📷Morgie.part.2

« T'es chelou, petit frère. Tout à l'heure, je t'ai vu faire un croche-patte à ce gosse devant l'école et là, tu l'invites à dormir à la maison. T'es bipolaire, ou bien ? »

Je regardais mon frère d'un air blasé alors qu'il terminait de se rouler un joint sur notre canapé. Les jambes écartées, un baggy lui arrivant en-dessous du caleçon et un manteau style fausse fourrure blanche de rappeur américain qu'il avait acheté au marché.

Cela faisait un an qu'Andréa et moi étions amis. Amis « secret ».

J'avais dû regarder la définition de bipolaire tant mon frère me l'avait répété. Et il avait peut-être raison. Enfin, lunatique, plutôt.

Je traitais toujours Andy comme de la merde devant les autres alors qu'à la maison, c'était le seul ami que j'avais.

Son connard de père lui achetait des mangas qu'il me filait et moi, je l'invitais parfois à jouer aux jeux vidéo tombé « d'un camion », sur notre PS1 toute poussiéreuse.

— Tu ne peux pas nous trouver un ordi ? demandais-je à mon frère.

— Toi et tes trucs de geek à la con... T'as pas fini de voler les magazines dapping au marchand de journaux ?

— De « hacking », rectifiais-je. C'est ultra intéressant mais si on avait un ordinateur à la maison, je pourrais tester des trucs.

— T'as qu'à aller à la MJC ou au PIJ, ils ont des ordis là-bas, non ?

— Mais pas pour ce que je veux faire ! En plus, c'est juste pour jouer à des jeux pour bébé ou s'entrainer à taper sur Word !

— Ben tu devrais t'y entrainer pour savoir bien faire un CV ! Parce qu'à ce train-là, tu vas finir comme moi à dealer pour des gosses de riche.

— Ouais mais tu te fais beaucoup de thunes.

Soudain, mon frère m'avait attrapé le crâne avant de me soulever et de me secouer comme un sac. Son joint coincé derrière son oreille, il m'avait alors révélé :

« Tu crois que ça me plait d'échapper aux keufs h24 ? Si je fais ça, c'est pour vous, les mioches.

C'est pour aider maman à payer tout ça parce que son mec est incapable de bouger ailleurs qu'au PMU ou à la CAF. N'oublie pas, Morgan, on est en mode survie. T'es très loin d'être con, t'es même le plus brillant de la famille alors fait tout pour te sortir de cette prison de merde.

Mais n'oublie pas ta famille au passage, si tu y arrives, ok ? Franchement, t'es un petit génie, je l'ai vu. T'as des bulletins à chier mais j'ai vu comment tu réfléchis. Alors dès que tu peux t'en sortir, fonce. Balek si ce n'est pas légal, t'es en mode survie. ON est en mode survie ! T'as compris, crevette ? »

Mon frère me déposait au sol alors qu'Andréa tapait sur le mur pour annoncer sa présence et entrer dans notre salon.

— Tiens, y'a l'autre crapaud ! Bon, les gosses sont couchés, maman est au taff et le daron va se saouler toute la nuit donc vous êtes libre de faire vos trucs de geek, ok ?

— Ouais, ouais.

— Et Andy ? Sérieusement, fais un truc pour ton gros cul. Comment tu vas faire pour pécho avec autant de graisse ?

Andréa haussa les épaules alors que mon frère riait tout seul, surement déjà défoncé, avant de partir à son « travail ».

Notre soirée lecture et jeu bien entamé, Andréa et moi étions sur le balcon à regarder la cité nocturne depuis notre nid, lorsqu'il se mit à me parler du collège.

— Y'a cette fille, Steph, qui est dans ma classe...

— La meuf la plus populaire des 4e ? La blonde avec ses soutifs rembourrés à balle, ses créoles cheap du marché et ses tenues de pouf de chez Pimkie ?

— Ouais ben je l'ai croisé devant Claire's l'autre fois et-

— Qu'est-ce que tu foutais devant Claire's ? T'es pas gay, t'es sûr ?

— Mais non ! Laisse-moi finir ! Et puis le magasin n'est pas loin du Micromania ! Bref, je l'ai croisé et elle m'a reconnu. Et elle m'a souri !

— T'es sûr qu'elle ne souriait pas à ta daronne ?

Andy eut un moment de réflexion me confirmant qu'il devait bien se faire des films sur cette nana superficielle et ayant autant de potentiel qu'une salade à Mcdo.

— Je vais lui demander de sortir avec moi.

— T'es ouf. Tu vas te faire recaler.

— Mais non, elle m'a souri. Et elle m'a appelé « Andy ».

