[AVIS] Les Yeux de la Lune - T1
Roman fantasy par Morgane Kadella (tome 1 terminé), lu dans le cadre de l'Abécédaire 2019.
Notez que la version actuellement disponible sur le compte de l'autrice est une réécriture de l'oeuvre chroniquée ci-dessous. Jetez-vous dessus, ça déboîte !
Les Yeux de la Lune, ce roman qui me faisait de l'oeil depuis un paquet de temps
Commençons cette nouvelle critique par un jeu de mot de qualité et d'une facilité déconcertante (yeux, oeil, oui c'était donné)(ceci dit, vous plaignez pas, j'aurais pu essayer de faire des blagues avec la lune et là, tout d'un coup, ç'aurait été nettement moins glamour).
Les Yeux de la Lune, c'est le roman initiatique de ma copine Sin (l'ancien pseudo de TheGingerAlien), une autre échappée du Skyrassic Park que je connais depuis maintenant plusieurs années, et que je me devais donc de lire depuis à peu près autant de temps. Et pas uniquement parce que c'est ma topine, hein, mais aussi et surtout parce que c'est de la fantasy.
Et comme je débute cette critique/chronique littéraire/étalage de mon humour exquis/analyse par une allusion à notre copinage, j'entends déjà les rageux penser...
Oh, super, du favoritisme !
Laissez-moi vous détromper. Vous avez parfaitement raison.
Sur ce, la suite ?
(plus sérieusement, quand il s'agit d'écriture, j'essaie de prendre des pincettes avec tout le monde, amis ou pas... mais je dis toujours ce qui ne va pas ! Cette critique ne fera pas exception à la règle. Et toujours, dans la joie, la bonne humeur, l'amour et les papillons)
Les yeux de quoi ? Keskecéça ?
Il s'agit d'un roman low-fantasy. Non, pas de la fantasy low-cost, juste de la fantasy qui présente, grosso modo, un lien entre le monde réel et le monde inventé (coucou Narnia, mon exemple favori et l'une de mes lectures les plus insipides).
Les Yeux de la Lune, c'est l'histoire d'Ashley, orpheline anglaise de 16 ans victime de maltraitances de la part de ses parents adoptifs (Mr and Mrs Smith - oui oui, cette brave famille s'appelle vraiment Smith, d'ailleurs le prénom de monsieur, c'est John) qui, un beau jour, décide de se faire la malle pour aller voir ailleurs si on se fait taper dessus (oups). Elle fuit avec son frère adoptif, Yann, une petite vingtaine d'années, brave gaillard qui a centré sa vie autour de la protection d'Ashley (ouais, jusque là, il avait un peu loupé sa vie, pauvre gamin, d'autant plus que lui aussi, il se faisait taper dessus).
Une fuite qui les conduit dans une forêt un peu mystérieuse où, badaboum, ils tombent sur une porte magique qui leur offre un billet en première classe à destination de Léandril, l'un des royaumes de ce fameux monde magique.
Voyez, la low fantasy, c'est pas si compliqué.
Low-truc, okay, mais de quoi ça parle ?
On va un peu spoiler, les copains, soyez avertis. Aucun plot twist ne sera révélé, mais les axes principaux seront abordés sans détour pour vous permettre de cerner ce dont on parle et en faire une critique un minimum fondée (c'est mieux, pour une critique).
Résumons : une fois Ashley et Yann débarqués à Léandril, ils sont directement plongés dans un monde d'inspiration médiévale où, très rapidement, on apprend qu'Ashley est la princesse disparue qui aurait dû hériter du trône de Léandril à la mort de ses parents (biologiques hein, pas les Smith, puisque eux sont assez vivants pour lui taper dessus).
Qui plus est, elle n'est pas n'importe quel genre de princesse : née une nuit de lune je-sais-plus-quoi sous le signe du truc-bidule alors que les planètes étaient alignées à 92.6° en direction de la Grande Ourse (c'est nettement plus stylé et mieux expliqué dans le roman, pas de panique, il s'agit juste de ma mémoire défaillante qui comble les trous comme elle peut), Ashley (qui a dont un prénom de naissance nettement plus stylé aussi, mais ça pour le coup, c'est pas moi qui l'ai inventé) est une princesse de la Lune (et, au cas où ce serait pas évident avec la description très exacte que j'en ai donné, être princesse de la Lune, c'est ultra rare).
