Première étape : analyser l'ennemi. Repérer ses forces et faiblesses.

Ce « Simon », d'après le maigre échange que j'ai entendu avec Floriane et mes vagues souvenirs de discussion où mon frère parlait de lui, je sais qu'il n'est pas tendre. Loin de là.

Comment est-ce que Floriane l'avait appelé une fois ?... Ah oui, « le diable ».

Moi qui avais oublié cette douleur serrant mon cœur, cette colère, cette rancœur qu'il fait instantanément resurgir et me donnant envie de vomir sur le parquet...

— Ah, Andréa ! commence Tristan en arrivant près de moi avec le brun. Tu te souviens de ma sœur Chacha ? On vous avait présenté quand tu étais rentré d'Italie l'été dernier.

— Aucun souvenir, désolé.

Espèce de connard.

— Je vous laisse vous représenter, dit mon frère en faisant un clin d'œil suspect au brun avant de nous saluer pour aller voir d'autres personnes.

Un silence gênant de quelques interminables secondes s'installe entre moi et l'homme au prénom de femme appelé « Andréa Simon ».

Rien que de penser à son nom complet, je ne peux m'empêcher de pouffer de rire, ce qu'il remarque en arquant un sourcil visiblement concerné.

— Un problème ?

— Andréa Simon, c'est ça ? répété-je. Vos parents doivent vous détester.

— « Chacha Ferrer », c'est mieux selon toi ?

Ah, direct on se tutoie ?

— « Chacha » n'est pas mon prénom. Je m'appelle Charlie et je vous prierais d'en rester au vouvoiement avec moi.

— Alors d'une, tu n'es pas légitime de te moquer de mon prénom vu le tient et de deux, je n'ai qu'un respect moindre face aux gamines se croyant plus malignes que tout le monde.

Cet air supérieur détestable, ce sourire vous donnant envie de le cogner et ce ton employé si méprisant alors qu'il ne vous connait à peine... C'est donc ça, « le diable » ?

« Du sel, des épices, et des tas de mauvaises choses. Tels étaient au départ les éléments choisis pour créer le parfait petit chieur, mais, accidentellement, ses parents ajoutèrent un autre ingrédient à cette mixture : de l'arrogance ! C'est ainsi que naquit Andréa Simon, doté de super pouvoirs comme celui d'être l'homme le plus détestable d'une soirée en moins de cinq minutes ! »

J'avais prononcé ces mots à voix haute avec la même intonation que le narrateur du générique des Super Nanas et mon imitation était tellement bonne que plusieurs personnes m'avaient entendu. Certains se retenaient de rire, d'autres faisaient semblant de n'avoir rien écouté mais le principal concerné s'était visiblement pris une claque virtuelle dans la gueule.

Andréa Simon, les sourcils froncés et cherchant une bonne réplique en réponse, abandonne soudainement en se massant les tempes de ses doigts avant de... rire.

Il passe sa main de libre dans ses cheveux puis prend une gorgée de sa bière maintenant terminée avant de tendre son doigt jusqu'à mes lèvres et de dire :

« Ne bouge pas gamine, je vais te chercher de quoi rincer ta bouche de toutes les bêtises que tu viens de débiter. »

Ce geste aurait pu troubler n'importe quelle femme un peu sensible au charme du photographe, mais pas moi. Du moins, pas au point d'être déstabilisé.

Je joue dans la même cour qu'Andréa avec les hommes et je connais les petites techniques pour créer de la frustration chez l'autre.

De subtils contacts physiques bien placés pour ne pas que ça passe pour du harcèlement, des taquineries à la limite de l'acidité mais rattraper par un brin de douceur et enfin le coup de grâce avec un compliment que « personne à part votre mère ne vous a jamais fait ».

Il croit vraiment que je suis le genre de femme à attendre qu'un homme aille me chercher à boire ? Merci mais j'ai des jambes et je sais m'en servir !

Je m'échappe du balcon et me déhanche entre les gens pour avancer plus loin dans le salon, rejoignant un canapé moelleux où je m'affale avant de déposer ma bière vide sur la table basse alors que deux hommes à côté de moi parlent de politique.

Une analyse de mon environnement ne donne que très peu d'options à ma fin de soirée : soit je rentre tôt et seule chez moi pour me connecter à IRIS, soit j'arrive à trouver un homme assez à mon goût pour passer la nuit, soit je me bourre la gueule en démontant Sébastien et mon frère au bière-pong.

Ou alors je continue à établir mon plan de vengeance envers Andréa Simon.

... J'ai envie de jouer.

Alors que je vois apparaitre le brun dans mon champ de vision, me cherchant surement vu les deux bières dans ses mains, je me lève du canapé et file rejoindre la table de la salle à manger où se déroule la partie de bière-pong.

