Chapitre dix-huit

   Voilà maintenant trois jours depuis l'interrogatoire de police. Tomura ne manquait en rien à sa tâche et donnait l'information promise à Susumu. Le second appel la prit de surprise, à midi et demi, en plein couloir. Par chance, cette dernière ne se trouvait avec personne, ce qui lui donna l'occasion de s'éclipser dans les premières toilettes.

« — Tu lui as déjà parlé. »

Il raccrocha immédiatement une fois ces mots prononcés. La jeune femme mit quelques minutes pour se reprendre. Depuis la mort de ses parents, elle n'avait jamais cherché à comprendre les circonstances de leur décès. Préférant vivre sans se poser la moindre question, ce choix semblait aujourd'hui remis en question. Si cette personne, si inatteignable, presque effacée du tableau, était finalement si proche, tout changeait.

Très vite, Busujima érigea une liste mentale de tous les principaux suspects. Elle ne parlait qu'à très peu de monde. Brièvement ou non. Le seul obstacle afin de réduire la liste était de savoir dans quelle chronologie Tomura se plaçait, lui et ses affirmations : celle d'avant le meurtre de ses parents ou après. Le troisième appel n'aida pas plus ses recherches.

« Il est au Japon.»

Mise à part un sentiment de paranoïa qui commençait à s'immiscer au fond de ses entrailles, Susumu n'en récolta rien. Il pouvait être n'importe où, dans le pays. Proche comme éloigné. Et ne pas avoir la moindre idée de l'imminence de la menace affecta son sommeil. Sans compter la présence d'Amalia chez elle, terrifiée qu'il puisse découvrir sa collaboration avec un Vilain, il remarquait chaque changement d'humeur la concernant. La violette faisait de son mieux afin d'éviter le plus possible le troisième année. Ce qui, à sa plus grande surprise, fonctionna. Du moins, jusqu'au quatrième appel.

« — Il est dans la région. »

La goutte d'eau qui fit déborder le vase. Sans manger, Susumu quitta Yuei et prit la route du commissariat le plus proche. Le bus déposa la jeune femme en face du bâtiment vers treize heures. Déterminée, elle franchit les portes. Par chance, personne n'attendait. Cette dernière s'approcha du guichet où un homme en train de manger regardait son écran. Il leva les yeux, déposa sa fourchette et avala les restes dans sa bouche.

— Je peux vous aider ? s'enquit-il.

— Oui, j'aimerais accéder aux dossiers d'une affaire non classée. Le massacre du quatorze juillet.

— Ah ? Pourquoi ?

— Mes parents, les Busujima, en sont les principales victimes. On m'a placée sous surveillance et je n'ai jamais ni eu l'occasion d'être à leur enterrement ou d'accéder à un quelconque détail concernant leur décès.

Il la regarda de haut en bas, ses lunettes tombant sur son nez. L'homme semblait avoir presque la trentaine, brun. Elle déglutit, de peur d'avoir ruiné ses chances d'accéder au dossier.

— Je n'ai pas le droit de te laisser consulter quoi que ce soit, soupira-t-il. C'est toute une procédure administrative. Par contre, je peux t'aiguiller sur les papiers et...

— S'il vous plaît, supplia-t-elle. Je n'emporterais rien, je veux juste savoir comment ils sont morts. C'est difficile de faire mon deuil.

L'homme regarda de droite à gauche afin de vérifier si qui que ce soit se trouvait aux alentours. Il se massa l'arcade sourcilière puis se leva de sa chaise.

— Attends-moi ici, déclara-t-il.

Il disparut derrière une porte battante. Nerveuse, Busujima vérifia l'heure. Presque treize heures vingt. Si elle ne rentrait pas pour les cours de cet après-midi, le lycée risquait de s'inquiéter. La dernière chose dont elle avait besoin était d'attirer l'attention sur sa personne. Le policier revint avec un dossier en papier contenant plusieurs documents. Il déposa le tout sur le comptoir de l'accueil.

— Papier d'identité, s'il te plaît.

La violette s'activa. Elle sortit sa carte et la lui montra. Une fois son nom de famille vérifié, il l'autorisa à se saisir du tout.

— Ce sont des photocopies du vrai, précisa-t-il. Prends-les et ne reviens jamais ici.

— Merci énormément, monsieur !

Sans demander son reste, elle rangea les papiers à l'intérieur de son sac et s'éclipsa. Susumu courut afin de prendre le bus. Pile à temps, c'est dix minutes avant la sonnerie que la jeune femme arriva. Sans prêter la moindre attention aux autres élèves, elle courut jusque dans les toilettes du rez-de-chaussée et s'enferma dans l'une des cabines. Le dossier entre ses mains, la violette hésita une demi seconde.

« — Il est dans la région. »

Cette simple phrase effaça tous les doutes. Ses doigts parcoururent les rapports de police, les déclarations de héros, civils ou suspects. Rien de tout ça ne lui apprit quoi que ce soit. Ils disaient tous la même chose : ses parents patrouillaient lors de l'inauguration du centre commercial. Son père a traversé la verrière et s'est écrasé tout en bas. Son corps présentait des traces de brûlures à différents degrés, ce qui fut déclaré comme la cause de la mort et non sa chute. Sa mère, quant à elle, retrouvée sur le toit, était à peine reconnaissable. Gisant à côté de la vitre brisée, sa peau cramée jusqu'à l'os rendit l'identification du cadavre quasi impossible.

Un Alter qui concerne le feu ou la chaleur...