Cool tout ça, ça se mange ?
Repose cette lune tout de suite et laisse-moi t'expliquer, vil glouton. Princesse de la lune, c'est un titre qui peut sembler un peu pompeux, mais en vrai, ça vaut bien les prérogatives qui vont avec : notre Ashley est dotée d'un tas de pouvoirs super puissants. Contrôle de l'eau, discussions avec son lointain roi d'ancêtre décédé depuis des lustres, et... pour l'instant, c'est à peu près tout, mais je suppose fortement que les tomes suivants lui accorderont des pouvoirs bien plus badass.
Bien choupi tout ça, mais si princesse Ashou peut tout juste faire des bulles et contacter papy king, à quoi il sert, ce tome 1 ?
Poser les bases ? Non, pas uniquement. Le royaume de Léandril est en guerre contre celui de Depnic pour des raisons qui m'échappent (peut-être était-ce expliqué et j'ai oublié, mais de mémoire, les causes de la guerre n'étaient pas l'un des ressorts principaux de cette histoire). Or, comme Depnic se faisait un peu démonter la gueule (quoi qu'au début de ce tome 1, en fait, ça a l'air d'aller pour eux), leur chef, Shaclang (dites BANG à la saleté - pardon), se dit que ce serait plutôt pas mal de capturer la princesse et d'utiliser ses super-pouvoirs pour écraser Léandril. Nous y reviendrons en détail un peu plus tard, y'a matière à commenter.
Bref, ce tome 1, c'est le récit initiatique de Ashley, adolescente battue qui fait la connaissance de sa famille (ce qu'il en reste), apprend son ascendance royale/magique et commence à essayer de dompter sa magie, découvre son royaume et la guerre qui y fait rage, et se fait de nouveaux amis. En lisant ça, vous devez vous demander quelle est la tonalité de ce constat : bien, pas bien ? En fait, un peu des deux.
Rythme et rebondissements : une bonne tarte aux pommes avec trop de sucre et pas assez de pommes
Alors que tout le monde se demande désormais quel est le sens de cette image pas du tout claire, laissez-moi vous expliquer ce qui fait, selon moi, le point fort et le point faible de cette histoire : les rebondissements.
D'un côté, un tas de très bon éléments sont amenés : quête initiatique, stress post-traumatique après les maltraitances dont Ashley et son frère adoptif ont été victime, découverte de ses origines, questionnements sur la notion de famille, quotidien en temps de guerre, ouverture d'esprit et tolérance sur des couples décriés à des époques reculées, etc. Il y a matière à tenir un très bon premier tome et à fournir un tas d'événements passionnants à suivre pour le lecteur.
De l'autre, on rencontre dans ce tome 1 le problème de beaucoup de jeunes auteurs (ici, pas dans le sens où Sin est jeune, mais dans le sens où ce roman est l'aboutissement de nombreuses années d'écriture, et est né alors qu'elle était adolescente) : "show, don't tell". Les rebondissements ont beau exister, être objectivement intéressants et apporter des enjeux, l'enthousiasme retombe assez vite parce que beaucoup de choses sont racontées et non montrées. Sin adore son histoire et a un tas de choses à nous dire sur son monde ; et dans son enthousiasme, elle oublie de nous faire vivre l'histoire, et se contente (probablement très inconsciemment) de nous la raconter.
Évidemment, ce constat n'est pas systématiquement vrai et certaines scènes sont très bonnes. Par exemple, un chapitre nommé "Le chemin des Rois" (je l'ai tellement aimé que j'en ai même retenu le titre, chose excessivement rare) relève le niveau avec de bonnes descriptions, une émotion réelle mais pas surjouée par les personnages, des révélations bien dosées et une ambiance parfaitement retranscrite.
Mais globalement, les scènes qui devraient nous emporter, nous faire vibrer ou nous faire craindre le pire pour les personnages, sont racontées dans ce tome 1 de façon un peu monocorde. La faute à une narration trop intrusive avec les pensées des personnages et pas assez apte à créer du suspense.
