Chapitre 13 : Willkommen in Hamburg
Ça fait quelques jours qu'Aphté est au plus bas. Elle ère tel un zombie : se lever, difficilement, aller en cours, rentrer des cours, déprimer dans son lit et, parfois, manger un bout. Elle savait que sa rupture avec Titouan allait être dure, mais elle n'avait pas réalisé la douleur que ça serait de perdre quelqu'un que l'on aime, surtout quand tout cela est juste à cause d'elle, elle et elle seulement. Elle se sent si seule, à présent, même si elle sait qu'au fond elle peut compter sur Cadkar, bien qu'il semble distrait ces derniers temps, mais Aphté est trop alpaguée dans son malheur pour s'en rendre vraiment compte.
N'ayant pas mangé de la journée, Aphté se rend pour une fois depuis quelques jours dans la cuisine. Mais lorsqu'elle ouvre son frigo, celui-ci est vide, peut-être aussi vide qu'elle actuellement, pense avec une certaine ironie Aphté. Toutefois, elle est prise d'un certain vertige, faute de manger correctement depuis quelques jours, et se tient fortement à la porte du frigo pour ne pas tomber, malgré les taches bleues apparues dans sa vision.
— Aphté, ça va ? s'inquiète immédiatement Gullveig en décrouvantsa colocataire bien plus blanche que d'habitude.
— Non, lâche faiblement Aphté avant de s'écrouler au sol.
Du moins, elle aurait dû, mais Gullveig vient l'attraper avant et l'assoit aussitôt, lui préparant un verre de jus de fruits bien sucré qu'elle force la mal au point à avaler. Aphté a l'air vraiment dans le mal, il n'y a qu'à la voir : au bord du malaise, en pyjama, livide, cheveux gras. Et même si Gullveig lui en vaut toujours de l'avoir lâchée comme une merde l'autre soir, elle reste humaine et s'inquiète forcément pour sa colocataire visiblement bien mal en point.
— C'est quand que t'as mangé un vrai repas pour la dernière fois ?
— Je sais pas.
— Tu veux que je te prépare quelque chose ?
— Non, c'est bon, je vais aller me reposer dans ma chambre.
Mais Gullveig ne la laisse pas faire toute seule et l'accompagne jusqu'à son lit, dans une chambre en désordre et assez puante il faut l'admettre. Et comme Gullveig n'écoute que très rarement Aphté, elle part lui préparer un plateau repas, tout en soupirant à de nombreuses reprises toutefois car au fond elle est agacée de devoir s'occuper d'une personne qui ne le mérite sûrement pas. Alors elle vient toquer chez Aphté qui lâche un petit « oui » et Gullveig rentre.
— Tiens, tend Gullveig le plateau.
— Fallait pas.
— Je sais, mais c'est fait maintenant, alors mange.
Aphté, n'en ayant pas la force, ne commente même pas avec humour l'autorité bancale de Gullveig, mais gobe un peu de soupe avec du pain beurre, salé évidemment, et Aphté est reconnaissante de cette attention.
Gullveig regarde quelques instants Aphté manger puis s'apprête à partir mais Aphté l'attrape par le bras, au début avec une certaine force puis juste comme une caresse.
— Écoute, Gullveig, je vais pas passez par quatre chemins : j'ai besoin de toi. J'ai besoin de toi comme tu avais besoin de moi le jour où tu pleurais alors qu'on se faisait la gueule.
Et Gullveig comprend alors elle fait. Elle rejoint Aphté dans le lit, en silence, et la regarde manger, toujours en silence. Quand Aphté a fini de manger un peu près la moitié de ce qu'avais préparé Gullveig, Gullveig prend sur elle et vient prendre sa colocataire dans ses bras.
— Merci, souffle Aphté d'aise.
— Ça veut pas dire que je te pardonne.
— Je sais, mais merci quand même.
— Ouais.
— Je ne suis plus avec Titouan. Le soir où je t'ai lâchée, on s'est séparés.
Gullveig ne sait que dire, un peu confuse au fond mais aussi soulagée d'une autre part il faut bien l'avouer, égoïstement.
Et depuis ce soir-là, Aphté se sent affreusement seule. Elle sait qu'elle n'a plus personne à qui envoyer des SMS ou passer des appels, plus personne sur qui elle peut compter comme elle le faisait avec Titouan, plus personne qu'elle ne pourra embrasser comme ils le faisaient, et aussi plus personne à qui aimer comme ça, comme un amoureux. Alors, ouais elle se sent affreusement seule et, au fond, elle espère que Gullveig pourra effacer un peu de cette solitude ce soir. Alors elle profite fortement de l'étreinte de Gullveig, s'y accrochant comme une bouée.
— Tu dis rien, s'inquiète un peu Aphté de ce silence.
