6🎮Fajitas explosives

— Chachou, tes cheveux rouges sont très beaux.

— Brigitte, n'encourage pas la dépravation de ta sœur ! Va falloir que je t'emmène au coiffeur moi-même pour arranger ça ?

— Maman, elle est majeure. Elle fait ce qu'elle veut.

— J'avoue, tu n'étais pas aussi stricte avec moi.

— C'est parce que toi, tu as un avenir devant toi ! Si seulement votre sœur se bougeait un peu ! Qu'est-ce que je vais dire à notre prêtre la prochaine fois que vous m'accompagnerez à la messe ? Hein ?

Je pousse un long soupir d'exaspération en m'installant à table en face du parasite ayant pénétré la demeure familiale des Ferrer sans que je sache pourquoi.

Floriane est à côté de moi, me soutenant du regard face aux réflexions de ma mère alors que Tristan en face d'elle plonge sa tête dans ses mains par honte.

« On a la famille au complet, pour une fois ! » s'exclame ma mère en déposant une assiette fumante de tortillas au centre. À côté, des assiettes remplies de salade, poivrons rouge et vert coupés en lamelle et de l'emmental râpé.

Et enfin mon père qui arrive avec une marmite de viande hachée et haricots rouges mélangés avec de la saute tomate et salsa pour donner un coup de boost.

Je dois avouer que le « dimanche midi fajitas » m'avait beaucoup manqué.

On compose comme on veut, on se bat entre nous alors que l'on sait qu'il y aura encore des restes que maman nous fera emporter dans ses vieux Tupperwares.

Ça et mon père l'air trop sévère mais aux anges que l'on soit tous réunit et les fameuses questions gênantes de ma mère qui font rire toute la table.

Enfin sauf moi. Surtout quand ça me concerne. Et en ce moment, tout me concerne.

« Alors, Andréa c'est ça ? » commence ma mère.

Ah, finalement le parasite va m'éviter d'avoir à subir l'interrogatoire de ma génitrice.

— Tristan m'a dit que vous étiez un très bon ami de Floriane mais également photographe ? Ça doit être passionnant comme hobbie ! Qu'est-ce que vous prenez en ph- ATTENTION Jonathan ! Thelma est en train de mettre ses doigts sales sur les tortillas !... Qu'est-ce que je disais déjà...

— Je suis photographe culinaire, répond simplement Andréa en se servant. Spécialisé dans tout ce qui tourne autour de la nourriture mais ça m'arrive très souvent de travailler dans d'autres domaines. Je suis en free-lance et j'ai assez bonne réputation dans mon domaine.

Il a accentué le mot « free-lance » pour faire subtilement comprendre que ce n'est pas qu'un « hobbie » mais son travail. Moi qui pensait qu'il aurait pu recadrer violemment ma mère, et ça même s'il est invité.

— Un réputation de chieur perfectionniste de première, me chuchote discrètement Floriane et me poussant à laisser échapper un petit rire.

— On est toujours heureux de recevoir des invités, se contente de dire mon père.

— Oui très ! intervient ma mère. D'ailleurs je suis ravie de vous accueillir dans la famille Floriane ! Est-ce que vous avez bientôt prévu une date avec mon fils ?

— Une date pour quoi ? demande Flo suspicieuse.

— Eh bien, pour le mariage !

La brune manque de s'étouffer, mon frère en face d'elle ayant la même réaction, moi tapant dans le dos de Flo et Andréa se retenant de rire avec sa main devant sa bouche. Mon père poussant un soupir, Jonathan et Sarah trop occupé avec leur fille et Brigitte et Christiane se regardant d'un air de « tu vois, elle refait le coup ».

— Maman, je ne te présente pas Flo en vue d'un mariage. Ça fait un an qu'on est ensemble, on ne va pas déjà penser à ça !

— Un an c'est déjà beaucoup trop voyons ! Pourquoi perdre votre temps ? Mon fils n'a pas encore fait sa demande, c'est ça ?

— Non euh... répond Floriane rouge comme une tomate. Ça ne nous intéresse pas... Enfin pas aussi tôt...

— On a d'autres projets. Comme ce que je voulais annoncer aujourd'hui : on va emménager ensemble.

Si nous sommes tous emplis de bonheur pour le couple, seule ma mère hausse les épaules, limite déçue, en disant un petit « Ah » avant de croquer dans sa fajita.

Mon père roule des yeux à sa réaction, mais n'en rajoute pas alors que mon grand frère et ma grande sœur les félicitent du pas qu'ils viennent de franchir.

Ma propre mère ne comprend pas Tristan comme je le comprends. Il a besoin de temps pour avancer avec la personne qu'il aime. Il est raide dingue de Floriane et ne doit pas avoir besoin de lui passer la bague au doigt pour que ce soit « officiel ».

Et alors que je mâche le contenu de ma fajita, mes yeux reviennent droit devant moi et se fige sur l'expression d'Andréa Simon observant le couple : il a les yeux brillants.

Il sourit sereinement, la tête posée dans sa paume, les détaillant avec attention mais pourtant, même si l'expression de son visage montre de la joie pour eux, ses yeux ont une lueur étrange.

Comme si au fond de lui, il y avait un peu de... tristesse ? De peur ? Quelque chose que je n'arrive pas à définir mais que je perçois.

« Et toi, Chacha, tu as quelque chose à nous dire ? »

Je sursaute en entendant la voix de ma mère ramenant toute l'attention sur moi.

