veux pas de cet enfant, tout du moins pas avec elle . . . mais je n'avais pas le choix, . . . plus maintenant en tout cas. Alors je n'avais pas le droit de faire souffrir Sigfrid. J'essaie donc de me comporter comme je le devrais et essaie d'atténuer les craintes et la tristesse de celle qui sera ma future épouse.
_ C'est soudain. L'arrivée de cet enfant me comble de joie autant qu'elle me surprend. C'est . . . c'est juste que j'aurais aimé que les choses se déroulent dans l'ordre, terminais-je avec un sourire qui ressemble j'en suis sûr plus à une grimace.
Suite à ma déclaration, elle se jette dans mes bras et se met à pleurer.
_ Oh Thorsten, . . . je suis si heureuse que tu sois là, . . . j'ai tellement hâte que nous soyons mariés, pleurniche-t-elle contre mon torse.
Je mets quelques instants à répondre à son étreinte et là encore je n'arrive pas à me laisser emporter par ce moment de tendresse.
_ Justement en parlant de notre mariage, je dois discuter avec mon père des derniers arrangements, dis-je en m'échappant de son étreinte.
_ Comme cela, reprend-t-elle sur la défensive. De quoi veux-tu parler ? Tout est déjà arrangé entre nos deux familles. Les noces sont prévus pour la semaine prochaine, ma famille commence à arriver dès demain, rétorque-t-elle quelque peu hautaine.
Je n'apprécie guère la façon et le ton avec lesquels elle me répond. Je ne suis pas un des ses serviteurs, je suis le futur jarl ce clan et son futur époux.
_ Je parlerai avec mon père. Je dois le mettre au courant de ta . . . de notre situation, lui répliquais-je vivement.
_ Il est déjà au courant . . . enfin je suppose, reprend-t-elle plus faiblement. Je me confiais à ta mère, qui m'a d'ailleurs apportée un grand soutien, termine-t-elle clairement mal à l'aise cette fois, enfin me semble-t-il.
_ Comment as-tu osé mêler ma famille à cela sans même m'en avoir parler avant. Nous ne sommes même pas encore mariés, lui rétorquais-je avant de lui tourner le dos.
Ce qu'elle me dit m'a rendu fou de colère. Comment avait-elle pu parler de choses aussi intimes qu'embarrassantes à un membre qui n'est pas de sa famille mais de la mienne. J'ai besoin de me calmer, de prendre l'air pour remettre mes idées en place et prendre les bonnes décisions. Comme à chaque fois, je quitte rapidement le château et m'enfonce dans la forêt pour me calmer.
Après plusieurs heures à errer au grès des sentiers sous le couvert des arbres, l'aube se lève doucement éclairant le ciel de ses lueurs orangées. Je me résous à regagner le château et décide d'exposer la situation dans laquelle Sigfrid et moi sommes. Je veux qu'il entende une version de ma voix.
Je suis pleinement conscient que mon entretien avec ce dernier ne changera rien. Car au vue de la situation actuelle, je serai rapidement uni à Sigfrid que cela me plaise ou non. Et l'enfant qu'elle porte, mon enfant doit grandir auprès de moi, son père.
Avant de gagner les appartements du mien, je décide de prendre des forces en passant par les cuisines. Étonnamment, je n'entends aucun éclat de voix ni la gouaille légendaire de la maîtresse des lieux. On pourrait presque croire que les cuisine sont vides. Pourtant quand je passe la porte, . . . Adélaïde est bien là, menant son petit monde pour organiser le petit-déjeuner des membres du château.
Je m'approche derrière elle et l'enlace pour la faire sursauter. Je m'amuse à ce petit jeu depuis mes dix ans, âge auquel j'ai atteint la même taille qu'elle. Mais là au lieu de me réprimander avec son éternelle sourire bienveillant. Cette dernière se détache de mon étreinte et fait une annonce à voix haute et claire.
_ Sortez tous de cette cuisine, . . . maintenant, ordonne-t-elle.
Son ton est si vif, que pendant un instant, j'hésite moi-même à sortir de la pièce. Mais quand ses yeux se posent sur moi, je comprends que je ne m'en sortirai pas si facilement face à ma nourrice.
_ Assieds-toi mon garçon, dit-elle en faisant de même.
Je prends place et la laisse parler n'ayant pas la moindre idée de ce que j'ai pu faire pour la mettre dans une telle colère.
_ Écoute Thorsten, je te considère comme mon fils n'en déplaise à ta mère. Mais ce qui s'est passé est absolument inacceptable, commence-t-elle.
_ Je sais que j'ai été un peu brusque avec Sigfrid mais nous allons nous marier autant qu'elle s'habitue à mon caractère un peu brutal, répondis-je en essayant de plaisanter pour détendre l'atmosphère tendue.
