Chapitre 11 : Les vicieux font du ski
À chaque fois qu'Aphté croise Gullveig, elle la fusille du regard puis l'ignore, toujours des écouteurs aux oreilles pour éviter tout dialogue. Ça blesse beaucoup Gullveig cette situation de non-dit, elle n'a même pas pu s'excuser depuis cette fameuse soirée il y a trois semaines.
Aujourd'hui, Gullveig a son premier rendez-vous avec le psychiatre et elle appréhende un peu. Phtolos, étant au courant, la rassure comme il peut tandis qu'elle part attraper son bus, arrivant en avance au rendez-vous. Le médecin a trente minutes de retard quand Gullveig entre enfin dans le bureau.
— Alors dites-moi tout, pourquoi vous êtes ici ? demande le psychiatre, prêt à prendre des notes.
— Parce que des médecins de l'hôpital m'ont dit de vous contacter.
— Les médecins de l'hôpital ? Qu'est-ce que vous faisiez à l'hôpital ?
— Je me suis fait mal à la cheville en tombant.
— Vous êtes tombée comment ?
Et là, Gullveig est incroyablement gênée et ne sait plus où se mettre.
— Parce que j'avais un peu bu.
— Quelle quantité ?
— Je sais pas, au moins six verres.
— C'est habituel ce genre de quantité ?
— Oui, plutôt.
— Et c'est fréquent ?
— Plutôt oui.
— Est-ce que vous buvez seule parfois ?
— Oui.
— Je vais vous poser d'autres questions, essayez d'y répondre le plus honnêtement possible : est-ce que vous buvez plus ce que vous aviez envisagé ou plus longtemps que prévu ?
— Oui.
Oui, comme à chaque fois qu'elle boit.
— Vous avez déjà essayé de boire moins, sans résultat concluant ?
— Oui.
Elle se promet chaque fois de moins boire la prochaine fois voire de ne plus boire mais rien n'y fait.
— Vous avez parfois des envies irrépressibles de boire qu'importe le moment de la journée ?
— Plutôt oui.
Surtout en soirée en réalité, quand Gullveig est seule, profondément seule.
— Votre consommation a-t-elle déjà empiété sur vos obligations scolaires ou familiales ?
— Parfois, oui.
Parce que parfois elle avait tellement la gueule de bois qu'elle est arrivée en retard en cours ou dans un sale état.
— Est-ce que vous avez déjà continué de boire malgré les problèmes sociaux que ça entraînait ?
— Oui.
Comme il y a trois semaines où elle a foutu la merde dans la coloc, mais ça ne l'a pas empêché de reboire dès le lendemain.
— Vous avez déjà abandonné des activités sociales et/ou professionnelles à cause de cette consommation ?
— Oui.
Parfois, elle était incapable d'assurer des rendez-vous avec des amis, mais à toujours réussi à se présenter à des exposés ou ce genre d'exercices pour les cours quel que soit son état...
— Avez-vous continué de consommer malgré le danger physique que cela engendrait ?
— Oui.
Comme lorsqu'elle s'est barrée de sa coloc il y a trois semaines...
Et Gullveig commence à ne pas se sentir bien, comprenant qu'elle n'aurait pas dû répondre « oui » à autant de questions.
— Pouvez-vous me faire l'historique de votre relation à l'alcool.
— C'est-à-dire ?
— La première fois que vous avez eu envie de boire, pourquoi, à quel âge par exemple. Quand vous avez commencé à boire seule, ce genre de choses.
— J'ai très peu bu au lycée, voire pas. Puis, j'ai commencé à boire l'année dernière, en soirée, puis cet été ça s'est intensifié. Et depuis mon arrivée en France, j'ai commencé à boire seule.
— Et vous savez pourquoi ?
Gullveig cherche au plus profond d'elle et répond, un peu abattue et ayant honte :
— Parce que je me sens seule en France.
— Vous vous sentez seule ou vous êtes seule, physiquement parlant ?
— Un peu des deux. Et c'est parfois compliqué dans ma colocation.
— C'est-à-dire ?
— Il y a parfois des histoires.
— Et elles vous impactent ?
— Oui.
Le médecin continue de prendre des notes puis demande :
— Des problèmes d'addiction dans votre famille ?
Gullveig réfléchit, se sachant pas vraiment. Tout le monde boit lors d'événements festifs dans sa famille alors elle ne sait ce qui est normal ou pas.
— Pas que je sache non.
— Vous avez déjà été diagnostiquée avec un trouble psychiatrique avant ?
— Non.
— Dans votre famille ?
