Chapitre 9
Ça y est. Ma quête commence. Je suis seule dans une nature que je ne connais pas. Quelle mouche m'a donc piquée ! On dirait que je n'accepte pas moi-même ma décision.
Les arbres, les insectes, les hautes herbes, les pierres, tout semble menaçant, dangereux, effrayant. Même le silence semble avoir une arme pointée sur moi.
D'ordinaire, j'aime le silence. Le calme, l'apaisement fait toujours du bien mais ce silence-là me tue. Je n'ai jamais été seule de ma vie. Mes parents m'ont toujours accompagnée, ou alors j'ai toujours été en compagnie d'autres personnes. Les seules fois où personne n'est là est quand je rentre dans ma chambre pour dormir. Et même dans mes rêves, il y a toujours quelqu'un non loin de moi.
Je me sens petite, nue et vulnérable dans cette jungle mais je me dois d'assumer mon choix. J'ai sorti le couteau de mon sac pour le tenir fermement dans ma main. Je suis désormais aux aguets. J'ignore si je vais rencontrer quelqu'un ou quelque chose, mais je tiens à ma vie. Je tiens à aller au bout de cette quête et à revenir vivante. En un seul morceau, si possible.
Je veux revoir ma famille. Ma maison. Mon univers douillet. Tout ce que j'ai connu.
Le chemin de cailloux paraît presque briller. Je suis rassurée car si ce qu'on a pu me dire est vrai, je n'ai qu'à le suivre sur une longue distance et j'arriverai à destination. Si tout va bien. Il y aura des obstacles mais je survivrai. Pas vrai ? Ce ne peut pas être si compliqué, si ? Je suis Victoire. J'irai jusqu'à l'île des Quatre Étoiles et je changerai ce qui ne va pas chez moi une bonne fois pour toute.
Et s'il y avait des directions à choisir ? Des carrefours ? Non. Ne pas faire de plans sur la comète. Tant que je ne sais pas, je ne peux pas prévoir. C'est inutile.
Mes pensées m'épuisent, j'aimerais les mettre sur pause. J'ai d'ailleurs beaucoup d'imagination, ce qui fait que depuis mon départ, je pense sans cesse à ce qui va se passer. Je me fais différents scénarios et j'essaie même d'imaginer l'Île des Quatre Étoiles. Y a-t-il vraiment quatre étoiles ? À quoi ressemblent-elles ? À des étoiles, évidemment.
Chaque pas m'éloigne de mes proches et me rapproche de mon but. Je doute à plusieurs reprises mais je ne m'arrête pas.
Je ne m'arrête pas.
Je marche pendant plusieurs heures avant de faire ma première pause. Enfin, première pause si on ne compte pas les multiples petits arrêts que je fais, car j'ai l'impression d'être suivie. Je sens une constante présence dans mon dos mais lorsque je me retourne, il n'y a personne. Peut-être est-ce juste l'endroit qui donne l'illusion qu'il y a quelqu'un d'autre que nous mais je n'en suis pas convaincue. Au lieu de ça, cet étrange pressentiment semble écarteler mon estomac.
Oh, maman, qu'est-ce qu'il va m'arriver ?
Le soleil commence déjà à retomber. Je n'ai pas faim mais je me force à sortir quelques baies à manger de mon sac. Je les grignote lentement et attrape le récipient qui contient mon eau. J'ignore si je trouverai beaucoup de cours d'eau, alors je ne bois qu'une toute petite gorgée avant de reprendre ma route.
Je me décide à m'arrêter quelques fois pour cueillir une fleur particulièrement belle, la humer, et la glisser dans mon sac comme un souvenir de ce début de voyage.
Pour me rassurer et m'occuper, je chantonne en observant les papillons qui volent près de moi, m'apportant une petite présence rassurante. Je chante principalement des berceuses que maman nous apprenait lorsque nous étions petits. Elle nous les chantait avec douceur au coin du feu et j'ai toujours mémorisé les paroles. Après les berceuses, j'en viens à inventer mes propres paroles. Lorsque je chante, ma voix se mêle au bruit des oiseaux et au bruissement des feuilles que j'écrase avec mes pas.
Je suis Victoire.
Je n'ai pas peur du noir.
Condamnée à toujours gagner,
Je pars changer ma destinée.
Je suis Victoire,
Une fille pleine d'espoir.
Je gagne toujours,
Alors j'ai besoin d'une mise à jour.
Je me rends compte que c'est stupide après quelques minutes et j'arrête de chanter pour compter mes pas, puis les papillons, les coccinelles, les oiseaux que j'aperçois. Je finis par abandonner chaque activité après quelques minutes pour trouver un autre divertissement. Je chante à nouveau, j'arrête et je recommence, en continuant toujours d'avancer.
Je suis Victoire.
Je n'ai pas peur du noir.
Je vais survivre à cette quête.
Je serai enfin satisfaite.
Un bruissement soudain me fait sursauter. Je m'arrête net, tendant l'oreille. Le silence qui suit est assourdissant, chaque seconde étirant mon anxiété. Je suis suivie. Une goutte de sueur froide glisse le long de ma colonne vertébrale. Je ne fais absolument pas la maline.
Ce n'est peut-être qu'un animal ?
— Il y a quelqu'un ?
Si la personne ne veut pas se montrer, c'est sûr qu'elle ne va pas répondre...
