50🎮Astro-délices

Ce soir, c'est le grand soir.

Mais avant le « grand soir », il y a le « matin pourri ».

Le matin qui te dit « merde ».

Les cernes, les nœuds et des restes de popcorn dans les cheveux, le corps collant de transpiration, les courbatures, la douleur entre les jambes, les traces de « bagarre » à rendre invisible avec du maquillage...

Puis, le face-à-face avec ma tête et mon cœur.

Seule, dans ce lit ne m'appartenant pas.

Seule, encore, dans cet appartement vide.

Cette fois-ci, pas de bruit de cafetière à réveiller tout un cimetière.

Pas d'homme en jogging agitant son corps au rythme de la musique de ses écouteurs. Pas de pomme à moitié croquée.

Personne, mais pas « rien ».

Lavée mais habillée de mes vêtements de la veille, je fixe le gros sachet en papier posé sur le comptoir de la cuisine où, il y a quelques heures, j'ai fait de « vilaines choses », comme dirait ma mère.

À l'intérieur, une douce attention se traduisant par des viennoiseries à l'arôme alléchant. Une tendresse qui pourrait faire disparaitre la frustration de se réveiller seule.

Mais à l'extérieure, un message écrit au feutre par « l'homme toujours NICKEL ».

« Un truc à faire à la galerie, on se retrouve ce soir. – Andréa »

Pourquoi est-ce que tu signes, espèce de con ?!

Je pousse un grand soupir, tentant de me calmer et d'effacer le mot maintenant maudit de ma tête, avant de croquer dans un croissant et de me faire un thé réconfortant.

Je pioche dans la boite que j'ai ramenée depuis que l'on bosse en semble et remarque qu'il l'a lui-même ravitaillée en thé Dammann Frères avec ma saveur préférée.

Encore une petite attention en contradiction avec sa réaction d'hier soir.

J'aimerais vraiment pouvoir ouvrir son cerveau et décortiquer ses pensées mais ça serait passible d'une peine de prison à perpétuité. Et devenir streameuse en taule, ce n'est pas mon goal.

Malgré ma jambe qui s'agite sans cesse, je passe la matinée chez Andréa à m'assurer des derniers détails de l'exposition. De coups de fils à mails pour être certaine que tout le monde est prêt, la boule de stress en moi n'arrête pas de grossir depuis des jours.

« Chat ? T'es là ? »

Je réponds d'un grognement alors que je suis allongée sur le canapé, mon portable entre les mains, en train d'envoyer des SMS à Noémie. Cette dernière me transfère des photos des pâtisseries du chef Laprépato prêtes à être installées sur la longue table servant de buffet.

— Tu aurais pu fermer la porte, m'indique Tristan en me déposant une house de pressing sur le ventre. Tiens, de quoi te changer.

— Salut, Chachou.

Je sursaute en entendant la petite voix de Floriane, visiblement gênée après notre échange d'hier soir. Elle tortille sa robe bustier bleu pastel lui allant superbement bien pour le vernissage de ce soir et ce simple geste me donne envie de lui faire un câlin.

« Désolé pour ce que j'ai pu dire hier soir sur... ta relation. Avec Léo, on en a parlé et on n'a pas été sympa de dire toutes ces choses sachant qu'on ne vit pas votre relation. On ne voulait juste pas que tu souffres et que tu sois prête à tout. »

Haussant les épaules, j'ouvre mes bras afin qu'elle vienne m'enlacer mais mon frère rouspète tout de même sur le fait que j'aurais au moins pu me lever.

Cette dernière m'accompagne dans la salle de bain pour me montrer la petite merveille qu'elle a décidé de m'offrir : un tailleur à ma taille et devant servir à un shooting pour Go Shape! il y a quelques mois.

Un beau tailleur noir sophistiqué mettant l'accent sur mes longues jambes « interminables » comme aime le souligner le photographe. Le dos est partiellement ouvert mais pas nu car accompagné d'un filet de petites étoiles dorées allant parfaitement avec le thème de l'exposition.

Avec cette tenue, mon rouge à lèvres sulfureux et coiffé à la perfection par les mains expertes de Floriane, je retrouve de ma confiance en moi. Pas totalement mais je ne tremble pas en haut de mes talons.

Je repense à ce jour où avec mes converses rouges, j'avais tenté de faire craquer un Andréa un peu trop à l'étroit dans son pantalon, après avoir parlé de porno.

Un petit rire moqueur m'échappe alors que Floriane me prend en photo avec son portable.

