Chapitre 19 (1/2) :
Être sous-estimé donne l'opportunité de surprendre, ainsi de montrer sa vraie valeur.
Point de Vue Hugo — 10 Février 2078
Leurs regards se levèrent vers nous, debout sur un monticule, les dominant par la hauteur. Je vis ma comparse tendre son arc vers eux, leurs visages étaient surpris et sûrement paniqués vu le danger de la flèche qui pesait sur eux. Je regardai ce qu'ils faisaient, ils avaient été coupés dans un moment de complicité à ce que je voyais, ils devaient vouloir manger. Lui, grand, brun, porteur de lunettes, barbu, blessé, je ne le connaissais pas. Elle, en revanche, ce fut entre mille que je la reconnus.
— Angela ! Stop ! C'est Victoire ! C'est ma sœur ! m'écriai-je, en me jetant dans les bras de la jeune fille, dévalant la pente en deux bonds.
Elle me serra fort dans ses bras et fondit en larmes. Elle était toujours aussi émotive, mais elle avait l'air d'avoir pris deux ans alors que ça ne faisait que quelques mois qu'on ne s'était pas vus. Je sentis aussi mon visage s'inonder de larmes. J'avais eu foi en l'avenir et j'avais retrouvé ma sœur saine et sauve. C'était la meilleure chose qui avait pu m'arriver.
— C'est ton frère ? demanda le brun à mon aînée.
— Oui... Il s'appelle Hugo, répondit Victoire en se détachant de moi et se rapprochant de lui.
Je ne connaissais pas le lien qui les unissait, mais en tant que frère, je ne voulais pas qu'elle se brûle de nouveau les ailes. Certes, Paul s'était bien rattrapé, sur la fin, en organisant son évasion, je n'oubliais pas qu'il l'avait néanmoins détruite. Ma drôle d'amie pointait toujours ses flèches sur eux et ne cilla pas, prête à enfoncer le bout métallique dans leur cervelle. Elle me rejoignit à un mètre du jeune homme.
Le compagnon (appelons-le comme ça, même si ça me hérissait le poil) de ma sœur la menaça d'un couteau, ce à quoi elle répondit par un éclat de rire assez froid et moqueur. Elle avait de ces réactions étranges, parfois ! Quoiqu'il en était, Victoire prit la main du jeune homme et lui souffla quelques mots. Il baissa son arme et se relâcha. Elle avait dû le calmer, je louais ça. Or, ce que je ne planifiais pas, ce fut la réaction de ma camarade.
Angela, en effet, profita de ce manque d'attention pour se jeter sur lui. Ma sœur se mit à crier, elle agrippa Angela et ramassa le couteau tombé au sol. Ce fut désormais elle qui menaça à présent ma coéquipière du couteau sous la gorge, tirant sur ses cheveux pour bien dégager la nuque. Ébahi et complètement dépassé devant ce spectacle, je ne bougeai pas. À vrai dire, mon cerveau digérait mal les informations, qu'elles soient bonnes ou mauvaises. J'apprenais que ma sœur était vivante et qu'elle était sûrement en couple avec ce garçon étrange, mais qu'elle avait appris à se battre et défendre ses amis.
— Tu le lâches espèce de sal**e ou je t'égorge comme une truie ! éructa-t-elle, dans le venin le plus noir que je lui connus.
J'étais choqué par ses propos et la voyais sous un autre angle. Je ne l'avais jamais vu aussi tigresse, tous crocs et griffes sortis, même pour moi. Je pensais intervenir, mais je ne savais pas vraiment comment sans me prendre des coups. Ce fut quand le blessé à la cuisse gémit faiblement sous le poids des deux filles que je me forçai à réagir.
Après tout, moi aussi j'avais mûri ! Je m'étais affirmé auprès de mes pairs. D'un petit garçon tout malingre et pas bien dans ses baskets, j'étais devenu un adolescent, – je n'allais pas jusqu'à dire vigoureux, mais c'était l'idée, – consciencieux et assez extraverti.
