Chapitre 17
Est-ce que Noam est un emmerdeur de première catégorie qui ne lâche pas le morceau ? Je confirme. Depuis jeudi dernier, il ne cesse de vouloir me prouver la suprême sexitude des joueurs de basket. Il m'envoie au moins un message par jour, et je persiste en lui disant le contraire. Je ne l'avouerai jamais à voix haute mais ces échanges m'amusent. Je me suis rendu compte que j'avais toujours le sourire quand je les recevais. Noam a... un effet très positif.
Je vois mon Numécran s'allumer devant moi. C'est un message de Noam. Je n'y crois pas. On est en pleine séance de travail avec les autres et il continue de plaider sa cause. A vrai dire, je ne suis même pas certaine qu'il le pense vraiment. C'est plutôt comme un jeu entre nous.
J'ignore son message et lève les yeux dans sa direction. Il scrutait ma réaction et rit silencieusement avant de pianoter sur son Numécran. Le mien sonne à nouveau. J'écoute à peine ce que dit Luca, ce n'est pas sérieux.
Par pur esprit d'opposition, j'éteins mon Numécran, ce qui vaut à Noam un nouveau rire discret. Je me concentre à nouveau sur la conversation.
Nous avons pas mal avancé sur le projet, en termes de concept pur et simple. Noam avait lancé une idée sur laquelle on s'est particulièrement penché, avant de savoir si elle pourrait fonctionner dans la réalité.
Jusqu'à maintenant, les projets de nettoyeurs spatiaux concernaient uniquement des satellites. Mais aujourd'hui, il est possible de manœuvrer des navettes avec de véritables pilotes, ce qui serait très utile dans le cadre de notre projet. Son idée est d'envoyer en orbite, non pas un, mais deux nettoyeurs.
Un premier nettoyeur serait un satellite qui s'occuperait des petits débris. Constitué d'aimants avec une immense force d'attraction, il permettrait d'attraper les débris très petits et fins. Une fois qu'il aurait collecté son nombre de débris maximum, il serait désorbité vers l'atmosphère pour y être détruit.
Le second nettoyeur serait une sorte de navette améliorée. Elle serait pilotée depuis l'intérieur, ce qui faciliterait la manœuvre de ses quatre bras mécaniques. Ces derniers permettraient d'attraper les gros débris pour les amener ensuite vers l'atmosphère afin d'y être désintégrés. La navette repartirait chercher ensuite d'autres gros débris. En plus de nettoyer plus facilement l'espace, cela pourrait figurer comme un très bon exercice de pilotage pour des astronautes en formation.
Nous pensons que ça tient la route, mais nous n'en sommes pas sûrs à cent pour cent.
— Et si on en parlait à M. Mann ? propose Lacy.
— Qui est M. Mann ? demande Noam.
— Un prof et un chercheur super calé en aérospatiale, lui répond Luca.
— On peut toujours lui envoyer un mail, ça ne mange pas de pain non ? avance à nouveau ma meilleure amie.
Tout le monde approuve et nous décidons de lui envoyer le mail dans la foulée. Nous demandons à le rencontrer si possible, sinon avoir des conseils et un avis.
J'avais oublié les messages de Noam, mais lorsque je rallume mon Numécran à la fin de notre groupe de travail, ils me sautent aux yeux. Je clique sur les notifications. Ce sont deux photos. La première met en avant un très beau joueur de basket en plein saut pour mettre un panier, et la deuxième montre un boxeur qui se mange un méchant coup sur le nez, totalement pulvérisé par le gant de l'adversaire.
J'essaye de retenir mon sourire en pinçant mes lèvres mais Noam vient se planter devant moi, toujours à l'affût.
— Parfois, les images se passent de mots.
— Tu prends vraiment ça très à cœur. Est-ce qu'il n'y aurait pas un quelconque complexe là-dessous ?