— Je ne sais pas quoi dire.
— Ok, je comprends.
Alors les deux jeunes femmes se taisent jusqu'à ce que Gullveig propose :
— Si tu te douches, je te masse si tu veux.
— Je pue tant que ça ?
— Un peu oui.
Et pendant qu'Aphté se douche, Gullveig aère la chambre, met le linge par terre tout à un même endroit, range le bureau et fait le lit d'Aphté.
— T'étais pas obligée tu sais, fait remarquer Aphté quand elle revient, un peu gênée pour une fois.
— Je sais.
— Toujours ok pour un massage ?
Gullveig hoche la tête et Aphté lui tend l'huile de massage. Alors doucement, Gullveig se met à cheval sur le dos de sa colocataire et s'occupe de la détendre, en ayant de toute évidence bien besoin après ces quelques jours peu réjouissants. Mais ça lui fait toujours un petit quelque chose de toucher sa colocataire, surtout si intiment, surtout sans le tee-shirt d'Aphté. Elle finit par lui masser le crâne aussi et Aphté s'en délecte.
Aphté finit par se retourner, doucement, et fait face à Gullveig, seins nus, seins que Gullveig s'empêche de regarder comme elle peut. Aphté touche le visage de Gullveig d'une main, l'autre sur la hanche de la brune.
— Regarde-moi, Gullveig, s'il-te-plaît.
— Je te regarde, Aphté.
Yeux dans les yeux, Aphté précise :
— Regarde-moi de partout.
Alors, Gullveig baisse son regard sur le cou d'Aphté puis sur ses seins, les embrassant des yeux, et elle sent cette même boule se former dans son ventre, cette boule de l'envie.
— Je te regarde.
— Continue alors.
Alors les deux jeunes femmes se rapprochent l'une de l'autre et viennent naturellement s'embrasser. C'est au tour du haut de Gullveig de sauter et les deux colocataires en profitent directement pour coller leurs torses, appréciant grandement le contact de leurs peaux nues. C'est doux, loin de leur fougue habituelle. Alors elles s'embrassent, se touchent, se caressent et se découvrent encore et encore, passant un très bon moment ensemble.
Aphté, d'aise et d'épuisement, finit même par finir à s'endormir, tandis que Gullveig part en sur-réflexions. Elle décide alors d'aller dans sa chambre et de reprendre là où elle en était avant qu'Aphté ne lui tombe dans les bras : boire en soi. Alors elle boit seule sa boisson chérie en quantité chérie. Elle sait qu'elle est censée moins boire voire plus boire, surtout seule mais elle a plus de mal qu'elle ne le pensait, surtout dès qu'elle ressent des émotions intenses. Ça fait pourtant quelques mois qu'elle voit un psychiatre couplé à une psychologue tous les mois. Ça lui aide à comprendre certaines choses et à en réaliser d'autres, mais elle ne remarque pour l'instant que très peu de changements concrets.
Autre gros souci : Aphté. Gullveig ne sait pas si elle a bien fait de (re)coucher avec elle. Au moins, cette fois, elle n'est la maîtresse de personne. Après faut dire que c'était bien, très bien même et que si on lui demandait si elle voulait recommencer, ça serait avec un grand oui.
Partagée, Gullveig continue de boire jusqu'à s'endormir de fatigue liée à l'alcool.
*
Cadkar peine à se lever en ce samedi matin, bien qu'ayant dormi presque dix heures. Il s'étonne alors lorsque quelqu'un vient toquer à sa porte de chambre. Sans le contrôler, il s'attend un instant qu'il s'agisse d'Issa, mais il s'agit juste de Phtolos.
— Hey, ça fait longtemps qu'on a pas fait de séance de sport ensemble, t'es dispo' ce matin ?
Forcément, puisque Cadkar a résilié son abonnement à la salle, pour économiser. En soi, il aurait pu le maintenir mais il préfère garder ses économies pour autre chose. Alors quand il veut et peut, il fait du sport dans sa petite chambre.
Ainsi, les deux jeunes hommes partent à la salle et Phtolos ne commente pas le fait que Cadkar n'ait de toute évidence plus d'abonnement. La séance se passe bien et les deux garçons partent manger ensemble, au kébab et ça c'est vraiment un signe que Cadkar ne va pas bien. Il ne râle même pas sur le lieu bien différent de là où mange le jeune brun habituellement. Après avoir mangé, les deux jeunes se baladent un peu et Phtolos finit par lâcher :
— Tu sais, j'ai remarqué que quelque chose n'allait pas en ce moment. Si tu veux en parler, je suis là.
— Mmh, se braque un peu Cadkar, pas sûr de vouloir parler de ce genre de choses.
Cependant, curieux, il demande :
— Qu'est-ce que t'as remarqué alors ?