La narration, cette sauce trop sucrée qui manque de peps
Faire des remarques négatives, c'est bien mignon, mais ça n'aide personne. Étudions dans le détail ce qui représente, à mes yeux, le point noir de ce tome 1, et qui gâche une partie de ce récit :
LES FUCKING SENTIMENTS DES PERSONNAGES
Oui, du full caps parce que vraiment, ça, ça m'est sorti par les yeux. J'ai plusieurs fois skippé des passages où les réflexions intérieures des personnages étaient lourdement étalées avec la subtilité d'un tractopelle (les comparaisons ouvrières, le retour), parce que je saturais un peu des sempiternels larmoiements (entre autres) dont la nature était, selon moi, si évidente que ça ne valait pas forcément le coup d'en remettre une couche.
Parfois, une petite voix dans ma tête me faisait "GNAGNAGNAGNAGNA", signal pour moi qu'il était temps d'aller directement à la fin du paragraphe sans s'attarder davantage sur un énième "bouhouhouhou, j'en ai marre, Ashley est siiiii immature". Nous y reviendrons plus en détails.
Exemple concret avec Ashley et Yann, en pleine découverte de Léandril :
Le passage surligné (enfin, que j'ai tenté de surligner avec grâce) n'est qu'un bout des choses qui, dans cet extrait, pourraient être améliorées (le passage sur Yann mériterait le même traitement). On a donc Ashley, émerveillée par ce qu'elle voit autour d'elle (et on la comprend) : c'est une chose qui nous est dite texto, pas moyen de se tromper.
Problème : écrire (je ne l'apprends à personne), ce n'est pas seulement dire les choses, c'est les montrer et laisser le lecteur interpréter, comprendre et assimiler le sous-texte. Ici, on a l'impression d'être un peu laissé pour compte, en tant que lecteur, et d'être bloqué à la surface des mots sans réussir à aller au-delà et à vivre véritablement l'histoire aux côtés d'Ashley.
Solution : se concentrer sur les signes visibles de l'euphorie d'Ashley. Pour plonger le lecteur à ses côtés, pourquoi ne pas décrire ses yeux qui brillent, le sourire un peu béat qu'elle doit avoir en détaillant tout ce qui se trouve autour d'elle ? Mieux encore, pourquoi ne pas mêler la description des lieux et des gens (qui se trouve avant cet extrait) à celle du ressenti d'Ashley, afin de créer une scène bien plus visuelle et immersive ?
Un tips bien connu : sur une scène un peu complexe à écrire, essayer de visualiser à quoi ça ressemblerait si c'était filmé, en poussant très loin le niveau de détails (visuels, sonores, etc). Une astuce assez efficace sur les cinéphiles et les mordus de séries, mais qui nécessite évidemment d'y passer un peu de temps.
Aussi, en dépit de ce mini tuto express pour rendre une scène plus vivante, notez bien que je n'encourage pas ce type de réflexion pour chaque ligne d'un roman. Je ne suis pas une jusqueboutiste du "show, don't tell" : à mon avis, les informations secondaires ne gagnent pas à être montrées, et un résumé clair et simple me parait bien plus pertinent (sauf si on aime faire traîner les choses en longueur et passer 10 pages à décrire un vase, ce qui est une approche littéraire intéressante, mais qui, personnellement, me donne envie de lire autre chose).
Ceci étant dit, dans ce tome 1, de nombreux passages gagneraient à être repensés avec cette logique, afin d'apporter plus de peps au texte dans sa globalité !
Les gifs ont un rapport de plus en plus éloigné avec ce segment
On enfonce le couteau, et on tourne, et on pousse encore plus loin
L'autre problématique des exposés des sentiments des personnages, dans ce premier tome, c'est que le fait de les raconter au lieu de les montrer rend l'ensemble très lourd. L'impression qui s'en dégage, c'est que Sin massacre le lecteur d'évidences et des choses qu'il avait déjà très bien compris lui-même.
Et dans la même veine, on a les dialogues d'exposition. Le tractopelle, le retour !
La grande difficulté dans la low-fantasy, quand les personnages sont des monsieur-madame Toutlemonde émigrés dans un monde inventé, c'est de leur présenter leur nouvelle réalité de manière intelligible, crédible et pas chiante pour le lecteur. Et ça, c'est extrêmement complexe !
