Chapitre 3 (1/2)

Certaines erreurs sont des étapes vers la vérité.


Point de vue Victoire - ?? ???? 2077

Je rouvris difficilement les yeux, plus tard, dans un endroit inconnu. Mes poignets et mes chevilles étaient menottés. Encore un peu dans les vapes, je ne compris pas ce qu'il m'arrivait. Du bruit se faisait entendre, des cris pour la plupart, c'était ce qui m'avait réveillée et qui me vrillait à l'instant les oreilles. On tapait aussi sur du métal, sûrement avec d'autres objets ferriques, donnant une sonorité creuse qui semblait marteler les parois de ma boîte crânienne. Quand mes paupières ne couvrirent plus ma vision, se débattant tel un papillon à la lueur du jour, je détaillai le lieu où j'étais. Le plafond était fait dans du béton et j'imaginais que le reste des murs l'était aussi, mais ne pouvant pas encore tourner ma tête douloureuse, je ne faisais que le supposer.

Je grimaçai : le vacarme qui résonnait se répercutait dans mon crâne et me lancinait. Ils ne pouvaient pas faire un peu moins de bruit ? Je tentai de me redresser, mais mes muscles ne répondaient plus, comme s'ils ne savaient plus comment fonctionner. Je devais être sacrément fatiguée pour que ce phénomène apparaisse. J'écartais la piste de la drogue, bien qu'épuisée, je ne me sentais pas vaseuse et ma vision devenait de plus en plus nette.

Soudain, une question me vint : Qu'est-ce que je faisais là ? J'étais incapable d'y répondre, je ne me souvenais pas de ce qu'il s'était passé dernièrement, même si quelques bribes faisait écho dans mes pensées. D'ailleurs, comment je m'app... ?

— Réveillée, petite ? me questionna une voix.

— B-bo-nj... tentai-je d'articuler en murmurant.

La personne dut comprendre, ou du moins fit semblant, car elle me souleva et m'assit contre le mur. Je voulus la remercier d'un signe de tête, mais je me sentis étourdie et je vomis. La personne avec moi réprima un haut-le-cœur et hurla « vomi, » ce qui causa une crise hystérique de rire chez une bonne partie des prisonniers. Oui, des prisonniers, j'étais en prison. Je le voyais à l'uniforme bleu clair qu'ils portaient tous ( dont ma faible personne) et les barreaux qui nous enfermaient entre ces murs. Pourquoi diable étais-je ici ? Maintenant que ma vision était nette je pouvais voir ce qui m'entourait. La prison qui, autrefois, respectait un semblant de droit de l'homme avec le droit à la salubrité, à un certain confort et une certaine liberté dans ces quatres murs.

Aujourd'hui, notre cellule gardait ces vestiges, l'isolation avait été enlevée, on voyait encore un peu de placo par-ci par-là, les lits avait été démontés pour ne laisser que des paillasses au sol, seul le robinet avait été laissé mais il était loin d'être propre. Mon regard se posa sur la cellule d'en face, les portes blindées avait été retirée, remplacées par des barreaux, il y avait la même organisation, à la différence qu'ils étaient plus nombreux. Alors que nous n'étions que deux avec ma codétenue, les autres devaient bien être une dizaine, et ça dans toutes les autres cellules. Cela voulait sûrement dire que d'autres personnes allaient venir.

Des gardiens arrivèrent avec une serpillère et posèrent un bac d'eau de l'autre côté de la cellule. Ils s'enquirent de l'identité de l'estomac qui était l'auteur de cette œuvre et ma camarade d'infortune me désigna.

Un des surveillants me fit signe que je devais approcher. J'essayai alors de me lever. Le résultat ne dura qu'à peine quelques secondes, avant que je ne tremble une fois sur mes jambes que je ne tombe dans... mon propre rejet. L'hilarité générale qui suivit me fit me sentir tellement honteuse que je me mis à pleurer. La fatigue devait sûrement beaucoup jouer et je me relevai très lentement, ne voulant pas leur donner satisfaction. Je m'essuyai sur mon uniforme avec dégoût et m'éloignai de la flaque, avant de me remettre debout, chancelante, et d'attraper la serpillère. Je nettoyai comme je pus, sous les moqueries plus sexistes les unes que les autres et des horreurs que je ne pourrais répéter.

