Chapitre 11 (2/2)

L'oiseau en liberté est mieux qu'en cage dorée.


Point de Vue Hugo — 25 décembre 2077

— S'il te plait, sa voix était suppliante et l'autre céda.

— Deux jours, pas plus.

Une deuxième bombe venait d'être lâchée. Ce n'était pas mes parents. S'étaient-ils vraiment aimés ? Étions-nous seulement des missions ? Victoire est-elle seulement ma sœur ? Quel était ce centre ? Qui était cette personne dont mes... – Quoi ? Hum... Ces personnes qui m'ont élevé ? — parlaient ? Et Pécan ? C'était quoi ? Un nom de code ?

Oh bon sang... Mon cerveau bouillonnait. Tout tremblait autour moi, j'allai m'asseoir sur mon lit et passai une main sur mon visage, histoire de me remettre les idées en place. Ma vie venait d'être chamboulée en l'espace d'un mois et demi, et je ne pensais pas pouvoir tenir comme ça. J'entendis des pas lourds que je reconnus comme ceux de mon père.

Je me mis sous les couettes en deux secondes, montre en main, pour éviter qu'il sache que j'étais éveillé. Effectivement, j'avais bien fait puisque le voilà dans ma chambre. Il s'approcha de mon lit et m'appela. Je ne répondis pas, feignant à nouveau de dormir.

Il réitéra et je me « réveillai » en sursaut. Je calmai ma respiration la main sur le cœur et regardai cet homme qui remplaçait mon père.

— Ta mère m'a raconté ce que tu avais fait... Ta tentative de fuite...

Sa voix était traînante, mais son ton était froid et dur. Il posa un regard noir sur moi comme il posa son séant sur mon lit. Je repliai mes jambes vers moi en un mouvement protecteur. Sûrement pensai-je que ça pouvait l'empêcher de me faire du mal si l'envie lui prenait. Il n'avait jamais été dur, brusque ou violent, mais depuis ce que je venais d'entendre je pensais que ce n'était qu'un masque qu'il s'était formé depuis une décennie.

J'avais peur. J'avais peur parce que j'étais seul. Seul face à ça, pour une fois. J'avais ma soeur, mes amis pendant les coups durs avec la famille, mais là j'étais seul, terriblement seul. Je levai les yeux vers lui et son regard s'adoucit. Il tenta d'approcher sa main vers mes épaules, comme il aimait le faire, mais quelque chose me bloqua, et je l'évitai.

Il eut l'air surpris et je le compris. Moi aussi, je ne me reconnus pas... D'ailleurs je ne le reconnus pas non plus. Qui était-il pour moi ?

Je sentis la moutarde me monter au nez, me brûler la gorge, resserrer mon estomac. Je fermai les poings à m'en faire mal pour éviter le moindre son de sortir de moi.

— Tu sais, je ne t'en veux pas, mais on le fait pour toi. Dehors, des mutineries éclatent et s'il t'arrivait le moindre mal... Je m'en voudrais toute ma vie. C'est vrai que ta mère est surprotectrice (il eut un rire,) mais elle a raison. C'est pourquoi nous t'emmènerons dans un centre afin de te protéger du mieux que l'on peut. Tu vas voir, c'est sympa. Il y aura plein de jeunes de ton âge.

— Je... Je ne veux pas, réussis-je à dire.

Stupéfait, il demanda :

— Eh bien... Pourquoi donc ?

— Pourquoi Victoire n'est plus là ?

— Elle est déjà dans le centre... Elle t'y attend, elle m'a dit qu'elle t'aimait et qu'elle voulait que tu la rejoignes...

Mon cœur frappa contre mes côtes avec une telle violence, que je crus qu'elles allaient exploser ma cage thoracique. Victoire... Pouvais-je lui faire confiance ? Ils me mentaient depuis le début, mais j'avais foi en ma sœur. Je voulais y croire. J'acquiesçai en silence. Il m'enlaça. Je lui rendis son étreinte, plus douloureuse que jamais. Si je devais rejoindre ma sœur, ce serait par mes propres moyens. Et j'irai avec Angela, si elle revenait. Si Victoire y était vraiment, je ne pouvais me résoudre à entrer dans ce centre par la grande porte, comme dirait l'autre.

Mon « père » se releva et referma – mais pas à clef – la porte. Je soupirai. J'étais épuisé. Je laissai retomber ma tête contre les oreillers et m'endormis rapidement.

∴∵∴

Point de Vue Hugo — 26 décembre

Je me réveillai doucement, un mal de crâne venant me chatouiller. Non. Aujourd'hui serait le jour où je partirai. J'allumai la lumière et pris un sac dans mon armoire. Je sélectionnai les vêtements qui m'intéressaient et fourrai le tout dans mon sac, je pris ma lampe torche, les piles qui allaient avec, des allumettes, une carte papier. Tout cela je l'avais, car il y a quatre mois, j'étais parti en excursion avec des amis et il avait fallu réunir tout ça. Et j'allais oublier une trousse de secours.

J'enfilai un jogging, des chaussures de randonnée, – les baskets étaient rangées dans mon sac – et j'allai éteindre la lumière. Je m'approchai de la porte et tendis l'oreille. Pas un bruit. Je ne savais pas quelle heure il était, alors je ne savais pas si je pouvais sortir librement. J'abaissai la poignée et poussai doucement le battant.