— Tout le monde t'appelle Andy parce que t'as fake ton prénom sur le trombi depuis la rentrée. Lâche l'affaire, elle n'en vaut pas la peine.

— Qu'est-ce que t'en sais ? T'as jamais eu de coup de foudre pour une fille.

— Si.

— Les filles dans les mangas, ça ne compte pas.

— Ah merde. Mais si, j'ai eu une copine. L'autre là... Yasmine.

— Yasmina. Et ce n'était pas ta copine. Elle t'a juste collé au cul parce que t'es BG.

— Ben Steph te collerait au cul si t'étais pareil ! Je n'arrête pas de te dire de venir faire du sport avec moi ! Tonton me laisse aller dans sa salle jusqu'à tard le soir !

— Un mec que t'appelles Tonton qui n'est pas ton oncle et qui t'a à la bonne juste parce que ton frère est son dealer.

— Ouais ben à l'école ils le disent : le réseau, c'est important. Et puis merde, t'as vraiment envie de crever par excès de gras ? Franchement, Andy, c'est chiant de devoir attendre que tu montes toutes les marches à ta vitesse d'escargot en rentrant.

— Moi je crois que Steph peut m'aimer pour ce que je suis à l'intérieur. C'est ce que maman m'a dit.

— Un puceau qui se branle devant la page lingerie du magazine La Redoute ?

— M-mais ta gueule wesh ! T'es pareil !

— Je suis puceau par choix. C'est trop une perte de temps, les meufs. Moi, ce que je veux, c'est un putain de PC pour essayer des trucs de hacking et tout.

Je continuais à parler de mes envies alors qu'Andréa, lui, était obsédé par cette meuf. Je ne comprenais pas pourquoi il était comme ça. Les meufs étaient chiantes pour moi.

— C'est décidé, je vais lui écrire une lettre !

— Hein ? Tu ne veux pas lui envoyer un message sur MSN plutôt ?

— Je n'ai pas envie de recevoir un Wizz comme réponse.

— Par SMS ?

— J'ai plus de forfaits... Et de toute façon, je n'ai pas son num.

— Mais t'as son MSN ? Aucune logique. Bon, on change de sujet ? C'est lourd là. Comme ton cul.

— Ouais, on a qu'à parler de la prochaine fois où tu me foutras la honte devant tout le monde !

Son ton était agressif et c'était bien la première fois qu'Andy faisait remarquer mon harcèlement contre lui. D'habitude, il y avait un accord tacite entre nous qui différenciait ce que l'on était en dehors de chez nous et qui ont était vraiment.

Andy et moi, on savait ce que c'était que de porter un masque. Plus moi, d'ailleurs, que lui.

On jouait un rôle : l'harceleur et le harcelé.

Mais visiblement, ce n'était plus d'actualité.

— T'as un blème ?

— Ouais, tu m'as fait tomber devant tout le monde.

— J'ai fait bien pire et t'as pas chialé.

— Mais là, il y avait Steph !

— Oh mais tu casses les couilles avec elle ! T'as changé depuis que t'es en kiff sur elle !

— Et toi, t'as toujours été un gros con de bully ! Tu fais genre on est pote mais t'adores te montrer supérieur à moi en m'humiliant un jour sur deux ! Ta réputation est si importante que tu n'hésites pas à me pourrir le quotidien ?! Je suis obligé de dire à ma mère que je tombe tout seul à chaque fois que tu me fais le coup pour pas passer pour un bolosse ! Et puis tu sais quoi ? Va te faire mettre, Morgan !

C'était la deuxième fois que j'entendais mon prénom dans sa bouche.

Andy s'était cassé de chez moi, me laissant en plan avec ma frustration de ne pas avoir su quoi répondre et mes regrets d'être un pareil connard.

Je ne méritais même pas d'être son ami. J'étais qu'un bouffon se servant de ses faiblesses pour avoir l'air d'un mec qui pèse.

Mais tout ça, je n'avais pas réussi à lui dire et mon égo trop puissant avait décidé de lui faire la gueule et de l'ignorer jusqu'à ce qu'il vienne s'excuser.

Ce qu'il ne fit pas, à ma grande surprise.

Andréa et moi étions fâchés depuis des semaines et ça me faisait mal au cœur. Je n'avais plus envie de trainer avec mes autres potes, juste lire des mangas et des magazines.

Même nos mères s'en étaient mêlées et avaient tenté de nous réconcilier, en vain. On ne se parlait plus.

Jusqu'au jour où il est passé à l'acte et a déclaré son amour par lettre à Stéphanie, cette tchoin.

Cette connasse qui a affiché sa lettre et tous ces enfoirés qui se sont bien foutu de sa gueule.

Moi, je lui en voulais à Andy.

