37📷Cinq heure trente

[Andréa]

Août 2018


« T'avais que des pâtes Barilla à me rapporter ? Ça ne paie pas beaucoup ton taff, cousin ! »

J'arquais un sourcil en entendant les plaintes de la version adolescente de moi-même, en moins sexy bien sûr, alors que je venais de lui rapporter mes souvenirs d'Italie.

« C'était pas mal pourtant, comme blague » pensais-je en haussant les épaules en silence avant de m'affaler dans un hamac.

Après avoir regardé la carte postale que je lui avais offerte, Adam vint s'assoir sur le siège en bambou vintage à mes côtés et pianoter sur son portable. Comme tous les jeunes de sa génération qui ont du mal à s'éloigner de la seule chose les reliant au monde.

Je dis ça mais j'ai eu un portable dès la fin du collège.

Ou alors...

— T'écris à ta copine ? demandais-je d'un air taquin.

— Et toi alors ?

— Ben, tu vois bien que je n'ai pas mon portable en main. Ou alors je pratique la télépathie.

— Avec ta copine la main droite.

— T'as été bercé trop près mur, couillon. Non mais sérieusement, ça va avec elle ?

Adam me répondit simplement d'un haussement d'épaules qui voulait à la fois dire « oui » ou « normal » ou encore « mêle-toi de ton cul ».

C'était à moi de deviner mais... la flemme.

— T'avais pas une copine ? dit-il soudain en relevant la tête de son portable.

— Autre que ma main droite, tu veux dire ?

— Ouais, la fille que j'avais rencontrée chez toi et au mariage. Fiona ?

— Floriane. Et non, c'est devenu mon ex et ma meilleure amie par la même occasion.

— C'était pas Néo ta meilleure amie ?

— Léo. Et non, c'est celle de George. Enfin je crois. Ils ne se parlent plus trop depuis un paquet de temps... Elle me manque, tiens.

— On ne dirait pas comme ça mais pour un vieux con insupportable, t'as pas mal d'amis.

— C'est l'hôpital qui se fout de la charité.

Je me mis à frotter sa chevelure blonde avant qu'il ne m'attaque et tente de me faire tomber de mon hamac en me chatouillant.

Ce gamin est un enfoiré. Je suis content qu'on ait hérité des mêmes gênes.

Nous avons parlé de mon voyage, nous charriant mutuellement jusqu'à ce que l'heure de manger pointe son nez.

Il faisait encore jour et le soleil était agréable en cette fin d'après-midi d'été, un détail qui, avec le calme nous entourant, me faisait encore plus apprécier mes visites familiales.

— Tu repars quand ? me demanda-t-il soudainement.

— Demain midi.

— Oh...

— T'es déçu ? Je reviens à la fin du mois tu sais.

— Ouais mais... le travail encore ?

— En vrai... Je compte freiner un peu. Ma relation avec Flo m'a fait comprendre que j'étais trop pris par mon boulot pour construire un avenir. Les finances sont bonnes et je pense que je vais ralentir et m'accorder plus de pauses.

— Tu veux te caser ?

— Pitié Adam, tu sais que pour ça, il faudrait que je tombe amoureux d'une personne capable de m'aimer en retour. On sait tous les deux qu'il y a plus de chance que tu deviennes un bobo écolo quinoa ++ avant que ça n'arrive.

— J'avoue. Du coup, tu voudrais qu'on rejoue un peu à WoW ensemble ?

— Je vais y penser. Je suis sacrément rouillé depuis.

Et j'y ai sincèrement pensé. Tellement qu'à mon retour à la capitale, je suis allé en parler à Tristan et Sébastien.

J'ai créé mon personnage et retrouvé les bases que j'avais quittées il y a de cela une quinzaine d'années alors que les deux geeks proches de Floriane tentaient tant bien que mal de m'aider à monter mes niveaux.

Jusqu'au jour où Adam et les potes de sa guilde m'ont traité de noob.

