I- La princesse


« Hâtez-vous, le convoi vous attend ! »

« Oui... »

La demoiselle faisait ses bagages le plus rapidement possible si ce n'était son infinie tristesse en pensant au voyage qui l'attendait.

Elle retenait avec dignité ses larmes et les garderait aux bords des yeux tant qu'elle ne quitterait pas le domaine familial.

Plusieurs pas se firent entendre dans le corridor. Elle sut, qu'elle n'avait plus de temps. Il était l'heure des adieux.

Les dames qui étaient dans la pièce lumineuse arrêtèrent d'aider la jeune femme triste pour se ranger courbées près de la porte.

La cheftaine ne s'agenouilla pas mais s'inclina.

La jeune femme triste resta sur ses genoux et se tourna vers la porte shoji.

Celle-ci s'ouvrit dans un grand bruit.

Un homme à l'allure imposante entra, sourcils froncés, long vêtement blanc avec un par-dessus vert émeraude.

« Es-tu prête, Hinata ? »

« Oui père... »

« Bien, il est temps... »

Elle prit une coiffe posée sur une commode basse à côté d'elle, la posa sur sa tête et l'attacha sous son menton. 

L'homme fit alors signe à des hommes restés dans le couloir d'entrer. Ils saisirent les malles remplies d'étoffes et de bijoux et les transportèrent jusqu'au convoi à l'extérieur.

Les dames sortirent laissant le père et la fille, seuls.

« Tu devras faire honneur à ton époux une fois chez lui, le nom des Hyuga dépend de toi, Hinata... »

« Oui père... »

« Évite de pleurer, ne te plains pas et si jamais ton époux est d'humeur difficile, n'oublie pas d'être la plus docile et même si cela ne suffit pas... »

Il marqua un arrêt et son regard se fit plus dur.

« Tâche de ne jamais le laisser te marquer le visage ! Que vos enfants ne se disent pas que leur mère est mauvaise et mérite d'être corrigée ! »

La jeune femme hocha la tête.

« Bien maintenant pars, et fais bonne route... Et ne te laisse pas perturber par qui que ce soit... »

Hinata sut à cette dernière phrase qu'elle sonnait comme un reproche. Elle reçut l'aiguille si fine lancée par son père en plein cœur et serra instinctivement les poings.

Il sortit de la pièce.


Voilà, ce fut leur au revoir.

Elle aurait voulu plus. Elle aurait voulu une marque d'affection.

Mais son père n'en était plus capable envers elle, et parfois même, elle pensait qu'il la haïssait.

Elle sortit également, tête légèrement inclinée. On n'entendait pas ses pas glisser sur le plancher en bois tant elle était gracieuse et noble.

On voyait sa silhouette se mouvoir à travers les stores et les voilages donnant sur l'extérieur, l'on aurait dit qu'une déesse païenne se cachait parmi les Hommes. Elle portait une longue robe parme fluide surmontée d'un gilet brodé bleu aux broderies dorées, avec de longues manches. Elle avait, comme le voulait la coutume pour les femmes qui quittaient les murs de leur logis pour se montrer au monde, ou plutôt pour cacher leur féminité, un chignon bas caché par la coiffe qu'elle avait attaché à sa tête. L'accessoire était blanc avec une longue visière et des longues lanières de laine blanche, qui empêchaient quiconque de voir son visage.

Les hommes qui allaient encadrer le convoi menant la jeune épouse chez son époux, gardaient la tête baissée dans le but d'éviter tout contact possible avec ne serait qu'un centimètre de peau de la jeune femme, réservée à un seul homme.

Malgré cela, après avoir vu la silhouette majestueuse s'approcher, l'un des hommes releva les yeux fébrilement. A peine eut-il vu la mariée s'approcher qu'une violente douleur le fit s'effondrer dans la poussière.

« Comment oses-tu vermines ?!! »

« J... jeune maître ?! »

« Te crois-tu auprès de tes ribaudes du village pour oser porter ton regard vicieux et vicié sur cette dame de haute lignée ? »

« N... Non... Pardonnez-moi !!!! »

L'homme au visage en sang, car blessé par l'étui gardant l'épée de son assaillant, se prosternait aux pieds de ce dernier à l'allure noble mais au regard noir.

