Chapitre 27

— Tu danses ? demande une voix masculine derrière moi.

Je me retourne et découvre Luis, un sourire malicieux aux lèvres. Je jette un dernier coup d'œil à Noam avant de déclarer :

— Pourquoi pas.

Il saisit ma main et nous nous mettons en place. Je n'arrive pas à croire que je vais danser le tango. Deux couples de danseurs, des professionnels apparemment, montent sur les estrades afin que nous puissions mieux les voir.

Ils commencent leurs explications : la manière de tenir son partenaire, les premiers pas de base, le rythme à avoir, chacun y va de son petit commentaire. Luis place nos mains jointes au niveau de nos têtes et met son autre main dans mon dos tandis que je pose la mienne derrière son épaule.

— Prête ? me dit-il et je sens qu'il retient un rire.

— Allons-y.

Pendant dix minutes, nous nous essayons au tango.

Et nous y arrivons plutôt bien. Je suis même étonnée d'y prendre autant de plaisir. Luis est bon danseur, et il arrive à détendre l'atmosphère avec de petites blagues bien placées sur les couples autour de nous.

A plusieurs reprises, je lance des coups d'œil au couple que forment Noam et la brune. Elle s'essaye visiblement à des pas de danse assez élaborés. Trop pour son niveau de débutante. Noam semble vouloir décéder sur place. Mais il est bien trop courtois pour laisser en plan la fille.

— Alors comme ça, Cray et toi... ? avance Luis.

Je ne vois pas son visage car nous sommes pratiquement joue contre joue, pour optimiser « l'effet sensuel », comme nous l'a si bien expliqué un des professionnels. Luis ne voit donc pas mon air surpris. Je suis étonnée qu'il ait remarqué notre petit jeu de séduction. Tout se passait essentiellement par le regard ou les sourires mais il faut croire que Luis en a saisi quelques-uns à la volée. 

Notre volonté de rester « cachés » devient de moins en moins crédible finalement.

Je me recule pour le regarder dans les yeux. Ses iris chocolat sont amusés.

— Qu'est-ce qui te faire croire ça ? le questionné-je.

— La tension. Sexuelle, répond-il avec un regard appuyé qui me fait rougir. Et aussi le fait que Noam regarde dans notre direction toutes les deux secondes.

Je m'apprête à tourner la tête mais Luis m'en empêche.

— Non, non, j'ai envie de le faire chier. Tu es d'accord ?

C'est officiel : j'adore Luis. J'opine de la tête. Il regarde alors derrière moi, en direction de Noam je suppose, et il sourit comme s'il avait gagné des lingots d'or.

— Qu'est-ce que tu fais ? lui demandé-je.

— Je lui sors ma tête « J'ai une touche ! ».

Je me retiens de pouffer.

— Et alors ?

— Il fronce les sourcils en mode « pas content ». J'ai l'impression qu'il veut me buter.

Luis s'esclaffe.

— Il vient de me faire un doigt d'honneur. Tu penses qu'il va venir ?

— Je ne pense pas Luis.

— Et si je te touche le cul ?

— Si ta main ne descend ne serait-ce que d'un millimètre, tu pourras dire au revoir à tes cojones.

Il éclate une nouvelle fois de rire, signe qu'il plaisantait juste avant.

Finalement, l'initiation au tango ne dure pas longtemps et bientôt, les danseurs professionnels redescendent de l'estrade. Le DJ remet une chanson au tempo plus rapide. Luis s'écarte de moi et prend ma main pour y déposer un baiser.

Señorita, c'était un réel plaisir.

A moi aussi Luis, je réponds sincèrement.

Son regard se porte derrière moi et il se met à sourire de toutes ses dents. Luis me contourne et vient taper l'épaule de Noam comme pour dire « je t'ai eu mon pote », avant de s'éloigner. Noam reporte son attention sur moi, son visage ne laisse filtrer aucune émotion. Il comble les derniers centimètres qui nous séparent.

— Tu t'amuses bien ?

Sous-entendu : « ça te plaît de jouer avec moi ? »

— Plutôt oui. Et toi ? Ta cavalière était sympa ?

Ses yeux se plissent de contrariété.

— Le pire rencard de ma vie.

— Oh zut... quelle malchance.

Noam m'attrape par la taille et me colle contre lui, comme pour me faire taire. Son regard est sérieux, ses yeux emprisonnent les miens. Il se met à danser lentement, en guidant mes hanches pour suivre son rythme. Sa mâchoire vient frôler ma joue, sa barbe érafle doucement ma peau.

Chacun de ses gestes est destiné à décupler mes sensations.

Je sens sa bouche effleurer la peau de mon cou. Un frisson se propage le long de mon épiderme.

— Je te trouve bien arrogante, murmure Noam à mon oreille, comme un écho à notre précédente discussion.

A cet instant, je me fiche royalement que nos amis puissent nous voir aussi proches. Tout le monde se doute de quelque chose alors pourquoi faire comme s'il n'y avait rien ? C'est notre rencard après tout.

Je prends une longue inspiration et glisse mes mains derrière son cou. Je me mets à jouer avec ses cheveux. Ses lèvres continuent de taquiner la peau sensible sous mon oreille. Putain. Il sait y faire.