« T'as un peu trop d'égo. »

Tristan Ferrer, me proposant du Breizh Cola que je refusais, venait de toucher un point sensible : je détestais avoir l'air d'un nul et perdre si facilement.

— Pourtant, je n'étais pas autant à chier, avant.

— Le temps, ponctua Sébastien avec une chips de betterave dans la main, ça joue de OUF sur nos capacités.

— Peut-être que tu devrais passer outre ce que te disent les gens et te concentrer sur tes performances ?

— Ça m'énerve trop. Ces petits boutonneux de leurs morts, là... Me traiter de noob, MOI ?!

— Si tes couilles sont de la taille de ton égo, tu dois avoir une sacrée force pour les porter ! Ahah !

— Pfff... Je vais peut-être changer de jeu. WoW, c'est plus pour moi. T'as des conseils, Tristan ?

Le grand rouquin m'ignora, fixant l'écran de son portable avec attention jusqu'à froncer les sourcils et murmurer pour lui un « putain, chat... ».

— T'as un chat ? demanda Sébastien. Je croyais que Flo avait encore des allergies ?

— Hein ? Ah non, je parlais à ma sœur. Elle est... dans une phase d'autodestruction. Mais ça va, elle va s'en sortir. Elle est forte. D'ailleurs tu parlais de jeu, Andréa, mais j'en ai un très bien pour toi.

— Un où je ne vais pas me faire traiter de noob ?

— Non. Un nouveau jeu qui est sorti il y a trois semaines. Bonne communauté pour l'instant et des mécaniques simples. Ça s'appelle « Immortal Resistance Invade Sun » ou IRIS. Je te fais essayer ?

— Mouais, pourquoi pas ? Seb ? T'as un compte, toi ?

— Non. Ma vie appartient à la Horde.

Le brun levait fièrement son poing en l'air alors que Tristan l'imitait plus par réflexe qu'autre chose avant de m'emmener devant son PC et de me montrer le jeu qui allait me faire succomber.

À première vue, ça avait l'air simple. Les mécaniques pas compliquées, les graphismes en shell shading pas dégueu et généreux... Mais rien qui attisait ma soif de défi.

— T'es sûr ? demandais-je à Tristan en voyant son premier personnage. J'ai besoin de challenge, moi.

— On ne dirait pas mais ça se corse peu à peu. Le studio de développement aurait remboursé tous ses frais de production et marketing de lancement en une semaine tant ça captive les gens.

— Sérieux ? Putain... Et y'a de la compétition, c'est ça ?

— Il y a pas mal d'exploration, de quête à faire et un côté compétitif mais pas de PvP. Tu verras par toi-même. Si t'as du temps, teste un peu le gameplay et tu me diras.



📷 📷 📷



« Andréaaaaa ! Qu'est-ce que tu fais ? »

En t-shirt/jogging dans ma chambre un dimanche matin, mes lunettes sur le nez, je fixais l'écran de mon ordinateur d'un air songeur.

La main de Noémie se glissant dans mes cheveux déjà en bordel avant qu'elle ne me tire l'oreille.

— Eh ! Tu fous quoi ? Comment t'es entrée ?

— C'est la femme qui est sortie de ton lit qui m'a ouvert. Ce n'était pas la fille de la pub d'un site de vente privée ?

— Hmm mouais. Je crois.

— Elle était belle, avec son petit air contrarié. Tu ne la raccompagne pas jusqu'à la sortie ?

— Non, elle la connaissait.

Ma belle-mère à peine plus vieille que moi avait poussé un grand soupir et s'était assise sur le canapé de mon bureau, son sac de sport lâché au sol. Attendant patiemment que je sois prêt pour aller à la salle avec elle, comme un dimanche sur deux.

— Tu fais quoi ? C'est un MMO ?

— IRIS.

— Ah oui, j'en ai entendu parler ! J'ai vu pleins de pubs sur YouTube.

— Tu t'y connais en jeu online, toi ?

