22🎮La vraie Mawa

« C'est vraiment une bonne idée. Vous pouvez compter sur moi, monsieur Simon. Heureux d'avoir fait votre connaissance, madame Ferrer. »

Nous ressortons lessivés de la magnifique et luxueuse enseigne de pâtisserie aux couleurs pastel. La nuit est déjà tombée sur la capitale et le vent du début d'automne me fait regretter de ne pas avoir pris de manteau.

Je regarde Andréa, tout aussi fatigué mais avec un pull, et je le supplie du regard de me le filer.

« Crève. » me répond-il en me faisant un doigt d'honneur avant de marcher en direction de sa voiture.

Il est loin le bref instant où je le trouvais sexy.

Nous avons pu parler de notre projet d'exposition avec le chef pâtissier et c'était un vrai plaisir de le voir aussi emballé que nous. Bien sûr, au début, je n'étais carrément pas à l'aise dans sa cuisine parce qu'avec nos tenues du dimanche, on faisait tache.

Mais « l'habit ne fait pas le moine » et nous l'avons quitté quelques heures plus tard avec des idées plein la tête et l'espoir d'une belle exposition prometteuse.

Lorsque je m'installe sur le siège passager, je prends enfin le temps de regarder Andréa en détail et de repenser à tout ce qu'il a dit à ma mère.

C'était jouissif que pour une fois, elle n'ait pas le dernier mot. Je ne pense pas qu'elle ait compris tout ce qu'a voulu dire le photographe et je l'imagine surtout rager en silence ou après mon père à cause de son fou rire.

Concernant Andréa... Je lui en dois une d'avoir fait la route juste pour venir me chercher mais également pour m'avoir sauvé et défendu mon travail devant elle. Bon, c'était très piquant pour Marie Ferrer mais c'était du grand art à la « Andréa Simon ».

Et puis même si je n'aime pas avoir le rôle de la « princesse en détresse », ça m'a fait du bien, pour une fois, d'avoir quelqu'un qui prend les armes avec moi.

— Tu ne démarres pas ? dis-je en remarquant que ça fait bien deux minutes qu'il fixe le rétroviseur.

— Je réfléchis.

— Au nombre de femmes que tu as baisé dans cette voiture ?

— Deux. Mais non.

— J'espère que tu as bien nettoyé... Mais sinon ?

— Je me demande où à cette heure-ci, un dimanche et avec nos fringues, je peux t'emmener au restaurant.

— Pardon ? Au restaurant ? Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter que tu me nourrisses ?

— Tu mérites bien une récompense pour avoir tenu comme assistante pendant trois semaines.

Nous nous regardons avec une expression neutre, à qui craquera le premier en détournant le regard, lorsque je me souviens d'une chose importante.

« Je ne peux pas, je dois rentrer. Je dois m'entrainer sur IRIS. »

Andréa ne dit rien et sort son téléphone de sa poche, passant une longue minute dessus avant de démarrer le contact de la voiture.

— Qu'est-ce qu'il y a ? plaisanté-je pour casser le silence gênant entre nous. Tu es vexé ?

— 'Pas l'habitude qu'une femme me refuse une invitation au restaurant.

— Franchement, tu nous vois débarqués comme ça pour manger ? Avec nos têtes de déterrés ?

— T'as raison. Ça serait minable et ma réputation prendrait un coup en trainant avec toi dans cet état.

— J'aurais bien dit la même chose si je n'en avais pas rien à foutre de la réputation que je n'ai pas.

— Et puis toi et moi, c'est ridicule. Non ?

Cette question, je la ressens différemment des autres. J'ai l'impression que la réponse qu'il attend sera importante et déterminante dans notre « relation ». Qu'elle englobe bien plus qu'elle ne laisse imaginer.

Oui, Andréa et moi, c'est ridicule. Ridicule parce que même si les gens trouvent que l'on se ressemble, cela ne veut pas dire que l'on va ensemble.

Mon seul but, c'est de le faire souffrir. De le faire payer pour ce qu'il s'est passé il y a un an, n'est-ce pas ?

— Ouais, c'est totalement ridicule.

— On est d'accord.

Alors pourquoi est-ce que ça m'énerve ? Pourquoi j'ai cette insatisfaction en moi comme si j'avais perdu la partie aujourd'hui en refusant sa proposition de diner ?

« C'est ridicule mais je vais avoir besoin de toi pour gagner une partie. »

Arrivé à un feu rouge, il tourne la tête vers moi et m'interroge du regard.

Je ne voulais pas faire ça mais si je veux gagner face à George Cartier, je suis obligé d'en parler au concerné. Me voilà donc à raconter à Andréa le « pari » fait avec son meilleur ami sur la soirée de samedi prochain.

Que lui et moi devions avoir l'air d'être un duo parfaitement assorti sans l'ombre d'une discorde. La raison ? Il ne cherche même pas à la connaitre, visiblement.

Il a plus l'air emballé par le fait de faire taire son pote que de savoir pourquoi il en est venu à me défier.

