𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐔𝐍
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Je laisse échapper un gémissement de douleur alors que j’émerge doucement de mon sommeil. Ma tête me fait affreusement mal, me faisant comprendre que ce n'était pas une bonne idée de s'écrouler sur le sol plus tôt. J'ouvre un œil et le referme aussitôt, la lumière des rayons du soleil étant trop aveuglante. Je lève difficilement ma main vers mon visage, venant la presser contre mes paupières afin de protéger mes yeux du soleil. De mon autre bras, je m'accoude dans l'herbe pour me relever. Je passe un petit moment à me masser les yeux et à bâiller avant de retirer ma paume de mes paupières. Je tourne la tête et remarque que Tsuyu dort toujours. Je me relève, chancelant, et regarde autour de moi.
— Tu es enfin réveillé ?
Une voix inconnue mais douce et bienveillante m’interpelle. En tournant la tête, mon regard accroche celui d’une femme habillée étrangement. Une longue robe vert kaki recouverte d’une petite épaulette en fourrure lui fait office de vêtement. Elle porte cette robe avec une ceinture en cuir ayant pour seul motif un croissant de lune. Celle-ci lui entoure la taille, mettant en valeur ses formes. Et, juste en dessous, une épée est accrochée à sa hanche. Je n’avais jamais vu de tels vêtements auparavant. Là où j’étais enfermé, mis à part les esclaves qui ne portaient rien d’autre que des bouts de tissu, les nobles avaient tendance à se parer de bijoux coûteux et de robes volumineuses avec mille et un tissus différents. Contrairement à cette femme qui porte cette robe, les nobles portaient des vêtements pour se pavaner et montrer à tous combien ils étaient riches et puissants.
— Tu as dormi très longtemps, trois jours, ajoute-t-elle.
Un feu crépite à côté d’elle, sur celui-ci repose un énorme gigot déjà prêt à être mangé. Je peux y voir la graisse en dégouliner d’ici, me donnant l’eau à la bouche. Mon ventre se met soudainement à gargouiller, me faisant rougir de gêne.
— Ta sœur s’est réveillée deux jours avant toi.
Elle prend le gigot dans ses mains et le pose sur un bout de tissu. Elle prend ce qui ressemble à un couteau et commence à couper le gigot avec délicatesse. Je suis du regard ses mouvements, écoutant d'une oreille distraite ce qu’elle me dit. Malgré tout, une question me trotte en tête et je ne peux m’empêcher de demander.
— Qui êtes-vous ?
Elle tourne sa tête rousse vers moi et sourit.
— Je m’appelle Holda, enchantée.
J’hésite un instant à répondre puis je me rends compte qu'elle est sûrement inoffensive étant donné que ma sœur et moi sommes toujours vivants.
— Je suis Izuku. Merci d’avoir protégé ma sœur.
J’ai quelques difficultés à parler, ma langue étant peu habituée à prononcer autant de mots. Lorsque j'étais esclave, le dicton “Le silence est d'or et la parole est d'argent” était plus vrai que nature. Il fallait se taire au risque de mourir. Elle finit de couper le gigot et m’en tend une grosse part.
— Tiens, mange. Ce sera pour l’instant ton seul repas. De ce que je vois, vous ne devez pas souvent manger.
J’attrape le bout de viande et le dévore instantanément. Depuis le temps qu'il me donne envie, je le déguste, prenant le temps d’en sentir le goût sur ma langue. Je le finis sous le regard de Holda qui semble rassurée de me voir manger avec autant d'appétit.
— J’ai soigné tes blessures, c’était assez sérieux. Tu aurais pu mourir d’une grave infection si je n’étais pas passée par là.
J’arrête de lécher mes doigts pour la fixer. Ses yeux verts me scrutent, à la recherche de gratitude sûrement. Je doute qu'elle ait fait ça de gaieté de cœur, on ne lui servirait à rien dans notre état actuel. Elle souhaite sûrement quelque chose de notre part, j'en suis parfaitement conscient. Cependant, je décide de la remercier tout de même.
