Chapitre 5 (1/2)

Le danger dissout tous les liens.


Point de vue Victoire - 22 octobre 2077

J'entendis du bruit autour de moi. Beaucoup d'agitation, surtout. Je me demandais ce qui la provoquait. Je sentais chaque partie de mon corps se réveiller doucement, comme après un très long sommeil. Pourtant, je n'avais pas envie de m'étirer, mais plus de couper tous mes membres, cela me faisait souffrir comme si on m'avait passée à tabac, une nouvelle fois. Des pas se firent entendre dans un escalier.

— Elle est morte ? demanda une voix lointaine.

— Dis pas de conneries, elle respire encore ! la somma une autre un peu floue.

— C'est pas énorme non plus... déclara une troisième intonation, étouffée, en enlevant ses doigts de mon cou pour vérifier mon pouls.

— Mais c'est déjà assez je trouve ! reprit la seconde.

— Elle va clamser avant ce soir... prophétisa une autre.

— Sois pas défaitiste...

— Regarde, elle se réveille !

J'ouvris doucement les yeux à l'entente de voix familières que je reconnus peu à peu. Évidemment, j'étais complètement perdue, malgré ce repère auditif. L'instant d'avant, j'étais en train de courir sur du bitume, au sortir d'un hôpital pénitentiaire, dans une blouse d'hôpital d'ailleurs, la main dans celle de mon petit frère, le même qui avait fait iruption dans ma chambre sans vraiment m'expliquer le pourquoi du comment. Maintenant, j'étais je ne sais où, avec les filles du Pin Vert. C'était peut-être elles qui m'avaient embarquée dans le fourgon qui s'était arrêté devant nous. Avaient-elles mis au point ce plan avec mon frère pour me sortir de là ?

C'était plus que probable. Elles étaient tout sauf idiotes. Elles avaient chacune leur caractère, mais ensemble on pouvait faire tellement de belles choses. C'en était l'exemple parfait. Certes, c'était mon frère qui avait infiltré l'hôpital, mais je me doutais que chacune y étaient allée de son idée, apportant la pierre à l'édifice. Avant même d'ouvrir les yeux, je souris intérieurement. J'étais fière d'elles. Et surtout, j'étais un peu émue de ce qu'elles avaient fait. J'ai haï cet endroit, crié intérieurement tous les noms d'oiseaux que je connaissais sur les possibles commanditaires de mon enfermement, pleuré mon ancienne vie que je ne pensais pas revoir. Maintenant, j'espérais que tout reprenne sa place.

Je papillonnai un peu pour éviter de brûler ma rétine sous le contraste noir-lumière. D'ailleurs, même comme ça, cela me faisait mal au yeux. Je souris faiblement, prise d'une soudaine fatigue, bâillant, et ayant cette grosse envie de me rendormir, même si le sofa où j'étais installée n'était pas des plus confortables. Je devais me réveiller, car je devais les remercier pour ce qu'elle venait de faire. Les filles devant moi poussèrent un soupir de soulagement à l'unisson, rassurées de me voir en vie. Elles avaient vraiment dû s'inquiéter pour moi, au vu de leurs regards anxieux.

D'ailleurs, je pense que je devais faire peur à voir : crasseuse, maigre, blanche. Malheureusement, ces adjectifs devaient bien me décrire actuellement, vu les derniers mois que j'avais dû passer. J'étais également un peu désorientée, je ne savais pas quel jour on était. Je savais qu'on était forcément après juillet, mon procès était passé. Peut-être après septembre vu que les jours n'étaient pas aussi chauds qu'en été. En octobre ou novembre, probablement. Ils avaient vraiment veillé à ce que je n'ai plus la notion du temps pour me perdre davantage. Je me demande encore pourquoi.

