Chapitre 16 (2/2)

L'amour non réciproque est la malédiction infinie d'un coeur solitaire.


Point de vue Lolita  – 6 février 2078.

— Tu as enfin tourné la page ou tu m'en veux encore de les avoir aidés ? fit-il, assis par terre sur le sol de sa cellule.

J'avais été très étonnée de le voir se faire embarquer par des caelis et se faire jeter dans une de nos nombreuses cellules. J'avais d'ailleurs hurlé et m'étais battue pour qu'on le relâche. Lui, était resté très calme, au contraire, il savait ce qu'il avait fait et me l'avait d'ailleurs raconté. Il avait tué certains des nôtres. J'étais tombée des nues. Je savais qu'il combattait facilement, mais de là à tuer ! Il se justifia de la situation : notre brigade allait enfermer nos ennemis beaucoup trop tôt.

— Je n'ai toujours pas compris pourquoi tu l'as fait, alors que tu ne peux pas les encadrer...

— Tu es la première à m'avoir dit d'essayer de gagner leur confiance !

— C'est vrai... soupirai-je. Mais elle m'a trahi ! Certes, nous aussi, on était sous couverture et on mentait quand on se disait « haut potentiels » comme eux, mais elle m'a trahi... Elle était ma meilleure amie et elle a préféré ces minables de résistants à moi. « Mon seul but actuellement est de faire sortir mes amis pour qu'ils soient enfin libres...» C'est ça, bah, va les b**ser, tes assassins de résistants !

— Je sais, Lolita, mais tu avoueras qu'ils n'ont aucune chance face aux troupes de Dpékan ! Au moins, avec ce que j'ai fait, Muritani va les recueillir et on aura le groupe avec !

Il était vrai qu'en gagnant leur confiance de la sorte, si à l'avenir on devait tâter le terrain par rapport à eux pour débusquer les derniers résistants, il ferait le meilleur intermédiaire. Je souris, mais mes traits se défirent rapidement :

— Pas faux, chéri, mais les ordres de ta captivité viennent d'en haut...

— Joue de ta persuasion ! insista-t-il.

— Je vais voir ça, Victor, en attendant, elle ne perd rien pour attendre, cette garce ! Si elle n'avait pas eu l'autre grand c** avec elle, je pense qu'on aurait pu l'avoir quand même, à la fin. Elle nous aurait rejoints, mais elle n'avait d'yeux que pour lui, cette c***sse !

— Calme-toi, mon cœur, on va l'avoir... Elle ne va pas rester terrée bien longtemps... Elle a des amis à récupérer, je te rappelle !

— Oh oui ! m'exclamai-je en me frottant les mains. Je vais pouvoir me venger. En tout cas, maintenant que j'ai récupéré son dossier dans le bureau de Dpékan et que je sais qu'elle est toute seule... Parce que ses parents sont des agents de Dpékan et que son petit frère est juste un autre pion, ça va m'aider à préparer un plan.

— Si seulement je pouvais t'aider, soupira faussement le captif.

— J'ai compris, amour, je reviens.

— Soapshop ? gémit une autre voix. Libère-moi aussi, s'il te plaît... J'ai m*rdé, je sais, mais donne-moi une seconde chance !

— Une seconde chance ? explosai-je. Tu te fous de moi j'espère, Collins ? Tu as dénoncé mon père et fait d'une partie de ma scolarité un enfer, la moindre des choses serait de la f*rmer ! T'avais qu'à réfléchir avant, abr*ti !

Aussitôt avais-je pris mes fonctions de caeli, aussitôt j'avais foutu ce Flavien Collins en cellule. Je ne m'étais pas tant épanchée auprès de ma meilleure amie, mais il avait été un véritable conn*rd. Pas un jour, il ne m'avait épargnée, même les weekends, il trouvait quelque chose pour m'emm*rder. Que ce soit en ligne sur le forum – censé être scolaire – du lycée, je me demandais encore ce que foutaient les modérateurs, ou carrément chez moi. J'ignorais comment il avait eu mon adresse, mais le mal était fait. Ça pouvait aller du renversement de poubelle jusqu'au saccage de notre jardinet ou encore le forçage de serrure.

