Je suis au milieu d'un champ de fleurs, océan de couleurs dans la lumière du soleil de cette fin d'après-midi. Les coquelicots qui s'y épanouissent sont splendides et le vent les fait danser avec grâce. Il fait beau mais la nuit ne va pas tarder à tomber. J'ignore comment j'ai atterri là. Pourquoi suis-je seule ? Égarée dans ce tableau vivant, je n'entends que le murmure délicat des ailes des corbeaux planant à mes côtés. Je tremblote mais le spectacle qui s'offre à ma vue me fait presque oublier que j'ai froid, seulement vêtue d'une robe qui tombe en lambeaux.

Puis le décor change. Les fleurs et le soleil disparaissent pour laisser place à un champs de bataille mythique, entourée par les vestiges d'une ancienne guerre entre la lumière et les ténèbres. Les nuages tourbillonnent dans le ciel, paré d'une étrange couleur dorée, rendant le moment presque apocalyptique.

Au loin, un grondement sourd résonne, annonçant la présence la colère de la nature. Il y a de l'orage. J'ai peur. Mon cœur palpite violemment et menace de jaillir de ma poitrine à chaque fois qu'un éclair zèbre le ciel.

L'atmosphère est lugubre. Je ne suis plus seule mais je me sens toujours isolée du reste du monde dans un pré aussi immense que mystérieux.

J'ai encore plus froid. Mon corps est parcouru de tremblements et mes jambes ne vont plus tenir très longtemps. Mon regard se perd devant moi avant de se poser sur les silhouettes de soldats démunis qui ont visiblement perdu un combat. Leurs tenues sont froissées, abîmées, déchirées. Leur visage meurtris n'expriment que de la tristesse alors qu'ils pleurent des larmes d'or. Quel combat ont-ils perdu ? Qui étaient leurs adversaires ? Quel était l'objet de la bataille ?

Tant de questions restent sans réponses. Je ne comprends pas où je suis. Je pousse un cri, espérant que quelqu'un remarque ma présence. J'agite même les bras dans tous les sens.

— He ! Quelqu'un peut-il me dire où je suis ?

C'est peine perdue. Je crie, encore et encore, mais les soldats ne semblent pas m'entendre. Pire, c'est comme s'ils étaient des fantômes ou des âmes errantes entre l'Enfer et le Paradis.

Ils ne sont pas dans le même monde que moi. Ils ne sont pas dans la même dimension que moi.

Je m'approche d'eux et essaie de les toucher, de leur parler, leur dire que je suis là moi aussi mais c'est en vain, ce qui confirme mon hypothèse.

Je suis perdue, coincée, démunie et la nuit tombe. Une sensation de vertige s'est emparée de moi et ma vision se brouille petit à petit.

Soudain, une figure imposante émerge des ombres, vêtue d'une armure étincelante et tenant une épée flamboyante. Je plisse les yeux devant l'allégorie lumineuse de la victoire. C'est la représentation de ma qualité dominante, la victoire elle-même. Je suis à la fois attirée et repoussée par cette apparition. D'abord, son visage est flou et je ne distingue que sa silhouette imposante. Je suis minuscule à côté d'elle.

Quand le visage de l'allégorie se révèle à moi, je pousse un cri strident. C'est mon propre visage qui me fait face et me regarde fixement.

« N'oublie jamais qui tu es, Victoire... Tu as un grand pouvoir, celui de... »

Je me réveille en sursaut, les tempes humides et le cœur en proie à une agitation anormale. Je me redresse violemment dans mon lit tandis que la lumière du jour vient agresser mes yeux.

Je ferme mes paupières et me concentre sur ma respiration pour tenter de me calmer.

Inspirer. Expirer. Inspirer. Expirer. Inspirer. Expirer.

Inspirer.

Expirer.

Ce n'était qu'un mauvais songe. Ce n'était qu'un cauchemar. J'ai l'habitude. Tout va bien se passer.

Pourtant, cette fois, j'ai le sentiment que ce n'était pas un simple rêve. La voix avait l'air si... réelle. Et curieusement, j'ai envie de connaître la fin de la phrase.

« N'oublie jamais qui tu es, Victoire... Tu as un grand pouvoir, celui de... »

Celui de toujours gagner ? Non. Je sens qu'il y a autre chose.

Inspirer.

Expirer.

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