Chapitre 15 (2/2)
Le danger que l'on pressent, mais que l'on ne voit pas, est celui qui trouble le plus.
Point de vue Victoire – 05 février 2078
Quelque temps plus tard, je sentis qu'on bougeait et j'ouvris les yeux. Il faisait nuit et je ne voyais presque rien, à part quelques ombres.
— Victoire ? murmura Lolita. T'es réveillée ?
— Oui... Y'a que moi ? Infy va mieux ? fis-je à la même tessiture.
— Il y a un type qui nous emmène chez lui, on va pouvoir le soigner, t'en fais pas, mais, d'ailleurs, pourquoi lui ?
— Je ne sais pas... Il m'a appelé et ça a été un instinct. Il m'avait l'air malheureux et mal en point. Et quoi qu'il dise, il ferait un bon allié. Surtout que je n'ai pas réglé la question du pourquoi il a été enfermé...
— Ouais, j'comprends...
Puis on se tut. Le chauffeur, d'environ quarante ans, avait l'air du genre silencieux, car il n'essaya pas de nous parler de tout le trajet. On ne voyait que son début de calvitie, et avec le blond de ses cheveux, on aurait dit un nid de poule abandonné. J'avais entendu sa voix. Enfin, « entendu » c'était un grand mot, j'avais entendu son ton et la hauteur, le reste était encore un peu flou, j'étais incapable de répéter ce qu'il avait pu dire, par exemple.
Un petit quart d'heure plus tard, on arriva devant un terrain où on percevait vaguement une grange. C'était perdu au milieu de nulle part, il n'y avait que cette fameuse grange, les champs autour n'accueillaient que de la terre battue et de l'herbe, çà et là, signe que personne n'utilisait ces parcelles.
J'avais un mauvais pressentiment. Pourquoi nous emmener à je-ne-sais-combien de kilomètres d'une ville habitée ? Il y avait deux solutions : soit il voulait vraiment nous protéger, et là, la cachette serait bonne, soit il voulait nous faire tomber dans un piège et là ça craignait beaucoup ! Je m'asseyai près du jeune homme qui s'était retrouvé seul après que Victor eut rejoint sa dulcinée sur notre côté du siège.
— Toi aussi ? chuchota Infy à mon oreille comme s'il avait lu dans mes pensées.
J'acquiesçai doucement de la tête en tentant de deviner son visage malgré l'obscurité. Puis je me rapprochai de lui et soufflai.
— Passe discrètement le message à Victor, tandis que je le fais avec Lolita et prépare-toi à courir.
Je le sentis se tendre et il s'exécuta tandis que je fis de même avec ma meilleure amie. On se regarda d'un air entendu et on sortit sous le « let's go ! » d'Infy, priant pour qu'il n'y ait pas de sécurité. Comble de notre bonheur, il n'y en avait pas ! Chacun sortit par la porte la plus proche, moi et Infy à droite et les deux autres à gauche. Le chauffeur cria en nous voyant s'enfuir comme des dératés, nous n'en tînmes pas compte. On courut longuement vers ce qui semblait être une forêt, la seule cachette que nous avions aperçue juste avant de sauter de voiture.
J'avais récupéré la main de Lolita et de notre inconnu pour lui donner la force de courir, malgré sa blessure. Je remarquai alors qu'il avait quelque chose de noué autour de la jambe, comme si quelqu'un avait fait une sorte de garrot autour de sa cuisse avec un vieux tissu, probablement une manche de chemise. En observant mes compagnons, je vis que c'était Victor qui l'avait fait. Il lui manquait une manche sur son uniforme. Je souris faiblement, au final, peut-être qu'il ne nous détestait pas tant que ça.
L'homme derrière nous ne semblait pas en reste, car il nous hurla dessus pour que nous nous arrêtions, mais, voyant qu'on obéissait pas, il déchargea son Glock 18 sur nous.
J'en avais marre des armes à feu.
Sérieux, à quoi ça servait ?
— Vite ! Grouillez-vous, il prend sa voiture ! nous informa Victor.
Ça allait être compliqué pour lui, déjà que nous peignions à marcher droit vu les trous et les bosses du terrain. Plusieurs fois, je manquais de me tordre une cheville ou de tomber la tête la première. Je pense qu'il abandonnerait vite sa course poursuite. Je resserrai ma prise sur la main du blessé et je vis poindre les sueurs froides à nouveau sur son front. Il fallait à tout prix cautériser la plaie ou il se viderait de son sang !
— Lolita ! Trouve-nous un abri, il va pas tenir longtemps !