Un des gardiens finit par tout reprendre une fois que j'avais terminé et il me donna un vieux chiffon sale pour me décrasser. J'allai au lavabo qu'il y avait dans la cellule et ouvrit l'eau. Un mince filet s'en écoula. J'humidifiai le tissu avant de me débarbouillai et d'enlever les vomissures de ma tenue. Je me sentis un peu mieux, malgré les rires qui n'avaient pas cessés et mon regard qui était toujours bas, je n'osai lever les yeux pour voir toutes leur mines hilares. Je lançai tout de même un regard noir à ma camarade de cellule. C'était une mauvaise chose de l'avoir, puisqu'elle me souleva de terre par le col et me plaqua contre le mur violemment. Certainement que je l'avais énervée.

J'émis un couinement et me mis à trembloter à nouveau. Elle afficha un sourire satisfait et m'envoya valdinguer contre les barreaux en fer. Je gémis et je me recroquevillai comme je pus, le souffle court. Mon ventre se mit à gargouiller assez fort pour qu'on l'entende. Je ne savais pas quand j'avais mangé pour la dernière fois.. Je détaillai ma co-détenue, qui me toisait : elle était blonde, mais ses cheveux, tressés et coiffés en chignon, étaient emmêlés et sales. Ses joues foncées étaient creuses, ses lèvres pulpeuses étaient gercées et abimées, même fendues par endroit. Son uniforme trahissait une maigreur, malgré ses hanches larges et sa poitrine ferme, mais aussi, un corps élancé. Elle était grande, mais n'avait pas du tout l'air sympathique.

— C'est quoi ton nom, petite ?

— Vi-Vict-o-are, balbutiai-je.

— D'accord, Victime, ça sonne bien. Alors pourquoi tu es là ?

Je serrai les poings face à son insulte, et détournai le regard. J'étais énervée contre elle. Et contre moi aussi, enfin, du moins, le fait que je ne me souvienne de rien avant maintenant.

— Et toi ? éludai-je, sans répondre.

— Cassiopée, j'ai pas voulu écouter de la musique classique alors que ce qui me fait vibrer c'est le jazz, avoua-t-elle avec un sourire en coin.

— La fameuse loi de soixante-quatorze, acquieçai-je de la tête. Ça m'arrive encore de chanter de vieilles chansons quand je vais me balader.

— Donc, tu n'es pas là pour ça ?

— Je ne sais pas ce que je fais là à vrai dire... Je ne me souviens de rien avant d'arriver là...

— T'es amnésique ? s'inquiéta sincèrement la détenue.

— Non, je me souviens de beaucoup de choses, mais pas ces dernier jours... Je suis incapable de te dire ce qui m'a conduit ici...

— Donc je sais pas si t'es une voleuse ou une tueuse du coup ?

— C'est ça..., mais rassure toi je ne suis pas une assassin...

— Viens par ici la meurtrière, me coupa un des gardiens.

Je regardai autour, histoire de voir de qui il voulait parler, mais il semblait bien que c'était de moi... Attendez... Comment pouvait-il penser ça de moi ? J'ai juste quatorze ans ! Bon d'accord, des plus jeunes pouvaient massacrer leur famille, mais... Et puis tuer qui ? Je n'avais pas de motif. Franchement, ils en ont d'autres, des blagues dans ce genre ? Je suis sûre qu'ils pourraient entrer dans un spectacle d'humour facilement. Devant son regard insistant, je me levai et le rejoignis. Cassiopée s'éloigna de moi. Moi qui pensais qu'elle n'avait peur de rien !