— Victoire, tu poses ce couteau et Angela arrête de menacer le copain de ma sœur !
— Pourquoi je ferais ça ? me questionna mon amie, un sourcil levé.
— Parce que je doute que tu veuilles avoir leur mort sur la conscience !
— Oui, bon, d'accord, Lilliputien tu as raison sur ce coup, abdiqua mon amie.
— COPAIN ? s'exclamèrent les deux autres.
Oh, oh... Ils n'étaient pas ensemble ? Grosse, grosse boulette, et sûrement gros malaise, Victoire rougit et l'autre montra de la gêne, hé mince ! Moi qui étais sûr, pourtant ! Cela me soulagea un temps soit peu, mais je ne comprenais pas la relation qui les liait alors.
— O-on est p-pas en couple, s'expliqua Victoire, balbutiant de gêne, E-Infy est juste un a-ami.
— Friendzoooone ! se moqua Angela.
— Alors, euh, tu vas redescendre d'un étage, Gertrude, la somma cet homme, parce qu'on est à peine amis... On s'est rencontré il y a moins d'une semaine.
Je vis sur le visage de ma sœur que la justification de ce Infy lui fit beaucoup de mal. Ce « à peine ami » devait lui rester au travers du cœur, car elle s'attachait très vite. Et puis, vu comme ils avaient l'air complices... Il y avait au moins de l'amitié. C'était obligatoire, elle n'aurait pas mis sa vie en péril pour lui sinon, même si j'étais là. Je mettais ça sur le dos de la protection de soi. Il avait dû être pas mal poignardé dans le dos et s'était fait une carapace pour éviter d'à nouveau se faire avoir.
— Alors, là, c'est elle qui te friendz...
— Angie... S'il te plait, tu pourrais les lâcher ? Désolé, mais ça pouvait prêter à confusion, m'excusai-je, gêné. Donc toi, c'est Infy, si j'ai bien compris ?
— Ouais, c'est ça, et toi, Hugo le frère de « circonstances » de Victoire, signa-t-il, et l'autre tarée, c'est quoi son petit nom ?
Frère de circonstance ? C'était comme ça que Vicie me voyait à présent ? Je pensais que le fait d'apprendre que nous n'étions pas liés de sang renforcerait, au contraire, notre relation. Je m'étais trompé. En revanche, j'étais plutôt soulagé de ne pas avoir à le lui dire.
— Je suis pas tarée, espèce de c** ! s'insurgea la concernée.
— T'as tout à fait raison ! fit le jeune homme tandis que ma sœur lui mit un coup dans les côtes. Hey ! Ça fait mal !
— Alors arrête de dire que t'es idiot, tu sais que c'est faux !
— Bref, conclus-je pour faire court (avant qu'une dispute entre eux se déclare,) mon amie s'appelle Thalie, mais je l'appelle Angela ou Angie...
— Pourquoi ? demanda ma sœur, sa curiosité refaisant surface.
— Longue histoire, Vicie, je te la raconterai un jour... Et, je baissai la voix, elle est la cheffe de la résistance ici, en Creuse.
— Elle ? Une cheffe ? se moqua le brun.
Il éclata de rire et cela me mit en colère. Elle avait peut-être quelques soucis de compréhension et d'attention, elle avait de violentes sautes d'humeur, mais, quand elle était lucide, elle n'en était pas moins douée dans son rôle. Même si j'étais soulagé de ne pas le savoir avec ma sœur, cela me rendait hargneux de savoir qu'elle pouvait être amie avec ce genre d'énergumène.
Je serrai les poings pour ne pas le frapper, bien qu'il me dépassait d'au moins une tête et demie, je savais et avais appris où faire mal pour mettre quelqu'un K.O. sans une once de force. Après un long moment de silence, où elle les observa longuement, les détaillant de la tête au pied, ce fut ma capitaine qui parla.
