23🎮Le trésor et la muse
Le temps file comme Andréa qui fuit son propre appartement à chaque fois que je suis là. C'est-à-dire tous les jours. Je suis censé l'assister mais en ce moment, il m'évite.
Il doit réellement être vexé après mon refus de diner avec lui. Ou il en a marre de voir ma gueule, au choix.
Je fais presque des journées entières à bosser sans lui, lui envoyant des messages quand j'ai besoin d'une information importante et passant le reste de temps libre sur « ma » tablette graphique.
Le rendez-vous de dimanche dernier a boosté ma créativité et dès que j'ai une minute, je me concentre sur l'exposition. Après tout, c'est moi qui dois envoyer les esquisses qui orienteront le travail des autres donc je dois me bouger.
Mais je regrette la présence de ce chieur. N'avoir que des ordres à distance, sans pouvoir lui envoyer une pique bien salée face à face, ça me manque.
J'avais peut-être l'air d'un toutou à le suivre partout avec ses affaires mais j'apprenais énormément des autres et surtout de lui. Il est perfectionniste mais passionné et je comprends de mieux en mieux sa façon de travailler.
Chaque détail à son importance et l'humain ne doit pas être négligé pour être productif... sauf bien sûr quand il a couché avec l'un de ses modèles et qu'elle joue la reloue. Ce qui, j'ai l'impression, arrive fréquemment.
Ce n'est pas pour rien qu'on dit « pas de sexe au travail ».
En parlant de sexe, je pense chaque jour à la non-présence de sexe dans ma vie par peur d'un nouveau blocage. Oui, c'est un cercle vicieux parce que justement, la peur accentue le mal. Mais je n'y arrive plus.
J'ai beau être sortie avec Anna jeudi soir, pas moyen de draguer un mec pour confirmer la théorie que ce n'est qu'avec Andréa que je bloque. Je sais qu'en solitaire, il n'y a pas de problème mais avec lui...
Peut-être qu'il a raison.
Que « lui et moi », c'est tellement ridicule que mon corps n'en veut pas.
Je soupire en faisant glisser mon stylet sur la tablette lorsque j'entends la porte d'entrée claquer. Je tourne à peine la tête et observe Andréa, le téléphone vissé à l'oreille, en train de parler en anglais avec un accent français délicieusement dégueulasse.
Enfin, je dis ça mais j'ai le même. 'Parait que ça contribue à notre charme de français à l'étranger.
Je comprends qu'il discute avec un de ses modèles vivant en Russie et qu'il tente de la convaincre pour notre exposition. Et d'après le ton de sa voix, ça a l'air de bien se passer.
J'en profite pour me lever et me servir du thé avec un reste d'eau chaude. Le fixant intensément avec le comptoir comme seule distance entre nous. Le photographe est appuyé contre son frigo et écoute son interlocutrice tout en passant sa main dans ses cheveux bruns indisciplinés.
J'observe chacun de ses mouvements comme s'il était une proie. Quand il remet le revers de sa chemise, caresse de quelques doigts sa barbe de trois jours avant de triturer le passant de son jean.
Et quand il lève doucement les yeux vers moi, remarquant enfin ce que je suis en train de faire.
Est-ce que je suis vraiment en train de mater Andréa Simon ? Y'a un truc qui débloque chez toi, Charlie. T'es devenu tant accro que t'en es réduite à vouloir arracher la chemise du diable pour mater son torse ? Le caresser et...
Merde, c'est l'eau chaude qui me fait transpirer autant ?
Le ton de sa voix change et même s'il parle anglais avec un accent, le fait qu'elle soit presque suave me donne des frissons. Il me fixe, attendant quelque chose de ma part mais il n'y a que ma main qui glisse sur la céramique.
Merde, merde, merde.
« Thanks, I'll call you later Natacha. »
Andréa raccroche et laisse son téléphone sur le comptoir avant de me regarder d'un air trop sérieux, presque moralisateur, me faisant m'en vouloir et maudire mon corps d'être attiré par ce diable.
Lorsqu'il s'approche dangereusement de moi.
J'ai beau être plus grande que lui, à cet instant, il m'intimide et sans m'en rendre compte, mes fesses cognent contre le plan de travail derrière moi tant j'ai reculé.
Est-ce qu'il va me foutre une baffe ou m'arracher mes vêtements ? Pas moyen de le deviner.
Soudain, il s'approche tellement qu'il appuie ses mains sur le plan de travail, me faisant prisonnière de ses bras. Son souffle chaud dans mon cou et la proximité de nos corps me fait déglutir alors que je remarque que ses yeux marrons sont bien plus clairs que je le pensais.
J'ai envie de jouer avec lui.
— Embrasse-moi.
— Non.
— Chochotte.