— C'est ce que j'arrête pas de dire... Laissez-moi bon sang, marmonna ce dernier.
Je fis la sourde oreille et tentai de suivre ma meilleure amie qui partait en éclaireur.
Victor vint me porter une aide en soulevant le brun sous les épaules. Le gars derrière avait arrêté sa voiture, sûrement qu'il avait rendu les armes, pour l'instant. Il détala vers la maison annexe de la grange. Maintenant qu'on était derrière, on la voyait.
— Il va nous faire un malaise, expliquai-je en parlant de l'éclopé.
— Là ! fit la blonde.
Nous nous hâtâmes et la retrouvâmes dans une cavité végétale. Elle semblait avoir été sculptée sur mesure. Du lierre et des branchages formait un cocon vert. Il s'appuyait sur un mur rocailleux, peut-être du granite. Le garçon aux cheveux bleus déposa le malade doucement sur le sol. Il alluma des sortes de torches qu'il avait trouvées à l'arrière du van du type. Ces torches avaient un drôle de fonctionnement, il suffisait de les racler sur une surface un peu dure comme un caillou ou autre et elle s'enflammait comme une allumette.
Je m'empressai de saisir la lame avec laquelle j'avais sorti Infy pour découper son jeans et observai l'étendue des dégâts.
— C'est pas beau à voir... Allez me chercher de l'eau et allumez un feu, maintenant ! ordonnai-je.
— Pas de feu, on risque d'être repérés ! s'inquiéta ma meilleure amie.
— Il fait nuit ! Et puis m**de ! Tu préfères prendre le risque d'être retrouvés ou qu'il perde sa jambe, ou même la vie ? m'énervai-je.
Je remarquai la respiration d'Infy qui s'accélérait suite à mes derniers mots. Désolée, mon gars, mais c'était un moyen de pression. Avec un coup d'œil à la jambe blessée, le couple sortit au-dehors à pas feutrés, guettant la moindre présence.
— Desol...
— Arrête de t'excuser... Merci... Pour ça... C'est... Cool, balbutia-t-il.
— Ouais, fis-je gênée.
— Au fait... C'est... Eydan, mon vrai prénom.
Je souris. Il me faisait assez confiance pour que je puisse connaître son identité. Intérieurement, je faisais la danse de la victoire. J'écartai doucement le tissu pour observer et vis que le sang avait coulé. Au dehors, mes amis s'affairaient. Tandis que l'un utilisait une torche pour faire un feu, l'autre s'occupait de trouver de l'eau.
Lorsque Lolita trouva enfin de l'eau, elle chercha aux alentours pour dégoter quelque chose que d'anciens promeneurs auraient laissé traîner.
Elle finit par atterrir dans un coin reculé où, manifestement, il y avait eu un feu de camp il y a quelques années. Elle fouilla les buissons alentours et tomba sur une vieille casserole cabossée dont il manquait la poignée, mais cela ferait l'affaire.
La brise s'engouffrait dans la cavité tandis que nous l'attendions, elle ramena l'eau qu'elle posa sur le feu. Cela servirait pour désinfecter les tissus que nous avions. Sauf que Victor proposa de s'introduire chez le type pour en récupérer davantage. C'était insensé, mais il était décidé. Ils partirent à deux. Je me fis un sang d'encre en scrutant la pénombre, créé par les sous-bois et le ciel couvert. Quelques minutes plus tard, ils arrivèrent avec du linge propre. Il n'y avait plus qu'à le désinfecter en le faisant bouillir. Je savais qu'entrer par effraction était hors-la-loi, mais je savais aussi que nous étions déjà du mauvais côté, donc un délit de plus ou de moins, on n'était plus à ça près. Cependant, je ne fis aucune remarque sur là où ils l'avaient trouvé. Si c'était dans la buanderie ou un autre truc du genre, ça allait, mais s'ils étaient entrés dans la chambre, c'était plutôt malaisant J'entrepris alors de me laver les mains, puis de passer le tissu sur la plaie.
— Il me faudrait de l'alcool...
— On n'en a pas, Victoire ! s'exclama Lolita.
— Je sais...
— J'y vais de nouveau ! proposa Victor.
— Et te faire choper ? Ça non merci... On va trouver un autre moyen, renchérit sa petite amie.
— C'est notre seule chance de le sauver de l'infection, fis-je un peu alarmée.
S'éleva alors la voix que je n'aurais pas cru dire ça.