Je regardai le gardien avec air las, je ne savais pas ce qui allait me tomber dessus, mais j'en avais déjà marre. Il attacha mes menottes aux entraves de mes pieds par une chaîne. Il me fit traverser la prison devant tous les détenus. Il y en avait des calmes qui restaient prostrés, le regard dans le vide, des colériques qui m'ont montré les poings et qui ont tenté de m'attraper, mais aussi des complètements fous qui se parlaient à eux-mêmes ou à des amis imaginaires. Cela me fit frissonner.

On me conduisit dans un bureau loin des cellules rangées les unes en face des autres séparées par l'étroit couloir que nous avions emprunté. Le sol était plastifié, sûrement pour pouvoir mieux nettoyer de possibles tâches, mais de quoi ? Je n'en savais rien. Quoiqu'il en soit nous traversâmes un sas avant d'arriver dans une sorte de salle d'attente où il n'y avait qu'une seule chaise proche d'une unique porte.

Le geôlier frappa et on entendit une voix nous prier d'entrer. On m'ouvrit, cependant je fus la seule à traverser le chambranle, car la porte se referma derrière moi. Je déglutis me demandant ce qui allait se passer et surtout ce qu'on attendait de moi, ou du moins d'une pseudo-assassin, vu que c'est comme ça que l'on me voyait. Je fus toute intimidée observant toute la pièce de haut en bas avec un regard d'enfant qui découvre le monde.

L'homme derrière le bureau se racla la gorge, me rappelant sur quoi je devais reporter mon attention. Je m'avançai sans m'asseoir sur la chaise rembourrée qu'il y avait : il ne m'avait pas donné la permission. D'ailleurs, il ne me la donna pas de toute notre conversation. Je tournai la tête vers lui avec appréhension. J'avais l'impression d'avoir fait une bêtise et que l'homme était celui qui me châtierait. Il se contenta de me fixer sans chercher à se cacher. Cela me mit vraiment mal à l'aise. Ma jambe me lança par à-coups. Je devais m'asseoir ou bouger.

Je me mis alors à danser d'un pied sur l'autre pour calmer les fourmillements que j'avais au niveau de mes membres. Je secouai doucement ma tête pour chasser aussi les quelques nausées qui me prenaient d'assaut et qui menaçaient de me faire rendre le contenu de mon estomac déjà bien vide. L'homme en face de moi s'amusait. S'amusait. Non, mais quel horrible personnage ! Il mit ses mains à plat et commença par briser le silence.

— Bonjour, Victoire Brian, savez-vous pourquoi vous êtes là ?

— Bonjour, je n'ai jamais eu l'occasion de vous rencontrer ou alors, veuillez m'en excuser, j'ai oublié, puis-je savoir qui vous êtes ?

— Chaque chose en son temps, ma chère, répondez d'abord à ma question...

— Et si je refuse ?

— C'est dans votre intérêt, me menaça-t-il implicitement.

— Je n'en ai aucune idée, anonai-je, en concédant.

— Eh bien, connaissez-vous Paul Mylost ?

— Bien sûr, mais qu'a-t-il à voir là-dedans ?

— Il a été victime de tentative d'assassinat, commença-t-il.

Je ne pus pas retenir un couinement bestial. Il m'avait quitté, mais il restait malgré tout l'homme que j'ai aimé ces derniers mois et je ne pouvais pas me dire qu'il aurait pu mourir ou qu'il pouvait lui être arrivé quoi que ce soit et que je n'ai pas pu le protéger. Les pourquoi et les comment s'entrechoquèrent avant même que la stupeur ne prenne le dessus. L'effroi de cette constatation me reprit. Cependant, les interrogations ne cessèrent pas. Ce pouvait-il que ce soit, si ce n'était moi, à cause de moi ?