« Neji, mon cousin, ne... »

La jeune femme, choquée par la scène violente voulut intervenir mais elle fut stoppée par la main ferme de son cousin vers elle... 

« Cela suffit ma chère, cela est affaire d'hommes ! Les femmes ne savent commander, trop influencée par leurs émotions, elles n'ont guère de conseils à donner aux hommes en la matière... »

« Pardonnez-moi... »

Le jeune homme souffla. Puis se tournant vers le coupable.

« Voyez !? Grâce à la femme digne à qui vous avez manqué de respect, vous êtes pardonné... Grâce à ses limites et à sa trop grande compassion de femme, vous êtes épargné du bannissement... »

« Merci jeune maître... »

« Allons-y maintenant... »

L'homme rampa jusqu'à sa place dans le convoi et ne leva plus la tête. Ses comparses l'imitèrent, ne voulant pas s'attirer les foudres du cousin, non seulement possessif, mais très à cheval sur les lois.

Les servantes aidèrent Hinata à monter dans la calèche richement décorée des armoiries de sa famille. De longs voiles dissimulaient son apparence mais à nouveau, sa silhouette faisait rêver.

Son cousin lui-même ne pouvait le nier. Peut-être même que la seule vue de sa silhouette provoquerait les désirs masculins les plus indécents. Mais que pouvait-il faire de plus ? Il ne pouvait draper la calèche d'un drap noir... La coutume voulait que la jeune mariée traverse son village jusqu'au logis de son époux, montrant ainsi à tous qu'elle est désormais liée et sous la coupe d'un nouvel homme après son parent masculin le plus proche.

Le convoi s'apprêtait à partir quand une petite voix se fit entendre.

« Grande sœur !!!!? Grande sœur !!? »

Hinata sorti la tête d'entre les voilages et vit sa jeune sœur de 8 ans courir à travers le corridor, éviter les servantes et traverser les rideaux pieds nus jusque dans la cour pour la rejoindre. Neji, qui s'apprêtait à monter à cheval, courut rapidement et l'intercepta par le col avant qu'elle n'arrive à proximité de sa sœur.

La petite gesticula de toutes ses forces mais son cousin était bien trop fort.

« Que faites-vous là dame Hanabi à vous exhiber de la sorte devant autrui !? »

« On ne m'a pas laissé dire au revoir à ma sœur ! Je ne vois pas pourquoi !!!? »

« Si votre père l'a décidé, c'est qu'il doit en être ainsi ! Il sait mieux que vous ce qui est bon pour vous ! »

« Permets-moi d'en douter mais toi, qu'est-ce que t'en sais vu que tu obéis comme un petit chien à tous les ordres les plus idiots soient-ils !!! »

« Comment osez-vous ?!! »

Hanabi vit son grand cousin la toiser avec une fureur vive dans les yeux. Il était vrai qu'elle avait été insolente à lui balancer ses vérités en pleine figure ainsi. Les personnes subissant et acceptant l'obscurantisme étaient les dernières à pouvoir accepter les critiques ou la vérité.

Avant que Neji ne la remette aux servantes, une petite main sortit des voilages du carrosse.

« Hanabi... »

La main blanche fit un léger signe de la main comme pour dire « approche ! »

« Dame Hinata... »

Neji bredouilla.

Hanabi tiqua. Et si, et si son cousin droit comme un piquet, rigide comme un poteau, vascillait face à sa cousine ?

Mais non, sinon il s'opposerait de toutes ses forces à ce qu'il arrivait à la jeune femme.

Toutefois, Hanabi réalisa, surprise, que son cousin la déposait par terre et s'en retournait à sa monture.

Elle en profita pour s'avancer près de la calèche. Elle était trop petite pour se hisser mais elle put au moins saisir la main de sa sœur bien-aimée.

« Grande sœur ... Pourquoi acceptes-tu cela ?? »

La concernée se mordit la lèvre inférieure.