Je regardai par le mince filet de lumière que je m'étais autorisé et j'observai. Cela semblait désert, les clefs des voitures n'étaient plus là. J'en déduisis qu'ils étaient partis. J'allai sortir quand on frappa sur le volet. Je refermai vivement la porte et me précipitai vers la source du bruit. J'ouvris la fenêtre puis les volets tout doucement.

C'était Angela !

— Tu allais faire une grosse bêtise ! Tu n'as pas vérifié que leurs voitures étaient toujours en leur possession ! On leur a enlevées, car elles ne servaient plus à rien sans essence ! murmura-t-elle visiblement alerte.

Elle me tira au dehors et j'escaladai le plateau. Je sautai à l'extérieur et la suivis quand elle se mit à courir vers la route la plus proche, je crois qu'elle voulait sortir de la ville. J'avais espoir, foi en elle. Je la suivrai jusqu'au bout, elle venait de me sauver la vie. Je crois que je devenais fou. Je me pensais à l'aimer alors que je ne la connaissais même pas.

C'était fou, la vie. Ça vous faisait perdre la tête. Derrière, on entendit des éclats de voix. Pour la première fois, je n'en avais cure. Je courais derrière l'ange aux cheveux bruns qui me guidait. Une Alice au pays des merveilles en somme. Mes forces s'amenuisaient, mais je continuai tandis que derrière moi mes parents, ou ce qu'il en restait, nous pourchassaient, ayant sûrement vus par la fenêtre du salon que nous nous enfuyions.

Qui étais-je ? Pourquoi la suivais-je ? Je ne savais plus y répondre. Était-ce la folie qui me prenait ? Petit à petit, mes souvenirs se diluaient dans du brouillard.

— Dépêche-toi, Lilliputien ! cria la jeune ange qui courait devant moi.

Elle me releva et je sus que j'étais tombé. Puis, quatre bras prirent les miens et j'entendis des coups sur mon côté droit. Des paroles furent criées. « On l'a enfin trouvé ! On a trouvé Thalie Muritani ! » auxquelles on répondit : « Celle qu'on cherche depuis trois mois ? Parfait ! Mettez-la dans le fourgon !!! » Je subis le même sort que cette Thalie. On me jeta dans une voiture contre des parois métalliques. Des cris fusèrent, j'entendis même les pleurs de ma « mère,» pourtant elle semblait soulagée, et mon « père » cachait mal son enthousiasme.

C'était faux. Tout était faux. Une mise en scène créée de toutes pièces par ces... je ne sais même plus en fait. Sûrement même que cette Thalie était complice. J'allais être emporté, tué et personne ne se souviendrait de moi. En même, qui étais-je, moi ? Tout était confus, mais clair en même temps. J'étais perdu. Les secousses du véhicule ne m'aidèrent pas à être plus lucide. Le temps me parut une éternité, mais nous arrivâmes devant un bâtiment blanc, maussade. Vide de vie.

On nous fit avancer tous les deux dans l'institution, le long d'immenses murs blanc, vides de vie, malgré une atmosphère pesante. Je regardai la jeune fille avec moi. Alors comme ça, mon Angela s'appelait Thalie Muritani ? Et d'après ce que j'avais entendu, elle était une fugitive depuis un bout de temps. Pourquoi avait-elle risqué sa liberté pour essayer de sauver un pauvre adolescent ?

Je l'observai, elle semblait tout autre, elle était fermée, son regard était franc, acide, et sa démarche était assurée. Elle savait ce qui nous attendait. Elle me prit la main et je regardai nos doigts entrelacés. Je ne savais pas ce que l'avenir me réservait, mais je savais que je réussirai à retrouver ma sœur grâce à cette fille.

Elle incarnait la résistance sourde. Je l'appréciais déjà sans même la connaître. Je resserrai sa prise et lui lançai un regard confiant. Elle, surprise, eut un moment d'arrêt et de fixation, puis elle reprit ses esprits et marcha vers la salle qu'on nous indiquait.

Allait-on nous interroger ? Nous torturer ? Pourquoi ? Pour quelles informations ? Des questions harcelaient encore ma tête. J'étais frustré de ne pouvoir répondre à ça. Surtout que plus le temps passait, plus j'en avais. Pourrais-je avoir des réponses un jour ? Une nouvelle interrogation.

On referma la porte sur nous et une femme arriva d'une démarche un peu aguicheuse. Son séant équivalait de taille avec son généreux corset. Les deux agents présents s'en allèrent, elle se débarrassa de ses talons et son masque tomba. Loin d'être la croqueuse d'hommes qu'elle semblait avoir été, elle devenait sérieuse, froide et certainement dure. Son regard était glacial, elle aurait pu resolidifier les pôles qui s'étaient réchauffés à cause de l'activité humaine.

Au centre, il y avait trois chaises, séparées par une table en bois, deux d'un côté, une de l'autre. D'un geste elle désigna le couple et s'asseya sur l'unique. Sa voix s'éleva et se répercuta sur les murs et dans nos corps.

— Asseyez-vous, Preys...

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