— C'est gentil de t'en inquiéter mais moi au moins, je ne ressemble pas à Voldemort, se défend-il en pointant la photo du boxeur du doigt.
Je suis un instant surprise par sa référence.
— Tu connais Harry Potter ?
— Bien sûr. Qui ne connaitrait pas ?
— Beaucoup de monde.
Il semble réfléchir à mes paroles.
— C'est plutôt triste quand on y pense. Dès que ça date de plus d'un siècle, les gens pensent que c'est trop vieux pour mériter de l'attention. Harry Potter est de loin l'une des meilleures séries écrites au monde.
Je le regarde, ébahie.
Généralement, les personnes connaissent Harry Potter parce que cette série figure comme un tournant majeur de la littérature jeunesse du vingtième et vingt-et-unième siècles, mais cela reste confiné au domaine de la culture, de celle qu'on apprend à l'école ou qu'on voit dans les documentaires. Très peu lisent vraiment les livres.
— Tu es si étonnée que ça ? me demande Noam alors que je reste muette.
— Oui, avoué-je. Je ne connais pas beaucoup de monde qui s'intéresse à l'ancienne époque... avant les changements.
— Moi je suis persuadé qu'il y en a plus que tu ne le crois.
Il conclut sa phrase avec un clin d'œil étonnamment assuré, comme s'il savait quelque chose que j'ignorais.
Je regarde mon reflet dans le miroir de ma chambre. C'est la soirée ingénieure ce soir et j'ai fait un peu plus d'effort au niveau vestimentaire. J'ai mis une robe, pour commencer.
Une robe cache-cœur noire resserrée à la taille, qui m'arrive au-dessus du genou et dont les longues manches fluides sont légèrement transparentes. Je ne l'avais encore jamais mise. Elle date de mon dernier shopping avec ma mère et depuis, elle était restée au placard. Elle me va bien. Elle met en avant mon teint mat et donne à mes cheveux une couleur plus clair qu'ils ne paraissent habituellement.
En revanche, côté maquillage et coiffure, on ne peut pas faire plus basique. Mes cheveux sont attachés, mes cils ont droit à leur couche de mascara habituel et c'est tout. A la limite, un peu de baume sur mes lèvres contre le froid mordant. Je devrais peut-être camoufler mes cernes mais s'ils me permettent d'effrayer certaines personnes qui seraient tenter de m'approcher, mes cernes sont mes meilleurs alliés.
Je ne suis toujours pas très adepte au concept « je me fais plein d'amis ». Suis-je asociale ? Probablement. Enfin, je ne vais pas grogner dès que quelqu'un m'approchera, je resterai polie mais je n'encouragerai pas vraiment la conversation sur la pente de la discussion ouverte. Dit comme ça, on pourrait penser que les soirées sont une corvée.
Ce n'est pas le cas. J'adore les soirées. Et je ne critique absolument pas ceux qui ont cette faculté incroyable de se lier d'amitié avec le premier venu, mais rencontrer de nouvelles personnes veut dire faire connaissance et faire connaissance signifie parler de soi et je déteste parler de moi. Je ne veux pas répondre quinze mille fois aux mêmes questions « Ah mais tu es la fille de Simon Flord ? La chance ! Mais il est fait quoi ton père ? Il travaille sur un projet top secret ? Et sans ta mère ce n'est pas trop dur ? Elle doit te manquer non ? » Voilà ce que je veux à tout prix éviter.
Je me contente de mon cercle et ça me suffit.
La soirée a lieu dans le bar où nous sommes allés le mois dernier. L'endroit est branché, assez grand pour contenir une ribambelle d'étudiants et a été réservé spécialement pour les ingénieurs. Cette-fois-ci, je m'y rends seule car j'ai choisi de manger avec mon père au lieu de rejoindre les autres dans un restaurant rapide.