— Déjà, que t'avais plus de voiture, que t'as plus d'abonnement à la salle, tu vois plus Issa j'ai l'impression, tu sors moins et restes beaucoup dans ta chambre et t'as accepté de manger un kebab après une séance de sport, c'est pour dire, finit avec humour Phtolos pour faire sourire son colocataire mais ça ne fonctionne pas.
— Et bien, t'es observateur, c'est le moins qu'on puisse dire.
Et oui, Phtolos parle peu mais il voit beaucoup. Un défaut comme une qualité en soi.
— Bah ouais, c'est pas la forme en ce moment, soupire Cadkar.
— Tu sais pourquoi ?
— Oui.
Parce que plus grand-chose ne va en réalité. Un certain équilibre s'est brisé : un financier, parental, sentimental et corporel. Alors, pour la deuxième fois de sa vie, Cadkar n'est plus en paix avec lui-même et il n'aime pas ça du tout. Et encore moins devoir en parler avec quelqu'un comme il le fait présentement avec Phtolos.
— Tu veux pas en parler ?
— Non, pas vraiment.
— Si je peux faire quoi que ce soit, tu me dis.
— Pourquoi t'essayes d'être gentil avec tout le monde Phtolos ?
— Comment ça ?
— Je sais pas, on se connaît pas tant que ça et tu me proposes ton aide alors je te demande pourquoi.
— Parce ce que tout le monde mérite un peu de gentillesse, hausse simplement des épaules Phtolos.
Et ça paraît si naturel quand Phtolos le dit, tandis que Cadkar le trouve un peu candide.
Le soir, Cadkar est seul dans sa chambre à fixer le plafond. D'habitude, Cadkar serait sorti mais il n'en a plus les moyens ni l'envie au fond. Tout ce qu'il aimait autrefois a un goût amer maintenant. Sortir, c'est prendre le risque de tomber sur des personnes qu'il ne veut pas. Baiser, c'est prendre le risque de se rappeler de choses qu'il tente d'oublier. Même se branler, Cadkar n'y arrive pas depuis quelques semaines. Si le sexe était sa safe place, c'est maintenant devenu son enfer. Avant, cela était synonyme de paradis, apaisement et épanouissement, maintenant c'est l'enfer, véritablement. Cadkar a toujours les mêmes images en tête lorsque le sujet du sexe s'invite dans sa vie : cette soirée où il a été drogué, ses marques dégueulasses sur son corps, les photos qu'a volées Nathan de lui, les mots très durs de son père et, aussi, Issa qui lui manque.
Issa à qui il répond à peine et ment sur le fait d'être toujours occupé. Alors, Issa aussi s'y met et parle de moins en moins à Cadkar. Et ça rend triste Cadkar au fond, encore plus qu'il ne l'était déjà et ça le fait aussi chier de se rendre compte qu'il s'était autant attaché à quelqu'un. Maintenant, il est seul, bien seul. Mais il décide de faire un effort et de faire quelque chose qu'il n'aurait jamais fait avant : proposer une soirée jeux, de société, à ses colocataires. Tous acceptent et se retrouvent donc dans le salon à jouer à Time's up!. Et les quatre se marrent bien, surtout en essayant toutes les équipes possibles pour voir qu'elle est celle qui fonctionne le mieux et voici le résultat : la pire est Phtolos et Aphté et la meilleure Aphté et Cadkar. Alors les quatre colocataires passent une excellente soirée, unis plus que jamais.
Et cette belle harmonie les amène à leur troisième destination de l'année pendant les vacances d'avril : chez Gullveig, près d'Hambourg. La famille de Gullveig est vraiment très accueillante. Après un bon repas chaud bien mérité après ces heures de trajet, les quatre colocataires partent se coucher : Aphté et Gullveig dans la chambre de Gullveig et Phtolos et Cadkar dans la chambre d'amis.
— Ça a l'air d'aller mieux entre les filles, fait remarquer avec un sourire Phtolos.
— Oui, c'est cool pour elles.
— Moins pour le copain d'Aphté.
— Ils sont plus ensemble, lance Cadkar.
— Ah bon, depuis quand ?
— Je sais pas, depuis des semaines, je crois.
— Ok, je savais pas. Mais elles sont ensemble du coup ?
— Bonne question.
Question que se pose aussi Gullveig lorsqu'elle partage son lit avec Aphté, toutes les deux silencieuses due à la fatigue. Et Gullveig aimerait que les choses soient claires entre elles d'eux pour une fois, maintenant qu'elles sont toutes les deux célibataires. Même le meilleur ami de Gullveig a posé la question à l'Allemande qui se réjouit d'ailleurs de rencontrer cette fameuse Aphté demain au Wasser ski qui est prévu. Mais Gullveig ne sait pas comment amener le sujet ni si elle doit alors ça tourne juste dans sa tête, cherchant une réponse qui lui fait peur au fond, un peu. Et si tout ça, c'était juste pour le fun pour Aphté alors que Gullveig sent ses sentiments se développer.
