Chapitre 1 (2/2)
Souvent, ceux qui sont au pouvoir se croient invulnérables.
Point de vue Victoire - 22 juin 2077
Lolita <3 :
Coucou Vic', comment va ? On s'est pas vues aujourd'hui, mais j'avais à te parler. Tu as vu aux infos ? Le précédent dirigeant est mort. Tu crois qu'un résistant peut monter au pouvoir ?
To Lolita <3 :
Tu veux bien qu'on s'appelle ? Je suis un peu occupée donc pour avoir les mains libres...
Je mentais mais si on me lisais ce serait plus crédible. La tonalité ne tarda pas et je décrochai rapidement. Je pris mes écouteurs et m'installai dans mon lit. Après les civilités, on passa aux choses sérieuses, on passa en conversation privée grâce à un VPN, pour éviter qu'on puisse nous espionner.
— Du coup, tu voulais me dire ? demandai-je.
— Mon père attire des soupçons, j'ai peur qu'il lui arrive quelque chose...
— T'en fais pas, il est discret, rien ne va lui arriver.
— Sûre ? me demanda-t-elle, inquiète.
— Oui, ne stresse pas... Il fallait que je te parle aussi...
— Quoi ? Qu'est-ce qu'il se passe ?
— Paul est parti trois jours en stage, et il me l'a annoncé que cette aprèm...
— Attends... Mais les stages c'est pas maintenant, si ?
— Bah, en soi, non, mais, même, il ne m'a rien dit !
— Il est parti en stage où ?
— Dans l'entreprise de son père.
— Ah oui, le vieux gribou un peu bizarre qui nous serre de maire ?
— Lui-même, en plus il me fait peur, il s'intéresse un peu trop près à moi.
— Comment ça ? Il t'a touchée ?
— Non, mais ses regards et ses questions me mettent mal à l'aise...
— Quoi comme questions ?
— Si j'étais HP, si j'avais sauté des classes des choses comme ça... Tu trouves pas ça étrange ?
— Clairement, tu penses qu'il essayait de connaître ton âge ?
— Tu penses qu'il veut... sous-entendis-je.
— C'est pas impossible... T'en as parlé à Paul ?
— Je lui fait la tête, tu te souviens ?
— Ah oui, bon, tu devrais quand même. On sait jamais...
— Je verrai ça demain, je vais me coucher, bonne nuit Lo'
— Bonne nuit, Vic'.
On raccrocha et j'éteignis mon téléphone. Mon œil se porta sur la barre de recherche encore allumée de mon pc. Tant pis, me dis-je. Je ferrai ça quand j'aurai du temps. Je partis me brosser les dents avant de descendre dire bonne nuit à mes parents. Puis, je remontai pour embrasser mon frère et moi-même me coucher. Le sommeil mit longtemps à venir. J'étais peut-être tracassée par le conversation que j'avais eu avec ma meilleure amie. Elle avait peut-être raison à propos de M. Mylost. Je devrais peut-être envoyer un message à Paul. Je rallumai la lumière pour prendre mon portable et je le déverrouillai.
To Mon cœur <3 :
Paul, j'ai à te parler d'une chose importante, j'aimerais qu'on s'appelle si tu peux. Ça me travaille et j'aime pas ressasser, tu le sais. Je te fais encore un peu la tête à cause du coup que tu me fais, mais je sais que tu as une bonne raison, hein ?
Bisous, ta Vicie.
J'hésitais à l'envoyer. Franchement, je doutais de ce qu'il pouvait me répondre. Ce que je n'espérais pas, en revanche, c'était le mutisme. Or, rien ne l'empêchait de le faire. Je soupirais, mes yeux se perdant sur les caractères de mon SMS. Après tout, ça pouvait attendre demain. Je posais mon cellulaire sur la table de chevet et me couchai. Cette fois-ci, peut-être que j'arriverai à dormir. Malheureusement, encore une fois, je sentis les heures s'égrainer. Je dus quand même être happée par Morphée, car je me réveillai en sursaut lorsque j'entendis mon réveil. On était mercredi, juste une matinée de cours et c'était fini. Je bâillai quand même, épuisée. J'éteignis mon alarme et déverrouillai mon téléphone. Le message que je voulais envoyer à Paul était toujours là.
Un peu agacée, je fourrai l'appareil dans mon manteau avant de me préparer. Aujourd'hui, c'était le jour des élections. J'avais seulement quatorze ans, mais j'aurais, quand même, aimé voter. Ce n'était pas souvent et peut-être que je ne pourrais jamais le faire de ma vie. Bref, je déjeunai en vitesse avant d'aller prendre le bus. Mon petit frère prendra le suivant comme il est encore au collège. Je m'asseyai à côté d'un garçon plus âgé que moi qui semblait dormir de prime abord, mais qui écoutait de la musique tellement fort que je pouvais l'entendre. Je mis mes propres écouteurs et enclanchai la musique.