— Ça ne te dérange pas ? poursuit-il. Qu'on nous voie ?

Je recule ma tête pour pouvoir le fixer droit dans les yeux. Je secoue la tête avant d'approcher mes lèvres des siennes. Nos bouches s'effleurent, se frôlent, s'agacent à ne pas se toucher assez, avant de fondre l'une sur l'autre.

Notre baiser est lent, profond, il électrise ma peau. Noam caresse mon bras d'une main, agrippe ma hanche de l'autre, sans jamais cesser de m'embrasser.

Nous continuons de danser l'un contre l'autre pendant ce qui me semble être une éternité. Lorsque je décide de sortir un peu de notre bulle, je ne repère aucun de nos amis autour de nous. Nous nous sommes déplacés dans la pièce en dansant et nous sommes désormais à l'opposé du box.

Je dépose un dernier baiser sur les lèvres de Noam.

— On les rejoint ? proposé-je.

— Non.

Je souris.

— C'est toi qui as voulu qu'on associe ce rencard à l'anniversaire de Max, je te rappelle.

— Eh bien, c'était une idée de merde.

Je ris, ce qui lui décoche un sourire. Il dépose un baiser sur mon nez et finit par hocher la tête. Lorsque nous revenons, il n'y a que Luca à la table. Tous les autres sont en train de danser. Je me sens toujours dans l'ambiance et j'ai bien envie de me défouler encore un peu.

— Tu ne veux pas venir danser ? demandé-je à Luca.

Il grimace.

— J'évite. J'ai un terrible sens du rythme.

— Il y a bien quelqu'un que je pourrais te présenter, marmonne Noam dans sa barbe afin que Luca n'entende pas.

Un rire me démange quand je comprends à qui il fait référence. Aka la brune rentre-dedans et pseudo-experte du tango.

— Aucun problème Luca, dis-je avant de me tourner vers Noam. Et toi ?

— Je vais rester avec Luca.

Je hoche la tête avant de me perdre dans la foule de danseurs. Je repère Syd et Lacy, qui dansent à deux de façon totalement anarchique, ce qui me donne un petit aperçu de leur état d'ébriété. Elles ne sont pas bourrées mais suffisamment pour se foutre des regards. Lacy me voit la première et hurle mon nom en m'ouvrant les bras. Elle m'attire à elle et son regard devient soudainement suspicieux.

— Tu étais où ? Avec Noam c'est ça ? Petite coquine.

Egale à elle-même, Lacy est sans filtre lorsqu'elle est alcoolisée. Je jette un regard à Sydney qui écarquille les yeux.

— Alors, vous sortez ensemble ? me dit-elle dans l'oreille pour que je l'entende.

— On n'a pas vraiment mis de nom sur notre relation, mais oui, on peut dire ça.

— Ça allait arriver tôt ou tard, me sourit-elle.

Max arrive derrière nous et vient poser ses bras sur nos épaules.

— Je sais que ça va vous coûter de l'admettre mais... avouez que cette soirée est une franche réussite.

Lacy tente de prendre une moue sérieuse.

— Tu m'as fait très, très, peur avec ton cours de tango, mais ce n'était pas si mal.

— Donc j'aurais le droit de vous emmener dans d'autres bars à thème ? espère-t-il, tout sourire.

Ma meilleure amie fronce les sourcils, comme si elle réfléchissait à sa proposition. Quelques secondes passent puis le verdict tombe :

— N'y compte pas trop, amigo.

— Pourquoi ?

— Ça aurait pu être un désastre.

— Sydney ? persiste Max en la suppliant du regard.

Sydney et Lacy échangent un regard complice. Syd pose sa main sur l'épaule de Max et la tapote doucement.

— Ne m'en veux pas Max, mais tu es assez imprévisible. Qui sait sur quoi on va tomber la prochaine fois ? Du speed-dating pour couples libertins ?

Un sourire mutin apparait au coin des lèvres de Max.

— Arrête, tu pourrais me donner des idées.

J'éclate de rire. Lacy enchérit une dernière fois.

— Voilà pourquoi on ne te fait pas confiance Max.

Ses sourcils bruns se froncent de dégoût.

— Vous savez ce que vous faites ? Vous me castrez. Symboliquement. Vous me privez de mes couilles tout doucement. Je crois que je vais arrêter de trainer avec des meufs c'est pas bon pour mon égo. Je vais aller demander aux mecs si un club de striptease les branche, Jack ne semblait pas contre le principe, ajoute-il en faisant mine de s'en aller.

— Popopop ! rouspète Lacy en le rattrapant. Si c'est un club mixte je viens ! Il n'y aucune raison que vous soyez les seuls à en profiter.

Max arque un sourcil dubitatif et à vrai dire, il n'est pas le seul. Lacy est tellement sérieuse que je n'arrive pas à savoir si c'est du lard ou du cochon.

— Attends une minute. Tu me fais chier pendant des jours parce que je vous ai emmenées à une soirée strip-poker et là tu es partante pour mettre des billets dans le string de go-go dancers ?