Je lui en voulais d'avoir été si naïf. D'avoir été si amoureux qu'il en était devenu aveugle.

En tant qu'ami, j'aurais dû le défendre... mais non. J'étais un putain de lâche qui suivait le mouvement en se moquant de lui.

La pire des ordures.



📷📷📷



« Allez jouer ensemble, les garçons ! Mais ne vous éloignez pas trop. »

Début des vacances d'été.

Isabelle ayant besoin de calme pour se reposer de son traitement, elle nous avait emmené Andréa et moi en week-end dans le sud.

Pourquoi moi ? Parce qu'André n'avait pas d'autre ami, qu'elle pensait que c'était un moyen de nous réconcilier... et aussi parce que je n'avais jamais été dans le sud de la France. Mes vacances, généralement, c'était à aider les grands du quartier à faire le guetteur.

Nous étions dans une forêt pour pique-niquer avec la famille éloignée d'Andy et étions les seuls enfants présents. L'année avait été horrible pour moi et mes notes, mais tellement chaotique pour Andy qui avait, à cause de son recalage par Steph et de notre relation ultra tendue, avait supplié sa mère pour faire l'école par correspondance.

Isa avait accepté plus par fatigue qu'autre chose. Elle était très inquiète pour la santé d'Andy, d'après ce qu'elle racontait à ma mère, mais aussi pour son avenir. Il n'avait envie de rien et le poids de la maladie ne l'aidait pas non plus.

Mes pieds jonglant avec un caillou, je trainais une branche d'arbre derrière moi alors qu'Andy, comme d'habitude, me suivait sans rien dire.

J'avais un poids sur le cœur mais trop de fierté pour faire le premier pas.

Arrivé au bord d'un ruisseau, je m'asseyais sur une grosse pierre et jetais mon caillou à l'eau alors qu'Andy restait debout, à l'écart.

— C'est bon, tu peux t'assoir, y'a de la place pour ton gros cul.

— Va crever.

— T'es sérieux ?

Je me levais d'un coup, provoquant un recul de sa part par habitude mais surtout par peur de ce que je pouvais lui faire. On savait tous les deux que si j'avais vraiment voulu le martyriser, il aurait fini le bras dans le plâtre.

Notre différence était énorme.

Mais Andy ne se dégonfla pas pour autant. Pour la première fois, il me tenait tête.

— T'es sérieux ? répétais-je.

— Et toi ? T'en as pas marre de me faire chier sur mon poids ?

— Non. Pas tant que tu boufferas de la merde pour « aller mieux ». À chaque fois que t'as un problème, tu bouffes. Tu ne cherches même pas à le résoudre ou l'affronter. T'es une poubelle.

— Et toi t'es qu'un enfoiré ! Tu caches tout ce que tu ressens en te cachant derrière un masque. T'es un hypocrite qui n'arrive même pas à assumer qui il est ! Moi au moins, je ne me cache pas.

— Parle-moi mieux sinon j'te cogne.

— Génial, ça ne changera pas de d'habitude ! T'es comme ton beau-père.

— Quoi ?!

— Les murs sont fins. Je l'entends quand il frappe ta mère parce qu'il rentre bourré à 3h du mat ! Je l'ai même croisé l'autre aprèm quand il ramenait une meuf chez vous pour la sauter !

— Ta gueule ! Qu'est-ce que tu peux comprendre avec ton daron qui te paye tout ce que tu veux, hein ?! T'as juste à lui rappeler que tu le détestes et il t'offre un ordinateur ! Je ne sais même pas ce que tu fous dans notre quartier. Tu devrais retourner dans ta ville de bourge à la con et faire comme ton père : devenir un lâche.

— Et toi tu vas finir comme le tient, à abandonner ton gosse.

— TA GUEULE !

Je lui avais sauté dessus pour le tabasser et il ne s'était pas laissé faire. C'était la première fois que je me battais avec lui.

J'avais la rage.

La haine qu'il ait raison.



LA BAGARRE ! 🤬 Ça explose entre Andy et Morgie, pour le pire... ou peut-être le meilleur ?

Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? De la dispute entre Andréa et Morgan ? Il ne s'est pas laissé faire et a dit les termes ! 🤯 C'était essentiel pour eux, surtout pour remettre le comportement de Morgan en question... Ah l'adolescence !

Ils en viennent même aux poings... Votre théorie sur la suite ? 🤔 Est-ce qu'Andréa va continuer à se soumettre ? Est-ce que Morgan va arrêter d'être un connard ?

J'espère que ça vous a plu et que vous aimerez la suite ! 🥰N'hésitez pas à voter/commenter pour me soutenir et partager cette histoire ! A jeudi prochain !

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