À l'école, il n'était pas en reste : il me poussait souvent, me trempait en renversant des bouteilles d'eau sur moi ou encore me volait mes affaires pour les planquer un peu partout dans le lycée. Non seulement je me faisais violemment taper sur les doigts, pas au sens physique du terme, par les profs à cause de mes retards injustifiés, mais j'arrivais à accroître son petit sourire en coin mesquin que j'avais envie de tarter ! Au début, je répliquais, souvent par les poings, mais quand il m'avait annoncé tout fier qu'il savait pour l'expérience de mon père, il eut son moyen de pression. Depuis, j'avais fermé ma gu*ule. Sauf que maintenant, j'étais puissante et je pouvais enfermer qui me nuisait !

Je quittai alors les cellules sans plus de cérémonie. La tête déjà pleine de ce que je pouvais faire endurer à Victoire dès que je la reverrai ! Non, mais elle se prenait pour qui, cette sainte Nitouche ? Pactiser avec des tueurs ! On aura tout vu ! Elle me le paiera ! Elle avait beaucoup trop de faiblesses, ça en devenait beaucoup trop facile comme jeu.

Mes pas claquèrent le long des couloirs que j'arpentais pour la seconde fois en quelques heures. J'aurai pu faire le chemin les yeux bandés. Le bâtiment avait beau être grand, je m'y retrouvais toujours. Je frappai à nouveau à la porte de mon supérieur et entrai. Mon laïus ne fut pas long et Dpékan fut affirmatif à ma demande de libération. Je le remerciai chaleureusement et me tournai vers la porte.

— C'est pour lui que tu as refusé Daniel ?

Je restai interdite, la main sur la poignée, n'osant pas répondre. Je ne savais pas ce que je risquais en étant amoureuse de Victor. Je me tournai lentement vers mon mentor et levai les yeux vers lui, dans l'espoir qu'il change de sujet.

— C'est à cause de ce garçon que tu ne veux pas épouser Daniel ? insista-t-il.

Je baissai lentement la tête, attendant la sentence.

— Il fallait le dire plus tôt ! Je n'aurais pas créé de faux espoirs au fils de Jean et je ne t'aurais pas importunée de la sorte, ma Lola ! Je n'allais pas te manger ! Tu sais bien que tu peux tout me dire... Fais-le venir, ce garçon, pour que je l'entraîne à devenir un homme solide !

— Il... Il l'est déjà, mais ce n'est pas la question... Je suis désolée pour Daniel et je pense que pour son bien, il devrait changer de caeli... suggérai-je.

— Il ne veut pas... Il me l'a dit après que tu t'es évanouie, il n'y a pas meilleure dirigeante que toi, du moins chez les caelis.

— Oh, si tel était le cas, je ne vous surpasserai jamais...

— Je l'espère bien, fit-il, d'un rire sans joie.

Il me congédia et je repartis dans l'aile qu'on m'avait attribuée où logeaient mes aquas et mes terras. Tandis que les premiers étaient de vifs combattants, ingénieurs militaires, stratèges, les autres étaient des hommes à tout faire. Ils n'avaient pas ou peu de valeur aux yeux de la société qu'on avait reconstruite. Le courant, qu'on croyait coupé à jamais, avait été rétabli seulement en France pour garder le Centre, depuis notre fuite de celui-ci, on avait jugé utile de remettre les protections pénitentiaires.

Je crois bien que Dpékan était désormais une sorte de président. Comme il s'était installé d'abord en plein centre de l'Europe, en Pologne (son pays natal,) pour se protéger des massacres des premiers mois de la GEE, puis en France , ses caelis l'avaient suivi... Et quoi de mieux que la Creuse pour bâtir une nouvelle civilisation ? La terre était riche, aujourd'hui, il n'y avait presque pas de maisons et les habitants soit avaient fui, soit étaient morts.

— Madame ?

— Violet, please, ne m'appelle plus « madame, » j'ai un prénom et c'est Lolita !

Of course ! Je suis désolée, mais madame Iolé est dans votre bureau...

— Il fallait commencer par ça, voyons !

Je courus dans mon bureau congédiant, par la même occasion, la aqua qui me servait de secrétaire, la laissant pantoise avec son dictionnaire anglais-français et ses écrits. Violet, avant la GEE, était une étudiante anglaise Erasmus venue étudier en France, une des rares à être devenue aqua grâce à ses connaissances précises en communication. Dpékan avait bien eu besoin d'elle pour s'adresser à la population sans ambiguïté. Les autres, malheureusement, étaient soit des terras, s'ils ne connaissaient pas bien le français, soit ils se fondaient dans la masse. Maintenant, elle s'était habituée à notre langue.