— Qu'est-ce qu'il y a ? me demande-t-elle surprise de ma réaction.

— Rien, c'est juste que...

— Que ?

— Je suis amoureuse.

— Sérieux ?

Je sursaute alors que Flo a prononcé ces mots en même temps que Tristan ayant débarqué discrètement à l'entrée de la salle de bain.

Les esquivant tous les deux, je traverse le couloir pieds nus avant de retrouver mes talons, mon manteau et mon sac à main, prête à partir.

— Attends, tente de me retenir Tristan, tu balances ça comme ça et tu pars ?

— J'ai une exposition qui a besoin de mon dernier coup d'œil avant l'apothéose.

— Tu parles déjà comme lui. Tu es vraiment amoureuse d'Andréa.

— Oui, et tant pis si ça foire. Je ne suis plus à ça près, dans ma vie sentimentale bordélique.

— T'es incroyable, me répond Floriane en souriant. Quand je m'en étais rendu compte, à l'époque, j'étais limite énervée et angoissée !

— Et tu étais comment avec moi ?

D'un air charmeur qui moi, sa sœur, me fais gerber, Tristan attend une réponse de la part de Flo qui se traduit d'un signe de tête dans ma direction.

« J'étais comme elle est maintenant. »

Les deux amoureux s'embrassent sagement avant de m'emboiter le pas jusqu'à la voiture de mon frère, direction l'exposition.

Ils passent d'ailleurs le trajet à en savoir plus sur ce que je ressens, se prenant pour mes psys, et je dois détourner la conversation sur mon envie de devenir streameuse qui commence à se concrétiser.

Lorsque nous arrivons à la Galerie Mimi, tout est quasiment prêt. Le vernissage se déroule dans deux heures et j'observe dès mon entrée Noémie en train de briefer trois médiateurs sur le thème de notre exposition.

Elle me salue rapidement d'une bise avant de me les présenter et les laisse me poser des questions sur notre travail. Ce sont encore des étudiants qui n'ont que deux ans de moins que moi mais les voir aussi curieux à tout écouter avec attention me fait sourire.

Je me sens fière, pour la première fois depuis très longtemps.

Avant, j'étais déprimée.

Le manque de travail et d'objectif concret m'avait rendu... amorphe à toute réussite. Il n'y avait qu'IRIS qui me satisfaisait avec des vagues de petite victoire...

Et puis, il est arrivé en défonçant la porte d'entrée de ma vie.

Cet homme qui vient nous rejoindre et serre la main des étudiants avant de bloquer devant moi.

Andréa m'observe rapidement, ne faisant pas de commentaire sur ma tenue tout comme moi qui ne souligne que d'un haussement de sourcil son look.

Il porte un pantalon chic assorti à sa veste noire et faisant ressortir sa chemise blanche entrouverte d'où est suspendue sa paire de lunettes. S'il ne les porte pas aujourd'hui, ça veut dire qu'il a ses lentilles et donc, qu'elles lui servent d'accessoire pour faire « genre intello ».

Sa chevelure est bien plus disciplinée que la veille mais c'est quand je détaille au millimètre sa peau avec mes yeux radar que je remarque des légères traces rouges dans son cou, partiellement caché par son col.

Alors que de mon côté, j'ai troqué la robe que j'avais prévue pour un tailleur parce que je ne peux définitivement pas montrer certaines parties de mon corps tant elles sont marquées.

Ça serait provoquer une crise cardiaque chez ma mère et j'aimerais vraiment éviter ça.

Au moment où, en pleine session de questions/réponses avec les médiateurs et où Noémie nous abandonne le temps d'un appel, je le vois s'approcher de moi et... Rien.

Bizarrement, je pensais qu'il aurait un petit geste discret mais tendre du style d'une main derrière mon dos, comme il l'avait déjà fait auparavant. Mais là, je sens une distance volontaire entre nous.

Je ne montre rien devant les étudiants et garde un sourire bienveillant avant de les accompagner de photographies en dessins pour leur expliquer en détail nos intentions sur chaque sujet.

Pendant ce temps-là, Andréa retrouve le chef pâtissier Éric et son équipe en train d'installer les douceurs liées à chacun des signes astrologiques représentés.

Lorsque j'arrive devant le Taureau, je bug quelques instants alors que l'une des médiatrices murmure un petit « oua.. » devant la photographie me représentant faussement nue.

J'ai l'impression d'avoir des pierres précieuses à la place des yeux tant la couleur en ressort... Et putain... Je me trouve vraiment belle sur cette photo.