— On m'appelait « Dora l'exploratrice » dans ma guilde sur WoW. J'adore explorer de nouveaux mondes, découvrir le lore d'un jeu, etc. Du coup, IRIS, tu vas y jouer ?

— J'hésite. Tout ce que tu viens de décrire, c'est la partie chiante que je n'aime pas.

Noémie se contenta de hausser les épaules en regardant sa montre, pressée de quitter mon antre, lorsqu'elle se redressa et vint se coller à mon épaule.

— Dis...

— Quoi ?

— Et si on jouait ensemble ?

— Hein ?

— Ben, tu sais, normalement on essaie de se faire le plus d'activité ensemble depuis qu-

— Que tu tapes mon daron ?

— Non, que je suis mariée à ton père. On fait plein de trucs pour se rapprocher, toi et moi.

— Ouais enfin c'est ton argument pour me donner, pas du tout discrètement, des nouvelles de l'autre vieux.

Un coup dans mon épaule ne suffit pas à m'enlever l'idée que mon paternel était un enfoiré de première tentant depuis des années d'acheter mon amour.

Ça me faisait chier et encore plus lorsque j'avais appris qu'une femme aussi talentueuse que Noémie était devenue sienne. C'était inconscient de sa part mais ça n'avait fait qu'attiser ma colère froide envers lui.

Alors Noémie s'était donnée pour mission de nous réconcilier et cela commençait par passer plus de temps avec moi et me convaincre doucement de revoir mon père. Et elle se donnait tellement de mal que parfois, très rarement, ça marchait.

« Peut-être que jouer ensemble la calmerait un peu ? Et puis ça pourrait être agréable. » pensais-je en lançant une nouvelle partie.

— Il faut que tu te crées un compte, Mimi.

— Je n'aurais pas le temps de monter les niveaux de mon personnage ! Tu ne veux pas qu'on se partage le tient ? Comme ça je fais tous les trucs « chiants » que tu n'aimes pas les jours où tu bosses et on alterne.

— Je compte passer plus de temps devant mon ordinateur que toi.

— Ben on verra bien. Alors ?

— Ok. On doit choisir un premier personnage. Masculin ou féminin.

— Comme tu veux.

— Hum... Féminin. C'est plus facile de se faire aider par les gens quand tu es représenté par une fille. Et j'aurais trop la haine qu'on m'appelle encore « le noob ».

— C'est bizarre mais ok. Notre pseudo ? J'aimerais bien reprendre celui que j'avais sur WoW.

Je la laisse taper sur le clavier un pseudo incompréhensible avant d'en supprimer la moitié alors qu'elle comment à faire la gueule.

Personnellement, je ne réfléchis pas cent sept ans et tape mon idée avant de valider le tout.

— MawaBrute ? m'interrogea-t-elle. Pourquoi « Brute » ?

— C'est ce que je suis, « brutal ». C'est ce que la fille de la pub des ventes privées m'a dit.

— T'es... pas croyable, Andréa.



📷 📷 📷



Encerclé par une bande de monstres trop haut niveau pour moi, je savais que si mon personnage pouvait trembler, il le ferait.

Je m'étais aventuré dans une zone à trop haut niveau sur les conseils d'un autre joueur visiblement stupide. Encore un troll qui ne doit pas avoir passé sa puberté.

Mon premier personnage invoqué était une épéiste. Une femme plate comme une planche à pain, les cheveux argentés coupé au carré et habillé d'une robe de mariée déchirée et tachée de sang.

« La classe ultime... » ironisais-je alors que je sprintais pour échapper à mes adversaires. Mais ma connaissance limitée de la carte du jeu venait de me piéger dans un cul-de-sac et je savais que j'allais mourir.

Et ça, c'était hors de question !... Mais c'était inévitable.

Alors que je m'apprêtais à combattre jusqu'à la mort de mon personnage, un joueur descendit littéralement du ciel, sa claymore en main fracassant le sol et faisant voler quelques ennemis au passage.