— S'il te plait, Lolita, s'imposa une voix masculine, écoute Victoire. Déjà qu'elle m'a obligé à rester avec vous, si en plus je suis à moitié handicapé... Je ne pense pas que je puisse vous aider physiquement parlant... Déjà que mentalement, c'est pas le top...
Je regardais In... Eydan, surprise, tandis qu'il soutenait le regard de mon amie qui ne cillait pas. Puis, elle me jeta un regard triste, comme trahie et partit en courant.
— Attends ! lui demandai-je en me levant pour la suivre.
Mais Eydan me retint.
— Laisse-la tranquille... Vous êtes tous à cran et, si c'est ton amie, elle ne t'en voudra pas longtemps, t'en fais pas...
Je tournai mon visage vers lui et mon regard se durcit. Il avait raison. Victor s'éclipsa pour aller chercher l'alcool dans les environs, enfin, s'il pouvait. Quant à moi, je nettoyai la plaie avec l'eau bouillie.
— Pourquoi tu m'as dit que je mentais ? Selon toi, pourquoi je voudrais que tu m'appelles par mon pseudo ? me questionna le brun.
Je souris sans lui répondre, tentant de nettoyer au mieux sa plaie et en épongeant son front où perlait de la sueur.
— Réponds-moi...
— Hum... Non, l'imitai-je.
Ce fut à son tour de sourire.
— Bien renvoyé un-mètre-moins-vingt...
— Merci.
— Non, mais sérieusement... Pourquoi ?
— Pour rien...
— Y'a bien une raison pour laquelle tu l'aies dit...
— Pas spécialement, enfin j'avais raison, vu que tu m'as donné ton prénom.Tiens-toi tranquille, rajoutai-je tandis qu'il gesticulait sous la douleur.
— J'aimerais t'y voir...
— Merci.
— Quoi ?
Ce dialogue à demi-mots devenait incompréhensible, je préfèrerais détourner le sujet.
— Laisse tomber, dis-moi, pourquoi tu étais dans le centre ?
— Donnant-donnant...
— Comment ça ?
— Tu réponds à ma question je réponds à la tienne.
Je me tus, mon sourire ayant disparu de mon visage. Il le remarqua, mais ne dit rien. Je continuai ce que j'étais en train de faire. Mes gestes se voulaient doux. Une éternité passa avant que Victor ne revienne ou le jeune homme avait passé son temps à m'observer faire.
— Victor ! m'exclamai-je, visiblement soulagée de le voir, ce qui mettait fin à ma période de gêne immense.
— J'ai réussi à piquer quelques trucs dans la maison du type qui nous a fait faux bon, sans me faire choper, il était dans sa cuisine quand je suis allé fouiller dans le garage, il était au téléphone, ça avait l'air sérieux. Je suis pas très doué en alcool, j'espère que ça suffira...
— Merci !
Je fis bouillir du linge grâce au feu que j'avais ravivé et le trempa dans l'alcool, puis commençai à le passer sur la peau à vif d'Eydan. Il se cambra en criant, comme si on le torturait. Je demandai à Victor de le maintenir : je ne pouvais pas le désinfecter convenablement si ce n'était pas le cas. Et pour couvrir ses gémissements mon ami lui enfonça un tissu dans la bouche.
Des larmes perlaient sur son visage, que je m'empressai d'essuyer avant de finir de nettoyer la plaie. Je posai un linge dessus, ensuite, je fis un lien compressif pour ne pas empêcher la circulation sanguine de se faire. Victor se releva et lui enleva le bâillon. Il lui essuya le front et le redressa en l'asseyant contre la paroi végétale.
Eydan le remercia puis se fondit dans un mutisme. Ses yeux se fixèrent sur un point et il me sembla qu'un coup de fatigue lui tomba dessus. Je m'assseyai près de lui et le bougeai de nouveau pour qu'il puisse poser sa tête sur mes genoux.
— Dors, lui murmurai-je.
— J'ai pas sommeil, tenta-t-il vainement.
— C'est ça, fis-je ironique, en lui posant la main sur les yeux.
Au bout de quelques minutes, sa respiration se fit lente et son corps se détendit. Il dormait enfin. Je souris puis levai les yeux. L'autre garçon me regardait les yeux rieurs. Je l'interrogeai du regard et il le balaya de la main avant de sortir de notre cachette. Pourquoi son regard semblait moqueur ? Qu'avais-je fait de mal ?
Je soupirai et observai mon blessé. En le détaillant, je remarquai une légère bosse sous son t-shirt. Elle aurait pu paraître invisible, si une chaîne ne barrait pas son cou. Doucement, je tirai dessus pour voir le pendentif accroché au bijou. Je le pris entre mes mains.
