17🎮Claque-le

— Monsieur Ferrer et madame Simon, c'est cela ? Nous avons échangé par mail.

— Non, c'était moi. Charlie. C'est moi, Charlie Ferrer.

— Et Andréa...?

— C'est moi. Andréa Simon.

— Ça doit être compliqué de vous présenter ensemble. J'espère que vous n'êtes pas marié parce que ce serait une galère !

— "Charlie Simon et Andréa Simon". Ah oui, effectivement.

—Ce n'est pas grave, tu prendras mon nom de famille, bébé.

— Plutôt me baigner dans un bain d'acide.

— Ou sinon "Camille Ferrer", comme ma cousine.

— Comment tu sais p-... Ah je suis con. Ma carte d'identité.

— Parce qu'en plus, vous vous appelez Andréa Camille Simon ?!

Nous tournons la tête vers le type du AirBnB face à qui nous nous donnons en spectacle depuis quelques instants.

Ça doit être la fatigue du shooting qui nous fait craquer parce que je sens que comme moi, Andréa était prêt à continuer à jouer avec nos prénoms pendant encore un bon moment.

Charlie et Andréa Simon, quelle blague.

Le propriétaire me confie les clés avant de nous faire entrer dans le studio avec un grand salon/lit de couchage, petit kitchenette et salle de bain avec une douche à l'italienne. Pas une dinguerie mais une nuit à deux moins chère qu'à l'hôtel.

« Attends, t'as vraiment pris un studio avec un seul lit ? Donc tu m'imposes de dormir avec toi ? »

Un AirBnB qui va me permettre de faire craquer Andréa un peu plus. Eh oui, je suis prête à partager mon lit avec le diable pour ma vengeance.

Et parce qu'il me tente un peu plus depuis que j'ai vu son dos nu et son cul bien moulé.

— Tu m'as dit « prends un truc pas cher ».

— Parce que j'ai dû acheter la tablette que tu utilises !

— T'as fait tes choix Simon, t'assumes.

— Tellement envie de faire taire ta bouche insolente avec un bâillon.

Le propriétaire est obligé de se racler la gorge, gêné face à la façon dont nous nous regardons. Ne sachant surement pas si nous sommes un couple ou deux ennemis obligés de se fréquenter. La deuxième option est pourtant la meilleure.

Après avoir discuté quelques minutes, le propriétaire nous laisse enfin seuls et Andréa en profite pour se laisser tomber sur le canapé en expirant bruyamment.

Il faut dire que dès notre arrivée à Nantes, nous avons rejoint le lieu de shooting sans prendre de pause.

Andréa Simon, outre le fait de faire des shootings de mannequin pour de la publicité sur de la nourriture, est avant tout un photographe culinaire. C'est-à-dire qu'il prend en photo des plats bandants as fuck pour, par exemple, des livres de cuisine best-seller.

Il a plusieurs contacts de grand chef et est en lien avec plusieurs marques, toujours liées à la nourriture. Je lui avais demandé pourquoi il faisait ça, et pourquoi pas plus de portrait ou autre... Et voilà ce qu'il m'a répondu :

« Je suis meilleur pour sublimer un plat qu'un être vivant. »

Je pense que c'est un peu faux car les photos qu'il a dans son couloir sont la preuve du contraire. Il a plusieurs mannequins qui aiment bosser avec lui et qui le font sans qu'il n'y ait de lien avec la nourriture et ça, ça démonte sa pensée.

Mais l'artiste a ses raisons que la raison ignore.

Je suis sûr que c'est lié à son passé d'ancien bouboule. Peut-être qu'il compense sa faim en se faisant du mal et en photographiant l'objet de son vice ?

Nous avons passé la journée dans un restaurant étoilé pour prendre les photos de plats gastronomiques d'un chef préparant un livre de recettes. J'aurais pu saliver si ce genre de petit plat dans d'énormes assiettes me faisait plus d'effet qu'un bon gros croque-monsieur fait maison par mon père.

Heureusement, on a bien déjeuné mais le travail s'est étendu jusqu'en fin d'après-midi et à voir la dégaine du photographe, il a besoin d'une sieste.

— Tu devrais retirer tes chaussures, dis-je en ouvrant ma valise à même le sol.

— Laisse-moi respirer.

— Ok, patron.

Je m'éclipse dans la salle de bain et passe bien une trentaine de minutes à me préparer pour sortir retrouver mes anciens amis... et mon ex. Encore aux Hangar à Bananes en plus, c'est bien ma veine.

La touche finale mise à mon maquillage, je rajuste le décolleté en dentelle de mon body noir et range mon téléphone dans la poche de ce jean moulant parfaitement mon petit cul.

Il va regretter ce qu'il a perdu, le con.