— Je m'en fous que ça soit ta sœur, ta mère ou ton chihuahua, tu me les embarques... C'est des otages, trancha-t-elle.
— Quoi ? Des otages ? Pourquoi ? demandai-je, perturbé, sans comprendre. Pourquoi soudainement, après avoir sauvés des centaines de résistants, il faut que tu retournes ta veste parce que c'est ma sœur ?
— Je ne fais pas ça parce que c'est ta sœur, je fais ça parce que c'est Victoire Brian, la plus recherchée de France !
— On a toujours tendu la main, que se passe-t-il pour que tu changes d'avis subitement ?
— Si je me souviens bien de ce que Dpékan a dit, ce sont eux qui ont vendu nos amis ! C'est à cause d'eux qu'il les torture et leur en fait voir de toutes les couleurs ! Si on lui rend ces deux-là, qu'il cherche activement, on pourra négocier !
— Tu vas pas me dire que tu vas croire ce que ce c**nard a dit à la radio !
— Non ! Bien sûr que non ! Mais il a quand même proposé une bonne paie à celui qui les ramènera vivants ! Bon, j'y crois moyen et je m'en fous du fric, mais je pense que je peux marchander ces deux-là contre la libération de Malo, Robin, Ulric et Nathan, et tous les résistants enfermés... Même s'il a l'avantage pour l'instant, je pense pouvoir réussir à faire un deal avec lui. Et puis, ils sont tous les deux seuls, à moitié morts de faim et ils se cachent, ils ont besoin de nous ! Et puis, il vaut mieux qu'on ait des captifs vivants que des cadavres sur les bras qui pourraient alerter les troupes de Dpékan.
Je levais les yeux au ciel, quand je disais qu'elle avait des humeurs en montagnes russes.
— T'es folle ou quoi ? m'écriai-je. Tu vas sérieusement vendre ma sœur ?!
— Non... Ta sœur, et l'autre aussi. Et puis, je veux pas les vendre, je veux trouver un arrangement.
— Je refuse, assumai-je.
— Refus d'obéissance, j'ai été gentille jusque-là mais c'est la fois de trop, grinça-t-elle, contrariée. Tu sais ce que ça incombe, ne fais pas l'idiot...
Oui, je le savais, j'étais là quand on avait instauré les règles qui régissaient notre « garnison. » J'allais passer sur le peloton d'exécution si je ne me calmais pas direct. Néanmoins, c'était de ma sœur dont on parlait !
— Exécute-moi alors, concédai-je en écartant les bras. En aucun cas, je prendrai ma sœur comme monnaie d'échange !
— Comme tu voudras, fit-elle simplement en bandant son arc sur moi.
J'étais abasourdi. Certes, les règles étaient les règles mais je croyais qu'Angela chercherait à parlementer, essayer de me convaincre, ce genre de chose, mais non !
— Non ! cria Victoire en prenant la main de son ami. Je me rends ! Je me rends si tu l'épargnes !
Elle présenta ses poignets et l'autre l'imita, sûrement dans un élan de solidarité. Je voyais bien qu'il ne la regardait pas comme il regardait tout autre chose. Il y avait quelque chose dans son regard qui trahissait ses sentiments, même s'il ne voulait pas se l'avouer. Angela les attacha avec une cordelette, accrochée à sa taille, les poignets dans le dos et les chevilles entre eux, ce qui faisait que la jambe droite de Victoire était attachée à la gauche d'Infy.
J'étais dégoûté et morose. Je n'aimais pas la situation et je savais qu'en tant que second, j'allais avoir de sérieux ennuis en rentrant au QG, mais ce qui m'importait c'était cette histoire d'échange. Je savais que ses amis lui manquaient, mais de là à s'en f**tre complètement d'une vie humaine ! Ç'aurait été un c***ard pervers et sans gène, j'aurai compris, mais s'en prendre à ma famille, même de situation, ça m'atteignait, moi.