— Hé Aphté, tu dors ?
— Mmh, marmonne, presque endormie Aphté, qu'est-ce qu'il y a ?
Avec paresse, la jeune femme aux cheveux décolorés vient passer son bras autour du bassin de Gullveig et se colle à cette dernière. Ce qui fait sourire Gullveig qui se colle à son tour à son amie. Elle l'observe, se battre pour ne pas s'endormir et décide de la laisser tranquille, pour l'instant du moins.
— Rien, rien, dors bien.
— Merci, toi aussi, à demain.
Ainsi les deux filles s'endorment, bien plus proches que deux simples amies.
Le lendemain, tout le monde est bien reposé et de bonne humeur pour le Wasser ski. Le meilleur ami de Gullveig est une vraie pile électrique ce qui a tendance à agacer Cadkar, mais il ne dit rien pour une fois. Les cinq jeunes passent un excellent moment, entre chute et faible stabilité. Tout le monde est impressionné par le meilleur ami de Gullveig qui peut enchaîner des tours sur sa planche contrairement aux quatre autres qui galèrent. Bien fatigués le soir venu, les jeunes partent en ville manger puis se posent dans un bar conseillé par le meilleur ami de Gullveig, toujours aussi en forme. Les jeunes parlent ensemble, en anglais, comme ils peuvent, chacun ayant son niveau et le meilleur ami de Gullveig ne parlant que peu français. Ils finissent par aller en boîte, au grand damn de Cadkar, qui voit juste l'argent disparaître au lieu de s'amuser.
Ce dernier est étonné lorsqu'il reçoit un message d'Issa sur Instagram. Il a visiblement vu une story des colocataires à Hambourg et lui souhaite un bon séjour. Cadkar a tant de choses à lui dire, mais il préfère se muer dans son silence et ignore pour l'instant son message. Phtolos remarque bien que Cadkar n'est pas au top de sa forme mais ne sait pas trop s'il doit intervenir alors il se contente de payer le premier verre de Cadkar.
— Tu sais que t'es pas obligé. Je fais tant que ça pitié que ça ?
Phtolos ne sait plus où se mettre ni que dire, ce qui exaspère Cadkar. Ça lui manque de parler avec quelqu'un au franc parler, comme avec Issa par exemple... Alors Phtolos se contente de trinquer avec son colocataire, boire puis aller s'amuser sur la piste de danse. Un gars finit par venir parler à Cadkar, un Français aussi ce qui rassure Cadkar qui n'est ni à l'aise en anglais et encore moins en allemand.
— Qu'est-ce que tu fais en Allemagne ?
— Avec des amis et toi ?
— Je viens rendre visite à une partie de ma famille. Drôle de destination pour des Français d'aller à Hambourg. Il y a plus fun en Allemagne, sourit le jeune inconnu. C'est quoi ton nom ?
— Cadkar.
— Enchanté, Cadkar, moi c'est Victor.
Cadkar lui lance un léger sourire, faux comme souvent ces derniers temps. Mais ledit Victor n'a pas l'air de le remarquer et le fait joindre avec ses amis, une bande de gars. Tous finissent par aller draguer, visiblement bien en chien, sauf un. Et Cadkar se retrouve tout seul avec lui. Un Allemand, mais qui parle très bien français.
— T'as pas l'air d'humeur à être en boîte de nuit toi.
— Toi non plus.
Et le jeune sourit avant de lui tendre la main :
— Sebastian.
— Cadkar.
Les deux se serrent courtoisement la main avant de parler un peu, de tout et de rien. Ils finissent par aller au bar où Sebastian paye un mètre de shoot à partager à Cadkar.
— Si tu comptes me bourrer pour profiter de moi, il m'en faudra plus, je te préviens.
A peine a-t-il prononcé ses mots que Cadkar a une remontée. Est-ce que c'est ce que Nathan a pensé lorsqu'il a-. Cependant, Sebastian répond avec humour, le coupant dans ses pensées qui s'annonçaient sombres :
— Profiter de toi ? Dans quel sens ?
— Celui qui t'a poussé à me payer des shooters de toute évidence.
— C'est pas mon genre, mais ta tête me dit que tu en as bien besoin et, ça tombe bien, moi aussi.
Alors les deux jeunes aux nationalités différentes boivent ce langage commun : l'alcool. Puis ils vont danser sur la piste et ils deviennent de plus en plus tactile jusqu'à ce que Victor demande à l'oreille de Cadkar :
— T'es gay ?