Je regardai autour de moi ne sachant pas où je me trouvais.
Les murs de ciment ainsi que le sol en terre battue m'indiquaient que l'on était sûrement dans une cave ou peut-être un garage, mais cela ne m'avançait pas énormément sur l'exactitude du lieu. Je fixai les filles qui étaient accroupies, attroupées autour de moi, avec une franche confusion.

Soudain, mon ventre gargouilla et Océanne monta me chercher quelques gâteaux que je mangeai goulûment. Honnêtement, je n'ai même pas regardé ce que c'était, sans doute quelque chose de suffisamment consistant, malgré son goût insipide, car mon ventre se tut après. C'était toujours mieux que les boullies qu'on me servait à l'hôpital. Je m'excusai de ma gloutonnerie, mais elles sourirent de concert et cela me rassura : elles ne m'en voulaient pas. Après avoir bu, car elle m'avait aussi apporter de l'eau, Queenie demanda à Xena d'informer, par texto, tout le monde de mon réveil.

Ah la la, toujours à materner tout le monde, une vraie maman poule dans ce groupe, cette brune aux yeux bruns ! Elle avait une douceur dans son visage sûrement dû à de bonnes joues et un regard amical. Il y avait aussi Xena, l'ainée du groupe, petite, élancée, également brune qui avait un fort caractère indépendant et têtu et enfin Océanne dont les cheveux châtains clairs descendaient en cascade d'anglaises sur ses épaules.

Je me mis à rire doucement à ma pensée, toussant presque en même temps. Mon corps n'était pas tout à fait en forme, j'étais fatiguée et nauséeuse. Tout ça à cause de ce je-ne-sais-qui qui m'a drogué. Ce « il » que ce fameux Seggore avait mentionné, m'était toujours inconnu et cela me frustrait au plus au point. Si c'est pour souffrir, autant connaître mon bourreau. C'est un peu logique non ? En vérité, c'était plus pour avoir un nom sur qui diriger ma colère au lieu de le faire sur des fantômes.

Je secouai doucement la tête pour chasser cette idée de mon esprit et mon regard se posa sur la dernière personne qui entra dans la pièce : Gisèle. Elle me souriait, toute heureuse de mon réveil. Je la détaillais : elle avait noué ses cheveux dorés en deux sortes de nattes sur les côtés. Ses jolis yeux bleus étaient néanmoins inquiets de mon état, de même que le regard brun d'Océanne et Queenie et le gris de Xena. de toutes les personnes que je m'attendais à voir, seules manquaient, Keliane, Sarah et Lolita, même Hugo était absent.

Je me demandais ce qui les retenait. Après tout, ce n'était pas grave, j'étais contente de voir quand même une partie de mes amies.

Je souris malgré tout et me relevai.

Je m'en voulus aussitôt.

Devant mes yeux dansèrent des étoiles et ma tête bourdonna comme un moteur d'avion. Je me prit le crâne à deux mains et fermai les yeux.

— Hey... Ménage toi un peu, tu nous as fait une sacrée peur tout à l'heure ! N'essaie pas de te mettre debout, maintenant ! s'agaça Queenie.

— Ok... Ok... On est où là ? changeai-je de sujet.

— On est chez moi, dit Gisèle. C'est ma mère, j'ai réussi à négocier pour qu'elle t'emmène ici après que tu te sois évanouie. On a emprunté un fourgon pour te sortir de là, rapidement et discrètement. Elle a ensuite raccompagné ton frère chez lui pour ne pas qu'ils, quels qu'ils soient, comprennent que tu sois là et qu'il soit impliqué dans ta disparition.

J'en fus très reconnaissante. Elles avaient tout fait pour me protéger, moi et mon frère. Elles savaient que c'était bien plus sérieux qu'une simple affaire de tentative de meutre. Elles le préssentaient, elles aussi. Cela me confirmait égalementque mes espoirs de liberté étaient vains, car je ne retournerai pas à ma vie d'avant. J'étais devenue une fugitive dès le moment où Hugo m'avait détachée. J'angoissais, car l'inconnu me faisait peur. Je ne savais pas ce qui allait advenir de moi.