Il me répond en appuyant sur le bouton de la cafetière derrière moi, faisant glisser une tasse de son autre main et déclenchant le bruit assourdissant de la machine.
Une action qui casse le silence entre nous mais pas la tension présente.
— Toi, embrasse-moi.
— Non.
— Pourquoi ?
— C'est le premier qui craque, qui perd.
Merci Anna de m'avoir fait regarder deux saisons de Kaguya-sama: Love is war!.
Son sourire fait s'étirer le mien et ma langue humidifiant mes lèvres provoque un soupir lascif chez lui alors que mes pieds glissent lentement vers les siens pour être à sa hauteur.
Allez, craque. Tu sais que j'aime la victoire et que je ne céderais pas.
Mais je sais que tu es comme moi et que tu ne vas rien lâcher.
La machine s'arrête enfin et c'est cette soudaine absence de bruit qui fait réagir Andréa venant mettre sa main dans mon dos pour me coller d'un coup contre son torse. J'ai le souffle coupéet je ne peux m'empêcher de me mordre la lèvre en me rendant compte que je vais peut-être perdre ce jeu que j'ai lancé.
« N'y crois pas une seule seconde » me dit-il avant de m'écarter et d'attraper sa tasse de café pour mieux me laisser seule dans la cuisine.
Je... Hein ? Putain. Il m'a eu le con.
La prochaine fois, je le déglingue.
🎮🎮🎮
« Et voilà ! Un chignon élégant pour la plus bonne bonne bonne de mes copines ! »
Je regarde le travail d'Anna dans notre miroir sur pied et sifflote face au résultat. J'ai eu raison d'appeler Léonore pour lui parler de la soirée en découvrant que c'était le genre d'événement « chic mais décontracté », ce qui veut dire robe de soirée mais ambiance qui ne se veut pas mondaine.
J'ai donc sorti une petite robe noir classique avec des talons assortis, un rouge à lèvre de la même couleur que mes cheveux et malgré tout, une petite fantaisie avec un collier dont le pendentif est une petite keyblade de Kingdom Hearts.
— Tu y vas en métro ? N'oublie pas ta parka !
— Oui maman ! Mais non, c'est Andréa qui vient me chercher en voiture.
— Ça va avec lui ? Ton plan machiavélique pour le faire craquer ? Tu as appliqué les conseils de Love is war! ?
— C'est... compliqué. Je... ne peux pas t'en dire plus parce qu'Andréa vient de m'envoyer un doigt d'honneur par SMS. Il doit m'attendre en bas.
— Passe une bonne soirée, alors. Moi je compte avancer dans Jojo's en mangeant des knackies.
— Limite, j'ai envie de rester.
Anna me fait un léger bisou sur la joue avant de me frapper les fesses pour que je m'en aille rapidement. Ma parka rouge enfilée et ma pochette noire à paillettes, je prends mon temps pour descendre quitte à faire rager Andréa.
Lorsque j'ouvre la porte du bâtiment, je suis agréablement surprise de le retrouver habillé aussi bien que moi : un costume noir avec une chemise blanche et dont la cravate est... rouge grenat.
Sacré diable.
Ses cheveux sont bien coiffés, pour une fois, même si une petite bouclette brune rebelle tombe à peine sur son front. Il a troqué ses lunettes pour ses lentilles de contact et son regard lorsqu'il lève la tête de son portable n'a pas de prix.
J'y lis autant de surprise que de désir. Il me déshabille tellement avec ses yeux que c'en est indécent.
— Hâte que tu enlèves cette parka pour voir ce qu'il y a en dessous.
— Un t-shirt sale avec imprimé ta tête et la phrase « Mon patron m'exploite ! ».
— Le pire, c'est que tu pourrais être sérieuse... Tu ne l'as pas fait, hein ?
— Ça fait partie des règles : « Je suis ton assistante donc liée à ton image et je ne dois pas te faire honte ».
— Ouvre ton manteau, juste pour être sûr.
Je lève les yeux au ciel et soupire en obéissant avant de tournoyer sur moi-même pour dévoiler ma petite robe noire. Elle est simple mais se distingue avec le décolleté en dentelle dans mon dos et sa forme moulante en haut et évasé en bas. Mettant à la fois en valeur ma poitrine très moyenne et mes grandes gambettes.
— Tu as des jambes interminables. Et ça, c'est...
— Un porte-jarretelle, oui. Ça date du temps où je faisais un effort pour séduire un mec qui ne voulait plus de moi.
— Quel idiot.
Sur ces mots, il m'ouvre la portière pour que je m'installe avant de la faire claquer quitte à l'abimer, tout ça rien que pour me faire sursauter.
Andréa se glisse derrière le volant et démarre sans perdre de temps lorsqu'il aborde lui-même le sujet concernant notre petit jeu de ce soir.
