[Terreur toxique - 8] Il faut que cela cesse

Samedi 19 octobre

Ce samedi, j'ai failli m'étouffer. Non pas à cause des gaz toxiques : juste parce que je suis tombée sur un article du Paris-Normandie dans lequel un salarié de Lubrizol exprime un "ras-le-bol", pour reprendre ses termes. L'axe principal ? "Gnagnagna en une nuit, nous, les Lubrizoliens [NDLR : c'est comme les Liliputiens, mais en pas pareil], sommes devenus des pestiférées et la mère patrie [NDLR: Lubrizol, donc] est devenue la cible à abattre".

Comment te dire. Lubrizol s'est auto-abattue en fait. Une explosion, ça fait du bien à personne, pas même à la mère patrie.

Nous, on ne fait que constater, hein.

Extraits choisis :

"Il y aura un avant et un après 26 septembre. Cela n'a rien à voir avec l'accident de 1989 que j'ai vécu de l'intérieur. À l'époque, il n'y avait pas toutes ces chaînes d'information en continu et les réseaux sociaux."

Retenez-bien ce qu'il vient de dire. Accident de 1989. Et la pique sur "han mais à l'époque ça allait, on pouvait faire de la merde sans que tout le monde soit au courant dans les 6h qui suivent ! Ah là là, c'était mieux avant hein !"

"Je n'aurais jamais pu imaginer qu'un incendie puisse se déclarer à cet endroit de l'entreprise. C'est inexplicable. J'espère que l'enquête permettra de faire toute la lumière."

Nous aussi, nous aussi, on espère, mais on espère surtout que ça n'aura pas d'impact sur notre santé, en fait.

Là encore, notez bien que c'est inexplicable, selon lui. Impossible qu'un incendie se déclare à cet endroit-là (c'est pourtant bien ce qui s'est produit hein, là-dessus y'a pas de doute possible).

"Les gens n'imaginent pas l'implication de Lubrizol dans la vie locale. Et je ne parle pas que des emplois directs et indirects. Je parle aussi de toutes les actions de mécénat. Ça ne se voit pas, car Lubrizol a toujours voulu agir discrètement."

Et bah c'est parfait, au lieu de mécéner on va indemniser, ça devrait pas poser trop de problèmes n'est-ce pas ?

Quand au "Lubrizol a toujours voulu agir discrètement", laissez-moi rire, on est à la limite de l'aveu gênant en fait.

Facile de dire qu'on fait un tas de dons sans dire à qui/quoi, quand et combien. Mais "ça ne se voit pas" hein, ça doit être pour ça. Moi d'ailleurs c'est pareil, je soutiens Lubrizol à 100%, mais ça ne se voit pas parce que j'aime l'altruisme désintéressé et discret, c'est tout !

La chute arrive, et croyez-moi vous êtes pas prêts.

"Il faut se servir de cette catastrophe pour rebondir. Il faut en tirer toutes les leçons."

Ah bah là, je suis d'accord ! Rebondissons en virant cette putain d'us...

"La sécurité, c'est un souci permanent chez Lubrizol."

Ah bah d'accord. Donc on rouvre, en fait.

Résumons quand même, histoire de souligner l'incohérence de ce témoignage :

Accident de 1989 : c'est un nouveau au bataillon, celui-là. On avait entendu parler de l'accident de 2013, des quelques fois où l'usine a été épinglée pour des manquements à la sécurité, mais ça, ce n'était pas encore ressorti. Que s'est-il passé en 1989, me demanderez-vous ? Si j'en crois France 3 Haute-Normandie et sa vidéo ressortie des archives de l'INA, le 23 août 1989, du mercaptan s'était déjà échappé des locaux de Lubrizol. Le meilleur, c'est pourtant ça (merci FranceTVinfo) : "Et déjà, à l'époque, l'accident n'était pas inédit : dans leur reportage, les journalistes de France 3 Haute-Normandie rappellent qu'une fuite bien plus importante, survenue en 1974, avait obligé des riverains à quitter leurs habitations."

On a donc 4 accidents officiels, notables voire graves, qui se sont produits en 45 ans. À ce rythme, on peut donc supposer qu'on rempile pour un nouvel accident durant la décennie 2020. Je pose ça là.

Ce brave monsieur explique que l'incendie est "inexplicable". Très bien. On a donc la confirmation que Lubrizol ne sait pas ce qui s'est produit.

Pour paraphraser ce monsieur, "il faut en tirer toutes les leçons". Comment peut-on dès lors suggérer de rouvrir cette maudite usine ? 45 ans, 4 accidents, et pour celui-ci, on ne sait pas ce qui s'est produit. Comment améliorer la sécurité (visiblement défaillante, à moins que 4 accidents en 45 ans, ce soit acceptable, qu'en sais-je après tout, c'est vital de produire du lubrifiant pour moteur hein !) si on n'est même pas capable de dire quel était le problème, cette fois-ci ?

Bon sang, c'est quoi la fucking leçon à tirer de tout ça ? Parce que c'est la phrase débile qu'on entend en permanence, en ce moment, mais personne ne nous a encore dévoilé quelle était la leçon.

J'ose avancer une suggestion : la leçon, c'est d'arrêter les frais. On ferme la boutique, point. Certes, ça fait mal au cul, mais au bout d'un moment, c'est comme avec un pansement : faut tirer d'un coup sec, et après ça va mieux.

Parce que même en admettant que Lubrizol soit de bonne volonté (les salariés, j'en doute pas, les dirigeants, j'y crois pas une seconde)... bah les gars, un accident presque tous les 10 ans, c'est juste pas acceptable en fait. Vous êtes peut-être gentils et vous donnez peut-être de l'argent à des asso, mais vous êtes mauvais, j'suis désolée. Vous pouvez pas venir dire que la sécurité est un "souci permanent" alors que vous nous pondez un accident par décennie en moyenne, c'est pas possible.

L'argent est une priorité, et on sait à quel point Lubrizol s'enrichit (là-dessus, vous êtes bons, vous voyez !). La sécurité, très franchement, c'est pas l'atout numéro 1 de votre boîte. Pardon, hein.

Warren Buffett, c'est l'américain qui possède Lubrizol (3ème fortune mondiale). Il trouve que les riches ne paient pas assez d'impôts aux États-Unis, brave homme. Devinez quelle entreprise dispose d'un tas de sociétés basées dans des paradis fiscaux, et de montages financiers pour pas payer trop d'impôts ? Lubrizol, bien sûr !

~ À suivre ~

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