Angie m'aurait demandé de sauter du haut d'une falaise, je l'aurai fait, mais condamner des innocents, ça, jamais. Elle marchait devant, précédée par ses deux prisonniers dont l'une avait posé sa tête contre l'épaule de l'autre. Ça me fendait le cœur, mais j'avais, sans mauvais jeu de mot relatif à nos prisonniers, les pieds et poings liés.
— Et donc comment vous avez survécu ? Parce qu'on a vu que deux feux, qui correspondent à ce que vous avez fait cuire non ?
— Oui, c'est ça, me répondit ma sœur. En fait, on a trouvé tardivement des allumettes, mais quand c'était fait, on a essayé d'allumer la cheminée qui était dans la maison que vous avez vue, mais la sortie de fumée était bloquée. On a tenté de casser ce qui gênait, mais on pense que ça a été bétonné. De fait, ça a enfumé la pièce et on a dû ouvrir, on n'a plus retenté. On a essayé de se réchauffer comme on a pu avec des vieilles couvertures qui étaient sous le lit, mais on avait froid, je te le garantis. Quand on dormait pas, on essayait de rester dans la même pièce pour centrer notre chaleur corporelle en un point. J'ai eu de la chance que la journée, il y avait des rayons de soleil quand je partais en vadrouille, sinon je serais morte d'hypothermie !
— Ah, c'est toi que les chasseurs ont vu alors, ils nous ont rapporté des bruits et des traces de pas dans la forêt.
Nous arrivions au QG après un temps qui me sembla interminable. Après tout, nous n'avions pas marqué notre chemin, au cas où des forces dpékanoises tomberaient sur nos graffitis. Le chemin inverse fut plus compliqué, car il eût fallu tenter de nous repérer de mémoire. Ce n'était pas le premier jour où nous tentâmes de chercher les deux autres, mais ce fut celui où nous les trouvâmes en cherchant l'origine du feu.
On s'arrêta devant une source d'eau naturelle. Un petit étang qui devait être peuplé par nombreux êtres vivants en été, demeurait irrésistiblement calme et plat, comme si toute vie l'avait quitter. Une fine pellicule de givre recouvrait la surface. Tout semblait calme, en apparence seulement. À quelques mètres sous terre vivait comme une fourmilière plusieurs dizaines de résistants. On accédait à cette organisation derrière le petit muret en pierre qui border la source d'eau. On souleva la trappe souterraine et descendit les escaliers.
Notre cheffe fut accueillie très chaleureusement et tout le monde fixait avec ahurissement ces deux captifs. À vrai dire, Angela ne capturait personne, elle accueillait tous les malheureux qui croisaient sa route. Le fait qu'on ait dû les attacher prouvait leur dangerosité. Ce qui n'était absolument pas le cas.
Nous étions dans la salle commune, la plus grande du QG sous-terrain. À droite, nous avions l'infirmerie et à gauche les cuisines et la salle d'entraînement. Là où j'avais pu parfaire mes techniques de combat et où j'avais pu commencer à me muscler. Cette salle donnait également sur un garage, pour l'instant vide, mais nous avions prévu de le remplir de véhicules que nous pourrions voler. On aurait pu penser que les engins sortiraient directement du QG, mais discrétion oblige, ce qui avait pu être un bunker autrefois avait été construit sur un terrain en pente. Ainsi, le garage donnait sur l'extérieur des chemins boueux en cet hiver pluvieux mais qui restaient praticables avec des véhicules tout terrain, tandis que l'autre côté du QG était enterré. On avait camouflé la porte, car elle était plutôt visible de son gris anthracite qui tranchait avec la nature environnante.
