20🎮Au service du diable

— Comment tu fais pour supporter ça ? Je veux dire... « Ça » quoi !

— Parce que maintenant qu'il n'est qu'à moi, je m'en fous.

J'opine en regardant Léonore fixer son fiancé, le BG de service aka George Cartier, également chef opérateur pour le tournage de la nouvelle série documentaire de leur boite de production, « Des paillettes dans le gâteau ».

Un chef op qui capte toute l'attention des filles aux alentours ne se gênant pas pour le draguer.

Andréa Simon a directement été contacté par Léonore, la chargée de production sur le tournage du premier épisode afin qui fasse le plus de photo pouvant servir à la promotion de cette série culinaire sur la pâtisserie. Des photos qui serviront notamment lorsque Netflix diffusera la série.

L'avantage de tout ce « réseautage », c'est que c'est Andréa qui a lui-même conseillé le pâtissier présent à la boite de production audiovisuelle. Des raccourcis me faisant prendre à nouveau conscience que lorsqu'on entre dans un milieu particulier, c'est bien plus facile d'accomplir des choses en connaissant le plus de monde possible.

Léonore et moi regardons les deux meilleurs amis au loin, discutant devant la caméra et se mettant d'accord pour ne pas empiéter sur le travail de l'autre.

« Je suis sûr qu'Andréa est en train de lui dire qu'il me faut des soutiens-gorge push-up. »

Je m'apprête à la contredire lorsque nous croisons les regards des deux hommes.

Ok, peut-être qu'elle a raison parce que vu leurs sourires, la discussion ne doit pas être que sérieuse.

— Ça se passe bien avec lui ? me demande-t-elle en s'installant à sa table de production.

— Le boulot est fatigant, mais j'apprends beaucoup de choses.

— Je voulais parler de votre relation. Tu commences à l'apprécier un peu plus ? Andréa est chiant mais c'est aussi une perle.

— Andréa est... surprenant.

Il est aussi énervant et relou que moi mais il arrive toujours à me surprendre. Dans ses réactions, sa répartie, et autant lorsqu'on se prend la tête que l'on arrive à être d'accord.

L'envie de cracher dans son café ne me prend plus mais j'ai déjà fait exprès de lui commander le mauvais plat au déjeuner rien que pour l'énerver. C'est très puéril et nul comme plan mais son air dégoûté avait refait ma journée.

Avec lui, j'ai l'impression que la vie est un jeu et chaque victoire me fait retrouver le sourire. Que tout est un défi et que je peux me dépasser un peu plus pour le réaliser.

Après, si on repense à l'incident de lundi soir... Meh. J'attends mon rendez-vous chez le docteur pour en savoir plus.

Par contre, maintenant que je pense à ma vengeance, je ressens une petite douleur à l'intérieur.

Je veux qu'Andréa souffre mais j'ignore la raison qui me fait tant y tenir. Et en même temps, je me demande si ça vaut vraiment le coup.

— Tu vas réussir à dompter Andréa pour ton pari avec George ? C'est la semaine prochaine la fête, n'oublie pas.

— Ça risque d'être compliqué et je commence à me dire que le plus simple serait de m'être Andréa lui-même dans la confidence pour battre ton fiancé. Est-ce qu'il serait capable de « tromper » son meilleur pote ?

— C'est Andréa Simon. Bien sûr qu'il en serait capable rien que pour voir la réaction de Gigi et s'en délecter. Mais il pourrait tout aussi bien retourner sa veste au dernier moment et te faire un sale coup.

— Tss... Le problème avec lui, c'est qu'il est aussi imprévisible que moi.

Léonore me répond d'un sourire lorsque je dois me séparer d'elle, appelé au loin par mon chef. Je me retrouve une minute après devant un plan de travail où trône un magnifique wedding cake dont le pâtissier semble extrêmement fier.

Andréa, son appareil dans les mains, me demande un objectif précis dans sa sacoche jusqu'à froncer les sourcils et me donner l'emplacement exact en se souvenant que je n'ai pas la connaissance technique sur son matériel...

Mais il se trompe, parce que j'ai révisé.

Je lui tends immédiatement le bon objectif pour photographier le gâteau et le brun prend quelques longues secondes pour se rendre compte de ce que je viens de faire. Il cligne plusieurs fois des yeux, vérifiant l'objectif avant de me glisser un simple remerciement et de se remettre au travail.

Alors que je pense ne pas l'avoir tant surpris que ça, il revient vers moi une vingtaine de minutes plus tard, me retrouvant à la table de régie, un cookie dans la bouche.

— Comment t'as su que c'était le bon ?

— J'ai commencé à lire des articles sur la photographie. Les bases à connaitre et tout... Et hier soir, j'ai regardé un tuto technique sur YouTube pour reconnaitre les objectifs. C'était encore frais dans ma tête quand tu me l'as demandé. J'ai juste eu de la chatte.

— Tu te renseignes vraiment sur la photographie ? Pourquoi ? Tu sais que ce boulot pour toi n'est que temporaire ?