J'écoutais un morceau, qui était au départ une sorte de musique électronique, mais qui avait été adapté par un orchestre. Le titre s'appelait Plus rien n'est comme avant ce qui était un peu ironique quand on y pense. Le clavecin me faisait bouger les doigts en rythme tandis que les instruments à cordes m'apaisaient. Le bus longea la Vienne, s'arrêtant aux arrêts puis, repartant de plus belle, je relançai la même musique, tentant d'imaginer des paroles dessus. Il faisait encore nuit noire, mais les réverbères, toujours allumés, étaient pareilles à des petits phares qui nous guidaient. Mon arrêt s'approchait et je commençais à me tenir prête.
Je repassai les bretelles de mon sac, que j'avais descendu à mes pieds et je me levai dans l'allée pour signaler au chauffeur que je descendais. Avec les civilités qui s'imposaient, je sortis au dehors, prenant une gorgée d'air frais. Je remarquai quand même quelques petites choses inhabituelles, des tags, des affiches. Je traversais la route qui séparait les quais de Churchill et le jardin d'Orsay (JDO) pour m'en emparer d'une.
FRANÇAIS, FRANÇAISE,
BATTEZ-VOUS !
REBELLEZ- VOUS CONTRE CETTE PUTAIN DE DICTATURE !
ILS VOUS ONT ENLEVÉ VOS AÏEULS,
ILS VOUS ONT ENLEVÉ VOS DROITS,
NE LES LAISSEZ PAS VOUS ENLEVER VOS VIES !
VENEZ MANIFESTER AUJOURD'HUI !
Je lâchais immédiatement le prospectus : je ne voulais pas être prise en flagrant délit. Je n'étais pas avec eux, même si j'étais pour leur idéaux, je ne voulais pas finir en prison. Montrer patte blanche, c'était ce qu'on m'avait toujours dit. En revanche, j'avais peur que les bus ne passent plus à cause de la manifestation. Je pouvais rentrer à pieds, certes, mais cela faisait loin et avec un genou qui marchait mal, c'est compliqué. Longue histoire que je n'avais pas le temps de vous raconter. Je traversai le JDO d'un un pas pressé, les idées en pagaille. Ce remue-ménage n'annonçait rien de bon et je n'aimais pas ça du tout. Perdue dans mes pensées, je manquai de me faire écraser, j'adressai un « désolée » de la main, à l'automobiliste qui s'énervait.
Je traversai rapidement avant de longer les boutiques, l'odeur du pain chaud que dégageait la boulangerie fit gronder mon ventre, même si j'avais déjeuner. Je franchis à nouveau un passage piéton avant de descendre jusqu'à l'entrée du lycée. Un grand portail en fer, de l'époque de la construction j'imagine. Le surveillant me sourit, je l'aimais bien, lui. Je lui souris en retour et lui lançai un « bonjour » joyeux. Je rentrai dans la cour et ne tarda pas à repérer mon groupe d'amies. Je m'approchai et les saluai. Je notai l'absence de quelques-unes, dont Lolita. Bizarre, d'habitude, elle est là avant les autres.
— Tu sais où est Lolita ? demandai-je en même temps que Kelianne.
Bon, là c'est carrément flippant. Personne n'avait eu de nouvelles d'elle depuis hier soir. J'allais lui envoyer un message quand Anna nous montra quelque chose du doigt. C'était elle, trempée, furax, le regard noir. Qu'est-ce qu'il s'était passé encore pour la voir autant en colère ? Et pourquoi ses vêtements étaient-ils mouillé ? Il n'avait pas plu depuis quelques jours déjà. Elle marmonnait dans sa barbe et nous ne pûmes lui faire décrocher un mot. On se salua en entendant la sonnerie et se promit de se retrouver pour la pause de midi. Je pris Lolita par le bras et on monta les escaliers pour aller en français. Je la forçai à m'en dire un peu plus malgré ses réticences.
Ce que j'appris me mit en colère, mais je rentrai en classe je vous l'expliquerai plus tard. Je ne pus donc pas lui en dire plus. Mme Nevî était arrivée et le cours allait pouvoir commencer. Lolita n'était pas à coté de moi dans ce cours, nous ne pûmes poursuivre notre discussion. La professeur fit l'appel et s'arrêta au nom de Paul. Je lui indiquai qu'il était dans l'entreprise son père, elle me regarda comme si j'avais un troisième bras qui poussait au milieu du front. Elle n'était pas au courant ?
— Excusez-moi, j'ai peut-être mal compris, me justifiai-je, baissant la tête.
— Oui, parce que Paul est à l'hôpital, à mon avis, il a voulu te faire une mauvaise blague. Bref, commençons ! Ouvrez votre livre page deux-cents cinquante deux. Pouvez-vous analyser la phrase interrogative ?