On retrouve dans ce tome 1 des faiblesses de ce côté-là, bien que certains écueils aient été brillamment évités par Sin (merci, notamment, de ne pas avoir joué sur la corde du "oh non, un nouveau monde, je n'y crois pas, je dois rêver !" pendant 6 pages, c'est excessivement pénible). On rencontre en effet moult dialogues qui ont pour but d'informer Ashley (et le lecteur) sur son royaume, ses origines, sa famille, ses pouvoirs et j'en passe. Évidemment, vu la quantité d'informations à délivrer, Sin a choisi la solution la plus simple, à savoir de tout délivrer en bloc sans enrobage particulier.
Problème : ce n'est pas très intéressant à lire, disons-le (c'est précisément pour ça que Sin essaie d'expédier ça le plus rapidement possible). Sauf que cette approche, c'est un peu la même fausse bonne idée que de forcer violemment le passage quand tu déflores une douce pucelle innocente : physiquement, ça se défend, dans les faits, spoiler alert, c'est une idée de merde.
Pas le choix : faut lubrifier et se donner du temps ! Et réduire la taille de l'engin, si possible. S'agissant d'écriture, c'est possible : bien que Sin ait un tas d'informations super intéressantes à donner sur son monde et les origines d'Ashley, il y a certainement matière à élaguer et à sélectionner les plus pertinentes, et les disséminer avec parcimonie tout au long de l'histoire. Non seulement ça évite de se retrouver avec un pavé façon cours d'Histoire, mais en plus, cela piquera davantage la curiosité du lecteur si les révélations se font au compte-goutte.
Ashley, cette emmerdeuse sur laquelle la narration chie allègrement
Ashley, on s'en rend vite compte, c'est une nana particulièrement casse-pied en toutes circonstances (et y'a pas que moi qui le dis, la narration insiste très très très très lourdement là-dessus). Entre 16 et 17 ans, elle est immature, capricieuse, reloue (reloue prend un "e" ? Non, sûrement pas. Qu'importe), pas autonome pour un sou et, ponctuellement, d'une bêtise à faire pleurer de désespoir un Marseillais à Cancun. Si si, je vous assure.
Exemple (ou devrais-je dire, apothéose du summum du zénith de son absence totale de réflexion) : un mystérieux petit garçon spawn en pleine forêt, en chouinant parce qu'il cherche ses parents (vraisemblablement dans un terrier de blaireaux, vu l'absence totale de présence humaine à 150 km à la ronde - ou presque, ne chipotons pas pour un ou deux zéros). Explication de sa présence dans ledit trou pommé : "je courais après un écureuil". Des tartes, je vous le dis, y'a des tartes qui se perdent.
Et alors que, personnellement, j'aurais fait cramé ledit gamin par mesure de précaution (et c'est là que je réalise que la fantasy que j'écris ne se prête pas du tout au même genre de regard que la fantasy que je lis en ce moment), Ashley et ses compagnons décident de venir en aide au mioche et l'aident à chercher ses parents.
Admettons, c'est tout à leur honneur ! Mais la suite est digne d'un Darwin Awards.
Le gamin commence à retourner le cerveau à Ashley en lui disant qu'en fait, son tonton (Virgile Nériclai, roi de Léandril) est une sale race et que le méchant désigné depuis le début, Shaclang, est en fait un brave type qui veut simplement "discuter" avec Ashley. Genre le gars relou en soirée qui veut juste "discuter" les yeux dans les yeux... enfin, dans le décolleté, vous voyez.
Vous la sentez venir, la connerie, en fin de tome 1 ? Même la narration vous dit que c'est la merde. Et effectivement, ça pue salement à ce stade.
Ashley finit par se laisser convaincre que ce marmot qui court avec des fucking écureuils, sans se dire "tiens, c'est bizarre, un fils de fermier de 10 ans parfaitement informé de secrets d'État et de subtilités géopolitiques, y'a quelque chose qui cloche". Bah non, la cloche, c'est elle, voyez-vous.