Notre rupture pouvait-elle en être la responsable ? Je m'en voulais. Terriblement même. Mon cœur se serra, s'arrêta, se rompit, repartit, mais se broya. Mes membres furent secoués par le choc, autant que mon souffle qui se coupa. Je crus que me prendre un TGV en pleine face m'aurait fait moins de mal que cette nouvelle. Les larmes vinrent d'elles-mêmes, mes genoux tremblèrent, finissant sur les rotules, un seul mot put franchir mes lèvres.

— Qui ?

— Eh bien, cela répond à ma première question, c'est vous qui avait tenté de le tuer.

L'affirmation, froide, dénuée d'empathie eut sur moi l'effet d'un torrent d'eau, se déversant d'un barrage qui aurait cédé, que je me prenais dans le cœur. Comment aurai-je pu le tuer ? Et puis qu'aurai-je eu à y gagner franchement ? Le seul contact que j'aurai eu si j'avais pu le voir aurait été une discussion pour nous expliquer en face à face ! Je n'aurais pas fait justice moi-même ! Et surtout pas comme ça ! Les deux cours d'eau qui roulaient sur mes pommettes ne s'arrêtèrent pas. Une autre question me brûla les lèvres.

— Est-il conscient ?

— Effectivement, mais il a été blessé, vous voilà donc en incarcération avant votre procès.

— M-mon procès ?! Non, mais vous plaisantez ?! C'est une blague ! Où sont les caméras ?!! C'est une caméra cachée n'est-ce pas ? Non, mais j'aurais été incapable de faire ça !!! Vous avez interrogé ma famille, mes amis ?! Ils vous diront que je ne suis pas comme ça !

— Calmez-vous, les preuves vous accablent. Cependant, mon employeur veut vous proposer un marché, vous intégrez sa société, en échange, les charges retenues contre vous disparaîtront.

— Je n'en ai aucune envie ! Je n'ai rien fait ! Faut me croire ! Allez dire à je-sais-pas-qui que je ne viendrai pas dans ses rangs, je vais pas m'allier avec un inconnu qui va dans le sens des accusations infondées que vous me proposez !

— Comme vous voulez, mademoiselle Brian, bienvenue en enfer, fit-il avant que la porte ne s'ouvre et que mes geôliers ne débarquent.

Ils me jetèrent dans ma cellule et tout le monde m'insulta, me traitant de tous les noms qu'ils connaissaient. Je ne comprenais plus rien. Qu'est-ce que j'avais bien pu faire ? Et d'abord, pourquoi avais-je été seule pour recevoir cette information ? Je ne devais pas être accompagnée d'un avocat ? Et puis, qu'ont-ils contre moi ? Les preuves sont où ? C'est une machination ! Et je ne cesserai pas de le répéter ! Quelqu'un m'en veux mais je ne sais pas qui...

Ce fut que lorsque la pause de midi sonna que les détenus se montrèrent tous beaucoup plus violents, les cellules ouvertes, plusieurs vinrent me soulever et me jeter contre les murs, me donnant des coups par milliers. Ce fut au bout d'un moment que je compris leur grief.

Et surtout, que je compris la menace de l'homme que j'avais rencontré. Il avait dû dire, ou plutôt il avait dit – suite aux confessions des détenus, – que c'était de ma faute s'ils n'auraient rien à manger pour le déjeuner, car j'étais une personne dangereuse qui ne voulait pas se soumettre au bon fonctionnement de la prison. La pluie de coups ne s'estompa que lorsque je tombai dans l'inconscience. Avant, je convulsai, je crachai même du sang, expulsant ainsi ma vie qui manquait de partir sans moi.

Le noir m'accueillit comme un ami de longue date qu'on avait pas revu depuis longtemps. J'entendais encore les sons de l'extérieur qui me parvenaient, complément étouffés, mais je ne sentais plus rien. J'étais dans une sorte de bulle de bien-être. Malheureusement, elle creva bien vite. Je me réveillai, ayant mal partout. J'étais allongée sur quelque chose qui roulait en couinant. Les lumières floues m'aveuglaient. On me mit un tissu sur la bouche. Un énième noir.

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