Susumu continua de feuilleter. Apparemment, personne ne put donner une description du meurtrier. Aucune personne d'intérêt, leur seule piste correspondait au pouvoir du Vilain, menant l'enquête à un non-lieu.

Tomura utilise "il". Un homme ?

Malheureusement, nombreux étaient les hommes dont l'Alter pouvait commettre de tels dégâts. La vapeur, la lave, le feu... La liste, certes réduite, contenait toujours trop de noms. Depuis, la jeune femme a coupé contact avec la plupart des gens dans sa vie, y compris Amalia. Elle assista aux cours et rentra chez elle immédiatement. Son premier réflexe fut de s'enfermer dans sa chambre. Elle retira des murs tout poster, peinture ou dessin pour se retrouver face à une grand vide. Saisie d'une énergie presque inconnue, la violette attrapa un tableau en liège offert par sa tante des mois auparavant. D'une longueur et largeur de presque deux mètres, cette dernière le cloua sur la paroi. Arrachant ce qui y figurait, Busujima accrocha et organisa le rapport de police. Elle entendit la porte d'entrée s'ouvrir puis se refermer. Sans y prêter la moindre attention, dans un état presque second, la violette récupéra ses post-it et y nota toutes les informations possibles. En dessous du rapport d'autopsie, elle écrivit "Alter d'activation, relié à la chaleur". Déchirant une page d'un manuel scolaire contenant sa région. Susumu lista les indices donnés par Tomura puis entoura la ville de Musutafu, accompagné de points d'interrogation et des mots "proche de moi?".

— Susumu ? Tout va bien ?

— Ouais, je travaille. Je sors pour manger, rétorqua-t-elle d'un ton désintéressé.

Amalia soupira mais n'insista pas, à son plus grand bonheur. La jeune femme prit quelques pas de recul sur le tableau. Cette adrénaline lui donnait vie. Hors de tout quotidien, comme un secret bien gardé, l'enquête pour découvrir le meurtrier de ses parents ne faisait que commencer. Si les événements de l'USJ avaient réussi à lui plomber le moral, voilà qu'elle se sentait à nouveau vivante.

Le comportement de Busujima parut étrange aux yeux de beaucoup. Au lieu de rester dans son coin et d'éviter tout contact, elle fit preuve d'une énergie que certains interprétèrent comme de la nervosité. Et à raison, la violette ne tenait presque pas en place. Lorsque la pause de midi sonna, un groupe décida de l'interroger.

— Hey, tout va bien ?

Mina, poings sur ses hanches accompagnée de Tsuyu, Shinpachi, Izuku et Ochako se postèrent devant son bureau. Surprise par la question, Susumu étira un sourire confus.

— C'est à cause de celui qui vit chez toi ? charria Shinpachi.

— Qui vit chez toi ? s'étonna Mina.

— Imbécile, souffla la concernée.

— Le troisième année qui a participé à l'exercice de simulation ! expliqua le rouquin. Depuis l'incident de l'USJ, le directeur veut qu'elle soit placée sous surveillance.

— Intéressant, constata la rose. Alors comme ça, un garçon vit chez toi.

— Et alors ? pesta Susumu.

— Non, rien, ça explique les cernes et ta nervosité.

— Oui, voilà, vous m'avez percée à jour.

Agacée, Busujima rassembla ses affaires. Ses deux camarades ricanaient, sous l'air exaspéré de Tsuyu et Ochako qui offrirent un sourire compatissant à la jeune femme. Cette dernière les remercia d'un signe de tête et consulta l'heure : presque midi et demi. En panique, elle faussa compagnie au groupe. Izuku, plus perspicace que les autres, garda ses remarques pour lui. Il savait qu'autre chose clochait.

Susumu arriva in extremis dans les toilettes. Le téléphone sonna avant qu'elle ne puisse s'enfermer. Ainsi, bloquant la porte d'entrée avec son dos, elle décrocha.

« — Tu es susceptible de le voir et d'échanger avec lui sans même te douter de son identité »

Et comme à chaque fois, Tomura raccrocha, laissant les questions suspendues aux lèvres de sa cadette. Il ne comptait pas y répondre, ou il n'aurait plus rien pour l'empêcher d'ouvrir sa bouche face à la police ou aux héros. L'état de cette dernière ne fit que se dégrader après ça. Le soir, en rentrant, elle ajouta de nouveaux post-it au tableau. Le sommeil quitta son corps. Incapable d'envisager une nuit reposante, la violette ignora toute tentative d'Amalia qui venait encore prendre de ses nouvelles. Une seule pensée subsistait, s'accrochait à son conscient, tournait en boucle : l'appel. Comptant les minutes voire les secondes, la jeune femme se rendit au lycée après sa nuit blanche. L'attente paraissait interminable, insoutenable. Plus rien ne stimulait son esprit si ce n'est la nouvelle pièce du puzzle que lui apporterait Tomura. C'est lors du sixième appel que Busujima prit une décision. La fin de journée, semblable à presque toutes les dernières, fut finalement la plus agitée. Encore une fois rentrée avant Amalia, elle arracha la carte de sa région afin d'y accrocher celle de sa ville actuelle.

« — Il est à Musutafu. »

Elle aurait souhaité se tromper. Mais la manière dont les indices étaient disposés ne pouvait laisser aucun doute. Cette affaire la dépassait, garder toutes ses informations devenait un trop lourd fardeau.

C'est décidé. Je vais demander de l'aide. 

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