Cependant, d'autres étrangers, bien moins volontaires qui s'étaient retrouvés dans les mailles du filet ou qui avait été carrément exilés de leur pays, ne comprenaient rien. Malgré la fermeture des frontières, Dpékan avait accueilli à bras ouverts tous ces migrants pour une raison que j'ignorais. On avait de tout, des Africains, des Américains, des Asiatiques, des Océaniques et, d'un peu partout, des Européens.

Avec la barrière de la langue, c'était assez compliqué. Alors vous pensiez bien que pour diriger des troupes, c'était complexe, on les avait tout de suite refourgués au rang des terras, mais ils faisaient tous plus ou moins des efforts pour apprendre le français... Et ils avaient plutôt intérêt, puisqu'ils pouvaient recevoir des sévices. J'étais contre, bien sûr, mais les ordres venaient d'en haut.

Je soupirai et pénétrai dans mon petit bureau. Au contraire de mon mentor, il était vraiment b*rdélique. Je songeai à vraiment le ranger. Je devais encore trouver une armoire et une petite commode. Tout traînait sur le plan de travail : des bibelots aux éléments numériques, comme ma tablette et mon ordinateur holographiques. Le meuble en lui-même était fait dans un bois sombre, d'un marron presque noir qui s'accordait avec les murs sombres de la pièce. Iolé m'attendait sagement les yeux rivés sur un détail que je ne percevais pas. Elle leva les yeux vers moi, un peu ennuyée, mais aussi toute contenue d'une joie dissimulée, pas assez à mon goût. Je m'installai face à elle, les bras contre la poitrine, elle devait avoir mon âge, mais ne semblait guère encline à me donner autant de respect que les autres aquas.

J'aimais et détestais ça en même temps. Elle aurait pu devenir une excellente caeli si elle décidait de suivre un peu les ordres au lieu de faire sa gamine de riche. En disant que son père était puissant et à quel point il était fortuné et tutti quanti. Effectivement, il était friqué, mais l'argent ne servait à rien dans notre nouvelle société. Je fermai mes mains sous mon menton et fronçai un peu les sourcils.

— Alors ? Fulvia ? l'interpellai-je par son prénom, peu désireuse de la respecter. Que me racontes-tu de beau ?

— Rien de spécial, j'ai juste trouvé où se cachait leur QG et je sais comment entrer, fit-elle avec nonchalance.

Je restai stoïque, ne voulant pas m'agacer si vite et répliquai sur un ton, que je savais, détaché :

— D'accord, bien, bien, bien, mais serait-il possible d'avoir ces informations ?

— Moyennant une certaine somme, oui, continua-t-elle dans son ton qui témoignait de son ennui profond.

— Fulvia, tu sais pertinemment que l'argent ne vaut plus rien aujourd'hui, la réprimandai-je comme un enfant capricieux.

— Bah pourquoi tu veux pas me le donner alors ?

— Parce que je n'en ai pas, voilà tout !

— Ben, c'est quoi ce qui t'est le plus cher alors ?

— Victor ? risquai-je.

— Ah non, je veux pas de l'autre pouilleux !

— La vengeance que j'aurai sur Victoire ? poursuivis-je.

— Tentant, mais ça le vaut pas...

— Ma place ici ?

— C'est tout ?

— Oui, fis-je désespérée. Je n'ai que ça...

— Alors va pour ta place...

— Quoi ?! Non ! Je ne la céderai pas si je n'ai pas d'assurance que tu me dises les infos que je demande et surtout si elles sont véridiques...

— Je t'ai beaucoup menti ?

Pour être honnête avec moi-même, elle avait toujours été fiable, mais je ne voulais pas céder ma place de caeli et de protégée à cette gosse de riche pourrie gâtée. Oui, elle était une bonne éclaireuse, oui elle était une bonne informatrice, oui elle était une bonne aqua, mais en aucun cas, elle avait le mérite de siéger à mon poste. Avant même que je ne puisse répondre, elle proposa :

— Alors la vengeance sur Victoire, puisque tu n'es pas très réceptive à mon offre...

Elle commençait sérieusement à m'énerver et je perdis patience. Il ne fallait pas que je craque, je pouvais très simplement la congédier et demander la torture pour mon plaisir sadique, mais c'était la meilleure des aquas. Oui, je sais j'ai dis « bonne, » mais je devais avouer qu'elle était mieux que ça. Je ne pouvais pas me permettre de la perdre. Je serrai les poings sous la table et tentai de rester tout à fait calme. Peine perdue. J'explosai, m'étant relevée en position debout, les mains plaquées sur mon bureau, mon visage à une vingtaine de centimètres du sien et la voix légèrement plus grave qu'à l'accoutumée. J'avais toujours la voix plus grave quand j'étais en colère...