Il me dépose enfin chez moi et me fait sursauter en klaxonnant alors que j'ouvre la porte d'entrée du bâtiment, faisant tomber mon trousseau de clés comme il y a quelques semaines.

— Quoi ?!

— Rien, tu es juste... surprenante.

Je hausse les épaules, désireuse de savoir pourquoi il dit toujours ça de moi mais il ne m'en laisse pas l'occasion car il démarre immédiatement, disparaissant dans la nuit.

C'est plutôt lui qui est surprenant.



🎮🎮🎮



Je tortille quelques mèches sortant de ma tresse rouge avant de souffle dans ma paume pour faire un contrôle de mon haleine. Mes fesses s'agitent sur ma chaise pendant que mes doigts frottent sans cesse le pied du verre devant moi.

Je ne me souviens pas de la dernière fois où j'ai eu un rencard mais j'avais oublié à quel point c'était stressant de rencontrer une personne en vrai.

Enfin, « rencard », c'est un bien grand mot.

Bon, je n'ai aucun doute à avoir sur quoi faire. Reste à savoir si j'aurais le courage de lui en parler directement.

C'est lorsque je la vois entrer dans le bar que je commence à déglutir.

Sa démarche est fluide entre les tables et son sourire timide me fait même rougir.

MawaBrute est ce que j'ai tendance à appeler « beauté timide ».

Son large pull gris est partiellement rentré dans son pantalon taille haute, accompagné de talons et d'une petite écharpe couvrant une partie de son cou.

Ses cheveux sont d'un noir de jais contrastant avec sa peau très blanche, ses magnifiques yeux bleus et ses lèvres roses.

Elle porte plusieurs bagues à ses doigts et je vois même des ailes de papillons tatoués sur son poignet droit.

Elle est... vraiment très belle. Il n'y a aucun doute là-dessus.

« Salut Lucky. » me dit-elle d'une douce voix avant de s'assoir devant moi et de fouiller dans son sac. « Tiens. »

Mawa fait glisser une carte plastifiée dans ma direction et je me retiens de sauter de joie en voyant l'image de mon personnage préféré sur IRIS.

— Je t'avais dit, en gagnant l'enchère d'il y a trois mois, que je te la donnerais.

— Oh merci beaucoup Mawa ! C'est... Ben je me sens conne parce que je n'ai rien pour toi.

— Ne t'en fais pas. Se rencontrer, c'est déjà génial.

Je me mordille la lèvre pour cacher ma gêne et l'observe fixer la carte des boissons. Elle a des gestes délicats et j'ai l'impression d'être face à une poupée alors que, lorsqu'elle a sa souris et son clavier, c'est différent.

Enfin oui et non. Quand nous partons en exploration du monde d'IRIS, elle est aussi douce que maintenant. Mais dès que l'on doit se battre, Mawa devient « Brute », d'où son pseudo.

Ce n'est pas l'une des joueuses les plus féroces d'IRIS France pour rien.

Elle et moi discutions de tout et rien, comme avant.

C'était une confidente sans l'être parce que je ne livrais jamais rien de vraiment personnel, mais... elle m'écoutait. Elle me comprenait et elle tentait de m'aider avec ses observations.

Même si c'était virtuel, pour moi, c'est une véritable amie. Mais ça, c'était avant le malaise d'il y a quelques semaines.

— Tu vas participer à la LAN ? demandé-je pour sortir de mes pensées.

— J'y réfléchis... Je ne suis pas très à l'aise dans ce genre d'événement.

— On aimerait vraiment tous que tu participes. Tu es un des piliers de GodIRIS et c'est peu fréquent de voir deux gameuses en LAN à haut niveau sur ce jeu. On pourrait faire changer certaines mentalités.

— Je sais, mais ça demande de l'entrainement donc moins de temps pour l'exploration et j'aime vraiment ça. Voler à travers le monde d'Immortal Resistance Invade Sun, découvrir des coins cachés, remplir le bestiaire et voyager d'une ambiance à l'autre.

Oui mais la Mawa qui me plait le plus, c'est celle en mode « Brute ». Celle qui se donne à fond et qui me soutient en combat.

— S'il te plait. Sans toi, on devra trouver un autre joueur et le former. En si peu de temps c'est... quasiment impossible. Du moins si on vise la victoire.

Elle fait touiller la paille de son cocktail en réfléchissant et, à cet instant, j'ai l'impression qu'un fossé nous sépare.

Mawa a l'air d'une adulte et moi, d'une enfant. Une gamine qui fait son caprice.

Tout dans ses manières, ses gestes et le ton qu'elle emploie me le montre. À côté, je sors du collège et je suis fière d'avoir eu mon brevet.

Pourtant, j'avais l'impression qu'on était pareil quand on discutait. On blaguait, on avait les mêmes références... Peut-être parce qu'on ignorait l'âge de l'autre ? Ou peut-être que se voir, face à face, ça change toute notre relation ?

— Je vais essayer de m'arranger, dit-elle enfin en soupirant. J'étais plutôt partie pour t'annoncer que je ne viendrais pas... mais je ne peux pas ignorer ta détresse.

