Chapitre 5 : Tous des Saints

Après sept heures de car, Aphté arrive chez elle, en Bretagne. Et ça lui fait un bien fou de respirer à nouveau l'air marin. Elle saute dans les bras de son petit frère, peu enthousiaste de la revoir, comme d'habitude depuis son adolescence. Puis ils vont à la voiture de la daronne qui les attend, mal stationnée.

Direction, la maison. La famille d'Aphté passe alors un excellent moment jusqu'à qu'Aphté reçoive un appel de Titouan, son petit copain.

« — Hey.

— Hey.

— Ça va ? » demande le garçon.

« — Très bien et toi ?

— Tu fais quoi ? »

Et là, gros blanc. Aphté réalise qu'elle n'a absolument pas prévenu son copain qu'elle revenait. Elle avait dit qu'elle le tiendrait au courant mais elle a complètement oublié.

« — Bah justement, je suis chez ma famille, te fâche pas mais je suis arrivée en fin de journée, j'ai oublié de te le dire.

— Ah ok. », est manifestement déçu ledit copain, « tu veux qu'on se voit ce soir ?

— Si tu veux, oui, je viens ou tu viens ?

— Comme tu veux.

— J'ai pas de voiture donc ça serait plus simple que ce soit toi.

— Ok, j'arrive dans moins d'une heure alors. »

Et il raccroche, sans u, mot supplémentaire et Aphté sait qu'elle a gaffé. Alors, pour se faire un peu pardonner, elle enfile de la lingerie plutôt sympathique puis remet ses vêtements avant d'attendre son copain. Copain qui arrive une trentaine de minutes plus tard.

— Hey toi.

— Hey, sourit sincèrement Aphté tout en allant embrasser amoureusement Titouan.

Les deux montent dans la chambre d'Aphté et s'embrassent directement, ayant manqué le contact de l'autre. Puis, assez rapidement, Titouan aborde le sujet :

— Tu m'expliques comment t'as pu oublier de me prévenir que tu arrivais ?

— Je sais pas, j'ai pas mal de taf en ce moment du coup ça m'est complètement sorti de la tête. Désolée, vraiment.

— Si tu veux, on peut réserver les tickets pour quand j'irai te voir en novembre ?

— Hum.

— Tu veux que je vienne pour ton anniversaire ?

Aphté pense d'abord que c'est une excellente idée puis elle réalise que ça implique une rencontre entre Titouan, son copain, et Gullveig, aka la fille qu'Aphté a bien embrassé à une soirée. Définitivement une idée de merde se dit Aphté.

— Je préférais qu'on fête ça tous les deux, chez toi.

— J'aimerais bien voir ta colocation pourtant.

— La prochaine fois, tu viendras.

— Ok, ok, on fait comme ça, la miss.

Ouf, pense Aphté avant de reprendre la conversation. Puis les deux jeunes commencent à se bécoter et l'ambiance change de décontractée à chaude, surtout quand Titouan découvre les sous-vêtements d'Aphté. Alors les deux jeunes se chauffent de plus en plus et finissent par coucher ensemble, tous les deux très heureux de ce moment très agréable. Pourtant au moment de dormir et du dernier baiser, Aphté a la nausée et elle sait trop bien pourquoi. Même si elle a embrassé Gullveig qu'une fois et sur le coup de l'alcool et du désir, elle s'en veut un peu présentement. Puis elle se rassure en se disant que ce baiser ne représente pas grand-chose après tout. Voilà, ce n'était rien car Gullveig n'est que son amie au mieux, sa colocataire surtout et point barre.

De son côté, Gullveig a bien profité de sa famille et, en son deuxième jour de vacances, elle voit son meilleur ami. Meilleur ami très curieux et qui lui demande directement : (*dialogues évidement en allemand initialement).

— Alors, raconte tout.

— Tu veux que je te raconte quoi ?

— Ta colocation, tes colocataires, les études. On s'est pas appelé depuis deux semaines, il a dû s'en passer des choses, non ?

Et aussitôt Gullveig pense à Aphté. Comment dire tout cela ? Même si c'est son meilleur ami, Gullveig n'est pas trop à l'aise avec ce qui se passe et ne se passe pas. Alors elle lui raconte beaucoup de choses mais évite le sujet Aphté. Pourtant, Nils, son meilleur ami, sent qu'il y a quelque chose à creuser avec cette colocataire alors il creuse comme il peut.

— Donc vous êtes amies avec Aphté ?

— Je dirais que oui, maintenant, on a dépassé le stade de simples colocataires je pense.

— Ok.

Après une profonde inspiration, Gullveig lâche, incertaine :

— On s'est embrassées.

— Quoi ? !

— T'as très bien entendu.