— Merci énormément.
Je me mets à genoux et pose la tête au sol en guise de reconnaissance.
— Je vous en suis reconnaissant à vie.
Elle secoue la tête puis me fait signe de me relever.
— Ce n’est rien, ne me remercie pas. J’ai fait ça car je me sentais seule. J’ai été temporairement bannie de ma tribu, m'avoue-t-elle, la mine boudeuse.
Je relève la tête, perplexe. Bien que je savais qu'elle nous avait sauvé pour quelque chose, je ne pensais pas que ce serait pour une raison aussi ridicule que la solitude.
— Vous avez été bannie ?
Elle s’assoit en tailleur et mange un bout de viande à son tour. Ses longs cheveux roux se coincent dans une branche, ce qui la fait jurer puis reposer son bout de viande sur le bout de tissu en face d'elle. Elle attrape ses cheveux à deux mains.
— Putain !
Elle tire sur la branche de toutes ses forces, grimaçant dû à la douleur qu’elle se procure elle-même. Je me relève et me mets derrière elle en tailleur. Ce qu’elle peut être brutale…
— Je peux ? dis-je en attrapant une mèche.
Elle hoche la tête, me laissant faire et reprend son bout de viande pour recommencer à le manger. Je m’affaire à la tâche et commence à démêler le bâton de ses cheveux tandis qu’elle reprend la parole, continuant ce qu’elle était en train de me dire.
— Je suis une commerçante, je voyage beaucoup pour vendre des produits et en acheter. Là où nous vivons, il y a énormément de cristaux très rares et demandés. C’est là notre plus grand gagne pain.
Elle finit son morceau de gigot alors qu’elle parle. Elle prend donc un autre morceau de viande et continue, s'arrêtant quelquefois pour mâcher correctement.
— Notre chef, et surtout son bras droit, ont horreur des étrangers. Ils sont très réticents à l’idée de partager nos biens avec d’autres personnes que notre tribu, même en échange d’argent. Mais vu que ça nous permet d’éviter des guerres inutiles, notre chef laisse couler, au plus grand malheur de Kat’s.
Je retire enfin le bâton de ses cheveux et prend un peigne qu’elle a sorti plus tôt. Je commence doucement à lui démêler les cheveux, écoutant attentivement ce qu’elle me dit.
— Il y a trois mois, alors que je revenais d’une transaction, un homme m’a suivie et a fait subir des pertes dans un de nos villages. C'était une scène macabre et je m'en veux encore aujourd'hui de ne pas avoir été plus prudente, me confie-t-elle bien qu'elle n'ait pas l'air plus touchée que ça.
Elle suce chacun de ses doigts comme je l’ai fait plus tôt et prend un verre en bois qu’elle remplit d’eau. Elle en prend quelques gorgées pour mieux faire passer la viande qu’elle vient d'ingurgiter.
— Je suis donc en exil temporaire, termine-t-elle en reposant son verre.
Je finis de brosser ses cheveux et prends cinq grosses mèches sur le dessus de sa tête pour en faire une tresse à cinq brins.
— Je suis contente de vous avoir trouvés, je vais pouvoir passer le temps avec des gens !
— C’est très gentil de votre part de nous avoir sauvés, je marque une pause. Même si c’est parce que vous ne souhaitiez pas être seule. Mais…
Je fais passer une mèche par-dessus l’autre, laissant la tresse prendre forme. J’ai l’habitude de faire toutes sortes de coiffures à Tsuyu depuis qu’on est petits, elle a les cheveux tout aussi long que Holda alors il n’est pas difficile pour moi de les coiffer comme bon me semble.
— On ne va pas vous servir à grand-chose…
— Peut-être que pour l’instant vous ne savez rien, mais croyez-moi que dans deux mois vous saurez vous débrouiller tous seuls en pleine nature !