Elle décide donc de fuir avec le petit, laissant tous ses valeureux compagnons de voyage en plan (et en leur piquant au passage les clefs du poney, sinon c'est pas drôle). Pendant cette fuite, le gamin la mène au camp des Depniciens (oui oui, le même mioche qui courait après des écureuils, parce qu'il sait AUSSI où se trouve le camp top secret de l'armée ennemie... il résout également des équations quantiques et a déposé 15 brevets pour lutter contre la faim dans le monde, tout ça pendant le voyage. Ou alors, les Depniciens sont des abrutis finis et tout le monde sait où ils sont, sauf les Andriliens qui, eux, sont carrément atteints de mort cérébrale contagieuse).
Vous la sentez venir, la douille ? Vous le savez, sans avoir besoin d'être un génie, que c'est une idée profondément stupide de suivre ledit gamin ?
Bref, je vous spoile sans vous spoiler : Ashley se fait capturer par Shaclang et enfermer dans une cage, et le gamin reçoit un cookie en remerciement (non, même pas, mais ça, je garde cet élément secret). Et là, elle se morfond parce que, décidément, elle aurait dû réfléchir.
OUI, TU AURAIS DÛ. ON CONNAIT TOUS UNE BLONDE DE FILM D'HORREUR QUI AVAIT PLUS DE CERVEAU DANS LA BOÎTE CRÂNIENNE.
Revenons-en à Ashley : elle est pas futé, c'est un fait. Mais au-delà de ses compétences humaines et intellectuelles proches du zéro absolu, la narration elle-même se viande copieusement dès lors qu'il s'agit de nous parler d'elle, ce qui constitue tout de même une part non négligeable de cette histoire dans la mesure où Ashley en est le personnage principal.
La partie qui suit (et même celle qui précède, d'ailleurs) est très hautement subjective, soyez bien avertis.
Outre mon interrogation face au choix d'une héroïne si énervante (on passe 75% de notre temps avec elle, pourquoi, Sin, as-tu choisi de nous pourrir avec son caractère qui me ferait presque trouver Smith & Smith sympathiques ?), je ne comprend pas pourquoi toute l'histoire s'évertue à la décrire comme une enfant.
À mon sens, à 16/17 ans, NON PUTAIN, on n'est pas une enfant, on est une jeune fille voire une jeune femme, mature ou pas. Et que l'ensemble des personnages l'infantilise en permanence me fait douter de son âge réel : Ashley semble avoir 10 ans. Ou 12 ans. Mais, vraiment, pas plus. Et l'excuse du "elle est pas mature", j'ai énormément de mal à y croire : même en étant immature, à ce point-là, c'est presque pathologique. Sans compter qu'elle a vécu un tas d'événements qui auraient rapidement dû lui remettre les idées en place : violences, découverte d'un monde médiéval fantastique, découverte de ses origines royales et de son rôle à venir, guerres... face à cela, un ado devient rapidement un adulte.
Résultat : la narration et le regard des personnages sont probablement encore plus agaçants que l'immaturité d'Ashley. Et ça, c'est très fort. La narration ne rend jamais, jamais service à Ashley : autant je déplore très souvent les romans où les héros sont décrits comme des saints, parfaits, beaux et sans reproche, autant ici, Sin nous fait clairement comprendre qu'elle s'en battait les cojones et qu'elle comptait faire à sa manière.
Mais tout de même. Même dans des moments où Sin pouvait légitimement en mettre plein la vue à son lectorat, donner de la badassitude à son personnage principal et faire souffler un vent de justice et de courage que même moi, l'éternelle grincheuse, j'aurais surkiffé... bah non. Juste non.
Qu'est-ce qui me fait dire ça ? Cette scène, où une amie d'Ashley se retrouve en très mauvaise posture et risque d'être exécutée, et où Ashley prend sa défense et la sauve d'une mort certaine.
OK, Ashley ne prenait aucun risque : princesse perdue-retrouvée gâtée pourrie et dorlotée à l'extrême, sa prise de position ne risquait même pas de la priver de dessert. OK, la nana était son amie, donc ce n'était pas par pure bonté d'âme qu'elle la sauvait. Mais tout de même ! Ashley fait preuve d'humanité, de compassion, de sens de la justice, et elle brise les conventions (qu'elle ne connaît ni ne respecte le reste du temps, mais bref) pour faire quelque chose qu'elle estime bien. Et la narration traite cet épisode comme s'il s'agissait d'un caprice de princesse.