— Espèce de petite pou***asse ! Tu rentres ici comme si c'était chez toi et tu imposes tes règles ?! hurlai-je. Écoute-moi bien me***use, ici, c'est moi qui décide ! Je suis ta caeli alors tu me dois le respect et l'obéissance ! Je pourrais te faire exécuter, comme ça, si l'envie m'en prenait...

— Tu, tu, tu, me coupa-t-elle avec ce bruit agaçant de bouche. Tu vas pas m'exécuter... Je te suis trop indispensable...

Elle avait raison cette c**ne, mais je n'allais pas me laisser faire.

— Tu veux vraiment tenter le diable ? Tu veux savoir combien sont morts pour moins que ça ?

— Oui...

Sa réponse insolente me déstabilisa. Je n'étais pas vraiment prête à ça. J'avais envie de passer mes nerfs sur elle, mais je ne devais pas. Alors je refoulai ma colère, me redressai droite, toujours debout, et fermai un dossier ouvert pour me donner contenance et assurance que j'avais perdues.

— Bien, notre entretien est terminé, je ferai un rapport que j'enverrai à monsieur Dpékan...

— Combien ?

— Je te demande pardon ?

— Combien sont morts pour moins que ça ?

Je sortis de mon bureau, bien décidée à me défouler à la salle avant de faire part de mon agacement face au comportement de l'aqua. Je rejoignis la salle de sport en une dizaine de minutes, prenant mon temps et de longues respirations afin de me détendre, mais cela ne servit à rien. Je m'étirai alors, puis passai sur le « poussoir » pour muscler les cuisses, le « câlineur » pour muscler les bras et les pectoraux, le vélo d'intérieur pour les jambes et pour finir le sac de frappe. Ça et l'électro musculation, mais j'aimais moins, je préférais suer et me rendre athlétique moi-même.

Mes muscles hurlèrent de douleur et je m'arrêtai, essoufflée et en nage. Je bus un peu, m'assis et fermai les yeux. Mon esprit était vide et je me sentais bien. Cette petite contrariété n'avait plus sa place dans mes pensées. Tout allait pour le mieux pour moi en ce moment.
On avait trouvé le repère des résistants, enfin Iolé le savait, et j'arriverais à la faire parler. J'en étais convaincue. Je finirais par savoir où était Victoire et son grand c**. Aussi, Victor allait être libéré et Dpékan était toujours aussi fier de moi. Et mieux ! Il ne m'en voulait pas pour Daniel !

Daniel...

Il allait me manquer. Je savais qu'il partirait. Il ne pouvait pas raisonnablement rester avec moi. Soudain, je revis le dossier que j'avais fermé sur la table. Sous mes yeux apparut une lettre. J'avais une bonne mémoire photographique surtout en pleine période de fortes émotions et je pus donc la retranscrire intégralement dans mon esprit. En même temps, elle n'était pas très longue, ni très complexe.

« Chère mademoiselle Soapshop,

Je soussigné, Daniel Mylost, aqua assigné à votre autorité, déclare que les évènements relationnels de ces derniers jours, n'affecteront en rien mes capacités de travail.

En conséquence, j'aimerais savoir si je puis demeurer encore auprès de vous comme étant votre subordonné et bras droit.


J'accepterai votre jugement et votre décision même s'ils ne s'accordent pas avec ma demande.

Je vous prie d'agréer, mademoiselle, mes sentiments respectueux.

Daniel Mylost »

Cela me fit un électrochoc. Soit il était masochiste, soit trop amoureux, soit complètement taré. Dans tous les cas, ce n'était pas bon pour moi. Malgré ça, il était très bon et cracher sur une aide aussi précieuse que la sienne relevait de la bêtise. Je me promis de lui en toucher deux mots.

Toujours les yeux fermés, je sentis qu'on basculait ma tête en arrière et, le temps que je les ouvre, des lèvres s'étaient posées sur les miennes. D'abord totalement surprise et rebutée, je me détendis en voyant qui était mon doux ravisseur aux cheveux bleus. Il devait avoir obtenu son droit de sortie. Il se plaça alors face à moi et dériva de ma bouche à mon cou. Je réprimai un soupir de contentement.

Je vis alors Daniel, du coin de l'œil, qui nous observait sûrement depuis un moment, s'enfuir en courant.
























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