— Je suis pas sûr non, répète pour voir.

— On s'est embrassées.

— Quand ? !

— À la soirée Halloween à la coloc.

— Mon Dieu, enfin ma Gullveig a trouvé quelqu'un.

— Calme-toi on s'est qu'embrassées, on est pas en couple.

— Mais t'embrasses pas n'importe qui aux dernières nouvelles.

— C'est pas n'importe qui.

Et son ami a raison, elle n'embrasse pas n'importe qui. Elle n'avait d'ailleurs pas embrassé une fille depuis le lycée alors ça date vraiment mais ça lui va. Elle préfère qu'il y ait un minimum de sentiment plutôt que d'embrasser n'importe qui.

— C'est-à-dire, tu l'aimes comment ?

— Je sais pas.

— C'est-à-dire ?

— Je crois pas que j'ai envie d'être plus qu'amie avec elle.

— Et elle ?

— Je sais pas, elle envoie des signes contradictoires. Genre le soir où on s'embrasse, elle rentre chez sa famille sans me dire un mot alors qu'on a dormir ensemble. Depuis, j'ai aucune nouvelles même pas un message ou une photo.

— Attends, attends, vous avez déjà dormi ensemble ?

— Plusieurs fois, même, ça aussi c'est perturbant.

— Tu m'étonnes. Mais vous l'avez fait ?

— Quoi ? Non, bien sûr que non. Embrassées, juste embrassées.

— Je sais pas tu me dis que vous avez dormi ensemble et, à ce que je sache, les gens de ton âge ne font rarement que dormir avec une personne qu'ils embrassent.

— Non, on a vraiment dormi ensemble ces fois-là.

— Parce que c'est arrivé plusieurs fois ? s'étonne Nils, tentant de comprendre la situation.

— Oui, ça devient limite une habitude, surtout les soirs où on fait la fête.

— Et vous vous êtes embrassées combien de fois ?

— Une fois, à cette soirée Halloween.

— Et après vous avez dormi ensemble ?

— Oui.

— Sans aller plus loin ?

— Oui.

— Complexe comme situation.

— Pourquoi ?

— Parce que vous êtes visiblement dans la zone grise.

— C'est-à-dire ? s'inquiète légèrement la brune.

— Ni amie, ni petite copine.

— C'est grave ?

— Sache juste dans quoi tu t'embarques.

— Encore une fois, c'est-à-dire ?

— C'est-à-dire qu'il faut savoir ce que chacune veut. Tu veux quoi, toi ?

— Je ne sais pas, je m'attendais pas à ce qu'on s'embrasse ce soir-là.

— Mais c'était bien ?

— Oui, très bien.

— Et t'aimerais que ça se reproduise ?

— Pourquoi pas oui.

— Tu veux sortir avec elle ?

— Je ne sais pas, peut-être.

Nils semble sérieusement réfléchir puis lui demande :

— Mais t'as plus de nouvelles d'elle depuis les vacances ?

— Oui, mais c'était il y a seulement quelques jours.

— Si tu veux vraiment que votre relation évolue, envoie-lui un message.

Et c'est ce que fait Gullveig, sans n'avoir aucune réponse. Alors elle se demande d'abord ce qui cloche chez Aphté puis aussi chez elle.

Phtolos, de son côté, est coincé en repas de famille. Repas de famille où il n'est pas toujours le bienvenu par tous, notamment par sa grand-mère qui n'accepte pas vraiment sa transition. Alors, Phtolos décide de rentrer plus tôt que prévu dans la colocation, en ce vendredi fin d'après-midi au lieu du dimanche initialement prévu.

Cadkar, lui, est resté tout le temps à la coloc. Il a vu sa mère une fois ainsi que son père, séparément, les deux étant divorcés depuis la seconde du jeune homme.

Aujourd'hui, il rentre du sport et se douche. Puis, quand il entend de bruit en ce jeudi fin d'après-midi, il se rend compte que le mec de ménage est là. Alors, sans honte de son corps plus que respectable selon lui, il sort en serviette pour saluer Issa.

— Pas de casque aujourd'hui ?

Issa se retourne vers Cadkar, visiblement étonné de le trouver si peu vêtu.

— Non, pas de casque. Et toi, t'as perdu tes vêtements ?

— C'était pour te faire plaisir.

— T'es en train de me draguer là ?

— Si c'était le cas, tu ferais quoi ?

— Je te dirais de t'habiller.

— Et si j'ai pas envie ?

— Je me plaindrais à mon employeur de ton drôle d'accoutrement.

— C'est si à plaindre que ça ?

Et Cadkar confirme sa première impression : Issa ne lui dit pas complètement non. Parce que Cadkar prend toujours ses précautions pour ne pas tomber sur certains des connards de mecs hétéro' qui veulent lui péter la gueule.