La zone était pourtant déserte mais cette personne avait vu mon appel à l'aide dans le tchat du jeu.

Oui, j'avais appelé à l'aide mais de façon exagérément féminine en profitant de mon pseudo et apparence de femme. Jouant sur l'image naïve que les gamers machos avaient encore des joueuses alors que nous étions en 2018.

Soudain, un coup puissant expulsa nos assaillants et les envoyèrent voler à un bon kilomètre.

Créant une rare stupéfaction chez moi, j'observais le personnage me tournant le dos avant qu'il ne se retourne enfin et me fasse un sourire fier.

C'était un personnage féminin avec une grande claymore pourpre, une bonne paire de seins et des formes en veux-tu en voilà, habillé d'une armure en forme de justaucorps et d'une longue paire de chaussures noires rappelant sa chevelure.

Ses yeux verts captèrent immédiatement mon attention et même si ce n'était qu'un personnage virtuel, j'avais l'impression de ressentir le charisme de la personne la jouant.

Je sursautais en entendu le bruit d'une notification du jeu, glissant ma souris sur la boite de dialogue alors que son pseudo s'affichait :



Lucky_Chupa : Hello ! Besoin d'aide ?



Lucky Chupa ? C'était quoi ce pseudo ?

« Chupa », ça ne veut pas dire « sucer » en espagnol par hasard ? C'est tendancieux...

J'aime ça.



MawaBrute : Hey ! Thanks ! Je débute dans le jeu et je me suis perdu en explorant un peu trop loin...

Lucky_Chupa : Ça m'était arrivé au début mais je n'avais reçu aucune aide parce que... Ben il n'y avait encore personne de mon niveau à ce moment-là ! J'ai encore la rage rien que d'y penser.

MawaBrute : Parce que tu es haut niveau ?

Lucky_Chupa : Est-ce que tu connais beaucoup de joueuses lvl45 ?



Une fille. C'était ma chance. Je devais en profiter.

Elle serait peut-être plus encline à aider une autre joueuse qui débute. Son haut niveau m'assurait de ne pas mourir toutes les deux minutes et d'avoir des loots de qualité.

Ce serait temporaire. Un bout de chemin ensemble jusqu'à ce que j'atteigne un niveau suffisamment élevé pour me séparer d'elle.



MawaBrute : Je suis un peu timide de te demander ça, mais... Est-ce que tu pourrais m'aider ? Je galère pas mal...

Lucky_Chupa : J'y gagne quoi ?



J'aimais déjà sa façon de penser.



MawaBrute : Je n'ai pas grand-chose à t'offrir pour l'instant mais dès que je serais haut niveau, je te paierais.

Lucky_Chupa : Hum. Tu es une fille, c'est ça ?

MawaBrute : Oui... Pourquoi ?

Lucky_Chupa : Je suis pour la sororité donc pas besoin de me payer. Je vais t'aider gratuitement. Et puis, en vrai, j'aimerais bien que plus de femmes aient un haut niveau dans ce jeu. Ça peine un peu, surtout dans la communauté francophone.



De plus en plus intéressante.



MawaBrute : Merci beaucoup ! Je ne te décevrais pas.

Lucky_Chupa : Ça reste encore à prouver. On va voir si tu es une totale noob ou si tu as du potentiel. Tu me suis ?



Son personnage me fit un clin d'œil avant de me montrer l'horizon alors que le soleil se couchait devant nous. C'était le début d'une grande alliance et, malgré mes débuts difficiles, Lucky Chupa m'aida rapidement à rattraper son niveau.

Mais tout se passait tellement bien que j'avais décidé de rester près d'elle.

Je l'aimais bien moi, cette joueuse.



📷 📷 📷



Lucky_Chupa : J'ai besoin de parler...

À l'instant où j'allais me déconnecter de notre serveur Discord, alors que DarkNess et Raaven étaient parties se coucher, je voyais la notification de message privé de la part de Lucky s'afficher devant moi.