A mon grand étonnement, papa m'a demandé comment s'était passée ma semaine, si mes cours étaient intéressants et si on avançait sur notre projet. Ce sont les seules questions qu'il m'a posées mais c'est déjà énorme. Il a semblé tout penaud quand il me l'a demandé, comme s'il était gêné de s'en intéresser que maintenant. Ce qui devait être le cas.
J'ai répondu à ses questions avec un enthousiasme sincère en espérant le lui transmettre également. Il a principalement hoché la tête et marmonner quelques réponses vagues, mais je pense qu'il m'a vraiment écouté.
Je suis en train de mettre mon manteau lorsqu'il apparait au seuil de ma porte. Il semble hésiter et fuit mon regard. Il se racle la gorge.
— Est-ce tu pourras m'envoyer un message lorsque tu seras sur place ? Et un autre quand tu pars ?
J'ouvre de grands yeux étonnés et je sens ma gorge se nouer. Je dissimule mes émotions en lui souriant.
— Bien sûr.
— Cool. Bonne soirée.
Je passe devant lui et j'hésite. Deux secondes. Je m'approche et dépose un baiser rapide sur sa joue non rasée.
— Merci papa.
Il semble aussi surpris que moi par cet élan d'affection mais ne dit pas un mot. Je lui souris une dernière fois avant de quitter l'appartement, puis ma résidence pour ensuite me diriger vers la station de tram. Lorsque j'arrive au pied du Dirigeable un quart d'heure plus tard, il y a une queue monstre.
Je prends mon mal en patience, en me demandant si j'arriverai avant que la soirée se termine. Finalement, quand j'entre enfin dans le bar, la plupart des étudiants sont déjà arrivés. Je laisse le superflu au vestiaire tout en gardant un petit sac avec mon Numécran et mon argent. J'ai envoyé un message à Lacy qui m'a avertie qu'ils avaient trouvé deux tables hautes sur lesquelles s'accouder. Je préviens aussi mon père que je suis bien arrivée.
Quand je pénètre dans la salle principale, une vague de chaleur me percute alors que la musique fait vibrer les murs. Je manque me faire percuter par un garçon qui tient à peine debout. Je ne rate pas non plus les regards que me lancent un groupe de gars sur ma droite. L'un deux me sourit mais je me détourne et m'enfonce dans la marée humaine à la recherche de mes amis.
Le bar circulaire est assailli de toutes parts, je ne sais pas comment je vais réussir à me commander à boire. Tout en avançant, j'entends des bribes de conversation.
— Il est trop beau...
— Va lui parler...
— Mon vomi avait une couleur vert pomme tu crois que c'est normal ?
— Je déteste ces soirées. Tu crois que c'est sexy un mec bourré qui ne sait pas articuler ?
Un couple est à deux doigts d'en venir aux mains. Oh mais tiens, je crois bien que c'est le même couple que l'autre fois. Celui qui s'engueulait déjà. Peu importe, je continue mon chemin. La foule devient moins dense dans le fond de la salle, ce qui me permet de repérer mon groupe d'amis à une vingtaine de mètres. Je suis surprise de voir Jack parmi eux. En revanche, Noam n'est pas avec son acolyte.
Au moment où je me fais cette réflexion, je le repère un peu plus loin, en grande conversation avec deux autres garçons et deux filles. L'une d'elles semble particulièrement intéressée par Noam puisque qu'elle le dévore du regard tout en lui touchant le bras. Il est particulièrement beau ce soir. Il porte un t-shirt blanc uni qui fait ressortir sa peau mat, et ses yeux ont une couleur étincelante dans la semi-pénombre du bar. Sa fossette gauche est visible alors qu'il offre un sourire éclatant à la jeune femme. Il ne semble pas non plus insensible à son charme.
Je devrais me réjouir. Je devrais être contente qu'il s'intéresse à une autre fille. Je ne le suis pas. Mais comme toujours, je choisis de faire taire cette voix dans ma tête, qui prend de plus en plus de place, et qui me demande de laisser une chance à Noam. Si tant est qu'il en existe encore une.