— Habille-toi, c'est tout.

— Dommage de couvrir ce corps mais je comptais m'habiller donc à toute de suite.

Cadkar part donc enfiler un short ainsi qu'un débardeur blanc puis revient au salon. Il se pose sur le canapé, ordinateur en mains et fait semblant de travailler.

— Tu joues très mal la comédie.

— Peut-être parce que je n'ai pas envie de jouer à ce jeu-là, réplique Cadkar, sûr de lui.

Issa lève les yeux au ciel puis continue de passer la serpillière. Joueur, Cadkar se rend à la cuisine et fait, sans faire exprès, bien sûr, tomber de l'eau par terre.

— Oups, pas fait exprès.

— Si tu veux tester mes nerfs, c'est pas la bonne journée.

— C'est pas tes nerfs que j'ai envie de tester.

— Je vais vraiment te reporter à mes supérieurs si tu continues.

Cadkar lève les mains en l'air, en signe de défaite puis essuie sa fausse connerie.

— T'as un numéro de téléphone par hasard ?

— Comme la plupart des êtres humains sur cette planète oui.

— Je pourrais l'avoir ?

— Pour quoi faire ?

— Pour te voir en dehors de tes heures de travail et que t'arrêtes d'invoquer tes supérieurs à tout va.

— Si on voyait, qu'est-ce qu'on ferait ?

— Franchement, ce que tu veux.

Alors le lendemain, Issa vient chercher Cadkar en scooter.

— T'es sûr que tu préfères pas ma voiture, propose avec légère insistance Cadkar.

— Quoi ? T'as peur ?

— De quoi ?

— Je sais pas alors monte.

Cadkar enfile le vieux casque, pas trop sûr de comment le mettre alors Issa le lui règle avant de monter à l'avant. Cadkar n'est jamais monté sur un deux roues avant, mais il ne dit rien. Il se contente de s'accrocher à Issa, pas très à l'aise contrairement à d'habitude.

— T'as si peur que ça pour t'accrocher à moi comme ça ?

— Contente de m'amener où tu veux en vie.

Issa sourit puis amène Cadkar où il a prévu. Rien de sophistiqué, juste un terrain de foot. Mais, même ce sport le plus simple, Cadkar ne semble pas savoir comment jouer. C'est pas pareil que sur FIFA, grommelle intérieurement Cadkar qui se fait saucer par Issa.

— Alors, tu sais que le principe du foot, c'est de marquer ?

— Je sais, souffle Cadkar en essayant de récupérer la balle à Issa.

Mais il n'y arrive pas et Issa marque encore une fois. Au bout d'une petite heure, Cadkar en a marre alors il propose de rentrer à la colocation s'hydrater. Cadkar prépare même des smoothies.

— Tu fais du sport depuis longtemps ? demande Issa en buvant le smoothie.

— Depuis petit mais je vais à la salle régulièrement depuis le lycée.

— Pourquoi ?

Et ça perturbe Cadkar cette simple question. On ne la lui pose pas souvent.

— Parce que ça me défoule. Et toi tu fais quoi en dehors du ménage ?

— J'étudie.

— T'étudies quoi ?

— Je suis en études de dentiste.

Cadkar ne s'attendait pas à ça et Issa le sent, mais est habitué à ce genre de réactions, surtout venant de ce genre de personnes.

— Surpris, hein ?

— C'est pas courant non, surtout chez les hommes de ménage. Déjà, c'est pas courant tout court les hommes de ménage.

— J'ai remarqué, oui.

— Tu fais ça depuis longtemps ?

— Le ménage ?

— Oui.

— Que depuis cette année. Et toi, tu travailles ?

— Nan, j'étudie et c'est déjà pas mal.

— Tu fais quoi ?

— Je suis à Sciences Po.

— Connais pas. C'est quoi ?

Et c'est bien une des premières fois que Cadkar rencontre quelqu'un qui ne connait pas Sciences Po.

— C'est une grande école de sciences politiques et sociales.

— Je vois. T'es en quelle année ?

— Quatrième, en master et toi ?

— Deuxième.

Les deux jeunes discutent encore un peu puis Cadkar propose de jouer à FIFA, histoire d'éclater le plus jeune. Cependant, c'est le plus jeune qui éclate Cadkar, ce qui l'agace. Issa pose la manette sur la table, fier de lui et Cadkar capitule :

— T'es plus fort que je ne le pensais.

— Et toi moins fort que je ne le pensais.

Cadkar sourit, aimant la réparti d'Issa. Ce dernier se lève, s'apprêtant à partir mais Cadkar lui barre la route ce qui surprend à peine Issa.