De l'autre côté, juxtaposant l'infirmerie, un couloir débouchait sur plusieurs rangées de dortoirs. Enfin, c'était ce qu'on avait aménagé en dortoir, puisque au départ, c'était vraiment vide. Ils se divisaient en boxes, qui eux-mêmes se séparaient en quatre chambres distinctes. Certains étaient plus grands que d'autres afin d'accueillir des familles entières. Ils restaient simples : un ou deux lits, superposés ou non, une armoire, un petit bureau et une chaise. Beaucoup étaient inoccupées, mais si l'occasion venait d'y ajouter d'autres résistants, ils sauraient où dormir. Des sanitaires complétaient la partie nuit. On avait instauré des règlementations, car le raccordement à l'eau originel – car le batiment sous-terrain avait été raccordé à l'eau et à l'électricté – était compliqué. De plus, il n'y avait pas autant de douches que de personnes, il fallait donc faire sa toilette à tour de rôle. Néanmoins, cela fonctionnait bien.
Angela prit une caissette en bois qui était contre un mur et qui servait certainement de siège et monta dessus. Elle demanda l'attention. Tous ici l'écoutèrent, personne n'osant se détourner d'elle pour retourner à son activité, aussi importante fusse-t-elle. Que ce soit vieillard, enfant, femme, homme... Je savais ce qu'elle s'apprêtait à dire et je n'aimais pas ça. Elle rallierait à sa cause tous nos résistants. Il fallait que j'élève aussi ma voix. C'était la première fois que je ne la soutenais pas. C'était la première fois que j'étais en colère contre elle. Elle n'avait pas le droit de décider pour ma sœur, ni pour qui que ce fusse, d'ailleurs !
— Mes chers amis, le feu que vous aviez vu provenait de ces deux personnes, dit-elle en pointant ma sœur apeurée qui se serrait fort contre son ami. Ce sont des personnes qui sont cherchées activement, plus encore que nous. Les gouvernements ont voulu les enfermer, mais ils se sont enfuis. C'est de leur faute si nos amis, nos parents, notre famille, souffrent ! Ce sont des vendus ! Nous pouvons, grâce à eux, faire revenir nos amis que vous connaissez ! Nous pouvons nous retrouver tous ici !
Au début, tous furent surpris. D'habitude Angela, laissait une chance aux échappés – sous-entendu, ceux des centres – de montrer leur valeur. Elle ne le fit pas ici, cela confirma sûrement leur idée que ce n'était pas des gens fréquentables. Très vite, les résistants l'acclamèrent et furent d'accord, certainement touchés par le fait que Victoire et son ami étaient responsables de l'enfermement et des sévices sur leur pairs ou qui, comme moi, n'avaient pas vraiment le choix de prendre parti, risquant leur place au sein de cette organisation. Depuis longtemps on attendait le retour de Ulric, Malo, Nathan et Robin – résistants de la première heure,– et de tous ceux qui avaient été faits prisonniers, mais de là à autant de ferveur, j'avais mal au cœur. Je savais que la contredire maintenant était risqué, parce que je lui avais, en plus, désobéi plus tôt, mais c'était le moment où jamais. Cependant, une chose inattendue survint et je fus assez fier de lui.
— Écoutez moi ! dit le compagnon de ma sœur en attirant l'attention sur lui.
Thalie voulut se jeter sur lui, mais je l'en empéchai, curieux de savoir ce que le jeune homme voulait. Elle se débattut comme un beau diable, mais je la maintins sans forcer.
— Je sais qu'elle est votre cheffe, continua-t-il. Elle vous a sûrement aidé, elle vous a trouvé un logement, de la nourriture, une utilité, ici... Vous étiez sûrement en quête de sécurité, vous avez sûrement fui la ville, loin des vermines et autres maladies. Vous avez tous eu une seconde chance...
Il laissa planer un silence, attendant l'approbation muette des gens. Ils hochèrent de la tête et il poursuivit.