Elle a bien une tante dépressive mais Gullveig ne voit pas en quoi c'est pertinent de le dire mais elle le fait quand même.
— Est-ce que vous avez d'autres choses qui vous dérangent au quotidien ?
Aphté, pense directement Gullveig.
— Comme le sommeil, l'alimentation par exemple ?
— Non, ça va. Je mange juste un peu moins depuis que je bois seule et je dors moins aussi.
— Combien d'heures en moyenne par nuit ?
— Six maximum je dirais.
— C'est quoi votre heure de couché typique et de réveil ?
— J'ai souvent cours le matin alors je me couche vers deux heures matin et je me réveille vers sept heures.
— Et l'alimentation, combien de repas par jour ?
— Deux complets environ.
— Vous sautez parfois des repas ?
— Oui.
— Vous vous sentez parfois stressée ou anxieuse ?
Quand elle ne peut pas boire ce qu'elle veut et quand elle veut, oui, ou aux alentours d'Aphté aussi.
— Je dirais que ça va, c'est supportable.
— Ok, note le psychiatre, ok.
Le médecin réfléchit un instant puis annonce, clairement et solennellement :
— Bon, écoutez, au vu de vos réponses, vous présentez de toute évidence des symptômes de trouble de l'usage à l'alcool. C'est un problème qu'il va falloir régler et prendre très au sérieux.
Gullveig se sent mal et sent les larmes lui monter aux yeux, n'étant pas habituée à ce qu'on lui parle de ça avec sérieux.
— Il y a plusieurs solutions qui s'offrent à vous et on va voir ce qui vous convient le mieux.
Alors, Gullveig ressort avec un papier avec plein d'adresses que ce soit de psychologues spécialisés en addictologie, d'associations d'aide et le nom d'un médicament à potentiellement envisager pour aider à réduire les envies de consommation.
Lorsqu'elle rentre à la maison, Gullveig a la boule au ventre et sent les larmes couler le long de ses joues, ne voyant plus grand-chose. Elle galère à ouvrir la porte mais le verrou finit par s'ouvrir tout seul. Gullveig tombe alors sur Aphté qui s'apprêtait à partir mais qui s'étonne de tomber sur Gullveig en train de pleurer.
Aphté ne sait pas trop quoi faire alors elle reste plantée là tandis que Gullveig part dans sa chambre. Aphté commence à partir pour aller à son cours obligatoire puis renonce à son action lorsqu'elle ferme la porte. Fait chier, pense Aphté, affectée plus qu'elle ne le voudrait d'avoir vu Gullveig mal. Alors, elle toque à sa porte mais celle-ci ne répond pas.
— Gullveig, ouvre s'il-te-plaît.
Toujours pas de réponse et Aphté sent son cœur se serrer.
— Je partirai pas, comme la dernière fois, alors ouvre, histoire qu'on perde pas toutes les deux notre temps.
Et la brune finit par ouvrir à sa colocataire, pleurant à chaudes larmes. Aphté vient alors la prendre dans ses bras et ça lui fait du bien à elle aussi d'avoir ce contact malgré toute la rancune qu'elle ressent à son égard. Gullveig pleure un bon moment dans les bras d'Aphté puis cette dernière finit par coucher Gullveig, qui semble épuisée émotionnellement. Aphté observe alors la jeune fille s'endormir, jeune fille qui a sa main posée sur le bras d'Aphté.
Après quelques minutes, la jeune fille aux cheveux roses se lève mais Gullveig marmonne, à moitié endormie :
— Me laisse pas toute seule, s'il-te-plaît.
Putain, souffle Aphté, indécise quant à l'attitude à adopter. Allez, et si elle mettait sa rancune de côté, exceptionnellement ? Elle enlève donc ses chaussures et sa veste puis se glisse sous la couette avec Gullveig. Gullveig qui vient s'enrouler autour d'Aphté tel une sorte de koala et Aphté encercle le corps de la brune, caressant ses longs cheveux bouclés.
Le lendemain, malgré ce moment d'apaisement, les deux jeunes filles s'ignorent à nouveau. Côté Phtolos et Cadkar, ils vont à la salle ensemble et quand ils en sortent, Phtolos mentionne un projet passé de la colocation :
— Tu sais on avait dit qu'on irait dans la maison de ma grand-mère à la montagne pendant les vacances de février, je sais plus trop quoi dire à ma grand-mère...
Cadkar, y voyant une opportunité de s'amuser, répond tout simplement :
— Moi je suis toujours chaud d'y aller et je pense qu'Aphté aussi.
— Le problème est là : je pense pas qu'Aphté et Gullveig aient envie d'être ensemble.