— Pas particulièrement non... Ah si ! J'ai enfin réussi à changer de banque ! Champagne !

— Ta recherche de travail avance ? Tu démarches un peu ? Tu es toujours en colocation ? Il faudrait prendre ton indépendance dès que tu auras une rentrée d'argent régulière. Ta colocataire est un peu spéciale... Et niveau amour, tu t'es trouvé quelqu'un ? Le fils de Joseline, tu sais celui avec qui tu allais au collège le matin, il vient de divorcer et-

— Chérie, laisse-la tranquille, intervient mon père sans succès.

— Je pense qu'il faut que tu te bouges Chacha. Tu ne peux pas continuer à végéter comme ça ! Regarde-toi ! Tu prends toujours des décisions irréfléchies et tes cheveux en sont la preuve. Et puis quand est-ce que je pourrais voir ma fille dans ma robe de mariage moi, hein ? Désolé Brigitte.

— Il n'y a pas de mal, répond ma grand-sœur en haussant les épaules.

— Maman arrête, tu me fous la honte devant nos invités.

— C'est bien d'avoir des témoins dans ces moments-là. D'ailleurs je suis au courant de vos magouilles entre toi et ton père : Jérôme, tu dois arrêter de donner de l'argent à ta fille ! C'est une adulte maintenant !

— C'est aussi ta fille, intervient Jonathan tout en essuyant la bouche de Thelma, et tu ne la considères même pas comme une adulte toi-même.

Elle me gonfle, elle me gonfle mais qu'est-ce qu'elle me gonfle !

Me foutre la honte devant la famille, j'ai l'habitude.

Me foutre la honte devant Floriane, c'est déjà tendu alors me foutre la honte devant Andréa Simon, c'est la goutte de trop. Je perds toute crédibilité.

J'ai l'air d'une vraie gamine.

« Tu aurais dû pardonner à Antony. Une petite erreur peut arriver quand on est loin de tout. »

Je lâche ma fajita et tape des mains sur la table, la faisant trembler. Mes yeux lancent des éclairs à ceux de ma mère ayant osé remettre ça sur la table. Je me sentais honteuse, je suis maintenant rageuse et je n'ai qu'une envie, étouffer ma mère devant tout le monde.

Le silence s'est fait au même moment. Seul le bruit de mastication de Thelma dans les bras de Sarah le perturbe. Je les sens tous me juger, se demandant comment je vais réagir alors que ma génitrice Marie Ferrer a abordé le sujet tabou.

Mon sujet tabou.

« T'es sérieuse ?! » m'écrié-je enfin. « Tu aurais préféré que je pardonne à Antony son infidélité plutôt que ma situation actuelle ?! Ouais d'accord, on a compris que j'étais la pire de tes enfants ! Je n'ai pas de femme ou de mari aimant, pas d'enfants, pas de mariage ou d'emménagement de prévu, ni même un boulot. Ouais, je passe mes journées devant un ordinateur, je n'ai pas touché à ma tablette graphique depuis des mois, je mange comme une adolescente et fais des choix stupides et irréfléchis mais bordel, au moins je garde un semblant d'honneur ! Ce n'est pas parce que tu as réussi à pardonner à papa qu'on devrait tous être une sainte comme toi ! ET OUI ! ON EST TOUS AU COURANT ! »

Le malaise qui suit ma colère est bien le signe que je suis allée trop loin. Beaucoup trop loin.

« Je regrette de t'avoir comme fille tellement tu me fais honte. »

Un coup de massue en plein dans la tête.

Un headshot violent, sans un regard. Est-ce que c'était vraiment mérité ? Est-ce qu'une mère peut dire ça à son enfant qui a déconné ? Est-ce qu'elle se rend compte de l'impact de ses mots ?

« Alors je n'ai plus rien à faire ici. »

Je quitte la table sans un mot de plus, les ignorant tous. Enfilant mes chaussures à pleine vitesse, ma veste et mon sac à dos avant de claquer la porte d'entrée.

Et de me rendre compte que je n'avais aucun moyen de rentrer. Un dimanche dans la campagne, à une heure à pied de la gare routière la plus proche et encore plus de la capitale.

Je pousse un soupir, m'accroupissant comme j'en avais l'habitude au lycée alors que tout allait mal, la tête dans les mains lorsque le bruit de la porte s'ouvrant derrière moi me fait sursauter.

Je ne me relève pas, contrôlant le flot d'émotion créée par cette phrase de ma mère me torturant encore le cœur et l'esprit.

« Je te ramène ? »



C'était piquant ce repas de famille, non ? Ça vous est déjà arrivé d'avoir pareil atmosphère à table ? Mes vieux dimanches midi étaient parfois dans ce genre d'ambiance ! 😅

Qu'avez-vous pensé de la déclaration de Tristan et Flo ? De la pression qu'exerce la matrone de la famille sur ses enfants ? Enfin surtout sur Chachou. Des réflexions qu'elle lui fait ?

Faites attention, surtout si vous êtes parents parce que le poids des mots... même quand on est en colère... ça reste gravé dans la tête d'un enfant. (ce n'est pas une expérience personnelle mais j'ai des amis qui ont bien entendu des "je regrette de t'avoir eu" de la bouche de leurs parents) 🙁

Andréa à la rescousse ? Vraiment ? Est-ce qu'on y croit ? Vos théories sur la suite ?

N'hésitez pas à me soutenir en cliquant sur l'étoile et en commentant si le cœur vous en dit ! On se retrouve jeudi prochain pour la suite !❤️

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