— Ça n’empêche pas qu’on sera un poids jusqu'à ces deux mois…
Je termine de faire la tresse et elle me passe un bout de tissu vert kaki qu’elle a soigneusement découpé de sa robe. Je l’enroule autour de ses cheveux et fais un nœud pour que la tresse ne se défasse pas. Je me recule ensuite fier de mon travail. Puis je me relève pour m’asseoir face à elle de l’autre côté du feu de camp, attendant qu’elle me réponde. Elle prend la tresse que je viens de lui faire entre ses doigts, émerveillée et me regarde avec joie.
— C’est vraiment très joli ce que tu viens de me faire ! Comment sais-tu faire ça !? dit-elle, évitant le sujet.
Je soupire, voyant qu'elle ne répondra pas à ma remarque. Je lui explique alors comment faire à l’aide de quelques bouts de tissu et elle essaie de le reproduire. Après de nombreuses tentatives, elle y arrive finalement, et me montre fièrement ce qu’elle vient de réaliser. Son enthousiasme me contamine et je finis par moi-même sourire et me réjouir de sa réussite. Tsuyu se réveille plus tard en début d’après-midi. En se réveillant, elle me saute dans les bras, les yeux larmoyants. Puis elle me demande de la coiffer à son tour et je décide de lui faire plein de petites tresses. Je laisse quelques unes de ses mèches libre pour créer un effet de volume. On parle tous les trois au coin du feu, Holda nous racontant de petites anecdotes de marchande. On finit par se coucher assez tard sous la chaleur du feu de camp ce soir-là, Tsuyu se fatiguant la première. Ce fut la première fois depuis longtemps que je me couchai heureux.
Le lendemain, elle nous montre à Tsuyu et moi comment chasser et pêcher. En échange, on lui apprend comment tresser un panier pour y déposer les poissons fraîchement attrapés. Le soir, on grille les poissons en brochette pour les manger avant d’aller se coucher à la belle étoile. Les jours suivants se passent approximativement de la même manière : Holda nous apprend des trucs utiles, et on lui en apprend d’autres en retour. Le soir, on mange au coin du feu et on part se coucher quand la fatigue prend le dessus. Ainsi, en l’espace de deux mois, on apprend comment différencier les herbes médicinales, chasser les petits animaux mais aussi les gros, cueillir les plantes comestibles, celles qui ne le sont pas. On apprend aussi comment bien marchander, les enjeux politiques derrière certaines transactions, les coins à éviter pour ne pas se faire agresser ou voler, on apprend même à se défendre face à un adversaire. Pendant deux mois consécutifs on reste en présence de Holda qui nous apprend à nous débrouiller par nous-même.
— Demain, je vais devoir rentrer chez-moi.
On mange une salade avec une omelette et des pommes de terre cuites au feu de bois. La lune est haute dans le ciel et seuls les hululements des hiboux se font entendre. Tsuyu tourne la tête vers elle, arrêtant de touiller sa soupe.
— Déjà ?!
Elle a pris un peu de poids grâce à Holda., Elle a grandement gagné en muscles et désormais elle est capable de marcher pendant des heures sans se fatiguer. Sa poitrine a également pris en volume et, malgré sa santé encore fragile, elle est maintenant plus robuste et ne risque plus de s’évanouir à chaque respiration qu’elle prend.
— Je suis désolée les gars, mais il faut bien que je rentre un jour ou l’autre… Mes parents me manquent et j’aimerai vite reprendre du service.
Je secoue la tête vers elle, un sourire bienveillant prenant place sur mon visage.
— Ne t’en fais pas, on comprend. On est seulement un peu triste de te voir partir.
— C’est vraiment dommage que ta tribu ne nous accepte pas… J’aurais vraiment voulu venir avec toi.
Elle sourit tristement en baissant la tête, frissonnant de froid.
— Depuis le dernier incident, leur hostilité envers les étrangers a encore plus augmentée. Donc c'est encore plus mort que d'habitude.
