Chapitre 37.

La suite de la soirée avait été horrible. Elle avait enchaîné crises d'angoisse sur crises d'angoisse, elle eut l'impression qu'elle était sur le point de mourir tout le temps, en larmes dans les bras de sa mère. Mais tant de choses faisaient maintenant sens dans la tête de ses parents. C'est pour ça qu'elle avait perdu son sourire depuis tant de temps. C'est pour ça qu'elle s'isolait depuis tout ce temps, c'est pour ça qu'elle sursautait quand elle avait la musique dans les oreilles et que quelqu'un venait lui toucher l'épaule. Tous ses regards terrifiés, tous ses cauchemars, ses cris la nuit... Ils s'en voulaient de ne rien avoir vu, de ne rien avoir compris. Et ils ne comprenaient pas pourquoi elle avait mis tant de temps à en parler. Ils auraient porté plainte depuis longtemps et ils auraient tout fait pour retrouver cet homme ayant brisé leur petite fille jusqu'à la moelle. Ils s'en voulaient tellement. Surtout sa mère.

Elle s'en voulait de toutes ces fois où elle lui parlait de garçons. Et d'être énervée parce que sa fille aime les filles alors qu'elle avait vécu un traumatisme si douloureux en restant seule. Sans avoir eu le soutien de quiconque. Il y avait d'autres choses sur lesquelles elle aurait dût être énervée. Dont celle-ci. On avait fait du mal à Héloïse. L'enfant qu'elle pensait ne jamais avoir. On l'avait blessée, on lui avait arraché ce qu'une femme gardait pour quelqu'un en qui elle avait confiance, mais surtout, de manière consentante. On avait fait du mal à son bébé. On l'avait rendu mal des années durant, et ça, elle ne le pardonnera jamais à celui qui s'en est prit à sa belle rouquine.

Une fois qu'Héloïse s'était endormie, les parents Bolton s'assirent à table. Elle prit sa tête entre ses mains tandis qu'il serrait les poings et la mâchoire avec colère. Ils restèrent assis en silence longuement. Dans ces positions, sans jamais bouger d'un cil. Jusqu'à ce qu'il coupe le silence.

"- Pourquoi n'a-t-on jamais rien vu ?"

Madame Bolton posa une main sur la table en amenant son autre main à ses lèvres pour se ronger les ongles. Elle secoua la tête de gauche à droite, lentement.

"- Parce que nous n'avons pas voulu imaginer le pire pour notre petite."

Avec colère, monsieur Bolton frappa du poing sur la table avant de poser sa tête contre sa main.

"- Parce que c'est toujours plus simple d'imaginer quelque chose de plus léger. Parce qu'on a toujours cru l'avoir assez protégée.

- Mais on ne l'a pas assez protégée !

- Je sais."

A l'inverse de son mari, elle était encore sous le choc de cette annonce. La colère n'avait pas encore fait son chemin jusqu'à son cerveau. N'avait pas encore parcourue ses veines, ni couru dans tout son être. Elle était encore choquée.

"- Treize ans." Murmura-t-il. "Treize ans, putain. Ca fait trois ans qu'elle se tait. Qu'elle supporte, qu'elle encaisse, qu'elle subit. Un putain de pédophile a violé à notre fille à treize ans et maintenant on ne sait même pas où il est, qui il est, si d'autres petites se sont faites agressées et si on le retrouvera un jour."

Une larme roula sur la joue de madame Bolton. Elle ne pouvait pas imaginer une seule seconde ce que ressentait sa fille et ce qu'elle avait ressenti depuis le jour où elle avait été agressée. Elle comprit que sa fille faisait preuve d'une force phénoménale. Elle aurait pu craquer depuis tellement longtemps. Et elle s'en voulait plus que tout au monde de lui rajouter une pression supplémentaire en plus de celle qu'elle subissait depuis trois ans.

"- Qu'est-ce qu'on peut faire ?" Demanda-t-elle en relevant la tête vers son mari. "Qu'est-ce qu'on peut faire pour lutter contre ça ? Porter plainte n'apporterait rien, la police pataugerait, cela date d'il y a trop longtemps pour que des preuves suffisantes alimentent le dossier.

- Mais tu imagines ce que pourrait ressentir Héloïse si on ne fait rien ? Tu ne crois pas qu'elle aura l'impression qu'on ne l'aide pas ?

- Je n'en sais rien, chéri... Je... Je suis perdue... Si on ne fait rien, elle pourra nous en vouloir, et si on va voir la police mais qu'ils ne font rien, c'est au monde entier qu'elle en voudra.

- Je préfère qu'elle en veuille au monde plutôt qu'elle nous en veuille."

Madame Bolton prit une grande inspiration.

"- Il faudra lui demander."

Puis, elle se leva.

"- Je ne veux pas agir sans qu'elle ne nous fasse part de ses choix. J'ai fait trop d'erreurs avec elle pour recommencer."

Son mari hocha la tête et se leva. Puis il vit dans le regard de sa femme une lueur qu'il n'avait jamais vu auparavant. Une haine qu'il n'avait jamais aperçue, même durant toute l'histoire avec madame Jordan.

"- Mais si je retrouve cette ordure... J'ai bien peur que ce soit l'Enfer qui m'attende. Parce qu'on ne s'en prend pas à ma fille sans s'attendre à voir retomber sur soi les conséquences. Et elles sont bien plus douloureuses qu'on ne puisse le croire."

Une mère impuissante face à la douleur de son enfant était une femme plus dangereuse qu'un océan déchaîné en pleine tempête. Alors croire madame Bolton sur parole n'était pas une option. C'était une obligation.

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