Au moment où je m'apprête à tourner la tête, il lève la sienne et son regard vient directement accrocher le mien, comme s'il avait senti que je l'observais juste avant. Un voile d'étonnement s'abat sur ses yeux alors qu'il me détaille de la tête aux pieds. Je sens un frisson parcourir mon corps face à son regard pénétrant. Un sourire voit le jour au coin de ses lèvres et je sens mon cœur entamer une valse frénétique.
Je ne saurais mettre un nom sur l'expression qui traverse ses traits à ce moment mais elle me donne des bouffées de chaleur. Notre contact visuel est brusquement interrompu lorsque la petite brune attrape le bras de Noam, ce qui lui fait tourner la tête vers elle.
Je me rends alors compte que je suis restée plantée là, tel un pot de fleurs décoratif, dans un bar bondé. Je ne cherche pas à savoir si Noam me regarde à nouveau, je reprends mon chemin et j'arrive vers mes amis.
Jack me repère le premier.
— Bébé Flord ! s'exclame-t-il.
J'ai la forte envie de vérifier si d'autres personnes autour de nous ont entendu mon surnom mais je me force à passer outre cette angoisse futile. Qu'est-ce que des étudiants, qui ont envie de faire la fête, en auraient à foutre de mon nom de famille ? Il faut vraiment que je me calme de ce côté-là.
— Bonsoir tout le monde, vous allez bien ? les salué-je.
— J'ai peut-être mangé un burger de trop, fait remarquer Max, mais sinon ça va.
Lacy vient m'embrasser sur la joue et nous venons nous placer à côté de Syd qui sirote un cocktail. Elle détaille ma tenue avant de me sourire joyeusement.
— Cette robe est magnifique.
— Je confirme, appuie Lacy. Elle est nouvelle ?
— C'est un des derniers cadeaux de ma mère... je ne l'avais encore jamais mise.
Elles me contemplent avec tendresse et bienveillance et Syd me prend la main pour la serrer d'un geste compréhensif.
— Je te trouve rayonnante.
— Merci Syd.
Je me rapproche discrètement d'elle.
— Toi aussi tu es très en beauté, dis-je avec un discret coup d'œil en direction de Jack.
Elle a relevé ses cheveux frisés en un gros chignon qui dégage sa nuque fine, et elle porte une combi-pantalon noire très classe. Comme moi, elle est assez habillée pour une soirée sans pour autant se démarquer de façon « sexy ». Sydney et moi, nous sommes un peu pareil. Nous n'aimons pas attirer l'attention.
Cependant, il y a bien une personne qui a remarqué combien cette jeune femme était aussi belle que douce et gentille. De l'autre côté de la table, Jack lorgne vers elle alors que Max lui explique je ne sais quoi mais je distingue les mots « burger », « avarié », « malade » et « toilettes ». Je ne préfère pas savoir.
— Je crois qu'un certain garçon l'a remarqué également, ajouté-je.
Sydney pique un fard mais évite soigneusement de regarder vers Jack. Elle secoue la tête.
— Non, je ne crois pas.
Lacy et moi échangeons un regard entendu. Nous avons bien remarqué qu'ils se lançaient des petits coups d'œil interposés. Sydney est trop timide et peu sûre d'elle pour penser que Jack s'intéresse à elle et ce dernier ne voit jamais lorsqu'elle le regarde. Je ne sais pas si Jack se demande aussi s'il plaît à Sydney, mais lui qui est si à l'aise habituellement, je le trouve bien réservé.
— Et moi je crois que tu plais sincèrement à Jack, Syd. Et je pense qu'il te plait aussi.
Lacy hoche la tête pour appuyer mes propos. Sydney déglutit nerveusement et fuit mon regard.
— Non... Enfin... euh... peut-être mais...
Elle reprend sa respiration.
— Mon dieu, je ne suis qu'une empotée, je ne sais absolument pas quoi faire. Ça me fout la trouille.