— Oui je sais mais j'aime quand mon travail est bien fait et pour ça, j'ai besoin d'en savoir plus. C'est normal de se renseigner sur la discipline que j'assiste, non ?

— Ouais c'est... normal. Mais surprenant de ta part.

— Parce que j'ai l'air d'une glandeuse au chômage ?

— Ne sois pas si agressive.

Ces derniers mots, il me les chuchote à l'oreille. Surement parce qu'il ne veut pas avoir l'air de se disputer avec son assistante devant l'équipe.

Son épaule se colle à moi alors qu'il se sert du café et c'est aussi proche que je me rends compte de notre différence de taille.

Je dois bien avoir une demi-tête de plus que lui alors les mannequins qu'il se tape... Il doit avoir la tête dans leur poitrine.

— Pourquoi tu souris ? me demande-t-il.

— Je viens de t'imaginer en train d'étouffer dans une paire de seins.

— Quelle belle mort. Moi, je te vois plutôt étouffer à cause d'une pipe trop brutale.

— Attention, on est en mode pro et ce que tu viens de dire sonne comme du harcèlement sexuel.

— Et moi je pourrais te virer pour ce que tu m'as dit.

Je sens ses doigts me pincer le bras, provoquant une grimace alors qu'il repart vers la cuisine, un petit sourire narquois sur les lèvres.

Je frotte doucement mon bras en faisant la moue lorsque j'entends piailler derrière moi et regarde George venir dans ma direction pour prendre une poignée de mini-madeleine.

— Tu n'en as pas marre, à force, que toutes ces femmes te voient comme un bout de viande ?

— J'ai l'habitude, se contente-t-il de répondre.

— Ben tu as bien de la chance d'épouser Léonore parce que moi, je n'aurais pas supporté de voir mon mec se faire draguer devant moi toute la journée.

— Ça les calmera quand j'aurai mon alliance au doigt.

C'est vrai que ce mec a un truc d'apaisant. Il ne semble pas se prendre la tête et doit rarement se mettre en rogne, comparé à son meilleur pote.

Je l'observe, engloutissant un nouveau cookie, et remarque le regard amoureux qu'il a en direction de la table de production. Là où Léonore est en train de taper à toute vitesse sur son clavier tout en répondant à une question d'un membre du staff.

Elle fait une pause, glissent ses doigts dans ses cheveux bouclés pour replacer une mèche, et ce simple geste fait pousser un soupir à l'homme amoureux à mes côtés.

— J'aimerais tellement que quelqu'un me regarde comme tu le fais.

— Je pense que je ne trouvais pas mieux que Léo dans ma vie. J'ai mis du temps à comprendre qu'épouser sa meilleure amie, c'était le plan parfait pour être heureux. Être avec quelqu'un qui est autant une amie qu'une amante.

C'est peut-être pour ça que toutes mes relations sont bancales.

« Tu as l'air de bien t'entendre avec Andréa. »

Je me retourne pour observer le photographe en action. Ses gestes sont précis et son regard est intense face à ce wedding cake, comme s'il voulait se le taper.

— On a une relation un peu... De... Comment dire ?

— De potentiel am-

— De grand frère et petite sœur, l'interromps-je. Peut-être parce qu'il n'arrête pas de m'appeler « gamine » alors que j'ai déjà couché avec des mecs plus vieux que lui.

— Ah, donc c'est le sexe qui changerait votre relation ? Intéressant...

— Quoi ?

— Je pensais qu'il aurait déjà craqué parce que tu es carrément son type.

— Pfff, n'importe quoi. Il a beau se taper des tops model squelettiques, il est sorti avec Floriane. Sans l'offenser, elle est belle dans son genre mais mon opposé physiquement. Elle a de belles formes, fait sa taille et a plusieurs bonnets de différence avec moi. Franchement, il a été con de la larguer mais au moins, ça a arrangé mon frère.

— Et moi, en tant que meilleur ami, je suis persuadé que tu es son type autrement que pour de la baise ou une relation sans amour.

« Ohé Charlie ! Ramène-toi quand je t'appelle ! Je ne te paie pas pour draguer ! » s'écrie au loin le photographe en tapant du pied avec agacement.

Je termine mon cookie et secoue mes mains pleines de miettes avant de jeter un dernier regard à George et de déclarer :

« La seule chose qu'Andréa aime, c'est de me voir à son service. »



🎮🎮🎮



« Et du coup, ça a bloqué. Son pénis ne pouvait pas rentrer et j'ai même essayé avec mes doigts quelques minutes après mais rien à faire, c'était bloqué. Un vrai mur. »

Mon psychanalyste, le Dr Rousseau, opine en écrivant dans son carnet alors que je suis allongé sur le canapé de son cabinet. Il m'a chaleureusement accueilli mais j'ai perçu au téléphone, lorsque j'ai pris rendez-vous, qu'il était très surpris de m'entendre.

Parce que lui et moi, nous ne devions « normalement » pas nous revoir.