— La différence est : ce n'est pas moi qui me déshabille.

Ça y est, je le vois. Le léger frémissement au coin gauche de sa lèvre. Elle le fait marcher. Mon regard croise celui de Syd qui semble aussi avoir perçu la blague. Max plisse les yeux.

— T'es sérieuse ?

— Très, répond Lacy.

— Bien sûr, dit Max avec un grand sourire, et mon père c'est le roi d'Angleterre.

Lacy s'esclaffe.

— J'étais persuadée de te mener en bateau.

— Presque, sourit-il avant de nous faire signe de quitter la piste de danse. Venez, j'ai quelque chose à vous montrer.

Nous le suivons jusqu'à notre table. Noam est toujours en train de discuter avec Luca mais il prend le temps de me sourire. Sourire que je lui donne en retour.

Lorsque nous sommes toutes assises, Max met les pieds dans le plat.

— J'ai reçu un message d'Amanda pour mon anniversaire.

Cette nouvelle nous cloue le bec. Elle a coupé les ponts avec tout le monde depuis quelques semaines.

— Et ? je réponds afin qu'il poursuive.

— Son message était super long. En clair : elle s'excuse pour son comportement, elle dit qu'on lui manque mais qu'elle n'ose pas faire le premier pas, etc.

— Je peux lire le message ? lui demandé-je.

Max me tend son Numécran. Lacy et Sydney se penchent au-dessus de mon épaule pour lire le message en même temps que moi.

En effet, Amanda présente ses excuses, concède qu'elle s'est comportée comme une garce, qu'elle aimerait passer plus de temps avec nous mais qu'elle n'ose pas nous le demander pour le moment car elle a peur d'être de trop et de mettre mal à l'aise.

Deux constats se forment dans mon esprit. Le premier : Amanda semble sincère. Elle me surprend agréablement. J'étais persuadée qu'elle passerait rapidement à autre chose. Je croyais que son amitié envers nous était plus de l'ordre du copinage que d'un véritable lien. Nous voilà remis à notre place, mes préjugés et moi. Mais le deuxième constat vient tempérer cet élan : elle dit tout ça à Max. On sait tous que le cœur du problème n'était pas entre elle et lui.

— Mouais... fait Lacy à côté de moi. Je ne sais pas trop quoi en penser.

— Son message a l'air sincère, reconnaît Sydney.

Je hoche la tête pour appuyer ce qu'elle dit.

— Je suis d'accord. Tu lui as répondu quoi ? demandé-je à Max.

— Je l'ai remerciée mais je lui ai très clairement dit que ce n'était pas à moi qu'il fallait présenter des excuses.

Je n'aurais pas mieux dit.

— Qu'est-ce que vous en pensez ? s'enquiert-il.

— J'en pense qu'Amanda est devenue une vraie peste cette année, déclare Lacy. Elle a toujours été moqueuse et excentrique mais depuis le début de notre deuxième année, elle en faisait des tonnes. Comme si elle cherchait constamment à attirer l'attention sur elle.

— Je ne veux pas l'excuser ni dire que c'est uniquement à cause de ça, intervient Syd, mais... ses nouveaux amis sont clairement des m'as-tu vu. Je me dis que son comportement avec nous était le reflet de celui qu'elle avait avec eux.

— Putain, merde, on n'est plus au collège, jure Lacy.

— Leigh ? me questionne Max.

Je prends le temps de réfléchir à ce que je vais dire.

— Je me dis qu'Amanda n'est si superficielle que ça. Elle a fait un premier pas. Un premier pas maladroit, certes, mais il est là. Sincèrement, je ne crois pas qu'on sera amies elle et moi. On est trop différentes.

Je me tourne vers Sydney et Lacy qui connaissent Amanda mieux que moi.

— Mais je sais aussi que vous étiez proches l'an dernier. Elle a l'air malheureuse et j'aurais l'impression d'être une connasse de lui coller définitivement une étiquette de peste sur le front. Ne vous sentez pas obligées de la détester simplement parce qu'elle a été rude avec moi.

— Je ne sais pas trop Leigh, intervient Lacy. Je suis plutôt rancunière comme nana.

— Ses remarques me restent encore en travers de la gorge, ajoute Sydney, qui s'en est pris dans les dents également. Je crois que les choses ont besoin d'être mises à plat.

— Aucune pression alors. Attendons de voir ce qu'elle va faire, proposé-je.

Mes amis hochent la tête. Nous sommes tous sur la même longueur d'onde : Amanda a été blessante mais nous avons suffisamment été proches d'elle pour que les morceaux soient recollés.

Nous nous regardons sans rien dire et Max finit par dire :

— J'ai plombé l'ambiance hein ?

— Mais non, le contredit Lacy. J'ai toujours envie de danser, vous venez ? ajoute-elle en se levant.

Comme de bons petits soldats obéissant à leur caporal-chef, nous suivons Lacy au milieu de la piste et nous y dansons jusqu'à ce que le bar ferme tard dans la nuit. 

***

Et voilà c'était la deuxième partie de la soirée d'anniversaire de Max ! 

Qu'en avez-vous pensé ? 

La bise !

Eiouam 

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