— Qu'est-ce qui te fait peur, ma belle ? demande sincèrement Lacy.
— On n'est pas obligé d'en parler si ça te met mal à l'aise, ajouté-je.
— Je vous fais assez confiance pour arriver à me confier, ne vous en faites pas.
Elle se tourne vers Lacy.
— Je ne sais pas trop de quoi j'ai peur. Des garçons en général. Ils m'impressionnent je pense. J'ai toujours peur de dire une connerie et de passer pour une imbécile, ce qui est tellement... débile. Je ne devrais pas avoir à me rabaisser pour un garçon, ni me sentir bête d'être qui je suis. C'est juste que... c'est moi. J'ai bien conscience que j'ai un gros manque de confiance en moi et j'y travaille mais ce n'est pas évident.
Sydney se connait mieux qu'on ne la connaitra jamais et elle sait quelles sont ses plus grandes peurs. Elle ne se ment pas à elle-même et semble avoir plutôt bien analysé la situation.
— Il faut que tu le sentes au fond de toi. Ne te mets pas la pression, la rassuré-je. Et attention : arrivée de la phrase bateau dans trois... deux... un... ça arrivera quand ça arrivera.
Elle rit et lance un rapide coup d'œil derrière elle, où se trouve Jack. Max est toujours lancé dans son monologue et j'ai bien l'impression qu'il a perdu Jack.
— J'ai ma petite zone de confort, reprend Sydney. Et sortir avec un garçon, c'est m'éloigner de cette zone. Je déteste être dans l'inconnu, c'est tellement stressant et anxiogène. Alors je fais comme si je ne voyais rien. Alors que je veux être comme tout le monde ! Je dévore des putains de romances en espérant vivre ce genre d'histoire bordel. Enfin, ça dépend de certaines mais vous m'avez comprises. Je suis trop romantique et sentimentale, ce n'est pas la vraie vie.
— Sydney, fait Lacy. Tu es comme tout le monde. Tu crois vraiment que les personnes présentes ici ont déjà toutes eu un copain ou une copine, ou ont couché avec quelqu'un ? Je suis sûre que non. Et puis même si tu étais la seule, il n'y a pas de quoi être gênée.
— Je le sais ça. Je me le dis constamment : « Sydney ceux qui pourraient se moquer de toi sont de sales cons sans aucune personnalité ». Mais la seconde d'après, je me dis que j'ai un très gros problème et que je devrais aller consulter.
— C'est la norme sociale qui te fait croire ça, avancé-je. La peur du jugement si tu n'es pas « comme tout le monde ».
— C'est exactement ça, acquiesce Sydney. Des fois, j'arrive à me rassurer et à me dire que je ne devrais vraiment pas me stresser pour ça mais d'autres fois, cette confiance disparait...
— Dis-toi une chose ma poule, intervient Lacy en lui prenant la main. Si une personne se moque de toi parce que tu n'as jamais eu de copain, fuis-la. Et surtout ne laisse pas ses paroles avoir raison de toi. C'est elle qui a tort. Je suis d'accord avec Leigh, un jour tu auras pleinement confiance en toi et tu trouveras quelqu'un. Ne te rabaisse jamais.
— Et surtout, ne pense jamais que tu seras plus heureuse lorsque tu auras un copain. Car ça voudrait dire que les femmes sont malheureuses sans un homme dans leur vie. Tu es belle, intelligente et adorable, tu n'as pas besoin d'un garçon pour t'épanouir. Le copain, c'est la cerise sur le gâteau. Un gâteau sans cerise, c'est bon malgré tout mais la cerise sans le gâteau ? C'est juste une cerise. Tu me suis ?
Sydney éclate de rire.
— J'ai saisi le principe, oui. Ça ne va pas se faire du jour au lendemain mais merci. Ça fait du bien ce genre de conversation.