JE DIS NON. Là, c'est une occasion manquée de donner des lettres de noblesse à ce personnage qui fait rêver personne.
Ici, il ne s'agit pas d'une critique à proprement parler, mais d'un pur ressenti de lectrice : je pense que Sin a une idée bien précise derrière la tête pour nous infliger ça (et pour s'infliger ça à elle-même). Et j'ai hâte de découvrir quoi.
Autre possibilité, et j'espère vraiment que je me trompe : comme dans beaucoup d'oeuvres fantasy avec un héros jeune et appelé à devenir surpuissant + élu d'une prophétie + d'ascendance prestigieuse, Sin a intériorisé leur côté "agaçant" car trop parfait et trop lisse. Au point d'en prendre le contre-pied : certes, Ashley est une jeune héroïne élue, princesse perdue dotée d'immenses pouvoirs, mais du coup, elle est chiante. Une façon de casser le stéréotype ? J'espère TELLEMENT que ce n'est pas cela et qu'il y a une véritable raison derrière cela. Parce que sinon, je pense que c'est un mauvais choix : il existe un tas d'autres manières de susciter l'attachement pour un personnage de ce genre, mais le rendre volontairement insupportable, c'est se tirer une balle dans le pied pour éviter de viser le genou.
Je suis pas médecin, mais je pense que la meilleure option reste de tirer à côté (comprenne qui pourra).
Shaclang le méchant, la cerise sur le gâteau d'une fin pas très cuite
Ah, Shasha... un vingtaine de chapitres sépare son apparition des premiers pas d'Ashley à Léandril. Le méchant, on ne le voit qu'à la fin, et je trouve que c'est une excellente chose : Sin fait monter le suspense et crée de l'attente autour de ce personnage difficile à cerner avant de l'avoir vu.
Un choix d'autant plus judicieux qu'il permet de se poser un tas de questions sur la guerre qui fait rage entre Léandril et Depnic : Shaclang est-il vraiment le méchant/boss final ? Quelles sont ses véritables motivations ?
Attention, ça va spoiler (mais comme toujours, pas de véritable plot twist. Pourtant, il y en aurait à commenter !).
La fin semble donc bien amère lorsqu'enfin, on rencontre Shaclang. Parce qu'alors qu'on s'attendait à rencontrer un méchant badass, ou un méchant nuancé avec de bonnes raisons d'être méchant, ou encore un personnage auquel on ne s'attend pas (genre, le méchant, c'est une jeune fille avec un fort caractère, histoire de casser le cliché du grand type en noir)... eh bien, on rencontre Shaclang. Un méchant du type :
"MOUAHAHAHAHA je suis si diabolique et si vilain, j'enferme Ashley dans une cage parce que je suis pas gentil du tout BWAHAHAHAHA"
Un peu décevant, je dois bien l'avouer. J'espère que le tome 2 donnera un peu plus d'épaisseur au psyché de ce personnage qui est, à mes yeux, pour l'instant, de l'épaisseur d'un emballage de tampon.
Mais le plus triste avec Shaha, c'est qu'on s'attendait à ce qu'il y ait une cohérence dans sa stratégie de vilain. Un cadre directeur, une intelligence, un plan machiavélique.
Reprenons : Shasha, ce qu'il veut, c'est contrôler Ashley (ses pouvoirs, surtout) pour détruire Léandril. Il souhaitait donc attendre que sa magie se réveille pour l'utiliser à cette fin. Il l'a faite kidnappée quand elle était bébé et envoyer sur Terre, loin de sa famille, pour la garder sous la main le jour où elle serait utilisable. Lorsqu'elle bousille une partie de son plan et rejoint Léandril plus tôt que prévu, toute seule comme une grande, il veut donc la rattraper et la remettre en cage (ce qu'il a réussi à faire grâce à son incapacité maladive à avoir une réflexion critique). Et, pour cela, il décide, suivant les conseils de son mystérieux espion, de "la laisser venir à [lui]", sous-entendu "le gamin qui court après les écureuils lui retourna le cerveau pour qu'elle vienne d'elle-même".