« Tu n'as pas à épouser ce type ! Tu ne le connais même pas ! »

« Ne... Ne t'inquiète pas pour moi Hanabi... »

« Grande sœur... »

Neji, déjà en scelle, donna un coup léger au flanc de l'animal au pelage blanc et commença à avancer. Les hommes qui portaient le carrosse, avancèrent alors.

Hanabi tenta de suivre le pas mais de ses petites jambes elle ne pouvait suivre l'allure trop longtemps. Mais elle se refusait à lâcher la main de sa sœur.

Elle se sentit tout de même tirer en arrière. C'étaient les servantes qui avaient accouru avant qu'elle ne quitte le domaine.

La jeune maîtresse devait laisser sa sœur aînée se rendre jusqu'à son destin. La jeune enfant se débattit en hurlant, en pleurant. Elle se rendait aussi compte qu'elle allait tôt ou tard subir les mêmes restrictions que sa sœur, en tant qu'héritière de leur famille et en tant que femme. Avant, elle était insouciante ou presque, mais bientôt, bientôt, elle passerait de l'autre côté du rideau.



Le convoi sortit de la propriété, l'homme à l'allure noble devant, sur sa monture et les quatre hommes voués au port du carrosse jusqu'à destination.

A peine le seuil du grand portail franchi, que les regards des badins se figèrent sur la scène comme sortie tout droit d'un conte de fée populaire.

L'homme à la tête de la cohorte avait l'allure d'un prince. Sa tenue immaculée, son épée à son côté, et ses longs cheveux lâchés démontraient son appartenance au rang des chevaliers pieux. Dévoués à leur famille corps et âme jusqu'au point de renier leurs droits d'homme, leur droit à se marier et à fonder une famille.

A ses longs cheveux bruns mais plus encore, à ces yeux clairs uniques dans la région, les habitants fascinés devinaient de suite que le carrosse appartenait aux Hyuga. Immensément respectés au village et dans tous les pays voisins mais surtout craints car terribles, et puissants parmi les dignitaires de la foi.

Le carrosse semblait briller de mille feux tant les dorures et les pierres précieuses étaient présentes. Et ce carrosse avait été très peu vu car la dernière fois qu'il avait été utilisé fut il y avait une vingtaine d'années lors du mariage de la jeune sœur du chef de clan. Soeur qui avait rejoint des terres lointaines et qui n'était plus jamais retournée à Konoha.

Alors, les spectateurs qui n'avait pas eu vent du mariage proche, devinaient aisément que derrière les voilages se cachaient la fille aînée du chef. Elle devait s'en aller rejoindre son époux. Beaucoup avaient entendu parler de cette union. Et tous connaissaient cet homme austère, terrible vivant par-delà la montagne. Il était riche. Très riche. Mais il était surtout craint.

L'union entre lui et la Hyuga était avant tout stratégique et politique, afin qu'il laisse en paix leur village et leurs affaires. En somme l'épouse était leur monnaie d'échange pour leur liberté. Car son époux, si le village n'avait pas ce nom si prestigieux, un si précieux bien en leur possession, aurait pu les détruire. Tous.

Alors quelques-uns parmi les villageois, s'inclinèrent sur son passage, reconnaissants de son sacrifice, car tel était le mot.

D'autres chanceux, ou bénis, purent apercevoir un petit bout de sa peau blanche derrière ses lanières chancelantes aux mouvements de la marche lorsqu'une légère brise emportait momentanément le voilage.

Un petit bout de peau suffisamment délicat pour en émouvoir les rares élus à l'avoir vu.


Chevalier et carrosse quittèrent le village et s'éloignèrent dans la forêt au pied des montagnes. Des enfants suivirent le cortège en scandant « Au revoir princesse !!!! » « Soyez heureuse princesse !!! »

Elle aurait voulu sourire à l'entente de ses voix qui l'encourageaient et lui souhaitaient le bonheur, mais elle ne pouvait pas. Seule une larme roula sur sa joue. Elle la laissa couler car c'était sa seule liberté en ce moment. Cette extension d'elle-même qui tentait de s'échapper de sa prison... tout en s'évaporant peu à peu, comme séchée par son immuable destin.

Elle osa un léger mouvement de tête et distingua la haute montagne devant eux. Immense, froide, imposante. Elle trembla.

Une longue route les attendait.

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