Cadkar hoche la tête puis Victor répond que lui aussi alors les deux jeunes se sourient, prêts pour le deuxième round. Ils finissent par se rouler une grosse pelle, mais bien que Cadkar aimerait enfin ressentir quelque chose, notamment du désir, il reste de marbre mais tente de ne rien montrer. Il ne sait pas vraiment à quoi c'est dû, de nombreuses raisons pouvant en être la cause...
Mais il se laisse pour une fois guider par un autre, ce Victor jusqu'à que ses colocataires préviennent vers trois heures du mat passées qu'ils vont rentrer. Alors les deux jeunes se séparent, sans échanger leur numéro car Cadkar refuse poliment, puis Cadkar rentre en taxi avec ses colocataires.
Le plus discrètement possibles, les jeunes rentrent chez la famille de Gullveig. Les quatre se disent bonne nuit avant de chacun aller dans sa chambre.
— Tiens, bois un peu d'eau.
— Merci, Aphté, rigole Gullveig, encore dans son monde.
Ça fait sourire Aphté qui vient se déshabiller aussi pour se mettre en pyjama, mais Gullveig ne lui laisse pas aller jusqu'au bout. Elle vient plutôt l'embêter en l'embrassant et Aphté accueille ce contact avec plaisir et envie.
— Gullveig, soupire Aphté quand son amie vient la toucher.
Alors Gullveig vient s'occuper de procurer du bien à Aphté, jusqu'à l'orgasme, ce qui émeut toujours autant Gullveig, n'en revenant toujours pas de pouvoir procurer ce genre de choses à quelqu'un, et encore moins à Aphté. Et Aphté le lui rend bien, l'amenant dans une autre dimension. Et après être venue, Gullveig souffle :
— Putain, merci Aphté...
Et Aphté sourit avant de venir embrasser Gullveig.
Cette fois, les deux jeunes femmes viennent vraiment se mettre en pyjama et Gullveig se blottit immédiatement contre Aphté lorsque c'est fait.
— Putain, c'était bien, rajoute Gullveig.
— Pour deux filles pour qui c'est les premières fois, je crois qu'on se débrouille effectivement plutôt bien.
— C'est tant que ça différent qu'avec un mec ? s'intéresse la brune.
— Oui, quand même. C'est paradoxal avec une fille : c'est à la fois plus intuitif car on a la même anatomie mais en même temps je n'avais touché une fille comme je l'ai fait avec toi.
— Moi non plus.
— Alors, ouais, je crois qu'on s'en sort bien.
Les deux jeunes femmes lâchent un rire, d'aise, puis se serrent dans les bras l'une de l'autre.
— Au fait, Aphté...
Et Aphté sent la conversation qu'elle n'a pas envie arriver... En même temps, ça devait bien arriver. Elle lui doit bien ça à Gullveig après tout.
— Oui ?
— On est quoi toutes les deux ?
— Je savais que t'allais me demander ça...
— Ça te dérange ?
— Non, mais ça m'arrange pas non plus honnêtement.
— Je vois, se braque un peu Gullveig, mais je crois que ça serait bien qu'on en parle quand même.
— Je sais, je crois aussi.
— Alors, qu'est-ce que je suis pour toi ?
— Pourquoi c'est moi qui commence ?
— Roh, ça va, je peux le faire si tu veux, souffle avec un légèrement agacement Gullveig.
Bourrée, elle s'en fout un peu de ce qu'elle dit comparé à d'habitude alors Gullveig commence :
— Je t'aime bien, Aphté, vraiment bien.
— Moi aussi, je t'aime bien Gullveig. Je pense te l'avoir assez montré ce soir.
— Mais il y a un « mais », c'est ça ?
— Ça dépend, qu'est-ce que tu veux ? Qu'est-ce que tu proposes ?
— Je crois que j'ai envie qu'on soit ensemble, pour de vrai.
— Et ça changerait quoi à notre situation actuelle au final ?
— Pas grand-chose j'imagine, mais qu'au moins toutes les deux on le sache dans nos cœurs.
— T'es poète dis-moi.
— Et toi, qu'est-ce que tu veux ? ignore Gullveig l'ironie de la jeune femme dans ses bras.
— Je sais pas. Je t'avoue que ça me fait peur de me mettre en couple à nouveau après deux ans de relation. Et je ne suis pas sûre de vouloir d'une relation à distance.
C'est vrai qu'en septembre, Gullveig retourna vivre en Allemagne tandis qu'Aphté restera sur Bordeaux. Et c'est sûr que ça peut être un problème, pour n'importe qui ça le serait. Surtout pour Aphté vu comment ça ne l'a pas réussi avec Titouan...
— Alors qu'est-ce que tu proposes toi ?
— On peut être ensemble, j'imagine. Mais je ne te garantis rien et encore moins qu'on sera ensemble passé septembre, c'est même peu probable.