Lorsque je sors de la salle de bain, les derniers rayons de soleil traversent le studio et me donnent une image parfaite du diable en train de faire la sieste à l'heure dorée.

Andréa a enlevé ses lunettes et déboutonné légèrement sa chemise blanche, passant un bras derrière sa tête pendant que l'autre tombe hors du canapé. Il a bien retiré ses chaussures et garde une jambe repliée sur le canapé.

Je m'approche doucement de lui, prenant discrètement une photo de ce seul instant paisible où je le trouve beau alors que sa respiration régulière souffle contre moi. Il a l'air d'être en paix et je commence à comprendre pourquoi Floriane avait craqué malgré le caractère de merde du photographe.

Il y a un truc chez lui qui peut être apaisant et inspirant la confiance. Quand il ferme la gueule, bien sûr.

Un truc qui ferait craquer n'importe quelle femme.

Son petit grognement et son froncement de sourcil me ramènent à la réalité : ne pas être une de ces filles stupides qui craquent pour le mauvais homme. Désolé Floriane.

Je dégage une fine boucle brune de son front avant de lui murmurer « Petit enfoiré », de prendre mon sac à main et de quitter le studio avec ma paire de clés.

Prête à affronter mon passé.



🎮🎮🎮



Je commence déjà à perdre la notion du temps.

J'ai dû boire à peine trois cocktails mais la fatigue joue sur mon alcoolisme. Ça et ma copine Anouck et sa descente légendaire nous entrainant à boire de plus en plus pour la suivre.

Mes quelques amis que j'ai abandonnés en partant pour la capitale sont très contents de me retrouver, moi et mes anecdotes surtout liés à mes « conquêtes d'un soir ».

Nous sommes installés au Ferrailleur, un café-concert avec une programmation très orientée rock mais qui devient un club aux alentours de minuit et où j'ai dû passer mes meilleures soirées.

Je joue avec la paille de carton de ma Piña Colada, écoutant les récits passionnants d'une copine lorsque l'une d'elle me pose la question taboue :

« Et du coup Charlie, tu fais quoi en ce moment ? »

Traduction : tu nous as quittés sauvagement, nous tes amis et ton bel appartement mais t'as pu trouver un travail là-bas ?

« En ce moment ? Je bois et je vais continuer à boire ! »

Je tape dans la main d'Anouck, me levant de ma place pour aller au bar, lorsque je le repère dans la foule.

Antony.

La trahison de notre amie Bassa et de son petit-copain, meilleur ami d'Antony, est jugée par tout le groupe mais surtout par mon air colérique.

— Putain... Vous abusez.

— C'est Bassa ! s'insurge Anouck en la pointant du doigt. La vie de ma mère, j'ai dit que c'était une mauvaise idée !

— Désolé Chachou... commence la traire, c'est lui qui insistait pour qu'on le prévienne si tu revenais en ville. C'est aussi notre ami.

Je fais un doigt d'honneur avant de quitter la table, ignorant mon ex jusqu'à lui donner un coup d'épaule pour me frayer un passage jusqu'au bar. Mon nouveau cocktail en main, je quitte le bar pour aller m'installer par terre sous un anneau de Buren.

Le verre de trop est dans ma main et ma tête s'agite toute seule à la musique sortant du bar. Je regarde les gens passer, danser et s'amuser, me rappelant l'ambiance d'il y a plus de deux ans où je l'ai rencontré.

« Salut rookie. »

Cette voix et ce surnom qui maintenant m'insupporte.

Je lève la tête vers lui et me mords l'intérieur de la joue alors qu'il s'assoit à côté de moi tout naturellement.

Antony n'est pas d'une beauté divine mais il a beaucoup de charisme. Une peau d'ébène sans défaut accentuant son sourire éclatant, un regard de tueur mais une douceur dans sa voix qui donne envie de le câliner.

Ce soir, il porte un t-shirt de l'Alliance de World of Warcraft, un jean et des sneakers. Le connard.

Il sait que je soutiens la Horde et que je crache sur l'Alliance dès que nous le pouvons. C'est de la provocation.

« Ça fait longtemps. T'es à ton combientième verre ? T'as quelqu'un qui te ramène ? »

Il me parle comme si nous étions de vieux amis alors qu'il m'a trompé. Le connard de luxe.

— Allez rookie, dit-il doucement, comment tu veux qu'on en parle si tu me bloques de partout ? T'as même dit à Tristan de ne plus me parler sur WoW !

— Parce que t'es un sale ally.

— Tu peux parler, ton frère est un traitre qui joue Alliance ET Horde !

— La stupidité de mon frère ne regarde que lui. Allez ouste, va-t'en. Je n'ai pas envie de te parler.