Que je sois dans son cabinet à lui raconter ce problème prouve que celui qu'il avait résolu ne l'était pas tant que ça.

Je le vois frotter son crâne devenu quasiment chauve avec le temps, des poils grisonnants se battant encore contre la calvitie lorsqu'il rehausse ses lunettes et entrelace ses doigts.

— Est-ce que vous continuez à voir un psychologue ?

— Le dernier professionnel de santé que j'ai vu, c'était ma gynécologue.

— Pas même pour votre dépression ?

— Je ne suis pas en dépression.

— Charlie, je vous connais depuis longtemps et tout ce que vous m'avez raconté... Mais aussi ce qui découle de votre problème sexuel, ça vient d'un début de dépression. La dépression, c'est différent pour chaque patient et à plusieurs degrés. Ça peut sembler léger comme vous détruire chaque jour.

— Je me sens souvent déprimé mais de là à employer ce mot...

— Vous vous êtes toujours raccroché aux jeux vidéo.

— C'est parce que vous me l'aviez conseillé, à l'époque.

— C'est une bonne chose mais votre cocon est devenu une prison. Vous vous êtes convaincue que vous ne pouviez être heureuse qu'en jouant et vous avez même appliqué le « jeu » dans votre vie pour en tirer de la satisfaction. Ça explique pourquoi vous voulez faire souffrir cet homme dont vous m'avez parlé.

— Parce que je ne peux m'empêcher de vouloir du mal à Andréa Simon.

— « Andréa Simon », c'est comme ça qu'il s'appelle ? Et ça ne vous fait pas percuter ?

— Percuter quoi ?

Le Dr Rousseau me détaille pendant quelques interminables secondes, analysant mes réactions avant de noter des choses que j'aimerais lire sur son carnet.

« La thérapie était bien efficace alors. Ou peut-être... pas assez. »

Je fronce les sourcils et me redresse du canapé mais il me fait signe instantanément de me rallonger.

« Charlie, vous savez au fond de vous pourquoi vous voulez faire souffrir cet homme. Vous pensez que c'est à cause de lui que vous avez tout perdu mais c'est vous seule qui aviez fait le choix de rejoindre votre ex en quittant tout. En rencontrant à nouveau cet homme, vous avez pensé qu'il serait bon de reporter la faute sur lui mais vous avez berné votre propre esprit. Vous avez reporté vos peurs et craintes liées aux hommes sur ce Andréa Simon qui pour vous, doit payer pour les autres. Pour un autre en particulier. »

Dans ma tête, le mot « conneries » revient souvent alors qu'il me parle et pourtant ma raison sait qu'il dit vrai. Je n'ai juste pas envie de creuser et de perdre tout l'effet de son travail pendant des années sur mon cerveau.

Le Dr Rousseau me demande de lui parler également de ma famille mais surtout de ma mère, de nos rapports se dégradant de plus en plus et d'autres sujets qui font qu'il en arrive à la conclusion que nous devons nous revoir.

— Vous devez prendre conscience que votre traumatisme s'est réveillé et que cet Andréa Simon reflète malgré lui ce désir de vengeance constant que vous refoulez à chaque fois que l'on en parle.

— Hum.

— Allons, Charlie, ne commencez pas.

— Très bien. Je vais y penser. Et pour mon problème sexuel ?

— À mon humble avis, ça risque de se débloquer lorsque vous aurez confiance en cet homme. Pour lui faire confiance, il va falloir s'ouvrir à lui. Vous avez un cœur, Charlie. Vous êtes juste resté dans l'idée qu'il était en miette alors que toutes nos années de thérapie ont aidé à recoller les morceaux.

Je sors du cabinet du Dr Rousseau avec une boule au ventre, peut-être plus amère que lorsque je suis rentrée et faisant l'inverse de ce qu'il m'a conseillé.

C'est-à-dire tout enfouir en moi et laisser faire la vie.



La moi de votre passé : Je croise les doigts pour réussir à publier ce chapitre à temps parce que dans votre présent, je suis en vacance à la campagne/forêt je ne sais où dans le centre-sud-ouest de la France (très précis). Excusez-moi d'avance s'il ne sort pas à temps ! 😨

La moi du présent/futur : Eheheh ça a marché !

Rapprochement entre Andréa et Charlie, est-ce que monsieur Cartier a raison de voir un avenir plus amoureux entre eux ? Que pensez-vous de leur relation de travail actuelle ? Des commentaires de Léo et George ?

Charlie a retrouvé son psy et on croise les doits pour qu'elle prenne en compte ce qu'il lui a dit 🤞 mais avouez-le, vous avez hâte de savoir la cause du trauma de Charlie et de la vraie raison forçant sa vengeance sur Andréa 😉 Bientôt, bientôt !

N'hésitez pas à me soutenir en cliquant sur l'étoile pour voter et/ou en me laissant un petit commentaire pour me donner votre avis ! On se retrouve jeudi prochain pour la suite !

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