— On est un duo inséparable, un « couple » si tu préfères. On doit avoir l'air ambigu pour pouvoir tromper George et qu'il se demande toute la soirée si l'on est ensemble ou pas. Ça va bien le faire chier.
— Donc on agit comme si on était en mode boulot, c'est ça ? Enfin, avec moins de formalités.
— Ouais et en plus... Il faut que je te trouve un surnom autre que « la peste ».
— Ah ouais sympa.
— Tu m'appelles bien « le diable ».
— Tu pourrais faire comme tout le monde et m'appeler « Chachou », « Chacha » ou « Chat » ?
— Je ne suis pas comme tout le monde.
Ouais ben merci le prétentieux, je le sais bien.
Je garde cette réponse dans ma tête pour me préparer à rester calme ce soir à côté de lui. Ça va être dur parce qu'Andréa est vraiment un personnage hautain en public et tout ce qu'il dit mérite une réponse cinglante de ma part.
Comme si mon cerveau voulait toujours le faire redescendre.
— Citrouille ? dit-il soudain.
— Va te faire foutre.
— Carotte ?
— Tu m'appelles comme ça et je te fous le plus beau coup de pied dans les couilles de l'histoire.
— Chatoune. Ma petite chatte.
— Ton espérance de vie est en train de diminuer sévèrement.
— C'est bon, j'ai trouvé.
— Alors ?
— Je ne te dirais pas. Ce serait une surprise.
— Ok eh ben... moi aussi du coup. Chacun sa surprise.
Nous arrivons moins d'une trentaine de minutes plus tard devant l'hôtel particulier loué pour la soirée et je suis surprise de voir un voiturier prendre les clés d'Andréa.
Ok, Léonore, il est où le « décontracté » ici ? Parce que là, j'ai l'impression d'être à ces soirées chic comme dans les films, celles où je ne serais jamais à ma place.
« Oui les fluctuations de la bourse et nyanyanya ! Et vous alors ? Vous faites quoi dans la vie ? Ah ben je farm des fleurs et des minerais pour monter les niveaux de mon métier et crafter des armes dans un jeu virtuel ! »
Je rigole mentalement à cette discussion inventée en espérant que cette situation ne m'arrive jamais.
Ma parka au vestiaire, je suis un Andréa très à l'aise monter les marches de l'escalier central menant à la soirée. Lorsque nous arrivons devant l'entrée d'une immense salle de réception, je comprends que le « décontracté » vient du comptoir de bar au centre et de la table de mixage où un DJ set a actuellement lieu.
« Aucune pression mais bienvenu dans la cour des grands » me chuchote Andréa avec son sourire sadique avant de me tendre son bras pour que je m'y accroche.
Pff, comme si j'étais incapable de marcher toute seule...
Mais vu la soirée, c'est assez valorisant et je préfère qu'il m'entraine plutôt que de me perdre dans la salle, donc j'accepte.
Le photographe nous emmène directement au bar pour nous prendre du champagne et se servir en petit four avant de m'entrainer vers ses amis. George et Léonore sont tous les deux aussi bien habillés que nous mais une aura particulière se dégage de leur couple.
On sent qu'ils sont amoureux tellement ils se dévorent du regard.
Léonore porte elle aussi une belle robe noire, mais plus longue que la mienne et son fiancé un costume trois pièces très distingué, contrastant avec ses cheveux en bordel. Mais visiblement, il s'en fout. Les deux meilleurs potes se charrient pendant que je fais la bise à Léo et prends banalement de ses nouvelles jusqu'à ce qu'Andréa nous interrompe :
— S'il te plait, Léo, ne monopolise pas autant ma muse.
— Ta muse ? s'étonne-t-elle autant que moi. Chacha est inspirante à ce point ?
— C'est une femme surprenante, n'est-ce pas ?
Je réprime un frisson de plaisir en sentant sa main glisser dans mon dos pour se coller à ma taille et sourit poliment, comme convenu, en répondant d'une douce voix :
« Bien sûr, trésor. »
Cette fois-ci, c'est à lui de cacher sa surprise. Je le vois mordre l'intérieur de sa joue alors que George à côté de lui est presque estomaqué. Léonore, elle, sourit à pleines dents et me fait même un clin d'œil.
C'est tellement facile de berner les gens avec de simples mots.
Et le plus satisfaisant, c'est de perturber Andréa. J'aime le troubler et me venger des petits coups qu'il me fait.
Nous continuons à parler avec le couple puis passons de groupe en groupe pour parler du travail d'Andréa mais également des projets de la boite de production. Il y a de nombreux partenaires ce soir dont des gens travaillant à la télévision, au cinéma et pour les services de film à la demande.