Mais c'est gênant et je n'ai pas envie de m'attarder dans c-

« Et ça, madame Ferrer, qu'est-ce que c'est ? Ça fait partie de l'exposition ? »

Je suis son regard et découvre sur la porte à côté de ma photographie, suspendu dans une cage en forme de soleil et faite de filaments dorés, une clé. La clé de la porte où normalement se trouve une minuscule pièce servant de « bulle » pour des œuvres auditives ou vidéo lors d'autres expositions.

Mais ce qui m'intrigue le plus, ajouté à l'installation inattendue, c'est le cadenas bloquant l'ouverture de la cage. Un cadenas à lettres. Ça, et la phrase écrite sur le cartel sous la cage :



« Qu'est-ce qui fait battre mon cœur si vite ? »



— Est-ce que cela fait partie de l'exposition ? demande l'un des médiateurs avec son bloc-notes à la main.

— Est-ce qu'on doit avoir la réponse au cas où ?

— C'est pour une performance ? Comme c'est à côté de votre photo, c'est votre question ?

— Je... pense que je vais vous laisser revoir les autres photographies, j'ai encore des choses à préparer.

Ils se contentent de hocher la tête et se mettent à déambuler dans la galerie en comparant mes dessins et les photographies alors que de mon côté, je fronce les sourcils face à cette surprise.

J'ai envie de tester des combinaisons mais si c'est bien une performance ou autre chose, je n'ai pas envie de tout foutre en l'air.

En même temps, c'est juste à côté d'une immense photo de moi, donc...

— Tututut ! m'interpelle Noémie alors que mes doigts sont déjà sur le cadenas. Pas touche ! C'est pour ce soir !

— C'est une excentricité de dernière minute d'Andréa ? Pourquoi je ne suis pas au courant ?

— Tu as ta surprise pour ce soir, il a la sienne. Et ne t'avise pas de récupérer le double des clés, hein ?

— Encore des magouilles... « Nickel », alors.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Tu as l'air contrariée. Tout va bien ?

— Tu réagirais comment si tu disais « Je t'aime » à Gabriel et qu'il te répondait « Merci » ?

— Oh, il l'a déjà fait.

— ...Pardon ?

— Oui, juste après notre quatrième rencard, je lui ai dit et il a paniqué en me répondant ça. Il ne s'y attendait pas du tout et il pensait même que je l'avais friendzoné avant ça.

Le père et le fils sont au même niveau, ce n'est pas possible.

— Pourquoi ? Ne me dis pas qu'Andréa...

— On en reparlera après ce soir, conclué-je d'un ton contrarié, je n'ai pas envie qu'on se prenne trop la tête avec ça alors qu'on est en train de travailler.

Noémie approuve d'un hochement de tête silencieux mais me regarde tout de même de façon étrange, comme si elle tentait de me déchiffrer, lorsqu'on nous appelle toutes les deux pour aider aux derniers préparatifs.

Le temps file très vite et c'est en un claquement de doigts que nous arrivons à 18h. Le moment où les gens attendant devant la galerie poussent tous un soupir de soulagement en rejoignant la chaleur du lieu mais également les délicieuses pâtisseries et coupes de champagne.

Noémie a mis les moyens pour organiser tout cela et s'assure elle-même d'être à disposition des personnes intéressées pour acheter nos œuvres.

Je me souviens que lorsqu'elle m'avait demandé à combien j'estimais mes dessins, mon prix l'avait fait rire et d'un trait de stylo dans son carnet, elle y avait rajouté un zéro.

« Mon œil expert me dit que tu peux commencer à ce prix et, dans même pas quelques années, selon ta popularité, ça vaudra plus du double. » m'avait-elle certifié avec un clin d'œil.

Je reconnaissais bien la Mawa qui négociait sans concession à l'hôtel de vente d'IRIS.

Si le premier quart d'heure je ressens l'envie d'aller aux toilettes toutes les deux minutes, je me détends à l'instant où DarkNess débarque en costard cravate devant moi.

— Wow ça en jette ! Et c'est toi qui as fait tout ça, boss ?!

— Chut ! Ne m'appelle pas « boss » ! Ce soir, j'essaie d'être un peu plus professionnelle devant tous ces bobos parisiens.

— Ah ouais je vois le genre. Ils ne sont pas juste là pour bouffer gratis ? La dégaine n'empêche ! Oh ! C'est Brute là-bas ? Il a grave la classe ! J'dis ça mais t'es vraiment stylé à un niveau légendaire toi aussi ! Je ne pensais pas que vous bossiez ensemble mais vu votre synergie en jeu, ça ne m'étonne pas, un tel résultat !