Que des hommes autour de la table où Sébastien et mon frère affrontent deux autres mecs en lançant chacun leur balle de ping-pong. Je m'approche, constatant que la partie vient de s'achever sur la victoire de l'hôte de la soirée et mon rouquin préféré.

— Qui pour détrôner notre duo ? s'exclame Seb en levant les balles de ping-pong dans les airs. Matty ? Chaud ?

— Allez ! Mais je veux un partenaire de qualité ! Qui pour jouer avec moi ?

Je lève la main en m'agitant avant de prendre place à côté du fameux « Matty » : un beau métis aux cheveux bruns courts frisés, faisant ma taille et aux épaules larges et musclées d'après les moulures de son t-shirt gris avec le symbole de la triforce de The Legend of Zelda imprimé dessus.

Un homme qui me plait déjà, en plus du sourire éclatant qu'il m'accorde.

— Non non non ! s'exclame Tristan. Pas question que ma sœur joue ! Elle tient mal l'alcool.

— Je n'ai qu'à gagner alors, réponds-je en posant mon sac à main sur le côté avant de sortir un chouchou pour attacher mes longs cheveux roux. Enchanté « Matty », tu peux m'appeler « Chacha ».

— Enchanté, répond-il en me faisant une révérence. J'espère que tu es bonne.

— Tu veux un aperçu ? dis-je en le regardant d'un air presque pervers.

— Pas devant tout le monde, répond-il en arquant un sourcil.

— Eh oh ! s'exclame Tristan. Pas devant moi, s'il vous plait ! Chat, je vais te mettre la misère, quitte à te ramener en petits morceaux jusqu'à chez toi.

— Tu as déjà joué au bière-pong ? me demande Seb en plaçant les verres de façon à faire une pyramide sur la table. Si on perd, on doit boire tous les verres restant sur la table et je ne suis pas sûr que tu puisses l'assumer.

— Je suis une grande fille, il n'y a pas de soucis.

Alors que la partie s'apprête à débuter, je remarque la présence d'Andréa Simon un peu plus loin en train de me dévisager. Je sens qu'il ne doit pas être très contente de ma fuite mais il va devoir apprendre à vivre avec car, à l'instant où nous démarrons la partie, j'oublie tout.

Je n'ai qu'une envie : gagner.

Si Sébastien tire comme un pied, on comprend rapidement que leur duo ne fonctionne que grâce à mon frère qui, comme moi, est un accro au jeu. Nous sommes pareils sur ce sujet, apprenons rapidement les règles et évoluant plus vite que les autres dans la maitrise du jeu.

Alors que mes lancers étaient hésitants en début de partie, je suis vite rentrée dedans, affrontant les yeux verts de tueur de mon frère. Mon partenaire Matty ne se fait pas mettre sur la touche et, malgré son amusement certain, est aussi compétitif que moi.

L'alcool dans mes veines prend de plus en plus de place, me faisant parfois vaciller alors que nous arrivons aux derniers verres des deux côtés. Je défie mon frère du regard, osant jeter un œil au photographe en retrait mais qui suit attentivement la partie, avant de faire un lancer parfait atterrissant dans le dernier verre de l'équipe adversaire.

Tout le monde autour de la table s'exclame, mon frère tirant la gueule en buvant le verre et moi, euphorique d'avoir gagné, sautillant au côté d'un Matty que, surement à cause de l'alcool, je me mets à embrasser sur la bouche.

Un bref baiser de victoire qui provoque les réactions suivantes : Tristan l'air choqué, Sébastien criant des « wouhou ! » et au loin un Andréa disparaissant dans la cohue pour aller parler à une autre femme.

— Désolé, dis-je en me rendant compte d'une possible boulette, la victoire provoque toujours un truc bizarre chez moi !

— Ne t'excuse pas... Et puis tu avais totalement raison.

— À quel sujet ?

— Tu es bonne. Autant dans le jeu que dans la victoire.

Je n'ai pas le temps de répondre que Matty m'embrasse à son tour, provoquant des applaudissements alors que mes mains s'accrochent à sa nuque.

Je sens que la fin de soirée va être très intéressante... 

Vous le saviez, vous, qu'il y avait des tournois mondiaux de Beerpong ? C'est ce que j'ai appris en écrivant ce chapitre 😆 D'ailleurs qu'avez-vous pensé de cette entrée en matière ?

De la première joute entre Andréa et Charlie ? Du désir de vengeance de cette dernière et de la façon dont elle finit sa soirée ?

Vous avez déjà un aperçu du caractère de notre héroïne qui est assez... compétitive quand il s'agit de "jeu". Et qui prend son pied dans la victoire, ce qui promet de belles choses pour la suite 😏

Vous pouvez déjà lire le prochain chapitre ! (parce que je suis sympa et qu'on me la gentiment réclamé 😊) A tout de suite !

🎮🎮🎮