Chapitre 7
« Alors, j'aimerais partir demain. Au lever du soleil. »
Cette phrase, prononcée par moi-même, se répète en échos dans ma tête et s'en est presque douloureux.
Bon sang ! Quelle mouche m'a donc piquée pour que j'ai l'idée, ou plutôt la pulsion de partir aussi vite ? En une journée, je change tout. Je bouleverse tout.
Je devrais peut-être tout oublier de ce qui s'est passé. Rester au chaud à la maison et ne pas partir. Profiter du printemps. Accepter qui je suis.
Au lieu de ça, je remets en question toute mon existence et je me prépare à partir à l'aventure en territoire inconnu et seule. Je n'ai pas aucune préparation, rien d'autre que mon petit cerveau rebelle.
Je n'ai pas beaucoup dormi cette nuit. Les heures semblaient s'étirer indéfiniment tandis que je me tournais et retournais dans mon lit, incapable de trouver le repos. Chaque fois que je fermais les yeux, des pensées tourbillonnaient dans mon esprit, me forçant à rouvrir mes paupières.
Le réveil a été dur. J'ai finalement réussi à m'endormir à l'aube, mais ce sommeil tardif et agité ne m'a apporté aucun réconfort.
Maintenant, alors que je me prépare à partir pour de bon, une question persistante me taraude l'esprit : vais-je vraiment revenir ? Si oui, que se passera-t-il ensuite ? Mon esprit essaie de se rassurer. Ce n'est qu'une question de quelques jours, n'est-ce pas ? C'est simplement une courte aventure avant de retrouver la familiarité de ma maison.
Je me surprends à mémoriser chaque coin et recoin de ma chambre comme si c'était une carte, ou comme si je devais m'en aller pour la dessiner plus loin. J'essaie de mémoriser chaque détail de ma chambre, chaque objet familier qui me manquera peut-être plus que je ne l'imagine. La douce couverture en laine sur mon lit, les livres empilés sur la petite table de chevet, la lumière du matin jouant sur les murs - tout cela pourrait bientôt devenir des souvenirs lointains. Peut-être même très lointains.
Je respire profondément, tentant de calmer les battements frénétiques de mon cœur. Les doutes et les peurs sont naturels, ma réaction est normale.
Vous aussi, vous avez cette petite voix dans votre tête qui vous dit constamment de faire quelque chose et qui vous explique que vous allez mourir si vous ne lui obéissez pas ?
La petite voix aiguë dans ma tête m'ordonne de partir au plus vite ou sinon, je le regretterai.
Vais-je mourir ?
La lumière du soleil irrite mes paupières encore endolories. Je quitte mon lit douillet avec peine et ne peux m'empêcher de fixer l'encadrement de ma porte de chambre, là où se tenaient mes parents hier. Je m'étire péniblement puis me dirige vers ma penderie, où se trouve un sac qui va pouvoir enfin me servir pour autre chose que le travail. Je prépare nerveusement mon sac de voyage. Je prends quelques vêtements, un couteau, quelques baies et des tissus au cas où je me blesse.
Je suis vraiment en train de le faire. Je suis vraiment en train de préparer mon sac. Quand reverrai-je ma chambre ? Quand reverrai-je ma maison ? Quand reverrai-je ma famille ?
Quelqu'un toque à ma porte, m'interrompant dans l'inventaire de mes affaires. Je me retourne pour que mes yeux rencontrent ceux de ma mère. Son regard doux et mélancolique me brise le cœur.
Vais-je la revoir ?
— Nous t'accompagnons, ma chérie. Nous allons venir tous ensemble avec toi jusqu'à l'entrée du chemin.
Sa voix tremble légèrement, et je peux voir la peur cachée derrière ses yeux.
Je fronce les sourcils. J'ai l'impression d'être face à un roman qui possède une grosse incohérence. Pourquoi ne s'opposent-t-ils pas ? Ils savent que c'est dangereux mais ils ne m'empêchent pas d'y aller.
— Tous ? Vous venez tous ?