— Merci Dark, vraiment. D'être venu et pour tout le soutien que tu nous apportes.

— T'inquiète. Vous n'avez pas idée de ce que vous m'avez apporté depuis qu'on se connait donc c'est plutôt moi qui vous dis merci. Allez, je n'ai pas envie de chialer donc en attendant ta présentation, je vais graille.

J'esquisse un vrai sourire, très différent de ceux que je fais aux experts en art contemporain en train de critiquer mon amateurisme avec des miettes de tartes sur leurs tenues inspirées de la dernière Fashion Week édition Wish 2019.

Je préfère largement rester dans mon milieu de geek que d'échanger à nouveau avec des hypocrites me regardant du haut de leurs talons.

À quelques minutes de notre présentation, je vois les membres de ma famille arriver, dont mon père qui vient m'enlacer en m'exprimant d'un regard toute sa fierté.

Ma mère est plus discrète. Elle observe et a surement besoin de tout voir pour me donner son avis mais déjà, je vois dans ses yeux que mes « gribouillages » ne sont plus à prendre à la légère.

« Charlie, il faudra qu'on parle tout à l'heure. »

Je sursaute en entendant Andréa me chuchoter à l'oreille, sa main sur ma taille l'espace de quelques secondes avant de réinstaller une distance physique entre nous.

— Nickel, réponds-je sèchement en haussant les sourcils.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Je pensais que tu t'étais détendue avec l'arrivée de DarkNess.

— Pfff... Et puis comment tu sais qu-

— On a beau être dans une galerie d'art, entouré de pâtisseries succulentes, il n'y a que toi que je regarde.

Je rougis instantanément et d'agréables frissons me parcourent de la tête au pied alors qu'il se dirige jusqu'au centre de la pièce et me fais signe de le suivre.

On était encore en train de jouer ? Parce que je n'y comprends plus rien. Il a l'air amoureux mais il me répond « nickel », ça veut dire quoi ? Ce serait bien d'avoir des réponses.

Et, à l'instant où je m'apprête à le suivre, je capte une conversation à peine chuchotée sur mon chemin de deux inconnus :

« — C'était Simon ? Qu'est-ce qu'il faisait avec elle ?

— Qui ? La rousse ? J'ai vu sa photo là-bas, ça doit être un de ses modèles.

— Tu crois qu'ils couchent ensemble ?

— Tu connais la réputation d'Andréa Simon ! Pourquoi est-ce qu'il lui accorderait de l'attention si ce n'était pas le cas ?

— C'est vrai qu'elle a l'air quelconque, comparé à Léna T. ! Tu as vu sa photo représentant le signe Vierge ?

— Ce n'est pas Andréa qui avait pris sa virginité il y a quelques années ?

— C'était la rumeur ! On voit qu'il entretien son réseau, hihi ! »

Putain. J'aimerais leur faire fermer leurs gueules. Répondre comme j'en ai l'habitude et la force mais là... la pression... je craque.

J'ai besoin d'air, maintenant. La présentation attendra.

De toute façon, pour eux, je ne suis que « la dernière conquête d'Andréa Simon ».

Rien de plus.



Vous savez quoi ? Jeudi prochain, c'est le dernier chapitre 😱 Mais pas de panique ! Après ça il y aura trois chapitre sur la rencontre/amitié entre Andréa et Morgan et ensuite, l'épilogue de cette histoire ! Donc on a encore un peu de chemin à faire ensemble 🥰

Qu'avez-vous pensé du réveil solitaire de Charlie et des petites attentions ? Andréa qui bat le chaud et le froid... mais pourquoi ? 🤔

Des remarques que Charlie a entendu et qui sape sa confiance en elle ? 😠

Ça fait bizarre d'arrivée à la fin... comme toujours 😅 Pour ceux.celles qui ne me suivent pas sur Instagram, après ça, on part sur la suite d'Arsène Flamingo donc de la SF avec BEAUCOUP d'humour et d'absudité, de la bromance et, comme j'adore en foutre partout, un peu de love qui fait palpiter le coeur 🥰 Stay tuned !

J'espère en tout cas que ce chapitre de mise en bouche de l'exposition vous a plu ! N'hésitez pas à voter et/ou laisser un commentaire pour me donner votre avis et on se retrouve la semaine prochaine pour la fin 😏 !

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