C'était très étrange. Cela représentait la face décharnée d'un animal bicorne. Était-ce un bélier ? Une antilope ?
En tout cas, les cornes étaient recourbées vers le bas et la bête semblait crier.
Cette représentation cadavérique me fit me poser beaucoup de questions sur le propriétaire.
Qui était-il ? Quels étaient ses goûts ? Pourquoi portait-il ce genre de choses ?
Je reposai minutieusement le médaillon et laissai mon regard se balader sur lui pour tenter de l'analyser. Déjà, vu la propreté de ses vêtements et l'odeur qui se dégageait de lui, je pus affirmer qu'il n'avait pas été très bien accueilli au centre. Sa maigreur et sa pâleur étaient des signes de carences alimentaires.
Il fallait le faire manger au plus vite. Malheureusement, coincée comme j'étais, je ne pus pas me mouvoir sans le réveiller.
Je poursuivis mon investigation en notant qu'il portait aussi deux bracelets. Et une montre, mais elle semblait inopérationnelle. Pourquoi la gardait-il alors ?
Décidément, il m'intriguait de plus en plus... J'ai dû finir par m'assoupir, car je le sentis bouger. J'ouvris les yeux, il faisait jour.
— Désolé, s'excusa Eydan, je voulais pas te réveiller.
— T'inquiète pas... T'as l'air d'aller mieux, c'est le principal...
— Bon, Lolita est allée faire un tour des environs pour voir où nous pourrions rejoindre la route plus tôt. Ah, et j'ai trouvé un point d'eau, fit Victor en entrant dans notre « forteresse, » un immense sourire sur les lèvres et les cheveux humides. Vous devriez y aller : vous empestez tous les deux !
Je baissai les yeux en rougissant. À côté de moi, le brun tenta de se relever en s'agrippant à la paroi végétale.
Mon ami lui tendit une sorte de béquille faite maison et lui assura de sa solidité.
Il l'essaya et ça lui allait.
— Je viens avec toi... On sait jamais si tu chutes et que tu te fais mal, me justifiai-je.
— Je sais que je suis pas très doué, mais quand même ! s'indigna-t-il.
— Non ! Le prends pas comme ça, lui demandai-je en baissant à nouveau la tête. Et puis de toute manière un brin de toilette, ça me fera pas de mal non plus...
— Avoue que t'as juste peur de te perdre, me taquina-t-il avec un sourire moqueur.
— Bah... Je vais pas te contredire...
Et les deux garçons éclatèrent de rire. Furieuse et honteuse, je quittai notre fortification de branchages.
Je marchai tout droit, ne pensant plus à rien et faisant le vide dans ma tête. Enfin pas tout à fait, j'essayais de le faire, mais j'avais tant de pensées parasites. Je m'arrêtai quand je vis un point d'eau. C'était plutôt joli comme coin de verdure. C'était sûrement là que Lolita était venu prendre l'eau.
D'ailleurs, en songeant à elle : Où était-elle ?
Que lui était-il arrivé ? Cela m'inquiétait même si Victor nous avait certifiait qu'elle allait bien. C'est vrai que je ne m'étais pas plus souciée que ça, mais j'étais fâchée de son comportement puéril ! Elle s'était barrée parce qu'elle n'était pas d'accord ! Où pouvait-elle bien être ? Et si on lui avait fait du mal ? Le type l'aurait de nouveau attraper ? Non, elle est débrouillarde est forte, elle saurait se défendre. C'est ma meilleure amie après tout et j'ai foi en elle.
Je pris de la mousse que je trempai dans l'eau, puis sur mes bras et mon visage.
J'avais l'impression d'avoir fait une session de paintball. J'avais des bleus de toutes les couleurs partout sur le corps, des cicatrices de brûlures et d'entailles qui jalonnaient pas mal de mes membres. Malheureux vestiges des sessions de combats du centre. J'enlevai ensuite mon pantalon d'uniforme et passai le morceau de verdure sur mes jambes. Là encore, c'était le même tableau. Parfois, je me souvenais d'où venait une ecchymose, et quand c'était un de mes amis, mon cœur se serra. J'en avais laissé plus d'un derrière moi ! Je ne savais pas si Ka Lio et Ongcái avaient réussi à s'enfuir. Je ne savais que pour ceux qui étaient restés, volontaires ou non. Je regardai aux alentours et me mis à nu, avant de plonger dans l'eau glacée.