— Elle dit que nous sommes hors-la-loi. C'est vrai... Un peu comme nous tous, ici. Personne n'a voulu se plier à Dpékan. Mais nous ne sommes en aucun cas des vendus ou peu importe comment vous nous qualifirez ! Vous voulez savoir pourquoi on a été enfermé ? Le seul crime de mon amie est d'être née haut potentiel et le mien de m'être battu avant la GEE pour la liberté... Est-ce que vous trouvez que cela est juste ? Nos vies ne valent pas moins que celles de vos amis, aussi importants soient-ils... Personne ne peut juger du prix qu'a une vie par rapport à une autre. Et au vu de ce que nous avons pu voir auprès de Thalie, si vos camarades sont comme elle, s'il sont aussi combatifs et déterminés... Ne les sous-estimez pas... Ce ne serait pas leur rendre justice.
Nouveau silence et nouvel acquiescement.
— Et sûrement va-t-elle dénoncer aussi la désobéissance d'Hugo. Il n'a pas approuvé le fait qu'elle veuille échanger Victoire contre d'autres personnes sous prétexte qu'elle vaut plus dans la balance du gouvernement. Mais imaginez-vous à sa place... Votre sœur, femme, copine, mère, est pour vous morte parce que vous ne l'avez pas vu depuis longtemps... Et quand vous la retrouvez enfin vivante, on vous demande de la sacrifier. N'auriez-vous pas réagi de la même manière ?
Un silence se fit et tout le monde me fixa. Je me sentis mal à l'aise, mais touché par les propos d'Infy : je revoyais mon avis sur lui. Il s'était sûrement braqué au premier abord. Peut-être deviendrons-nous amis un jour ? Angie ne sut plus quoi dire et resta bouche bée en regardant le jeune homme avec son éloquence digne d'un meneur de troupes. Je vis ma sœur chuchoter quelque chose à l'oreille de l'orateur et il acquiesça de la tête. Qu'est-ce qu'elle avait bien pu lui dire ? Je ne m'éternisai pas sur cette question, car bientôt un clappement se fit entendre, puis deux, puis trente, soixante, deux cents... Ce fut toute la communauté qui l'applaudit sous le regard consterné de notre cheffe, certains ayant entendu qu'elle parlait étaient venus nous rejoindre des dortoirs, d'autres, plus curieux des applaudissements s'était joints sans vraiment savoir ce qu'on acclamait. Elle avait trouvé plus fort qu'elle et il nous réserverait sûrement des surprises à l'avenir si elle acceptait leur intégration au sein du QG.
— Qu'on les libère ! cria l'un.
— Oui ! Accordons leur une seconde chance ! clama-t-on.
Angela s'exécuta avec un visage neutre. Ne surtout pas trahir ses émotions. Un chef doit être droit, juste et accepter sa défaite. Elle attendit que le calme se fasse à nouveau et que tout le monde vaque à nouveau à ses occupations pour me demander de la lâcher, glaciale, assurément très en colère qu'on lui zappe son autorité. Je m'exécutai promptement. Elle s'approcha de nos prisonniers et je vis qu'elle s'excusa auprès d'eux. Victoire, toujours un peu méfiante et après avoir séché ses larmes, très certainement apeurée, l'enlaça au lieu de la frapper. Mon amie fut surprise, mais lui rendit son embrassade.
Infy lui serra la main avec tout de même un regard dur, ma sœur lui serra un peu le bras et le fit descendre à sa hauteur pour lui embrasser la joue. Elle était très tactile et c'était sa manière de le remercier. Pour peu, j'aurai aperçu qu'il rougissait. Notre capitaine les détacha alors et s'en alla également tandis qu'ils s'écartèrent d'un pas, sûrement gênés de leur proximité.
— Je suis désolé, m'excusai-je en les rejoignant, je t'ai très mal jugé, Infy, tu me pardonnes ?
— Ne t'en fais pas... Tu n'as pas à t'excuser... La seule fautive l'a fait, expliqua-t-il en pointant Angela du doigt tandis qu'elle aidait une vieille dame à enfiler sa chaussure. Toi, la seule chose qu'on peut te reprocher, c'est d'avoir été inactif, au début...
— Désolé, répétai-je, et merci d'avoir pris ma défense.
— Je déteste les injustices, c'est tout, il balaya l'air de la main avant d'avoir une sorte de malaise.
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