— Et bah elles viennent pas, faut toujours qu'elles fassent des histoires ces deux-là.
— Mais moi j'ai envie qu'elles viennent.
— Et bah parle en leur.
Et c'est que fait Phtolos dans la semaine et c'est comme ça que les quatre colocataires plus leurs invités – Issa et Amanda – se retrouvent dans les montagnes à quelques heures de leur ville d'études. Pour commencer, tout le monde s'arrête dans la maison de la grand-mère de Phtolos puis ce dernier et Aphté partent faire des courses, tandis que les autres se posent devant la télé, à jouer à la switch d'Aphté. Et Cadkar et Issa se mènent la vie dure au jeu de voitures, bien que s'amusant bien au fond.
Quand les deux rentrent des courses, certains aident plus que d'autres à ranger. Genre Issa et Cadkar continuent de se battre au volant pour avoir la première place, oubliant leur entourage. Et c'est pareil, au moment de préparer le repas, Cadkar sort fumer avec Phtolos et il a une idée de génie. Alors il va à la cuisine, ce qui étonne tout le monde et se met à cuisiner.
— Me dis pas que t'es en train de faire ce que je pense que tu fais ? sourit à la fois blasée et excitée Aphté.
— Si si, tu vas voir, ça va être une tuerie.
Alors Cadkar continue de pâtisser dans son coin sa petite recette à l'ingrédient spécial. Tout aussi spéciale que cette soirée où le carnaval est mis à l'honneur par Gullveig qui a l'habitude de le fêter en Allemagne, notamment avec des danses traditionnelles. Elle apprend d'ailleurs des pas à Phtolos, Issa et Amanda tandis qu'Aphté et Cadkar se foutent de leurs gueules.
Puis les jeunes, tous plus ou moins déguisés, passent à table et partagent un agréable moment malgré la tension entre certaines personnes autour de la table. Cadkar le sait, ça va finir pas exploser à un moment et il n'attend que ça, les pop-corn déjà prêts.
Lorsqu'ils passent au dessert, Cadkar est très fier de présenter ses cookies à l'allure tout à fait ordinaire mais à l'odeur un peu différente de celle habituelle. Tout le monde en prend un, même Issa et Gullveig, mais personne ne commente.
Puis les six jeunes se mettent à danser, la musique à fond, n'étant aucunement dérangés par des voisins proches. Le seul qui vient à la porte, c'est Icare, le chien d'un voisin plus loin. Et Issa l'aime bien alors il va dehors caresser et jouer avec Icare. Cadkar l'observe par la fenêtre, son deuxième verre à la main et sourit sans s'en rendre compte. Aphté en profite pour charrier son colocataire :
— C'est le chien qui te fait sourire comme ça, hein ?
— Qui d'autre ?
— Le gars à côté, peut-être. Tu sais t'as le droit d'être heureux.
Et ça finit bizarre à Cadkar d'entendre ça, surtout de la part d'Aphté alors ça lui cloue le clapet pour une fois. Aphté retourne danser tandis qu'Issa lève la tête et son regard s'accroche à celui de Cadkar puis il lui fait signe de venir alors Cadkar s'exécute.
— Tu t'amuses bien ?
— Mieux que toi à m'observer comme un pervers par la fenêtre, s'amuse Issa et Cadkar lui fait un doigt d'honneur.
Les deux jeunes jouent ensemble avec le chien quand Cadkar remarque qu'Issa a froid, mais il ne sait pas s'il devrait en faire quelque chose. Alors, sans un mot, il passe derrière Issa, forme un triangle avec ses mains qu'il pose dans le haut du dos d'Issa et souffle le plus fort qu'il puisse dedans.
— Je connaissais pas cette technique. T'essaies de me réchauffer là ?
— C'était le but de la manœuvre, oui, après je connais d'autres techniques, vient dire joueur Cadkar à l'oreille d'Issa, l'embrassant par la même occasion.
— Ça va être compliqué les prochains jours.
— Je trouve toujours des solutions pour ça.
— On verra bien alors, sourit Issa, pas complètement fermé à l'idée, loin de là.
Les deux jeunes hommes finissent par rejoindre les autres à l'intérieur. Certains prennent alors leur deuxième cookie, tout le monde sauf Gullveig et Amanda. Les jeunes, fatigués de danser aussi énergétiquement et commençant à sortir les effets des cookies spéciaux, finissent tous sur les canapés et fauteuils. Amanda, grattant un peu, descend sa guitare et se met à chanter en compagnie de ces gens qu'elle ne connaît que peu mais qui sont plutôt cools et assez attachants au fond. Alors les jeunes passent un très bon moment tandis que Gullveig et Amanda vont se coucher. C'est alors le moment de choisir les lits. Il y a trois lits deux places et deux lits une place proches l'un de l'autre mais pas collés soit huit places pour six.