Cela me fit un bien fou, même si cela me frigorifia et me fit claquer des dents.
Je m'attelai à mes vêtements, toujours dans l'eau, en les frottant les uns contre les autres. Même si le résultat n'était pas extraordinaire, cela avait le mérite d'être moins sale. Je les fis sécher sur une pierre et attendis.
— Ah ! Je savais que je te trouverai ! s'exclama soudainement une voix.
Je m'empressai alors de cacher ce que je pouvais.
— Espèce de c*n ! Va-t'en ! Laisse-moi !
— Tu veux pas quelque chose pour te sécher ? me proposa Eydan en montrant une serviette.
— T'as gagné... Donne-la-moi et tourne-toi !
— Comme tu veux un-mètre-moins-vingt, conclut-il en s'exécutant.
Je pris le linge qu'il me tendait et m'en drapai.
— Qu'est-ce-que tu faisais là ?
— J'étais venu te chercher... Il paraît que t'es nulle en orientation...
Je rougis puis balayai ses paroles et posai la question qui me taraudait.
— Dis, tu y étais pourquoi, au centre ?
— J'ai pas envie d'en parler...
— Tu sais, je ne te jugerai pas...
— Je suis pas comme vous, bien sûr, que tu me jugeras !
— Arrête Eydan ! m'écriai-je en me levant.
Ses yeux s'écarquillèrent et je les suivis quand je tombais sur mon corps à moitié dévêtu, j'avais oublié que je tenais une serviette, elle était tombée sur mes hanches. Je devins rouge pivoine et me retournai.
— Arrête de me regarder, s'il te plait !
— Hum, fit-il gêné. Je... Je vais revenir dans notre cachette... Ok ?
— D'accord...
Je me mordis furieusement la lèvre, attendant qu'il s'en aille. Bon dieu, je venais littéralement de m'humilier devant lui. Il n'arrêterait pas de me charrier, c'est sûr ! Rageuse, je ramassai une pierre et la jetai dans l'eau. Je m'accroupis alors et éclatai en sanglots. Ces derniers jours avaient été éprouvants et ça avait été la goutte d'eau. Je ne sais pas, j'imaginais que peut-être, dans une autre configuration, ça m'aurait plu, mais là, à part me sentir salie, je n'avais pas d'autre sensation.
Soudain j'entendis du bruit.
Quelqu'un marchait.
Non, courait.
Attendez ! Ils étaient plusieurs.
Et ce bruit-là !
C'était les pâles d'un hélicoptère !
Je pris mes affaires en quelques secondes et me mis à courir très vite, poussée par l'instinct de survie.
J'arrivais au repère et jetai tout dedans, mon short et mon t-shirt encore trempés, poussant même les garçons au passage, puis refermai la cavité par une touffe de verdure que Victor avait fabriquée pendant notre sommeil. Je plaquai férocement mes mains sur leurs bouches en leur chuchotant d'écouter, qu'ils nous avaient retrouvés et que si on faisait le moindre bruit, on serait morts.
Comme un seul homme, les garçons se dégagèrent de mes mains et prêtèrent attention aux bruits dehors. On entendait des ordres criés, des chiens aboyer plus fort que leurs maîtres et les armes cliqueter au rythme des rondes qu'effectuaient les soldats.
Je commençai à trembler, mais je sentis une main se glisser dans la mienne et la serrer très fort comme pour me donner du courage. Plusieurs fois, ils passèrent juste au-dessus de nous, et quelques fois, ils s'arrêtaient, puis repartaient. Ce manège dura une éternité. Je me rhabillai entre-temps. On avait fini par s'asseoir côte-à-côte.
Eydan me prit dans ses bras. Je m'accrochai à lui comme à une bouée. Je l'aidai à se relever et il me gratifia d'un sourire.
Victor, lui, s'était tapi dans l'ombre, un poignard à la main. Encore une chose dont il s'était emparé en prenant la maison de l'homme pour un supermarché. Il s'apprêtait à tuer ceux qui rentreraient dans notre fortification. Il nous murmura l'ordre de nous enfuir dès qu'il aurait ouvert l'accès et qu'il ne fallait pas s'occuper de lui.
J'allais protester, mais il insista, expliquant qu'il préférait que nous soyons libres et que nous puissions trouver un abri où reprendre des forces quelque temps avant de pouvoir revenir le chercher. J'eus les larmes aux yeux et le remerciai, prête à lui obéir coûte que coûte.
Soudain, quelque chose bougea au-dessus de nous et...
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