Il m'aurait menti ? Je jetai un regard à Lolita qui semblait aussi confuse que moi. Je ne levai pas la main comme à mon habitude, même si je connaissais la réponse. La nouvelle me chamboulait. Il n'avait pas l'air malade quand je l'ai vu hier. Peut-être me le cachait-il depuis longtemps ? Dans ce cas-là, je n'avais rien vu. Il fallait que j'en aie le cœur net. Lorsque le cours conséquent de deux heures de français se termina, je sortis mon téléphone. Là je ne reculerai pas. Je devais comprendre. Et pas d'entourloupe ! Je supprimai mon précédent message avant d'écrire le nouveau.
To Mon cœur <3
Il faut qu'on parle Paul, la prof de français vient de me dire que tu es à l'hôpital. C'est vrai ? Si oui, pourquoi m'avoir menti ? Et surtout pourquoi tu y vas ? Et ne me mens pas, s'il te plaît.
Je ne signai pas, j'étais remontée contre lui. Il fallait qu'il comprenne qu'on devait se faire confiance l'un l'autre et que s'il me cachait des choses, aussi grave soient-elles, c'était qu'il n'avait pas confiance en moi. J'attendis quelque instants la réponse tandis que Lolita rangeait ses affaires, puis nous poursuivâmes notre discussion précédente.
— Alors comme ça, Flavien t'a balancé un seau d'eau dessus ? Mais il s'y est pris comment ?
— Bah, en passant devant un immeuble, il y avait un homme de ménage qui faisait le sol, il a pris le seau plein de produits et de crasses, il est arrivé par derrière et bam. Bien sûr, tu me connais, j'ai riposté en lui donnant un coup où-tu-sais, mais il a dit qu'il s'occuperait de moi plus tard. Maintenant, je dirais pas que j'ai peur, mais je suis pas tranquille : il me saoule...
— On devrait aller voir Tibus, lui il va pouvoir tout régler...Je te le promets !
— Il sait pour Papa...
— Comment ça se fait ?
— J'en sais rien, mais il sait. Et si je parle, il le fera aussi. Tu comprends, depuis que Maman ne vit plus à la maison et qu'elle est partie avec Justine, on est que tous les deux. Je ne veux pas le perdre.
— Je comprends Lili, mais on va trouver un moyen...Il peut pas continuer à te harceler...
— Tu parles de moi, Brian ? demanda, justement, le concerné, en me poussant sans ménagement.
— Je t'ai pas sonné Collins, retourne avec tes boutonneux sans cervelle !
— Hein ?
— Ah, oui, pardon, attends, fis-je en faisant comme si j'appuyais sur un bouton. Il faut que je baisse mon seuil d'intelligence. Moi, pas parler à toi. Toi comprendre ?
— Faut pas me chercher comme ça !
Il m'attrapa par le col de mon t-shirt et me souleva de terre. Il me plaqua au mur et approcha son visage tellement près que je voyais chaque tics de son visage et je sentais son haleine tout sauf appréciable. Heureusement, une des surveillantes passait par là.
— Collins, tu la reposes maintenant !
— Pffff, soupira-t-il s'exécutant. Elle m'a cherché !
— C'est pas une raison, vous venez tous les deux, on va voir les CPE.
— C'est pas moi ! protesta Flavien.
Caroline, de son nom, nous conduisit vers le bureau des CPE. J'avais la tête basse, tandis que l'autre alternait entre râler et me lancer des regards assassins. Pourtant, je n'avais rien fait de plus que de défendre mon amie, face à un terminal, qui se croyait au-dessus de tout le monde. Lorsque je pénétrai dans la pièce, les adultes qui discutaient se turent et me regardèrent. Avaient-ils à ce point l'habitude de voir Collins qu'ils ne regardaient que moi ? Caroline expliqua en quelques mots la situation, mais les trois hommes ne décrochèrent pas de moi. Ils attendaient sûrement des explications.
— Écoutez, je... commençai-je, avant de me rappeler la menace qui pesait sur ma meilleure amie. C'est juste un petit incident, et il ne se reproduira plus, n'est-ce pas Collins ?
— Ouais, concéda-t-il.
— D'accord, hé bien, Caroline, raccompagnez Victoire jusqu'à sa classe puisque la récréation est finie et je m'occupe de Flavien.
Comme demandé, je rejoignis le cours. Je m'asseyai à côté de la blonde au yeux verts qui s'excusa platement. Elle me demanda si je m'étais faite punir, mais je répondis que non. Elle me pressa l'épaule soulagée et je suivis le cours tant bien que mal.
Lorsque la cloche sonna la fin, je sortis dehors retrouver mes amies qui, pour certaines, mangeaient au self. Je leur dis «à demain» avant de prendre le chemin de mon arrêt. Ce que je n'avais pas prévu en revanche, c'était que quelqu'un me suivait.
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