— Naturellement, poursuivit notre aînée, tu ne peux pas rester là. Ils vont commencer à fouiller les maisons. C'est ce qu'ils ont dit aux journaux. Y'a beaucoup de cas de fugues... Tu n'es pas la seule dans cette situation.

— Ils ? C'est qui ils ?

— Le gouvernement. C'est devenu vraiment flou depuis ton incarcération.

— Y'a eu pas mal de lois qui sont passées depuis ces quatre derniers mois, expliqua Gisèle. Honnêtement, si on avait une hésitation quant à la véracité de la dictature qu'il y a dans notre pays, là, il n'y a plus aucun doute.

— Entre les fusillades par exemple, les maisons des présumés anarchistes mises à sac ou les fouilles systématiques, on sait pertinemment qu'on est pas dans un état libre, rajouta Xena.

— Attends, attends, comment ça, fusillades ? Qu'est-ce qu'il s'est passé depuis mon internement ? Avant, c'était la prison, on est d'accord ? Il n'y avait pas question de tuer les gens pour le fait qu'ils soient opposants, si ?

— Il y a un nombre incroyable de lois qui sont passées depuis que le nouveau gouvernement à pris place. Ils ont renforcés toutes les mesures mises en place et en ont ajouté des nouvelles qui sont parfois trop pour ce qu'elles sanctionnent.

— Mais... Et vous dans tout ça ? Vous n'allez pas être arrêtées ? Je... C'est super gentil de m'avoir permi de m'évader parce que j'en avais vraiment marre d'être là-bas et surtout mon corps commencer à partir en live, genre hallucinations et tremblements, mais... Si c'est pour que vous, vous soyez enfermées, je refuse.

— T'en fais pas pour nous, on gère. En même temps, on a été super discrètes par rapport à la mise en place du plan.

— Vous avez fait comment, d'ailleurs ?

— Quand ce sera plus calme, on t'expliquera. En attendant, il faudra rester prudentes.

— D'accord, mais si jamais il me retrouve, je risque quoi ?

— Ne pense pas à ça pour l'instant.

— On restera en contact via des lettres cryptées, se réjouit Queenie.

— Espérons qu'elles le restent... Je vous rappelle que le code du « parc à cochons » est vieux comme le monde, alors tout le monde pourra les décrypter ! Et puis, de toute manière où voulez-vous m'écrire ?

— Fais pas mauvaise tête, petit Twittwit, me demanda Océanne.

— Ma mère a prévu un endroit désaffecté le temps qu'on trouve mieux et que ça se tasse, ajouta Gisèle.

— Ouais, 'fin je sens que quelque chose se trame et pas que du bien... Sinon, est-ce que vous pouvez m'expliquer comment s'est passée l'audience ?

Je n'eut pas fini que toutes se mirent à parler les unes à la suite des autres à une vitesse monstre.

— Aucun souci, me rassura Xena.

— Ça s'est passé un peu normalement, commença Queenie.

— Y'avait un beau procureur, poursuivit Océanne.

— Tergiverse pas, la rabroua Gisèle, il a ouvert la séance...

— La juge lui faisait de l'œil tout de même, répliqua la jeune fille aux anglaises

— Arrête ! Puis la défense est entrée, avec Paul et son père...

— Qu'est-ce-qu'ils avaient l'air suffisants ! Avec leur costumes à je-ne-sais-pas-combien !

— Et ils avaient un avocat, on aurait dit que c'était le meilleur du monde...

— Il les a défendus avec ferveur !

— Et... Le « miens ? »

— Ben... On a su que c'était lui seulement grâce à sa robe et le fait que tes parents se soient adressés à lui quand on discutait avec Hugo.

— En parlant de mon frère, j'ai pas eu l'occasion de lui parler plus que ça, il va bien ?