Chacun prend sa place, petit à petit. Cadkar et Issa se mettent dans les deux lits simples, côte à côte mais pas trop proches au point de dormir dans le même lit. Ça aurait été sûrement bizarre de dormir ensemble devant tout le monde alors qu'ils ne sont que sex friends. Ce que le reste du groupe trouve en général à la fois idiot et amusant vu la proximité évidente entre les deux jeunes hommes. Aphté et Gullveig prennent chacune un lit double à l'opposé l'une de l'autre tandis que Amanda et Phtolos se retrouvent dans le lit du milieu. Au fond, Phtolos se réjouit plus qu'il ne faudrait de dormir avec son amie, en couple. Une fois la répartition faite, les quatre qui veulent continuer la soirée descendent et jouent à des jeux d'alcool, actuellement à J'ai/je n'ai jamais.
— J'ai/je n'ai jamais été amoureux.
Et tout le monde boit, chacun plus au moins confortable avec cet amour qu'il a ressenti. Mais Aphté ne veut pas en rester là et veut des détails. Alors Issa se lance :
— Un garçon quand j'étais petit.
— Et pas depuis ?
— Pas vraiment, non, je crois pas en tout cas.
— Et toi Cadkar ? Je savais même pas que c'était possible pour toi d'aimer quelqu'un d'autre que toi, charrie Aphté ce qui fait sourire Cadkar.
— Comme quoi, je suis plein de surprises. En seconde, ne donne pas de détail Cadkar tandis qu'Issa retient l'information.
— Phtolos ?
— Au lycée aussi, de ma meilleure amie. Et toi Aphté ?
Et la jeune fille perd un peu son sourire réalisant qu'elle a peut-être perdu l'un des seules personnes qu'elle a aimées.
— Titouan.
Et tout le monde se tait, sauf Cadkar comme d'habitude, se foutant de blesser ou pas quelqu'un.
— Vous êtes toujours ensemble ?
— Plus vraiment non, officiellement oui, officieusement non.
— C'est-à-dire ?
— On se parle quelques fois par-ci par-là, mais c'est plus comme avant. Il me fait plus confiance je crois.
— Pourquoi vous restez ensemble alors ? s'étonne sincèrement Cadkar, ne pouvant pas comprendre une telle situation.
— Je sais pas, je crois qu'on s'aime encore au fond mais j'ai peur que ce ne soit plus suffisant.
Aphté finit son verre, une lueur triste dans le regard et Phtolos se dit que Cadkar aurait pu éviter cette conversation non nécessaire alors il lit la prochaine phrase, l'ambiance changeant petit à petit. Puis, l'effet alcool/cookies commencent à agiter les quatre dans la pièce qui se tapent des barres de plus en plus fréquentes et longues, faisant un concours d'anecdotes.
Crevant de chaud, Phtolos et Aphté partent fumer dehors tandis qu'Issa et Cadkar se marrent encore d'une blague qu'a faite Issa, pourtant objectivement pas si drôle.
— Putain, ils sont bons tes cookies, j'en avais jamais mangé des comme ça.
Cadkar sourit puis vient jouer avec le collier autour du cou d'Issa qu'il embrasse sans raison particulière. Les deux se mettent ensuite à débattre de l'existence de Jésus, complètement défoncés et accumulant les conneries et inexactitudes à son sujet. Ils sont maintenant à faire des batailles de pouces intenses à laquelle aucun ne veut céder.
Pendant ce temps, dehors, Phtolos finit par dire :
— Au fait, je suis désolé pour toi et ton copain. Je savais pas.
— T'inquiète, j'ai merdé, c'est comme ça.
— Et Gullveig dans tout ça ?
— Qu'est-ce que Gullveig a avoir avec mon plus au moins couple ?
— Je sais pas, à toi de me le dire.
— Je suis pas très devinette.
— Je veux dire, vous comptez vous expliquer ?
— Y'a rien à expliquer, on s'est amusées, j'ai merdé, je récolte ce que j'ai semé.
— Oui, mais Gullveig dans tout ça, tu penses à ce qu'elle peut penser justement et ressentir ?
Peut-être qu'elle ni pense pas assez effectivement. Aphté voulait juste s'amuser et peut-être que c'est ce qu'elle devrait refaire. Au moins, tout le monde serait content : ses deux colocs appréciaient plus l'ambiance de la coloc', Gullveig serait moins seule, Titouan pourrait enfin quitter Aphté pour passer à autre chose et Aphté resterait Aphté.