— Alors, on profite juste du temps qui nous est offert ?
— Ça me va, oui.
— Moi aussi.
Alors les deux jeunes femmes s'embrassent comme pour sceller cet accord non officiel, marquant une nouvelle étape dans leur relation : petite amie.
Dans l'autre chambre, l'ambiance est plus posée et moins alcoolisée malgré tout ce que s'est enfilé Cadkar.
— Alors c'était bien avec ce mec ? sourit, narquois, Phtolos.
— Ouais, ça va.
— C'est moi ou t'as l'air de t'en foutre ?
— Je m'en, effectivement, fous.
— Qu'avez-vous fait à notre Cadkar habituel ? ! se retient de rire Phtolos, un peu bourré.
Et Cadkar pense à tout ce qu'on lui a fait depuis cette nouvelle année et ça ne lui fait pas trop rire au final, contrairement à d'habitude et Phtolos le sait et s'en veut de son commentaire.
— Je veux dire, ça se voit qu'il y a un truc qui cloche.
— Je sais, on en a déjà parlé.
— Toujours pas prêt à en parler ?
— Non, coupe court Cadkar à la discussion.
— Je peux être là quand tu auras l'envie et/ou le besoin en tout cas.
— Ok, on peut éteindre maintenant ?
Conversation courte avant que les deux gars ne dorment.
Le dernier soir avant leur départ, les quatre colocataires sont autour d'un feu, à se griller des Marshmallow, discutant avec de la musique aussi et buvant aussi. L'ambiance est posée et elle fait du bien à tout le monde. Ils finissent, comme souvent entre eux, à faire des jeux d'alcool tout en apprenant plus sur les uns les autres. Et une question change, l'ambiance, venant d'Aphté, forcément :
— Pourquoi ton Audi n'est plus là ?
Cadkar boit, alors qu'il n'avait pas à le faire, puis répond assez froidement :
— Parce que mon père me la reprise.
— Pourquoi ?
— Parce que.
— Il a fait que ça ? semble sincèrement s'intéresser Aphté.
— Non, il me donne plus d'argent, avoue Cadkar, en ayant marre de cacher toutes ces choses.
Tout le monde digère l'information tandis que Gullveig dit :
— Si tu as besoin de nous pour la moindre chose, tu nous dis, hein ?
— Ouais, arrête de tout porter seul sur tes épaules, continue Phtolos.
— C'est ce que je fais de mieux, hausse simplement des épaules Cadkar.
— Mais t'es pas tout seul, rajoute Phtolos, une main réconfortante sur l'épaule de Cadkar.
Cadkar sourit, à moitié amer. Bien sûr qu'il est seul, au fond, mais ce soir il choisit de se bercer d'illusion qu'il ne l'est pas. Il est même à deux doigts d'appeler Issa, mais ne le fait pas, toujours au dernier moment où il allait craquer.
— Assez parlé de moi, et vous alors, ça donne quoi ? change de sujet Cadkar en direction des deux filles.
Les deux sont gênées avant qu'Aphté ne prennent la parole :
— On est plus que des amies, c'est tout ce qu'il y a à savoir.
Et Gullveig se contente de cette réponse, même si elle aurait préféré entendre le terme « ensemble » ou « petite amie ». Mais « plus que des amies », c'est pas trop mal aussi, pense-t-elle, un peu pour se rassurer au fond.
— Wouah, enfin ! s'exclame pour de faux Phtolos bien qu'il s'en doutait de base et que Gullveig lui ait dit.
— Enfin, ouais, sourit Cadkar, sincèrement pour une fois.
— Et toi et Issa ? demande Aphté.
— Quoi, moi et Issa ?
— Fais pas genre, vous baisez ensemble depuis des mois et c'est visiblement pas ton genre alors admets, vous êtes pas que des fuck buddy ?
— Peut-être avant mais on se parle plus depuis fin février.
Et le fait qu'il précise « fin » février prouve que Cadkar se soucie un minimum depuis quand leur sorte de relation s'est comme dirait arrêtée.
— Pourquoi ? veut savoir Aphté.
— J'en avais marre, ment Cadkar.
Au fond, lui-même ne sait pas trop pourquoi il a commencé à ignorer Issa. Parce que c'était peut-être trop pour lui. Peut-être aussi qu'il n'avait pas envie que le regard d'Issa change maintenant que Cadkar repose sur ses économies. Peut-être aussi parce qu'il avait peur de la place que prenait Issa dans sa vie et surtout dans son cœur. Peut-être tout ça à la fois. Mais le résultat est le même : Issa n'est plus dans la vie de Cadkar à l'heure actuelle. Et, peut-être, que ça bouffe Cadkar au fond.
