26🎮Andréa Corporation

Assise sur une citrouille et habillée d'un skin de sorcière m'ayant couté une vingtaine d'euros dans un pack d'Halloween, je prépare mon inventaire avant la deuxième session d'entrainement de ce dimanche soir.

Au loin devant moi, Raven et Darkness courent après les lapins-zombies pour terminer la quête spéciale de ce soir et obtenir un nouveau bâton de sortilège chacun.

IRIS sera plongé dans la nuit jusqu'à dimanche prochain. Jusqu'à la grande mise à jour tant attendu où nous nous entrainerons pour réussir la LAN prévu dans quelques semaines. En attendant, le groupe GodIRIS travaille ses stratégies et sa rapidité.

Un soupir IRL après avoir terminé mon organisation, je regarde l'avatar de Mawa voler dans les airs et prendre des photos du paysage devenu cauchemardesque.

Nous parlons « normalement » sur le Discord mais depuis notre rencontre, il n'y a plus d'échange de texto entre nous. Comme si elle avait voulu tourner la page sur notre amitié pour que l'on redevienne de simple « partenaire » de jeu.

J'avoue avoir un pincement au cœur à chaque fois que j'y pense... Surtout que j'ai besoin de lui parler comme avant et d'avoir ses conseils concernant ma situation atypique.

C'est pourquoi deux heures plus tard, après notre entrainement et avoir éteint mon ordinateur, je me retrouve allongée sur mon lit à pianoter sur mon téléphone.

La main tremblante et la peur de n'avoir qu'un « Vu » comme réponse.

✉Lucky : Est-ce que c'est bâtard de branler un mec et de s'enfuir le lendemain matin ?

Bon, j'aurais pu mieux faire comme début de conversation au lieu d'aller directement dans le vif du sujet.

✉Mawa : WTF ? Je n'en sais rien, je n'ai jamais fait ça. Mais ça m'est déjà arrivé de laisser une femme en plan comme ça. Généralement, ce sont des coups d'un soir donc il n'y a pas de problème, sauf si le mec en question t'intéresse, non ?

J'ai l'impression de respirer à nouveau en recevant sa réponse. J'avais tellement peur qu'elle m'envoie chier mais elle a l'air disposée à m'écouter et peut-être même m'aider.

✉Lucky : C'était mon boss.

Mawa répond par un MMS contenant le GIF de Denis Brogniart faisant « AH ! », meilleure réaction adaptée à la situation.

Je commence à lui raconter sans entrer dans les détails comment Andréa m'a employé et comment de fil en aiguille, je me suis rapproché de lui sans pour autant révéler que ce n'était qu'un moyen de me « venger » de ce qu'il m'a poussé à faire il y a un an.

Je n'ai jamais parlé d'autant de choses personnelles à une amie en ligne mais... c'est Mawa. C'est différent et je lui fais confiance.



✉Mawa : Mais tu es attirée par ton boss ?

✉Lucky : Non. Enfin, physiquement... Il est... pas mal.

✉Mawa : Juste pas mal ?

✉Lucky : Ok, au début, je le trouvais moyen. Tu vois, le genre de mec mignon pour certaines filles mais pas d'autres. Et puis c'est son caractère à chier qui gâchait le paysage mais en fait, j'ai compris comment il faisait craquer les femmes en l'observant : le charisme. Ce mec pourrait avoir trente kilos de plus, son charisme le rendrait toujours désirable.

✉Mawa : Oui, mais toi ? Tu as craqué ?

✉Lucky : C'est qu'il est pas mal bandant torse nu. Et son cul... Enfin bref, ça ne doit pas t'intéresser.

✉Mawa : C'est clair. Du coup, tu t'en veux de l'avoir laissé sans dire un mot ? C'est vrai que c'est délicat si tu bosses avec lui.

✉Lucky : Je sais mais j'ai l'habitude de me sauver quand je couche avec des mecs mais là... J'ai peut-être fait une erreur et à la fois... J'avais peur que ce soit lui qui me dise de partir.

✉Mawa : Tu sais ce qu'il ressent pour toi ?

✉Lucky : Aucune idée. Entre nous, c'est un jeu. On se cherche, on se fuit et on se trouve. Si on est allé aussi loin, c'était purement sexuel et encore... La dernière fois, j'ai essayé de coucher avec lui mais j'ai fait une crise de vaginisme.

✉Mawa : Ah bon ? Mais tu sais pourquoi ?

✉Lucky : Psychologique. Je pense que c'est à cause de son nom qui m'a inconsciemment rappelé quelqu'un. Ce qui me pose problème c'est qu'il commence à m'intéresser alors que de base, je voulais l'attirer vers moi pour le faire souffrir.



La réponse de Mawa se fait attendre alors que je tente de remettre de l'ordre dans mes pensées et ce que je veux dans ma vie lorsqu'elle me répond enfin.



✉Mawa : Déso, j'avais un appel. Pourquoi le faire souffrir du coup ? Il t'a fait du mal ?

✉Lucky : Old as fuck. Ça date de quand mon ex m'a trompé et je suis sûr qu'il n'en a même pas conscience. Bref, je suis paumé sur ce que je dois faire.