— Je sais pas, écrase son mégot de cigarette Aphté, qui se lève ensuite.
Elle s'apprête à rentrer mais sourit en observant Cadkar et Issa faire une bataille de pouces de toute évidence. Au fond, Aphté les trouve mignons ensemble et les admire même. Phtolos vient aux côtés d'Aphté et observe la même chose.
— Tu pensent qu'ils vont comprendre quand ? pense à voix haute Aphté.
— Comprendre quoi exactement ?
— Qu'ils ont déjà franchi la limite du sex friend ?
— Quand chacun sera prêt j'imagine, si ça arrive.
Les deux colocataires rentrent et annoncent aux deux amis avec bénéfice qu'ils vont se coucher.
— On arrive aussi.
C'est ça, pense Aphté.
— Tu vois je t'avais dit qu'on aurait des occasions, se réjouit Cadkar à peine il est seul dans la pièce avec Issa.
— Tu perds pas le nord toi, s'amuse Issa.
— Jamais. J'ai envie de baiser, Issa, j'ai envie de te baiser.
Alors les deux jeunes partent à la recherche de capotes dans la chambre où la moitié des résidents dort. Les deux se pensent discrets, mais ils ne le sont absolument pas entre leurs rires à moitié étouffés et leurs lampes torches de téléphone, réveillant ceux endormis.
— Je les trouve pas.
— T'es sûr d'en avoir prises ?
— Oui, je suis sûr, j'en ai toujours dans ce sac, ça y est, j'ai trouvé les capotes ! s'extasie Cadkar.
— Putain ce que j'ai envie de baiser.
— Ouais, moi aussi, viens on descend.
Une fois que les deux jeunes descendent, un fou rire général raisonne dans la chambre partagée, tout le monde bien réveillé du fait de la conversation très amusante entre Cadkar et Issa. Les deux sont partis pour baiser, dans la salle de bain pour être plus discrets. Cependant, Issa et Cadkar enchaînent les fous rires surtout quand Cadkar est incapable de bander entre l'alcool et les cookies. Alors ça amuse profondément les deux jeunes qui ont mal aux ventres et aux gencives à force de rire.
— Bon, toi ton sexe marche encore alors autant en profiter, lance malicieusement Cadkar en approchant sa bouche du sexe d'Issa.
Ce dernier veut rire encore mais s'arrête lorsque Cadkar prend son sexe en bouche. Il se crispe alors, appréciant plus que bien ce contact. Et entre les drogues et le sexe, il vit son meilleur orgasme de sa vie et tombe presque dans les bras de Cadkar qui le rattrape à temps.
— Et bien, ça va ?
— Trop bien, Cadkar, trop bien. T'es trop bien, sourit de toutes ses dents Issa.
Cadkar s'amuse du comportement du plus jeune tandis qu'ils se rhabillent tous les deux, faisant froid dans cette vieille maison mal chauffée. Assis sur le carrelage froid tous les deux, ils discutent, plus calmes, surtout Issa encore sur son petit nuage de l'orgasme.
— Putain, c'était le meilleur orgasme de toute ma vie.
— Je te sucerai plus souvent alors.
— Je dis pas non.
Et, une fois de plus, les deux garçons se sourient puis explosent de rire. Ayant de plus en plus froid, ils finissent par aller au salon se réchauffer et continuent de se battre à Mario Kart. Ils s'endorment ainsi collés dans le canapé, bien au chaud pour le coup, sous un petit plaid et près du feu.
Le lendemain, c'est Gullveig qui trouvent les deux garçons profondément endormis et, au fond, elle les envie un peu d'avoir ce qu'elle a à peine pu effleurer. Aphté descend au même moment et un silence gênant envahit la pièce alors Aphté se contente de préparer le petit-déjeuner pour la petite tribu et Gullveig l'aide, en silence. Forcément, ça réveille les deux garçons au bout d'un moment qui finissent par aider, la tête un peu dans le cul.
Aujourd'hui, c'est balade dans une ville pas loin et Cadkar en profite pour prendre quelques photos. Amanda et Phtolos s'amusent aussi, ce qui laisse beaucoup Gullveig et Aphté ensemble, en silence. C'est lourd, pour l'une comme pour l'autre, mais aucune ne brise ce silence un peu confortant au fond.
Mais Aphté finit par partir avec les gars et Gullveig fait de même avec Amanda et Phtolos.
Le lendemain, c'est randonnée pour le groupe de jeunes. Groupe divisé en deux randos : une d'une demi-journée pour Amanda, Phtolos et Gullveig et une plus longue pour Issa, Aphté et Cadkar. Et la conversation finit par arriver dans les deux groupes : la relation tendue entre Aphté et Gullveig.