Cela faisait cinq mois que je jouais à IRIS régulièrement. Plus que Noémie à qui je refilais les côtés chiants d'exploration en journée et certains soirs calmes.

J'étais tous les soirs sur IRIS. Avant ou après mon travail et énormément pendant mes jours de repos.

J'avais même arrêté d'enchainer les conquêtes sans lendemain parce que c'était une perte de temps et que mon farming n'allait pas se faire tout seul.

Moi, Andréa Simon, j'étais en train de changer à cause d'un jeu vidéo.



MawaBrute : Ok.

Lucky_Chupa : Est-ce que tu peux me passer ton numéro ?



À ce moment-là, je m'étais dit « ALERTE ROUGE ! ».

Nous avions une règle étant de ne donner aucun détail personnel aux autres joueurs et, même si Raaven avait vite craqué pour nous raconter sa vie, nous avions tous tenu.

Donner mon numéro de portable à une femme qui me voyait comme sa sœur d'arme, ce n'était pas un bon plan.

Surtout quand je savais que je devais me coucher dès maintenant pour être en forme pour un shooting le lendemain.

Mais je ne pouvais rien refuser à ma cheffe d'équipe.

Lucky m'avait énormément apporté et tant de fois sauvé le cul que c'était à moi de lui rendre la pareille en l'aidant avec ses vrais problèmes. Quitte à briser notre règle.

C'est ainsi que je lui envoyais l'un de mes numéros. Pas le professionnel mais le personnel.

Celui que j'utilisais le moins et qui, étrangement, n'était possédé que part des gens du type ma mère, Morgie, Cartier et le gardien de mon immeuble.

Ma double carte SIM dans mon portable me permettant de switcher à ma guise et bloquer les reloues indésirables se plaignant de mon absence de galanterie au réveil.



Lucky : Hey...



Son premier message voulait tout dire. Elle n'allait pas bien.

Et même si je ne connaissais rien de la vie personnelle de cette femme, je ne pouvais pas être insensible. À jouer des soirées entières avec elle, j'avais appris à l'apprécier énormément.

Elle m'avait donné l'occasion de dépasser mes propres limites, de relever des défis soi-disant insurmontables et de briller.

Après une journée de boulot, retrouver Lucky et le reste de la bande me faisait un bien fou.

Un exutoire.

Et puis, j'avais l'impression de me retrouver en elle.



Mawa : Tu vas bien ?

Lucky : Pas trop, non. J'ai reçu un message de mon ex.

Mawa : Ça tombe bien, je suis une experte en relation amoureuse.

Lucky : C'est vrai ?

Mawa : Absolument pas !

Lucky : T'es drôle... Tu t'es déjà fait tromper par un mec ?

Mawa : Ben non, vu que les queues, ce n'est pas trop mon truc.

Lucky : Ah. Tu es lesbienne ?



J'avais écrit sans réfléchir et je venais de me piéger tout seul.

C'était le moment de lui avouer qu'en réalité, j'étais un homme. L'occasion se présentait et c'était parfait parce qu'elle ne m'en voudrait pas trop d'avoir menti.



Mawa : En fait, je ne voulais pas te le dire mais...

Lucky : T'inquiète, il n'y a aucun souci ! Ma sœur est lesbienne, elle aussi ! Je n'ai aucun problème avec ça ! Non parce que j'ai déjà entendu des trucs de la part de certains joueurs du serveur sur la communauté LGBTQ+...

Mawa : C'est cool, alors.



Et merde.

Depuis quand avais-je perdu mes couilles ? Je venais de laisser passer ma chance mais, alors que je m'apprêtais à saisir une nouvelle fois l'occasion, Lucky revient au sujet principal de discussion : son ex.



Lucky : Donc mon ex m'a trompé et plus j'y pense... Plus je m'enferme. Enfin, c'est ce que mes amis disent de moi.

Mawa : Être enfermé devant IRIS, c'est pas mal comme vie. Plus sérieusement, tu en penses quoi de ça ?