✉Mawa : Tu devrais te concentrer sur ton travail alors. Et la LAN d'IRIS.



Je trouve le conseil de Mawa autant raisonnable que contradictoire. Que ce soit elle qui avait tant hésité pour participer à la LAN, elle veut maintenant que je m'investisse pour oublier mes soucis avec mon boss ?



✉Mawa : Je dois y aller, une urgence, mais fais attention.

✉Lucky : A quoi ?

✉Mawa : À ton boss. Vu ce que tu as raconté, ça n'a pas l'air d'être le genre à se laisser manipuler.



C'est justement pour ça que je suis perdue et que j'appréhende.



🎮🎮🎮



« CHARLIE ! DESCENDS MAINTENANT ! »

La tête dans le cul, je ne m'attendais pas à un réveil à 6h du matin par Andréa Simon gueulant dans mon interphone. Encore moins à descendre en pyjama, les cheveux en pétard, ma valise et un sac à dos avec toutes mes affaires importantes pour quitter le pays.

J'entends à peine Anna grogner mon prénom, énervée d'avoir été réveillée une heure trop tôt. J'ai l'impression que je vais quitter le pays après avoir braqué une banque avec mon patron.

Je balance presque ma valise à la gueule du chauffeur privé et m'installe à l'arrière à côté d'Andréa, la respiration erratique.

— Putain t'es... en pyjama ?

— Ben oui ! Tu m'as dit que quand c'était urgent, je devais tout lâcher !

— C'est quand la dernière fois que t'as pris une douche ? Et tu as pensé à prendre un manteau ?

— Écoute Andréa, quand on réveille une femme comme moi avant que le soleil ne se lève pour partir je ne sais où, elle n'a pas le temps de connecter tous ses neurones.

— Bon, on fera avec. Tu te laveras dans le jet.

— Parce qu'on prend un jet ? Bordel, on ne se fait pas chier chez Andréa Corporation !

— C'est mon charme naturel qui m'attire les bonnes faveurs des riches. Dans le cas présent, c'est Natacha qui m'adore tellement qu'elle nous envoie le jet privé de son père pour nous faire venir chez elle.

— Natacha, la mannequin dont tu parlais ? Celle qui a une armée de followers sur Instagram ?

— Ouais, une riche héritière qui vit en Russie. C'est une urgence parce que c'est le seul moment où elle est disponible pour faire les photos pour notre exposition.

— Attends mais... Je n'ai pas fini de faire le modèle pour elle !

— Tu vas devoir charbonner comme jamais.

Et diable que j'ai charbonné. J'ai eu raison de prendre ma Surface et un stylet pour remplacer ma tablette graphique. Je passe tout le voyage en direction de l'aéroport privé à bosser et ne souffle que lorsque l'hôtesse du jet privé me demande de me détendre.

Elle a raison, je dois profiter de tout le luxe environnant. Ce qu'on nous montre dans les films est en dessous de la réalité ressentie et j'ai l'impression d'être sur un nuage dans tout cet environnement. L'hôtesse est aux petits soins et me sert même un déjeuner de viennoiserie que j'engloutis en quelques minutes.

Andréa assit à mon opposé à l'air d'être calme mais je vois son stress rien qu'en observant ses doigts taper frénétiquement sur la table devant lui. Il donne l'impression d'avoir l'habitude d'être appelé en urgence pour des caprices de riche et j'avoue que ça fait rêver mais...

— Ça doit être fatigant, soupiré-je à voix haute.

— Hein ? De quoi ?

— De toujours répondre quand on appelle. Tu n'en as pas marre ? Enfin, je comprends que c'est ton métier et qu'on ne peut pas rater des opportunités pareilles mais... De base, c'est la photographie culinaire qui te passionne, toi.

— Effectivement.

— Et puis, comment imaginer avoir une vie personnelle si tu es au service des autres H24 ? Ta dévotion à ton travail est belle mais qu'est-ce que ça doit être éreintant. Pas moyen d'être tranquille et-

— Ça va j'ai compris, m'interrompt-il d'un ton sec. Pas besoin de remuer le couteau dans la plaie.

Je suis surprise par sa réaction alors qu'il se masse les paupières avant de fixer le hublot.

Est-ce que j'ai eu un peu trop raison ?

J'interpelle l'hôtesse pour lui demander si je peux me laver avant qu'elle ne me montre le fonctionnement de la douche, oui carrément, et que je quitte enfin mon pyjama.

Heureusement que je n'ai pas dormi en nuisette ou à poil hier soir parce que j'aurais eu l'air bien maligne !

Soudain, alors que je laisse couler l'eau et le savon coutant une fortune sur ma peau, je repense à une réaction d'Andréa.

Ce regard à la fois heureux et triste qu'il avait en face de moi lorsque Tristan et Floriane ont annoncé qu'ils allaient vivre ensemble. Comme s'il était content mais les enviait tout autant.

Peut-être qu'Andréa Simon est un diable qui en a marre de la solitude ?

Peut-être que ce n'est vraiment pas une bonne idée de chercher à lui faire du mal ?