Du côté du groupe de la longue randonnée, c'est Issa qui demande un peu avec innocence :
— Ça a l'air toujours froid entre toi et Gullveig, non ?
— Plus ou moins, oui.
— Vous vous parlez à peine, fait remarquer Cadkar à la réponse vague d'Aphté.
— En même temps, j'ai pas envie de lui parler. Ça a été une sacrée conasse quand même.
— Pourquoi ? questionne Issa.
— Elle avait pas à dire tout ce qu'elle a dit.
— Toi aussi, t'as dit des trucs pas cool, souligne Cadkar.
— Je sais, soupire Aphté, pensant tout de suite à ses mots envers Phtolos, je me suis excusée envers Phtolos.
Petit silence puis Aphté, pas vraiment contente qu'on vienne remuer le couteau dans la plaie, espère que le sujet est clos. Cependant, Issa en remet une couche :
— Alors, vous allez juste plus vous parlez ?
— Je sais pas, j'imagine oui.
— Vous aviez l'air de bien vous entendre pourtant.
— C'est vrai, rajoute Cadkar à ce que dit Issa.
— On s'entend bien. Je suis juste pas sûre de vouloir être amie avec ce genre de personne. Et elle devrait en faire autant. Bien parlé de moi, et vous deux, alors ?
— Quoi nous deux ? soulève un sourcil Cadkar.
— Je sais pas, à vous de me le dire.
— Si c'est pour dire des conneries, abstiens-toi et économise ta salive pour la randonnée, Aphté.
— Sur la défensive dis-donc, sourit la jeune femme.
— Toujours pour toi, sourit en retour Cadkar.
— Je voulais juste dire que votre baise dure depuis quelques mois maintenant...
— Et ?
— Rien, rien, Cadkar, ça veut rien dire bien sûr.
— Si si ça veut dire quelque chose, ma chère : qu'on est chacun un sacré coup.
— Enfin il admet.
Et les trois rient au commentaire humoristique d'Issa.
De l'autre côté, Gullveig, Phtolos et Amanda sont posés en terrasse, chocolat chaud en main bien mérité après cette randonnée. Et pareillement, le sujet de la relation entre Gullveig et Aphté tombe.
— Vous avez parlé depuis la soirée ?
Et pas besoin de spécifier laquelle pour que Gullveig comprenne, tandis qu'Amanda est au courant par le biais de Phtolos, se confiant beaucoup l'un à l'autre.
— Une fois, mais c'était bizarre.
— C'est tout ?
— Oui.
Amanda ne parle pas, n'ayant pas grand-chose à rajouter en réalité, mais contente de faire partie de la conversation quand même.
— Et tu voudrais que ça change ?
— J'imagine oui.
— Que ça change comment ?
— Je sais pas que ce soit au moins cordial entre nous et pas juste silence.
— Compréhensible. Après, justement, ces vacances au ski, ça peut être l'occasion de vous parler.
— Les peu de fois où on a été toutes les deux, on s'ignore alors je ne crois pas non.
Sujet clos, alors pour les trois jeunes.
En fin d'après-midi, les quatre colocataires plus leurs amis se rejoignent et rentrent ensemble à la maison se réchauffer et se reposer après cet effort.
Issa, n'ayant pas eu les chaussures adaptées, a mal aux pieds. Alors lorsqu'il monte se reposer, Cadkar monte aussi quelques minutes après, trouvant Issa en train de lire. Drôle de façon des reposer, pense Cadkar mais n'en dit étonnement rien car il aime aussi l'observer lire. Alors c'est ce qu'il fait, il se pose dans le lit à côté d'Issa, fait genre d'être sur son tel mais observe en réalité assez régulièrement Issa lire.
— T'es pas discret tu sais ? fait remarquer avec un sourire Issa.
— Je sais, j'ai jamais dit que je voulais l'être. Ça va tes pieds ?
— Ça va.
— Traduction : t'as mal, comprend Cadkar commençant à connaître Issa.
— Un peu, oui.
— Montre voir.
Alors les deux jeunes s'installent mieux et Cadkar finit par réchauffer les pieds froids d'Issa avant de naturellement les masser un peu.
— Ça fait du bien, souffle de bonheur Issa.
— C'est le but, sourit Cadkar.
Et ce petit moment d'affection dure un peu jusqu'à ce que Cadkar grimpe malicieusement sur Issa, surpris.
— Qu'est-ce que tu fous ? !
— Rien, je m'assois, c'est tout.