Elle me contemple comme surprise par ce que je viens de dire. Apparemment ce n'est pas ce qui s'est passé avec Sigfrid qui la met dans un tel état. Elle ouvre plusieurs fois la bouche, cherchant les bons mots sans doute. Puis elle reprend toujours aussi fermée.
_ Peu m'importe ce qui peut arriver à cette Sigfrid. D'ailleurs à ta place, je réfléchirais à deux fois avant de m'unir à une telle vipère, . . . mais là n'est pas le problème.
Je la regarde interdit, c'est la première fois que je voyais Adélaïde si contrariée. Jamais elle ne m'avait parlé ainsi, alors c'est que ce qui va suivre est important.
_ Eivor, la jeune princesse que tu as ramenée de Nord. Sigfrid et ta très chère mère lui mène la vie dure. Elle est complètement terrorisée par ces deux femmes. Et hier, je ne sais pas ce qu'il s'est passé . . . mais Aurora a retrouvé la petite frottant les dalles, les mains en sang, le visage ravagé par les pleurs. La pauvre enfant n'a pas su se relever, elle a perdu connaissance et ne s'est pas réveillée depuis, . . . cela va trop loin, Thorsten, beaucoup trop loin.
_ Comment cela, elle s'est évanouie. Où est-elle ? Qui la soigne ? Comment va-t-elle ? M'inquiétais-je me moquant parfaitement de ce que l'on pouvait penser de moi me faisant un sang d'encre pour une simple captive.
Je me redresse d'un bon et me dirige vers la porte quand Adélaïde saisit mon bras avec vigueur.
_ Alors je ne me suis pas trompée. Que représente-t-elle pour toi, mon garçon ? Reprend-t-elle avec douceur.
Je n'arrive pas à dire un mot et baisse les yeux comprenant bien la situation délicate dans laquelle je suis. Que pouvais-je lui dire ? Que je m'inquiétais plus pour une esclave que pour la mère de mon enfant à venir ? Adélaïde pose sa main, rendue rugueuse par des années de services dans les cuisines, sur mon visage pour m'obliger à la regarder.
_ C'est bien ce que je pensais, poursuit-elle tendrement.
_ Que veux-tu dire nourrice ?
_ Ta façon de la regarder dans la cour quand tu crois que personne ne te voit. À ta façon de la vouloir à ton service alors que tu te moques de qui gère tes affaires du moment que c'est fait à ton goût, termine-t-elle en souriant.
Adélaïde m'a toujours compris, bien plus que ma mère d'ailleurs, d'où cette rivalité entre elle. En me regardant, elle a compris ce que je ressentais chose que moi-même je me refusais d'admettre. Je la serre dans mes bras.
_ Où est-elle ? Lui demandais-je avec un sourire.
_ Sigfrid oblige les filles à loger dans les cellules de la tour Nord, me répond-t-elle clairement dégoûtée.
Comment pouvait-elle faire cela ? Ces cellules sont exposées au vent et extrêmement humide. Normalement, elle ne doivent pas être utilisées tant que nous nous n'avons pas terminé les travaux. J'allais quitter les cuisines quand Adélaïde me rappelle une dernière fois.
_ C'est une jeune fille douce et bonne. Quoique qu'il se passe, ne l'oublie pas, termine-t-elle avant de se remettre à son travail.
En sortant, je n'ai qu'une idée en tête aller la voir. Rapidement je me dirige vers ces cellules humides et froides. J'arrive au moment où Aurora sort de l'une d'entre elle.
_ Où est Eivor ? Demandais-je sans plus de préambule.
_ Bonjour, elle se repose dans notre chambre, me répond-t-elle en baissant la tête.
Je m'apprête à entrer mais je lui demande avant d'aller chercher Dagny pour que cette dernière nous rejoigne dans mes appartements. Je ne prête guère attention à son air outré.
J'entre dans cette pièce sombre, humide, froide, et vois Eivor sur une paillasse plus que douteuse, dans sa chemise. Son front perle de sueur et elle grelote sous la mince couverture qu'elle tient fermement. Mon sang ne fait qu'un tour en la voyant ainsi, je ne pense qu'à elle et ne réfléchis pas aux conséquences de mes actes.
Je la soulève délicatement. Je cale sa tête contre mon torse, un bras sous ses épaules l'autre sous ses genoux. Quand je me redresse, son corps se colle naturellement contre le mien et une douce chaleur m'envahit. Une chaleur que je n'avais connu qu'avec elle sur notre île. Et à cet instant, je me rends compte de combien cela m'avait manqué, de combien elle m'avait manqué.
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