Lucky : Je...



Sa réponse se faisait attendre et à mesure que les minutes défilaient, elle m'inquiétait.

Me faisait prendre compte de mon attachement pour cette personne vivant surement à des kilomètres et ayant l'infime chance de s'appeler Robert, d'avoir 64 ans et d'être patron d'un PMU en Lozère.



Lucky : Je pense que j'ai envie de sexe.



Elle m'avait headshot sévèrement.

J'avais fait tomber mon portable sur mon visage alors que j'étais allongé dans mon lit. Grimaçant tout en me massant le nez avant de relire son SMS.

J'avais mille et une réponses déplacées qui me venaient en tête.

« Dans ce cas, je me dévoue », « Sexe, c'est mon deuxième prénom », « J'aime aimer les âmes en détresse », « On est deux, alors », etc.

Mais il n'y en avait qu'une qui guida mes doigts.



Mawa : J'ai un code promo pour un sex-shop en ligne, si tu veux.



Le pire, c'est que c'était vrai.

Je ne commandais mon lubrifiant à base d'eau qu'à cet endroit et je venais d'avoir une réduction de 10% après m'être laissé tenter par l'achat d'un cockring.

La série de smileys qu'elle m'avait envoyés après ça m'avait fait sourire. Un assortiment de fruits et de légumes explicites suivit d'autres traduisant son hilarité.

Et je devais avouer que j'étais plus que satisfait de lui avoir changé les idées le temps d'une minute.



Lucky : Vas-y, je suis preneuse ! Mais non en vrai, j'ai envie d'une baise sauvage. Tu sais, celles qu'on voit dans les séries où tout se passe parfaitement bien, que tout glisse et rentre facilement.

Mawa : Surréaliste, ouais. Le genre où t'as jamais ta braguette coincée au moment de te déshabiller, où tu sens bon la fraise et que les seules auréoles visibles sont au-dessus de ta tête de meuf pure ?

Lucky : Ça pue le vécue.

Mawa : Parlons-en de la cuvée. Alors oui, l'alcool ça chauffe, ça existe, mais niveau érection, c'est un bordel ! Le truc fait sa vie, peu importe s'il se fait sucer comme jamais, il peut rester tout moue ! Ce tue-l'amour instantané !

Lucky : C'est ce genre d'expérience qui t'as fait abandonner les mecs ?

Mawa : Non. Je les comprends, les mecs. Ça ne doit pas être évident de se foutre la pression d'assurer absolument tout le temps. Pareil, le coup de la baise sauvage. J'ai l'impression que tout le monde veut être dominé, pris contre un mur, à la Fifty Shades of ta mère, là...

Lucky : Mdr tu me tues mais c'est tellement ça ! Mais faut pas trop plaindre les mecs non plus.

Mawa : Nan mais bon. Y'a de la pression des deux côtés. On veut tous assurer au maximum, combler sa partenaire, l'emmener au nirvana et qu'elle raconte partout que « la baise avec toi était phénoménale » histoire de rassurer notre égo... alors que moi, je veux juste...



Je m'interrompis. Le message partant sans conclusion mais avec une étrange sensation s'insinuant dans ma tête.

Étais-je vraiment en train d'avouer ce genre de truc à une parfaite inconnue ?

Pas vraiment inconnue car on se parlait depuis des mois mais, au final, on ne connaissait rien l'un de l'autre.



Lucky : Tu veux juste un câlin.



C'était tout con.

C'était mettre les mots sur ce que je ressentais depuis des années. Ce que je rejetais, autant que les femmes s'accrochant à moi et me traitant de sans-cœur.

Ce que Floriane avait réveillé : j'avais un cruel manque d'amour. Un gouffre.

Moi, Andréa Simon, l'homme qui ne tombait pas amoureux, je me rendais compte qu'avec l'âge, j'en voulais. J'en voulais de cet amour.

Pour la baise, j'avais donné.