— Sur moi ? s'amuse Issa, posant ses mains sur le haut des cuisses du plus âgé des deux.
Cadkar vient alors poser un baiser dans le cou d'Issa, envieux bien que sachant pertinemment qu'il ne se passera pas grand-chose. Alors les deux jeunes se contentent de s'allumer sans trop jamais dépasser la limite et c'est très frustrant pour les deux. Ils s'embrassent, plusieurs fois, plein de fois.
Jusqu'à qu'Aphté débarque et crie pour ceux d'en bas :
— Ils baisent pas, c'est bon, vous pouvez monter.
Issa et Cadkar se détachent vivement l'un de l'autre, ahuris du comportement complètement décomplexé de la jeune fille aux cheveux roses délavés, qui elle sourit de toutes ses dents.
Ce soir, c'est soirée film projecteur. Après discussion, les jeunes s'entendent sur un film. Et comme souvent pendant le séjour, les places sont vites prises : Issa et Cadkar comme Amanda et Phtolos collés ensemble tandis qu'Aphté et Gullveig se placent le plus loin l'une de l'autre.
À un moment Aphté va faire du popcorn et Gullveig chercher de l'eau alors les deux jeunes femmes se croisent dans la cuisine, ni l'une ni l'autre à l'aise de la présence de l'autre.
Mais Gullveig en a trop marre. Ce soir, elle est fatiguée de cette comédie dans laquelle elle est bloquée.
— Hey, Aphté, je voulais te dire...
— Quoi ? ! crache méchamment la concernée.
— Désolée pour l'autre soir.
— Désolée de quoi ?
— D'avoir été dure envers toi.
— Le problème c'est que ça ne concernait pas que moi, il y a Titouan aussi dans l'histoire, mais visiblement t'en avais rien à faire de ses sentiments à lui aussi.
Et c'est vrai, Gullveig était tellement sous la colère et l'alcool ce soir-là qu'elle n'a pensé qu'à elle et à peine à Aphté et encore moins à Titouan. Alors Gullveig culpabilise d'autant plus et sent une boule se former dans sa gorge.
— Désolée.
— C'est trop tard pour être désolée, c'est passé maintenant.
— Hum hum, marmonne Gullveig qui n'a pas du tout envie de retourner avec les autres.
Alors lorsqu'Aphté part de la cuisine, Gullveig s'habille et sort, profitant de la compagnie d'Icare, le chien d'un voisin. Mais, Aphté, entendant le bruit de la porte, fait demi-tour, agacée et suit Gullveig. Lorsqu'Aphté trouve la jeune fille avec le chien, elle lui crache, ayant trop longtemps caché sa colère avant :
— Et voilà, tu fuis encore, comme toujours.
Gullveig ne s'attendait ni à avoir de la compagnie ni à être critiquée. Alors elle se lève pour faire face comme elle peut à l'impressionnante Aphté, visiblement en colère de par ses traits tirés.
— Tu comptes fuir toute ta vie ? ! Tu fuis quoi au fond ?
Gullveig ne comprend pas très bien où veut en venir Aphté et ce n'est pas par souci de langage mais juste d'esprit.
— Et voilà, tu réponds plus. T'es fatigante Gullveig, vraiment, tu me fatigues.
Les deux jeunes femmes se font face, l'une fatiguée, l'autre bouillonnante.
— Désolée.
— Arrête d'être tout le temps désolée, c'est trop facile et agis un peu.
— Mais qu'est-ce que tu veux que je fasse au juste ?
Et Aphté n'a pas la réponse non plus alors les deux femmes continuent de se fixer. Et c'est intense, comme électrique.
— Hein ? ! Qu'est-ce que tu veux que je fasse au juste maintenant ? Que je me mette à genoux pour te montrer à que point je suis désolée ?
Et Gullveig commence à faire ce qu'elle dit mais Aphté ne lui laisse pas le temps d'aboutir son geste. Au contraire, elle la relève par le poignet mais brisé l'équilibre des deux jeunes filles qui tombent dans la neige. Aphté protège immédiatement la tête de Gullveig ce qui étonne fortement les deux filles. Elles sont collées l'une à l'autre, ne sachant plus quoi dire face à ce moment étrange.
— Tu me fatigues, Gullveig, répète Aphté, un peu démunie.
— Moi aussi, je me fatigue, se contente de répondre Gullveig.
Aphté, ne pouvant s'en empêcher, passe une main dans les cheveux de Gullveig pour les remettre en place. Et Gullveig apprécie bien plus ce contact qu'elle ne le pensait alors elle pose sa joue contre la paume d'Aphté, fermant les yeux de confort, ce qui perturbe fortement la jeune fille aux cheveux roses.