C'est tout un réseau que j'ignore et qui m'intimide mais le diable m'entraine naturellement dans son monde en me présentant comme sa partenaire et non son assistante. Et bordel, que c'est gratifiant.
+50 en confiance en soi en une soirée ! Je devrais jouer à la « muse » bien plus souvent !
La soirée passe rapidement et nous alternons entre petite collation et buvette sage pour ne pas être ivre trop vite. Andréa connait déjà ma résistance à l'alcool et me surveille de près mais je tiens tellement à ne pas lui faire honte que je me contrôle vraiment bien.
— Pari gagné, me chuchote George un peu plus tard dans la soirée en passant derrière moi. Je ne pensais pas voir mon meilleur pote aussi docile. De ce que j'ai vu, il n'a jamais été aussi peu hautain avec les autres et c'est un miracle.
— C'est parce qu'il y a sa muse, plaisanté-je. Du coup, tu vas me donner quelque chose ?
— Si un jour tu as besoin d'un service, tu m'appelles et je viendrais t'aider. Peu importe ce que c'est.
— Même si je dois cacher le cadavre de ton pote en pleine forêt ?
— J'ai des pelles et j'ai fait un peu de scoutisme.
— Parfait !
Nous rigolons ensemble avant qu'Andréa et Léo reviennent vers nous pour nous présenter d'autres personnes arrivées tardivement. J'avoue que mon attention se détourne beaucoup de la conversation ennuyeuse lorsque le photographe me ramène à la réalité en me pinçant légèrement la taille.
— Aie ! chuchoté-je contre son oreille. Tu n'étais pas obligé !
— J'avais l'impression que ma muse s'endormait debout. C'est déjà l'heure d'aller dormir pour les enfants ?
— Oh trésor, si tu savais toutes les nuits blanches que je...
Je m'interromps lorsque je sens un frisson parcourir mon corps. Andréa m'interroge du regard mais je ne sais pas comment expliquer rationnellement pourquoi ma main se met à trembler.
Pourquoi j'ai une boule au ventre.
« Ah le voilà ! C'est de lui dont je vous avais parlé, l'avocat spécialisé en propriété intellectuelle qui travaille avec nous, Simon Dubois. »
Je reste figée face à cet homme élégant dont les belles boucles brunes sont tirées en arrière. J'observe sa main serrer celles des autres, une bague dorée à l'annulaire, avec une poigne ferme qui montre son assurance immédiatement.
— Andréa Simon. Enchanté de vous rencontrer.
— De même. C'est « comique » d'avoir le même prénom et nom. Et qui est la délicieuse femme à vos côtés ?
Quoi ? Tu... oses ? Tu...
— Ma muse, Charlie Ferrer. C'est ma partenaire artistique.
— Ferrer... Ah. Vraiment ?
Je serre ma pochette et me mords la lèvre pour contrôler le tremblement de ma jambe alors qu'Andréa me rapproche de lui, comme s'il avait senti que quelque chose n'allait pas chez moi.
Soudain, « cet » homme me sourit.
Ce sourire d'apparence charmeur mais qui fait monter en moi quelque chose de dégoutant. Tout chez lui transpire la gentillesse et la bonté mais il fait ressortir un sentiment indescriptible au fond de moi.
— Charlie, tu as bien grandi.
— Vous vous connaissez ? s'étonne Andréa.
— J'étais un ami de sa sœur... Ça date d'il y a longtemps mais elle est toujours aussi mignonne.
Il me tend la main, attendant que je la serre devant le petit groupe.
Alors que je n'ai qu'une envie : vomir.
« Je t'aime Charlie. T'es tellement mignonne. »
*BLEUUUURP*
Et je n'ai pas pu retenir mon envie.
J'ai vomi sur sa main et ses pompes devant tout un groupe de personne distinguée.
Devant Andréa, mon patron, à qui je ne devais pas faire honte.
Vomito alert ! Vomito alert ! Croyez-moi, le prochain chapitre risque de pas mal chambouler 😬🤢🤮🤧 Qu'avez-vous pensé de celui-ci ?
D'Andréa qui esquive Charlie pour au final jouer au charmeur avec elle et la battre à son propre jeu ? Pensez-vous qu'il se doute de ce qu'elle veut de lui ? Et Charlie ? Est-elle en train de basculer (comme Flo avant elle) dans le fanclub d'Andréa ?
Que pensez-vous de leur attitude volontairement proche pour tromper George pendant la soirée ? Et enfin de la rencontre pas si nouvelle qui a fait littéralement vomir Charlie ? Comment Andréa va-t-il réagir d'après vous ? Et qui est ce Simon Dubois ?
N'hésitez pas à me soutenir en cliquant sur l'étoile pour voter et/ou en me laissant un commentaire pour me donner votre avis ! On se retrouve bientôt pour la suite !
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