— Oh merci Mawa ! m'exclamé-je. Je te jure qu'on s'arrangera pour que les entrainements ne prennent pas trop de temps.

— Je dois juste prévenir que mon emploi du temps risque de bouger. Je reviens.

Elle sort son portable de son sac avec son paquet de cigarettes et s'éclipse dehors en me souriant. Je ne l'imaginais pas fumeuse mais elle me surprend de plus en plus.

Rien que par la fenêtre, je sens qu'elle dégage un charisme certain. Sa clope entre ses doigts, elle semble avoir une conversation animée avec son interlocuteur jusqu'à ce qu'un sourire apparaisse chez elle.

Peut-être que depuis son aveu sur ses sentiments, la situation a changé ? Peut-être qu'elle a rencontré quelqu'un et qu'elle n'est plus « susceptible » de tomber amoureuse de moi ?

— Excuse-moi, me dit-elle en revenant cinq minutes plus tard, je devais lui en parler.

— À qui ? Si ce n'est pas trop indiscret.

— Mon... fils.

Ah. Alors là, si je m'y attendais. C'est Mawa qui est vraiment « surprenante », pas moi. Jamais je ne me serais douté qu'elle avait un fils.

— C'est... euh... assez déroutant.

— C'est compliqué. Ce n'est pas vraiment mon fils, enfin c'est tout comme. Bref, des histoires de famille tordue. D'ailleurs, je ne vais pas tarder à y aller.

— Quoi ? Mais tu viens d'arriver ! Je pensais qu'on parlerait plus longtemps...

— J'ai reçu un message pour le boulot. Désolé, Lucky.

— Est-ce que ce que tu m'as dit l'autre fois a tout changé entre nous ? Qu'en me voyant, tu aurais peur de tomber amoureuse ?

J'ai honte d'avoir dit ça à voix haute et Mawa est tout aussi gênée voir plus que moi. Elle frotte sa nuque et détourne le regard avant de chuchoter :

— Les choses ont changé. Maintenant que je te vois, c'est différent.

— Est-ce que je... Enfin... Tss, je ne sais pas comment m'y prendre...

— C'est plus facile de parler par message entre nous.

— Est-ce que ça va changer entre nous ? J'aimais nos discussions par message jusqu'à tard dans la nuit. On parlait de tout et de rien et ça me soulageait. Est-ce que c'est parce que je ne t'aime pas comme tu le voudrais qu'en ce moment tu ne me réponds pas ?

— Non c'est juste compliqué dans ma vie. Ce n'est pas de ta faute. Et puis... Tu penses que j'ai quel âge ?

— Je ne sais pas... 30 ans ? Qu'est-ce que ça change dans notre relation, ton âge ?

— J'en ai 35. Dix de plus que toi.

On va de surprise en surprise ce soir.

— Je t'aime bien, Lucky. Mais ce que je suis dans la vraie vie et sur IRIS, ce n'est pas la même chose. Tu ne me connais pas réellement. Sur IRIS, je suis Mawa l'exploratrice et Brute la conquérante mais en réalité, je ne suis que Noémie.

— Noémie... répété-je. Alors on ne se parlera plus comme avant ?

— Ecoute, je vais me donner à fond pour la LAN mais je dois reprendre ma vie personnelle en main. Ce jeu, IRIS, c'est une échappatoire pour moi. Rien de plus. Ne te fais pas plus d'idée sur ce que je t'ai écrit l'autre fois.

— Je comprends. Ça me soulage, on va pouvoir se concentrer pleinement sur la LAN !

Chat la menteuse.

Je fais bonne figure même après cette discussion et son départ alors que j'ai à nouveau une boule dans le ventre. Je pensais qu'elle et moi, on n'était pas si différente mais je me suis fait avoir par la relation « online ».

Elle a sa vie, ses problèmes et je ne dois pas en devenir un.

Mais pourtant, j'ai l'impression d'avoir perdu un peu de notre amitié après cette rencontre et ça me fend le cœur.



Cette année, je n'ai pas de cadeau à vous offrir pour mon anniversaire (hein ? c pa logik 👀) contrairement à l'an dernier avec la nouvelle The Man I (always) Love. Je peux juste vous souhaiter plein d'amour, de bonheur, la santé ainsi que du bon soleil pour cet été ☀

Est-ce que je souhaite quelque chose pour mon anniversaire ? 👉👈 Eh bien, que vous lisiez, partagiez et commentiez mes histoires comme vous le faites déjà merveilleusement🥰 ! 

Retour à l'histoire ! Le chapitre d'aujourd'hui est peut-être un peu cour mais rassurez-vous, y'a du lourd qui arrive bientôt ! Qu'en avez-vous pensé ? 

De la tentative de diner d'Andréa et du refus de Charlie ? De sa rencontre IRL avec Mawa et du changement de relation qui attriste Chachou ? Est-ce que tout ira bien à l'avenir pour elles ou..?

N'hésitez pas à me soutenir en cliquant sur l'étoile pour voter et/ou en me laissant un commentaire pour me donner votre avis ! On se retrouve jeudi prochain pour la suite !

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