Tsuyu finit de cuire la soupe et pose la marmite devant nous, des bols en bois fraichement sculptés posés juste à côté. Je me relève et pars chercher un manteau en fourrure pour Holda. Je reviens vers elle avec le manteau en main et le lui pose sur les épaules. J’ai moi aussi drastiquement changé ces deux derniers mois. J’ai repris de la masse musculaire, et j’ai légèrement grandis, mais pas plus de trois centimètres. Ma croissance s’est finie il y a longtemps déjà et dû à la mal nutrition elle n’a pas pu se faire correctement, je ne fais donc pas plus d’un mètre soixante-dix. De toute façon, de là où je viens, les hommes ont tendance à être assez petit. Je n’aurais fait qu'un mètre soixante-quatorze tout au plus.
— Merci.
Elle me sourit et je repars m’asseoir.
— On se reverra malgré tout hein ?
Tsuyu s’assoit à côté d’elle, triste de son départ. Les deux se sont énormément rapprochées ces derniers mois. Il faut dire que ça fait plaisir à ma sœur d’enfin avoir une présence féminine à ses côtés.
— Je te le promets.
Elle lui sourit avec tendresse alors que Tsuyu se sert un bon bol de soupe. Elle se met alors à le dévorer sans plus attendre, plongeant des bouts de pain dedans. On passe donc notre dernière soirée tous ensembles au coin du feu à déguster notre repas. Je ne pensais pas qu’on se rapprocherait autant de Holda en si peu de temps, mais visiblement, la vie est pleine de surprises. J’espère aussi sincèrement qu’on se recroisera un jour, j'ai adoré apprendre d'elle. Ainsi, Holda partit le lendemain matin aux premières lueurs du jour. Elle était pressée de rejoindre sa famille et son petit village.
— Bon je vous laisse ! Kat’s va me péter un câble si je suis pas à l’heure.
Avait-elle dit en partant, secouant la main en guise d’au revoir. On avait sourit en lui renvoyant le même signe, heureux qu’elle puisse enfin rentrée chez elle, depuis le temps qu’elle nous parlait de ce Katsuki.
— Va falloir qu’on bouge aussi nous, fit aussitôt ma sœur.
— Holda m’a dit que dès qu’elle partait, on devait sortir de la forêt.
— Mmh.. on est dans la forêt de Musutafu non ?
— Oui.
Je prends nos sacs en toile que nous avons nous-même tissés et met le plus gros sur mes épaules. Tsuyu en prend un bien plus petit, ne pouvant pour le moment pas porter de charges trop lourdes. On débute alors notre marche, nous dirigeant vers le continent d’Istra¹ pour commencer une nouvelle vie.
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¹ : Ils sont actuellement sur le continent d'Asphin. Il existe 2 grands continents accolés, Istra et Asphin. Ces deux continents ne se mélangent que pour le commerce mais outre cela ils restent séparés, même aux bords des frontières. Au sein de ces continent coexistent des empires qui régissent les continents et leurs propres terres avec plus ou moins de sagesse.
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Et voici pour le premier chapitre de cette histoire. Il n'est pas encore très intéressant mais il faut bien que j'introduise un peu l'histoire avant de commencer donc ne m'en voulez pas trop ! Le chapitre deux sera déjà un peu plus intéressant mais il va falloir attendre la semaine prochaine pour ça. Enfin bref, que pensez-vous de cette petite Holda ? Moi je l'aime bien ! Je sais pas vous mais je la trouve choupie et très sympa ! Je vais essayer de faire de l'inclusivité et mettre des persos un peu différents les uns des autres.
Euh parlons de mon aes aussi ? Putain je me suis donnée à fond ;-;
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𝐒𝐚𝐩𝐡𝐢𝐫 • 𝟐𝟒𝟓𝟎 𝐦𝐨𝐭𝐬 • 𝟐𝟔/𝟎𝟗/𝟐𝟎𝟐𝟒 • 𝟏𝟗:𝟎𝟎
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