— Oui, me confirme ma mère en rentrant dans ma chambre. Tes frères et sœurs viennent aussi. Ils n'iront à l'école que cet après-midi.
Je ne dis rien, me contentant d'hocher la tête. Mes frères et sœurs ne loupent jamais les cours, alors ce n'est pas dramatique s'ils manquent une demi-journée. Ils sont plutôt studieux et bien entourés, ils réussiront sans difficulté à rattraper les devoirs.
Quant à moi, je ne rate rien. Je suis majeure et de famille modeste, mon devoir est d'aider ma famille dans diverses tâches agricoles, notamment aider ma tante tous les dimanches matins à la ferme. J'aime ce contact avec la nature plus que tout. J'espère que ma famille s'en sortira sans ma présence à leurs côtés.
Je boucle mon sac puis ma mère m'invite à manger une grosse portion avant le départ.
Mes parents ne disent rien. Ils ne me donnent pas de consignes, ni rien et à aucun moment ils ne décident de m'empêcher de partir. La tension dans l'air est palpable. Les bruits ambiants, comme le crépitement du feu et le grincement de la chaise, accentuent le silence lourd.
Est-ce que je fais une grossière erreur ? Peut-être que gagner chaque défi physique n'est pas une si mauvaise chose, après tout. Et si je vivais dans un monde où il est impossible de changer sa qualité dominante ? Après tout, peut-être devrais-je apprendre à vivre avec ça. Peut-on l'assimiler à un handicap ?
Inspirer.
Expirer.
Inspirer.
Expirer.
Tout va bien se passer.
Mon esprit est agité de diverses pensées et de multiples craintes mais je ne dois pas fléchir. Mon sac près de moi, je prends le petit-déjeuner. Je n'ai pas faim mais mes parents m'incitent à ne pas partir le ventre vide. Je finis donc avec une pomme, une banane et quelques baies dans l'estomac. Ma jambe droite tressaille, mon pouls tente de battre tous les records et mon cœur fait des triples saltos dans ma cage thoracique.
Inspirer.
Expirer.
Inspirer.
Expirer.
Tout va bien se passer.
Le temps fini toujours par filer. Si tout va bien, dans quelques années, ce ne sera qu'un mauvais souvenir. Je reviendrai avec une qualité meilleure ou autre chose.
Inspirer.
Expirer.
Inspirer.
Expirer.
Tout va bien se passer.
Je finis de manger rapidement avec ma famille puis je me lève et quitte la table. Je me rends dans la salle de bain pour m'éponger le visage et me rafraîchir les idées. J'ajuste ma tenue correctement et viens ajouter un gilet au tout pour ne pas avoir froid.
Le miroir, qui menace de tomber à tout moment, me renvoie le reflet de quelqu'un de peu confiant mais qui sait qu'elle a quelque chose à accomplir. La fissure qui barre le miroir à gauche est en écho avec mon cœur, fissuré à l'idée de quitter ma famille quelques temps.
Vais-je mourir ?
Mes parents, ma fratrie. Ils sont tous debout face à moi.
Inspirer.
Expirer.
Inspirer.
Expirer.
Tout va bien se passer.
Ma mère est la plus proche. Elle réduit la proximité entre nous pour poser une main douce sur mon épaule.
— Tu sais que tu n'es pas obligée de faire ça seule. Ton père et moi, nous pouvons t'aider, te préparer mieux.
Je secoue la tête.
— Je dois le faire seule, maman. C'est quelque chose que je ressens au plus profond de moi. Je peux y arriver seule. J'en suis capable, pas vrai ?
Elle soupire et, lentement, acquiesce.
— Alors si tu es prête, c'est l'heure d'y aller.
Je vérifie une dernière fois le contenu de mon sac sous le regard vigilant de ma mère. Elle m'aide à ajuster les sangles et à m'assurer que tout est bien en place puis mon père ouvre la porte. Je sors la première et laisse le vent caresser mes joues tandis que j'enfile mes sandalettes.
Inspirer.
Expirer.
Inspirer.
Expirer.
Tout va bien se passer.
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