Les quatre jeunes continuent leurs jeux d'alcool tout en en apprenant sur les uns les autres jusqu'à plus de minuit passé puis finissent par partir se coucher, exténués sur le moment et d'avance sachant les heures de trajets qui les attendent.
Le retour à la vie réelle est violent car trois des quatre colocataires ont leurs examens bientôt. Cadkar est bien dans la merde, comme d'habitude mais encore plus cette fois-ci. Faut dire que depuis février, il n'avait clairement la tête au travail universitaire. Mais ce soir, à une semaine des partiels, il craque. Il a besoin de tout ce qu'il fuit depuis février : argent, sexe, désir, envie. Alors, défoncé au joint de Phtolos, Cadkar il décide d'aller aux Boys, son bar préféré, gay, en tram, faute d'avoir une voiture en plus d'être sobre.
Il part aux Boys, pour penser à autre chose, n'y étant pas allé depuis un petit temps. Cependant, il s'attendait à tout sauf à ça : trouver deux des personnes qu'il a baisé en train de parler, et même plus peut-être. Le sang de Cadkar ne fait qu'un tour. Il ne peut pas laisser ça se produire. Il ne peut pas laisser ce dégueulasse de Nathan proche d'Issa, pas lui. Alors malgré tout le dégoût, la colère mais aussi la peur qu'éprouve Cadkar envers Nathan, il débarque à leur table et Cadkar balance presque Nathan de son tabouret.
— N'ose même pas poser ne serait-ce qu'un doigt sur lui.
Cadkar n'a le temps de rien faire de plus que le gars de la sécurité le vire dehors, Nathan aussi. Alors, fou de rage, il lui saute directement à la gorge et lui balance son premier poing dans le nez. Et il enchaîne, sans réfléchir jusqu'à ce qu'il entende une voix qu'il connaît que trop bien :
— Cadkar, arrête-toi. Cadkar !
Et Cadkar a envie de continuer de tabasser cette enflure. Cependant, lorsqu'Issa se place entre Nathan et lui, Cadkar laisse son poing rougit des coups en suspens, comme figé dans le temps, tremblant aussi. Et de voir Issa aussi, ça lui fait quelque chose, plein de choses en réalité. Faut dire que ça fait presque deux mois qu'ils ne se sont pas vus et ça ne laisse absolument pas de marbre Cadkar que ce soit le cas.
— Cadkar, viens, on part, laisse-le.
— Il le mérite, grince des dents Cadkar se calmant à peine.
— Je sais, mais toi tu mérites mieux, alors viens.
Alors Cadkar finit par céder et suit Issa jusqu'à son scooter et les voilà partis. Un silence lourd règne lorsqu'ils arrivent à la résidence d'Issa. Cadkar ne prononce pas un mot, trop pris sous la colère encore malgré le léger apaisement qu'il ressent due à la présence d'Issa.
— Va falloir que tu m'expliques, Cadkar, parce que je sais très bien que tu n'étais pas jaloux de lui pour moi au point de le frapper comme tu l'as fait.
Sur la défensive, Cadkar crache :
— Qu'est-ce que t'en sais ?
— Parce que tu m'aimes pas comme ça. Alors explique-moi pourquoi t'as fait ça.
Et les deux jeunes se regardent et plus ils se regardent plus Cadkar est certain qu'Issa a compris, lui qui comprend trop de choses le concernant.
— Je crois que tu sais.
— Dis-le alors.
Voilà, Cadkar a à nouveau mal aux poumons, se sentant défaillir.
— C'est lui, chuchote presque Cadkar.
— C'est lui qui a fait quoi ?
— C'est lui, répète Cadkar, tentant de canaliser toute la noirceur qui est actuellement en lui.
— Lui quoi ?
— Qui m'a violé putain ! hurle presque Cadkar.
Et Cadkar n'avait jamais dit le terme commençant par un « v » et ça le dégoûte au plus profond de son être. Il n'ose même plus regarder Issa. Il a juste envie de tout défoncer comme il a défoncé ce salopard de Nathan. Alors plus il essaye de se calmer moins il est calme.
— Putain, putain, putain ! se met à crier Cadkar.
Ça y est, il pète les plombs, comme souvent en ce moment. Les yeux embués, le corps tremblant, une chaleur étouffante l'envahissant, ses poumons se contractant, voilà ce qu'il ressent de la tête aux pieds. Cadkar a envie de frapper tout sur son passage et Issa le sent.
— Cadkar, regarde-moi.
— Non.
— Fais ce que je te dis pour une fois.
— Non.
Alors Issa, doucement, s'approche de Cadkar et le force à ce que leurs yeux se rencontrent. Et Issa découvre toute la noirceur du regard de Cadkar face à la douceur et l'inquiétude de celui de plus jeune. Cadkar finit par fermer les yeux et les deux jeunes restent front contre front un moment.