Mais après avoir été un enfoiré, qu'est-ce qu'il me restait ? Qui était encore présent pour m'écouter dire des conneries ? Me supporter ? Me faire taire d'un baiser ? Me câliner ?

Personne.



Mawa : Je crois que les câlins après le sexe, c'est le meilleur.

Lucky : Ce que je préfère, étrangement et même si là maintenant je veux du sauvage, c'est le romantisme avant.

Mawa : C'est-à-dire ?

Lucky : En ce moment, je kiff me regarder le film Orgueil et Préjugés et... je n'arrivais pas à comprendre pourquoi. Pourtant, avant, je trouvais ça chiant à mourir. Et puis j'ai compris. J'aime toute la parade amoureuse, les petits gestes, toutes les actions romantiques précèdent le moment fatidique des aveux amoureux.



Je notais mentalement de regarder ce film, quitte à me faire violence, pour comprendre ce qu'elle voulait dire.



Mawa : Ce qui te ferait vriller, plus que le sexe, ce serait un rencard c'est ça ? Le genre cliché avec un mec bien sapé qui t'emmène dans un restaurant chic, qui te fait rire et qui t'emmène chez lui pour un café et plus si affinité ?

Lucky : C'est con mais ouais. Je trouverais ça tellement craquant que j'en mouillerais ma culotte rien qu'en effleurant sa main ! Mais des gars comme ça, ça n'existe pas à tous les coins de rue. Surtout capable de me supporter et de ne pas simplement me voir comme un trou.

Mawa : Si j'étais un mec, je t'inviterais au rest-



J'effaçais instantanément mon message, secouant ma tête avant de rire de moi-même et de soupirer.



Mawa : T'inquiète, côté fille, c'est la même chose. Même pas une seule capable de me payer un café !



Nous rigolions par écran interposé, poursuivant une conversation sans aucun sens jusqu'à en perdre la notion du temps. Dérivant sur plusieurs sujets en s'avouant des petits détails insuffisants à mettre en péril notre identité mais assez conséquent pour que l'on s'attache.

Que l'on devienne amis.



Lucky : Je crois qu'il est temps d'y aller. Je suis désolé de t'avoir fait perdre autant de temps de sommeil.

Mawa : Putain, je viens de voir l'heure... Mais t'inquiète, on dormira quand on sera morte.

Lucky : La tronche que je vais me taper demain... Bon, courage pour le boulot et... Merci. Sincèrement. Tu m'as remonté le moral, t'as pas idée.

Mawa : Qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour sa boss, franchement !

Lucky : T'es conne ! Qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour une amie, plutôt, non ?

Mawa : Ça dépend. Ça coûte cher de devenir mon amie. Tu peux aligner les billets ?

Lucky : Envoie-moi ton RIB. Je te fais un virement ! Ahah ! Allez... Bonne « nuit » Mawa.

Mawa : Bonne nuit, Lucky.



Il était 5h30 du matin.

Je devais me lever dans deux heures pour ne pas être à la bourre sur un shooting...

Mais je n'avais aucun regret.

Pour la première fois depuis très longtemps, j'avais trouvé quelqu'un qui m'avait compris et écouté sans avoir en tête l'image du fameux « Andréa The Devil Simon ».

J'étais juste « une personne » avec des sentiments.



Chapitre trèèèèès long mais pour votre plus grand plaisir ! 😏 Alors ? Ça fait quoi de suivre Andréa ?

Qu'avez-vous pensé de sa décision de jouer à IRIS ? De la façon dont Noémie et lui en sont venus à partager le même compte ?

Et enfin de sa rencontre avec Charlie ainsi que de sa relation et de leur discussion sur le sexe,etc. ? Le hasard fait bien les choses 🤭

Si ce chapitre vous a plu, n'hésitez pas à me soutenir en votant et/ou en me laissant un commentaire pour me donner votre avis 🥰 On se retrouve jeudi prochain pour le deuxième chapitre avec notre Andréa chou !

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