— Qui t'a dit que tu pouvais partir ?

— Moi visiblement.

— Et si j'ai pas envie.

— Retiens-moi alors.

Et Cadkar sent une certaine excitation le gagner alors il s'approche d'Issa et lui enlève son léger sweat pour découvrir ses fins bras. Il embrasse ensuite l'épaule gauche puis droite d'Issa et continue dans le cou. Il veut embrasser le plus jeune mais celui-ci détourne le visage.

— On est pas au collège à se bécoter, si ?

Étonné mais pas embêté, Cadkar continue ses mains d'œuvres d'allumage. Il fait asseoir Issa sur le canapé et lui baisse son survêtement jusqu'aux chevilles. Puis il vient déposer des baisers envieux tour autour du boxer noir d'Issa, qui commence à respirer plus fort tout comme à bander.

— Vous êtes sérieux ? Dans le salon ? scande Phtolos, blasé de cette scène trop explicite pour son humeur.

Issa se fige tandis que Cadkar se retourne, lui aussi blasé.

— Roh, ça va, on a encore rien fait.

Puis Phtolos dégage dans sa chambre, en ayant assez vu. Issa remonte alors son jogging, sous la déception de Cadkar. Ce dernier n'a même pas le temps de proposer à Issa de venir dans sa chambre que celui-ci se dirige vers la porte d'entrée, remettant ses chaussures.

— C'est dommage, on aurait pu s'amuser.

— Peut-être une prochaine fois.

— Et si je ne veux pas d'un "peut-être", mais d'une vraie prochaine fois.

— Surprends-moi encore. T'as mon numéro de toute façon.

— Qui me dit que tu répondras ? s'amuse Cadkar.

— Sois assez convaincant alors.

Et Issa déguerpit, comme ça, laissant un Cadkar frustré. Et ce n'est pas souvent qu'il est frustré sexuellement ni qu'il veuille revoir la source de cette frustration.

Le samedi c'est au tour de Gullveig de rentrer et le soir, lorsqu'elle se prépare un repas vite fait, elle tombe sur Phtolos, un casque aux oreilles.

— Hey toi, ça a été tes vacances ?

— Très bien et toi ? Tu devais pas rentrer demain ?

— Si, mais tout ne s'est pas passé comme prévu.

Alors les deux jeunes se posent dans le salon et mangent ensemble, discutant en même temps.

— Tu veux parler de tes vacances ?

— Je sais pas, c'était comme d'habitude, mais ça veut pas dire que c'est moins douloureux.

— C'est-à-dire ? s'intéresse Gullveig.

— Une partie de ma famille ne m'accepte pas vraiment depuis ma transition.

— Mince, je savais pas, désolée.

— T'inquiète, tu pouvais pas savoir.

— C'est pour ça que t'es rentré plus vite ?

— Ouais... Et toi sinon ?

Alors Gullveig raconte ses agréables vacances puis, légèrement fatiguée, elle va dans sa chambre tandis que Phtolos part fumer un joint dans le jardin. Gullveig se pose sur son fauteuil de bureau, un peu blasé. Elle ne sait pas quoi faire alors elle fait ce qu'elle sait faire de mieux : boire. Et elle se perd dans ses pensées, faisant du crochet en même temps qu'ingurgitant de l'alcool.

Et elle ne peut s'empêcher de penser à Aphté et à leurs baisers à cette fameuse soirée Halloween. C'était bien, en vrai, c'est pourquoi Gullveig est si déçue de ne pas avoir eu de nouvelles du tout des vacances de la part de son « amie ».

C'est pourquoi, le lendemain, elle est toute contente de retrouver Aphté. Mais les deux ne se parlent pas, la jeune fille aux cheveux roses passant la fin de sa journée dans sa chambre. Ça déçoit beaucoup Gullveig, qui se sent délaissée et seule alors elle boit à nouveau pour combler cette solitude.

Elle sait que c'est de la merde de faire ce qu'elle fait mais elle ne peut vraiment s'en empêcher. Alors elle boit pratiquement une bouteille de punch planteur à elle toute seule. Elle est triste mais surtout déçue du comportement ou plutôt du non-comportement d'Aphté à son égard. Avec l'alcool, ça la met même en rogne. Si bien qu'elle se retient de toutes ses forces de ne pas aller frapper à la porte de sa colocataire.

Ainsi se terminent les vacances de la Toussaint où tous n'ont pas été des Saints.

😈 Hey, on se retrouve pour ce cinquième chapitre. Chapitre plus calme et plus court.
Vous en avez pensé quoi ? Vous vous attendez à quoi pour la suite ?
Je vous dis à vendredi prochain pour la suite, d'ici-là, portez-vous bien,
L 😈

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