— Qu'est-ce que tu fais ? souffle Aphté, ne comprenant plus trop ce qui se passe, elle qui était en colère initialement.
— Je sais pas, je profite j'imagine.
Et quand Gullveig ouvre à nouveau les yeux et les ancre dans ceux d'Aphté, cette dernière est toute perturbée. D'autant plus lorsque Gullveig approche dangereusement ses lèvres de celles d'Aphté. Et Aphté n'a pas le temps de se poser plus de questions que son corps décide à sa place et répond à ce baiser pour le moins inattendu. Mais Aphté finit par y mettre du sien en enlaçant Gullveig qui encadre le visage d'Aphté. Alors les deux échangent de nombreux vifs baisers avant qu'Aphté souffle, bien qu'avec un petit sourire :
— Tu me fatigues encore plus Gullveig.
*
Le lendemain, c'est ski de fond pour tous. Au début, les six skient tous ensemble puis l'après-midi ils se séparent par groupe de niveau. Alors Aphté et Gullveig, peu à l'aise sur la neige, se retrouvent ensemble tandis que les quatre autres filent ensemble. Tout le monde a d'ailleurs été très surpris de l'apprentissage très rapide d'Issa, qui n'avait jamais pourtant skié.
Les deux filles sont joueuses, s'amusant clairement de leur piètre niveau en ski de fond. Pourtant, ce n'est pas si difficile mais ce n'est définitivement pas leur truc, c'est tout. Elles s'amusent jusqu'à qu'une légère bosse de neige se présente devant elles. Beaucoup moins marrant d'un coup mais les deux jeunes femmes trouvent une solution aussi bien innovante que ridicule : descendre sur leurs fesses, téléphone en main pour filmer ce non-exploit. Les deux sont mortes de rire et se tiennent le ventre, n'en pouvant plus de leur connerie. Elles finissent par faire une pause, dite "goûter" même s'il n'est que quinze heures, et mangent un peu pour retrouver de l'énergie, profitant aussi du calme régnant.
Elles se regardent à nouveau la vidéo prise il y a quelques minutes et l'envoient sur le groupe du ski, crée pour l'occasion. Et bien évidemment, elles se marrent encore tandis que les autres ne tardent pas à se moquer des deux jeunes filles par écrit.
Une bonne heure plus tard, les deux jeunes filles ont fini leur petit circuit et s'étonnent de retrouver le reste du groupe, les attendant, visiblement.
— Attendez, vous allez pas nous faire croire que vous avez fait trois fois plus de distance que nous dans le même temps ? s'étonne Aphté, réalisant qu'elles sont vraiment nulles avec Gullveig.
— Je ne vais pas vous le faire croire, mais vous l'annoncer : vous êtes des merdes.
Alors Aphté veut frapper Cadkar pour son commentaire désobligeant mais elle ne fait que se casser lamentablement la gueule, pour la dernière fois de la journée.
Les six jeunes rentrent à la maison et Aphté et Gullveig sont crevées alors elles partent se poser dans la chambre commune, sous les rires des quatre autres.
— C'est ça, moquez-vous tant que vous le pouvez, maugrée avec ironie Aphté tout en montant.
Les deux filles, frigorifiées malgré une douche chaude rapide et bien méritée, se pose chacune dans leur lit et traîne sur leur téléphone. Mais elles sont plutôt loin l'une de l'autre, un lit deux places les séparant, alors elles finissent par se poser toutes les deux dans le lit de Gullveig, riant ensemble aux vidéos qu'elles trouvent sur les réseaux sociaux. Puis la fatigue les rattrape et les deux amies s'endorment comme deux amies proches le font et comme deux simples amies ne le feraient pas.
En bas, ça enchaîne les douches et les parties de jeu sur la Switch en attendant sa douche pour être propre. Quand tout le monde est propre, chacun vient naturellement préparer à manger, même Cadkar et Issa, avec bonne humeur en plus.
Lorsque l'heure du repas sonne annonçant également leur dernière soirée dans cette maison, au ski, Issa part chercher les deux filles ensemble et les trouve toutes les deux dans un même lit, étonnement proches pour deux personnes censées se détester.
Le repas débouche bien entendu sur une énième soirée, leur dernière ici alors chacun profite et l'ambiance est franchement géniale pour tous : Issa s'amuse dehors avec le chien, Cadkar à ses côtés ; Gullveig et Aphté se sont lancés dans un karaoké endiablé ; Amanda et Phtolos discutent sur le canapé, dans leur bulle. Chacun à sa place, chacun avec sa plus ou moins personne.
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