— J'en ai marre, Issa, j'en ai trop marre.
Alors Issa se contente de prendre Cadkar dans ses bras.
— Faut que tu lâches prise, Cadkar, tu vas pas tenir sinon.
— J'y arrive pas, je sais pas faire ce genre de choses.
Doucement, Issa caresse le dos du mal en point puis un silence règne aux antipodes de la tempête en Cadkar, toujours tremblant, toujours ayant chaud, toujours ayant mal aux poumons et du mal à respirer mais y étant tristement habitué surtout ces derniers temps.
Puis Issa reprend la parole :
— C'est Nathan qui est venu vers moi. Il essayait de te discréditer. Puis il m'a dragué assez lourdement. Il a commencé à être trop tactile avec moi mais ça ne me plaisait pas mais il a continué d'être insistant malgré-
— Arrête Issa, se braque Cadkar, mal à l'aise.
— Je disais, il a continué d'être instant malgré le fait que je le repoussais alors je-
— Tais-toi, s'il-te-plaît, tais-toi.
— Il a posé se main sur ma cuisse, proche de mon entrejambe et je me suis rarement senti autant inconfortable. En plus, il-
— Arrête, crie Cadkar en repoussant assez violemment Issa au sol.
Issa n'est pas surpris, il sait ce qu'il fait et il fera ce qu'il faut pour que Cadkar brise sa carapace bien trop dure, mais si fragile à l'instant pour une fois.
— Je ne sais pas ce qu'il se serait passé si tu n'étais pas arrivé. Si ça se trouve, il-
— Arrête ! crie maintenant sérieusement Cadkar.
Cadkar a les larmes aux yeux, mais rien ne sort.
— Imagine ce qu'il aurait pu me faire.
— Issa, je te je jure que si tu te tais pas, je vais-
— Tu vas faire quoi ? Me frapper comme t'as frappé Nathan ? Pourquoi l'avoir frappé si fort, hein ? Pourquoi ? Pourquoi maintenant alors que t'aurais pu à n'importe quel autre moment ? Vous faites bien vos études ensemble, non ? Tu sais où il habite alors pourquoi maintenant, Cadkar, dis-moi ?
Une larme, enfin une larme coule le long de la joue droite de Cadkar tandis que les deux jeunes se font face dans ce moment particulier.
— Vraiment Cadkar, dis-moi, pourquoi maintenant ? C'est la jalousie de voir sa main sur ma cuisse ? Je ne crois pas que ce soit personnellement.
— Ferme-la, Issa.
— Je la fermerai pas tant que tu lâcheras pas prise.
— Mais qu'est-ce que tu veux à la fin putain ? Que je chiale jusqu'à ne plus avoir de larmes ? commence à réellement pleurer Cadkar. Que je te dise que je suis malade de savoir que quelqu'un possède des images de moi à mon encontre ? Que ça m'a encore rendu malade de voir ses sales mains sur toi sachant de quoi il était capable ? ! Alors ouais, tout ça me rend malade. Tout comme mon père qui m'ignore. Et c'est pas tant l'argent qui manque mais mon père juste. Et il y a pas que ça qui me manque... Y'a, y'a... aussi...
Silence des deux côtés et Issa respecte le silence de Cadkar.
— Y'a aussi toi, toi qui m'as manqué depuis février.
Et encore un silence.
— Voilà, t'es content ? C'est ça que tu voulais entendre au final ? !
Alors Issa réduit la distance avec Cadkar et vient à nouveau le prendre dans ses bras, Cadkar pourtant braqué jusqu'à ce qu'Issa prononce ces quelques mots :
— Toi aussi tu m'as manqué, Cadkar.
Et c'est la goutte de trop alors Cadkar explose vraiment en sanglots cette fois, complètement détruit de tout ce qui est en train de se passer. Alors Cadkar pleure un long moment dans les bras d'Issa, de dernier lui aussi clairement ému.
Quand Cadkar se calme, les deux vont dans la salle de bain et Issa s'occupe des phalanges abîmées de Cadkar. Ce dernier n'ose plus dire un mot, honteux mais aussi exténué. Il ne s'était jamais mis à nu ainsi face à quelqu'un depuis bien longtemps, peut-être trop pour un humain d'ailleurs. Alors lorsqu'Issa a fini de soigner le plus âgé des deux, Cadkar se met à terre et enroule la taille d'Issa, assis sur les toilettes.
— Merci, chuchote Cadkar et Issa vient se mettre à terre aussi et enlace affectueusement Cadkar. Merci.
— Merci à toi aussi Cadkar.
— Pourquoi ?
— Pour être dans ma vie.
Et les deux jeunes continuent de s'enlacer comme ils ne l'avaient jamais fait avant.
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