— Il fait aller, ta disparition l'a beaucoup affecté.

— Si j'avais pu lui écrire, je l'aurais fait, mais je n'avais pas mon portable. D'ailleurs, je doute qu'ils me l'auraient laissé.

— C'est fort probable. C'était comment là-bas ?

— Horrible, même à Ilona, je ne lui souhaite pas, c'est pour dire !

— Tant que ça ?

— Bah déjà les vitres étaient en verre dépoli, donc à part savoir si on était le jour ou la nuit, j'avais aucun moyen de savoir quel jour on était. D'ailleurs, je ne le sais toujours pas.

— On est le vingt-deux octobre, me répondit Queenie.

— Merci. La nourriture, poursuivis-je, ce n'était même pas mangeable, une espèce de soupe avec des morceaux bouillis dedans, mais impossible de te dire ce que c'était. Je me forçais à manger, sinon je ne rendais que de la bile. Parce que oui, je rendais souvent, à cause de la drogue...

— De la drogue ?! Non, tu déc*nnes là ? s'exclama Gisèle.

— Pas du tout, ils me drogaient, chaque jour un peu plus, du moins c'est ce que Seggore a dit.

— C'est qui lui ? se méfia Xena.

— Le type qui m'a apporté ma demande à comparaître et je crois que c'était le même qui était le directeur de la prison où j'étais avant l'hôpital.

— La prison ? On n'était pas au courant de ça, m'informa Océanne.

— Pourtant j'y ai fait un séjour, ça m'a valu quelques hématomes. J'ai pas vraiment compris pourquoi on s'acharnait sur moi, mais bon, passons. Revenons au procès.

— T'as raison... Alors comment décrire simplement ton avocat ?

— Un nul...

— Un lâche...

— Non, mais je suis sûre qu'il n'était pas avocat !

— Il bredouillait sans cesse !

— Un nul clairement... Il ne t'a pas aisément défendue... Mais, on est d'accord ? Il est pas venu te voir ?

— Non pourquoi ?

— Il aurait dû ! Il a parlé en ton nom, en disant que tu avouais tout, mais qu'il fallait revenir sur certains points.

— Je t'aurai même mieux défendue !

— Mais vous n'êtes pas avocates...

— Bref, tout ça pour dire que le jugement a été vite tranché... Ils ont fait une pause de cinq minutes pour se concerter, pas plus. D'ailleurs, on n'a pas revu Lolita et Hugo, après. On a pas su ce qu'ils faisaient et ils ont refusé de nous le dire. Mais bref. Ton semblant d'avocat, commis d'office à mon avis, a quand même dit : « Votre honneur tout accuse ma cliente, mais pouvons-nous la faire suivre plutôt que l'enfermer ? Elle a quelques soucis de lucidité. » Au lieu d'essayer de se battre un peu pour toi...

— QUOI ? éructai-je en me levant.

Ma tête me tournait, mais j'étais tellement en colère que cela ne me faisait plus rien. Les larmes coulèrent sans que je le veuille. Je les effaçai avec rage.

Ma propre mère me laissait tomber une nouvelle fois, j'en étais sûre. Je ne savais pas à quand son dernier geste de bienveillance remontait. Lorsqu'il y avait eu des conflits entre moi et quelqu'un, elle ne levait pas le petit doigt pour m'aider, elle n'avait pas l'air de m'aimer beaucoup. Je n'étais pas jalouse de mon frère, mais en comparaison, elle était beaucoup plus aimable et douce avec lui. C'est pour ça que j'étais amère Elle n'avait pas été capable de me trouver quelqu'un de bien. L'avait-elle fait exprès ? J'espérai que non... même si cela ne m'aurait même pas étonnée. J'étais désespérée, épuisée et j'avais une terrible envie que tout s'arrête...

Même si ce n'était que le commencement.

Soudain on tambourina à la porte.

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