Il a été plus qu'adorable avec moi ce week-end et je ne pensais pas qu'il pouvait être si attentif. Ça me fait oublier qu'il peut être un connard imbuvable, autant que moi quand je veux faire chier quelqu'un.

Après... Comme Mawa me l'a rappelé, je dois me concentrer sur le boulot. Andréa et moi avons la surprenante faculté de faire à chaque rapprochement physique « comme si de rien n'était », tirant totalement un trait sur ce qui pourrait changer notre relation de travail.

Ça pourrait énerver des gens car tout oublier revient presque à dire que ça n'avait pas le mérite d'être important entre nous... Mais on le vit différemment. Surement parce qu'on a tellement blindé notre cœur qu'on se sert de l'indifférence comme d'un bouclier pour ne pas souffrir.

Et j'ai que ça à foutre de penser à ça dans la douche d'un Falcon 8X.

C'est toute fraiche et correctement habillé d'un jean, de basket et d'un pull rouge que je m'affale dans mon siège avant de jeter un coup d'œil à Andréa.

Ses yeux sont fermés et comme moi, il a des cernes et le moindre de ses mouvements est empli de fatigue. Moi qui voulais rattraper ma nuit, je suis trop réveillé par la douche pour m'assoupir donc je profite encore du trajet pour bosser l'exposition.

Regardant de temps à autre Andréa lorsque ce dernier ouvre enfin la bouche :

« J'ai décidé d'être photographe professionnel quand j'étais au lycée. Je n'avais aucune idée de ce que je voulais faire dans la vie si ce n'est tenir un appareil photo. Je suivais déjà des cours et j'avais appris du temps où mon père était encore chez nous.

Ça m'a tellement plu que je me suis lancé avant même d'avoir mon baccalauréat : un blog en carton, la création d'un book avec des photos culinaires, des sorties incessantes partout où j'avais l'occasion de photographier, tout bénévolement.

J'ai patiné et j'ai même songé à arrêter jusqu'au jour où j'ai commencé à prendre des photos de mes conquêtes. Tout ça parce que l'une d'elles avait insisté pour que je la photographie dans des poses subjectives. J'ai continué avec plein d'autres femmes et c'est ce genre de cliché qui m'a fait gagner en popularité...

Alors que ce n'est pas ce que je voulais faire.

Je suis obsédé par la perfection et la beauté de la composition dans la nourriture. C'est facile de donner envie avec une photo dénudée d'une femme mais avec celle d'un plat de pâte, c'est un beau défi qui me faisait presque frissonner.

Ça doit être des restes de l'ancien gros que j'étais. Je n'en sais rien mais en tout cas, j'ai trimé pour me faire mon réseau et c'est que depuis quelques années que je perce, on va dire. Que j'arrive à m'en sortir financièrement. En vérité, je tourne toujours autour des mêmes personnes et même si j'ai la chance de vivre de ma passion, j'ai toujours cette peur de tout perdre.

Que les amateurs et leurs téléphones de super qualité nous remplacent ou juste qu'on ne fasse plus appel à moi. Ça me terrifie, surtout qu'à force, j'ai l'impression de perdre un peu de mon entrain et d'être en mode automatique quand je suis sur un projet.

Sauf quand je bosse sur une exposition. Je retrouve ce qui m'a animé et je me sens à nouveau « artiste ». C'est pour ça que j'ai accepté cette urgence avec Natacha, pour notre exposition. C'est le genre d'événement qui va moins me rapporter qu'une semaine de shooting pour une grosse marque alimentaire mais ça me permet d'être un peu moins « vide » à l'intérieur. »

Je laisse le silence planer autour de nous, me confrontant au regard fatigué et presque morne de cet homme qui est bien plus complexe que l'image d'enfoiré qu'il entretient.

Je ne sais pas quoi lui répondre parce que je comprends ses sentiments sans les comprendre. Je ne suis pas dans sa position, nous n'avons pas le même vécu mais pourtant, nous avons tous les deux cette espèce de vide à combler en nous.

« L'avantage de tout ça, c'est que j'ai pu photographier tellement de belles femmes nues. »

Il sourit faiblement après sa pirouette et referme les yeux mais je ne suis pas dupe. C'était une phrase pour casser le sérieux de son aveu et ne pas avoir l'air étrange devant moi.

Je me demande à quel point les fils barbelés autour de ton cœur sont solides pour te défendre autant ?



(Je suis fatiguée. C'est dur de reprendre le boulot après des mois de chômage...😫)

Petit chapitre où Charlie et Mawa se reparle enfin ! Qu'avez-vous pensé de leur échange ? Du conseil de Mawa et des possibles représailles d'Andréa ?

De l'urgence pour leur exposition, direction la Russie ? Qu'en attendez-vous ? Et enfin, du monologue d'Andréa sur sa passion et ses craintes ?

J'espère que ce chapitre vous à plu ! n'hésitez pas à me soutenir en cliquant sur l'étoile pour voter et/ou en me laissant un commentaire pour me donner votre avis. On se retrouve bientôt pour la suite ! 

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