Alors certes, son plan a fonctionné (encore une fois, c'est plutôt grâce à Ashley et ses 4 neurones connectés par intermittence), mais il comprenait un TAS d'incohérences et d'écueils (pas d'écureuils non, suivez un peu !) qui menaçaient de lui péter à la figure (à Shaclang, pas Ashley, elle elle a visiblement déjà un truc qui lui a pété à la figure bien avant le début de cette histoire).
Petit tuto pour méchant débutant :
1. Kidnapper la mioche magique, c'est un très bon début. Mais au lieu de la parachuter au pays de Sa Majesté, de la pluie et de la bouffe immonde, pourquoi ne pas l'avoir élevée à Depnic et formatée dès le plus jeune âge à kiffer Depnic ? Tout simplement ?
2. Admettons qu'il ne soit pas possible de la garder dans le coin et que la Terre est une étape obligatoire : pourquoi ne pas l'élever dans une famille aimante, qui lui inculquera au passage les valeurs depniciennes ? Et quelques voyages à Depnic de temps en temps pour garder la forme et bien kiffer le führer Shaclang ? Pourquoi l'avoir envoyée chez des timbrés qui la tabassent à longueur de journée ? Juste parce que "mouahahaha je suis méchant" ?
3. OK Shasha, t'étais jeune à l'époque, t'as un peu loupé tes débuts en tant que méchant et t'as chiée la période "éducation de la dinde magique". Bon, mais une fois que le mioche te ramène la dinde toute retournée (ça devient sale...) et prête à l'embobinage puissance 1000... pourquoi ne pas être cool avec elle et la convaincre que OUI, t'es un brave type et qu'on peut faire des affaires avec toi ? Pourquoi avoir réduit à néant tout le travail psychologique mené par ton agent de 8 ans et demi entre deux parties de billes ? (oui désolée, ça fait trop longtemps que j'ai quitté les bancs de l'école et je n'ai pas de mioche, donc je ne sais pas à quoi jouent les gosses de 8 ans de nos jours)
Autant d'approximations dans le plan du super-méchant qui le font passer pour un stagiaire pas très futé.
Terminons cette partie sur le "pourquoi, une fin pas très cuite ?". Parce que ce tome 1 ne se termine pas : il coupe le lecteur dans son élan au PIRE moment et n'offre pas de véritable fin. Juste un "à suivre". Et j'en suis très frustrée !
Les Yeux de la Lune, un premier tome en demi teinte mais avec un fort potentiel
Il y a énormément de points que je n'ai pas abordés dans cette critique (les personnages, OMG, il y a tellement de personnages dont je n'ai absolument pas parlé !), ce qui en limite fortement la portée globale : plutôt qu'une présentation exhaustive de ce tome 1, c'est une analyse plus poussée sur certains aspects que vous venez de vous manger.
Et je ne me vois pas aborder de nouveaux éléments alors que cette critique fait déjà 10 pages, dont je sais que je ne pourrais pas retirer grand chose (à part mes digressions, mais vous m'aimez pour cela. OMG. SVP. Dites-moi que oui).
L'impression générale peut paraître assez négative, preuve que mon "travail" de critique a été médiocre : concrètement, Les Yeux de la Lune, c'est une bonne lecture. Il y a matière à retravailler, évidemment, mais il y a aussi énormément de bonnes choses.
C'est un roman à recommander à un public jeune, que l'on prend par la main et que l'on instruit sur la low fantasy, car c'en est un bon cas d'école. La seule chose qui, à mes yeux, doit impérativement être revue, c'est l'orthographe parfois défaillante (il reste pas mal de fautes, surtout au début) et certaines phrases assez bancales, souvent à cause de "synonymes" mal choisi qui donnent un côté très ampoulé (exemple : s'agissant de pluie, pour éviter une répétition, Sin a été contrainte d'écrire "le liquide translucide ne tarda pas à arriver". Pas très habile).
En somme, le tome 1 de Les Yeux de la Lune, c'est un roman initiatique autant pour Sin que pour Ashley, parce qu'elle suit la courbe de croissance littéraire de l'autrice. Aussi, si le tome 1 me semble davantage orienté jeunesse, les bases qu'il pose et les perspectives qu'il ouvre promettent de très belles évolutions pour les personnages, notamment Ashley, que j'ai hâte de voir devenir enfin adulte et maîtresse de ses pouvoirs. C'est la raison pour laquelle j'attends le tome 2 avec impatience !
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