Je tiens un peu plus fermement mon couteau dans la main. Je m'accroche à lui comme je m'accroche à ma vie.
Un autre bruissement se fait entendre derrière moi. La panique grandit en moi, atteignant presque son paroxysme. Je n'ose plus respirer, je suis figée de peur.
Ne panique pas, ne panique pas. Tu imagines sûrement des choses parce que tu es toute seule. C'est normal. Ne panique pas, tout va bien.
Mais la petite voix aiguë dans ma tête ne cesse de me susurrer que quelque chose de terrible est sur le point d'arriver.
— Est-ce qu'il y a quelqu'un ? S'il vous plaît, ça ne m'amuse pas !
J'observe tout autour de moi avant que mes yeux ne se posent sur un arbre dont les branches bougent légèrement. Je plisse le regard pour mieux voir.
— Ah ! Saleté de bestiole ! Laisse-moi ! Va-t-en !
Je sursaute et écarquille les yeux. Un homme, pas plus vieux que moi, sort de sa cachette et crie presque comme une fillette. Je soupire, soulagée avant de comprendre que l'homme fuyait une guêpe. Je ricane avant de faire un pas en avant, le cœur battant à nouveau normalement.
— Qui êtes-vous ?
L'homme, qui était toujours préoccupé par l'insecte, pousse un gros soupir de soulagement.
— Je suis allergique aux guêpes ! J'aurais pu mourir si cette saleté m'avait piqué ! J'aurais pu... mourir... Ça ne devrait pas exister, de tels insectes !
Il regarde autour de lui avant de réaliser que je le fixe intensément, attendant une réponse logique et rationnelle. Son regard s'agrandit, comme s'il venait de voir une créature, ou un extraterrestre.
— Zut ! Je... Je suis désolé, je ne voulais pas vous faire peur !
Il passe sa main sur ses vêtements, sûrement pour enlever les herbes qui sont venues s'y coller.
— Qui êtes-vous ? Pourquoi me suivez-vous ?
Je réitère plusieurs fois ma question, en parlant clairement et fort.
— Qui je suis ? Je suis... Je suis... quelqu'un, je suppose ?
J'hausse un sourcil interrogateur.
— Comment ça, quelqu'un ? Évidemment que vous êtes quelqu'un ! Mais qui ?
— Je... je ne suis pas quelqu'un d'important.
Décidément, je suis face à un drôle de personnage.
— Je m'appelle Jessy. Vous devez être Victoire ?
— Comment vous connaissez mon prénom ?
— Les paroles de la chanson, j'imagine ? Vous chantez plutôt fort, je dois l'avouer.
Je rougis et détourne le regard. Je ne pensais pas qu'on aurait pu m'entendre. Je chante en faux, en plus.
— Eh bien Jessy, pourquoi vous me suivez ?
Celui-ci semble gêné, il baisse les yeux pour fixer ses chaussures. Il passe ensuite une main dans ses cheveux.
— Je n'ai pas vraiment d'excuse. J'ai entendu parler d'une jeune fille qui voulait changer sa qualité dominante. J'avais besoin d'un divertissement.
— Un divertissement, comment ça ?
— Disons pour résumer que je n'ai pas une vie facile et que je voulais... découvrir d'autres horizons. Il paraît que peu de gens reviennent vivants de cette aventure. J'ai besoin d'avoir des frissons.
— Alors même que vous avez peur d'une pauvre guêpe ?
— Je ne vous permets pas de rire de moi ainsi ! J'en suis allergique !
— Mais votre réaction, ou plutôt votre cri, m'a amusée, pardon.
L'homme ne dit plus rien, j'en profite pour le détailler rapidement. Il est brun et ses cheveux sont en bataille. Ses yeux bleus sont plein de malice. Des petites tâches décorent ses joues roses. Il est vêtu d'une tenue simple pour le voyage et porte un sac à dos similaire au mien. Il est plutôt beau mais il ne m'inspire pas trop confiance. Je pense qu'il doit avoir mon âge, ou peut-être un peu plus.
Ne jamais faire confiance aux inconnus, de toute façon.
— Pourquoi ne pas s'être manifesté dès le début ? Vous m'avez suivie depuis le début de la journée ?
Jessy semble nerveux.
— J'avais peur que vous refusiez ma présence.
Je le regarde, essayant de jauger son honnêteté. Il semble sincère, même s'il est très nerveux. Et étrange.
— Vous auriez refusé ma présence, n'est-ce pas ?
— Je ne sais pas.
— Oh, aller, ce n'est pas si terrible que ça de parler à un inconnu ! On peut apprendre à se connaître sur le chemin ! Bon, en tout cas, maintenant, nous sommes quittes pour faire le voyage ensemble de toute façon !
— Pardon ?
Dites-moi que je rêve ! Évidemment, lui aussi veut aller au bout du chemin, et il n'y a pas trente-six solutions possibles. Je crois que finalement, être seule n'était pas si terrible que ça.
— Allez, je sais que vous m'adorez déjà ! Je suis plutôt beau, non ?
Il s'appuie à un arbre et m'offre son plus beau regard charmeur pour illustrer sa réplique.
Je m'esclaffe. Non mais, quel culot !
Le voyage va être long. Très long. Même si au fond, je suis rassurée de ne plus être seule.
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