— Tu savais que je viendrais, rookie, t'es pas conne.

— Pfff... Ça ne veut pas dire que j-

— Pourquoi est-ce que tu as mis le body que je t'ai offert à ton anniversaire alors ?

Ah putain je me disais bien que je ne l'avais pas acheté celui-là mais j'avais oublié d'où il venait !

Je hausse les épaules et l'ignore en levant mon verre face à Anouck au loin et faisant de même. Je suis sûr qu'elle m'observe pour rapporter la situation aux autres et éviter que je ne balance mon ex dans la Loire.

— Qu'est-ce que tu veux me dire ? Qu'on en finisse.

— Tu sais bien... J'ai merdé avec toi et je m'en veux depuis. Un vrai connard. J'ai tout foutu en l'air et mon année à l'étranger n'a pas changé cette culpabilité en moi.

— Tout foutu en l'air... C'est bien le cas.

— Je suis vraiment désolé, rookie. Vraiment. T'as pas idée. J'ai essayé de t'appeler, de t'envoyer des mails, des lettres mais tu ne m'as pas laissé le temps de...

— De quoi ? De m'expliquer pourquoi tu n'as pas fermé la porte ce jour où j'ai débarqué chez toi ?

Antony soupire et caresse ses très courts cheveux noirs avant de boire sa bière en silence.

La tension entre nous se sent même jusqu'à Anouck qui pourtant, s'efforce de rester digne en draguant le barman.

Je ne sais pas pourquoi je continue à lui parler. Il m'a blessée, moi qui avais déjà le cœur fragile.

« Tu ne m'aimais pas. »

À ces mots, je me sens piqué au vif et bois une grande gorgée quitte à avoir la tête qui tangue un peu.

Je repense à cette musique, « Claque-le » de Bagarre qui m'inspire sur ce que j'ai envie de lui faire actuellement.

— T'en sais quoi de mes sentiments ?

— Arrête, tu m'as dit toi-même que tu étais incapable d'aimer à cause de ce qu'il t'était arrivé. Ce fameux sujet « tabou » dont tu n'as jamais voulu me parler alors que j'étais ton copain.

— Je pense que je t'ai aimé.

— Tu penses, c'est ça le problème. Moi, j'étais certain de t'aimer mais avec le temps, j'ai compris que ce n'était pas réciproque. Tu feins l'amour. Tu joues à la petite-copine comme si t'étais dans un RP. En réalité, tu m'aimais en tant qu'ami. C'était que de l'affection.

— Je...

Je ne sais plus. Peut-être qu'il a raison ? Non. Je n'ai pas envie d'être une femme insensible et incapable d'aimer sincèrement. Je le dis à mes coups d'un soir mais que mon ex me balance ça...



« Je t'aime Charlie. T'es tellement mignonne. »



Je couvre ma bouche de ma main, retenant une soudaine envie de vomir alors que mon ex continue son monologue.

Sur comment il a cédé à la tentation, sur le fait qu'il pensait me quitter et que le fait que l'on soit séparé par son travail l'arrangeait. Sur ses sentiments passés, s'excusant à nouveau de la peine qu'il m'a infligée avant de parler de mon manque d'attention envers lui.

Est-ce qu'on a vécu la même relation ? Est-ce que le confort d'être avec lui m'a empêché de faire des efforts pour le garder près de moi ?

Est-ce que j'ai encore un cœur à offrir alors que l'homme à mes côtés est en train de me convaincre que je n'en ai jamais vraiment eu ?

« Enfin je te retrouve. »

Une voix familière me sort de mes pensées et son visage éclairé par le bleu de l'anneau derrière nous me donne l'impression qu'il est venu exprès pour me sauver.

Il tend sa main vers moi, attendant que je la saisisse pour me sortir de ce sentiment de déprime revenant à la charge à cause d'Antony.

Pourquoi est-ce qu'il a fallu que ce soit toi, Andréa Simon, qui me ramène à la réalité ?



J'aime Nantes ❤️ Du moins, du peu que j'en ai visité ! Qu'avez-vous pensé de l'arrivée de Chachou et Andréa à leur AirBnB ? Du début d'attirance physique qu'elle a pour lui ?

Et enfin, de ses retrouvailles avec son ex, aka Antony le trompeur ? De ce qu'il lui révèle sur ses sentiments pendant leur relation ? De comment deux personnes vivent une relation similaire et différente à la fois ? Et du sujet "tabou" qu'il effleure ?

Est-ce qu'Andréa est vraiment son sauveur ? On est jamais sûr de rien !😈

N'hésitez pas à me soutenir en cliquant sur l'étoile pour voter et/ou en me laissant un petit commentaire pour me donner votre avis ! On se retrouve jeudi prochain pour la suite !

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