Nous lui offrons un sourire encourageant avec de parler de choses et d'autres. Un groupe bruyant vient s'installer à côté de nous et certains garçons bien alcoolisés sont chahuteurs. Ils donnent quelques coups à Lacy, qui est la plus proche d'eux, et je vois monter la colère et l'exaspération dans ses yeux bleu ciel.
Nous nous décalons mais rien n'y fait, un grand costaud titube et vient la bousculer. Il ne s'excuse pas alors que ses amis rigolent. Lacy voit rouge. Elle pivote sur ses talons, s'approche du groupe et vient taper de son index énervé l'épaule du mec bourré. Celui-ci se retourne et la dévisage d'un air agacé. Il est tout rouge, et il la domine d'au moins deux têtes mais Lacy ne se démonte pas.
— Dis donc trou de balle, t'as pas l'impression d'empiéter sur l'espace personnel des gens à tout hasard ?
— Hein ?
Ses amis commencent à observer la scène également.
— Je te demande si tu as remarqué que tu nous écrasais les pieds depuis vingt minutes ? répète-elle en nous désignant.
— Ah bon ? bafouille-t-il. Ouais, bah pardon, t'es petite aussi, c'est difficile de te voir.
Lacy a un mouvement de recul.
— Ecoute moi bien mon grand. Ma taille n'a rien à voir là-dedans. T'es juste un grand dadais qui est trop bourré pour voir qu'il nique la soirée des autres.
— C'est bon, ça va, intervient un garçon de l'autre groupe.
— Non justement, reprend-elle plus doucement en le regardant. Votre pote est déjà pété comme un coing, surveillez-le et faites-en sorte qu'il ne gêne pas les autres. Merci et bonne soirée.
Elle revient vers nous en réajustant ses cheveux, visiblement soulagée d'avoir enfin évacué sa frustration.
— J'ai besoin d'un verre. Toi aussi, ajoute-elle à mon intention. Tu n'as rien pris depuis que tu es arrivée.
— Le bar était pris d'assaut.
— Viens, je vais te libérer le passage moi ! Sydney ?
— J'ai pas encore fini le mien, répond-elle en levant son verre de cocktail à moitié plein.
Lacy m'entraine à sa suite et nous nous faufilons entre les personnes. Je jette un coup d'œil à l'endroit où se tenait Noam une demi-heure plus tôt mais il n'est plus là. Il n'est pas non plus venu rejoindre Jack. La brunette doit probablement lui lécher le visage dans un coin sombre.
J'ai une soudaine envie de me baffer.
Il faut impérativement que je détruise cette jalousie futile à grands coups de batte. Noam me plaît. Enormément. Mais nos échanges restent toujours superficiels. Je me crispe et change de sujet dès que ça devient trop personnel. Et ça, c'est la raison pour laquelle un flirt n'ira jamais plus loin. Je n'ai aucunement le droit d'être jalouse alors que je veux éviter une relation.
La foule est toujours aussi dense autour du bar. Même si certaines personnes ont un verre à la main, elles restent clouées sur leurs jambes au lieu de laisser la place à d'autres. Lacy prend les choses en main. Elle joue des épaules et des coudes et nous fraie un passage vers le bar.
— C'est moi ou il manque une certaine logique à certains ? dit-elle en observant un groupe particulièrement statique qui ne semble pas remarquer qu'il gêne le passage.
Lorsque nous revenons à notre table, j'ai l'impression qu'il s'est écoulé des heures. Jack a disparu, mais Max et Sydney discutent toujours. Je trouve que Max fait une drôle de tête. Le groupe bruyant d'à côté est également parti, ce qui fait plaisir à Lacy.
Nous parlons de tout et de rien mais aussi d'Amanda, qui n'a pas envoyé un seul message à aucun d'entre nous depuis ce fameux midi où j'avais poussé une gueulante.
Lacy et Sydney finissent par rejoindre la piste de danse alors que nous restons pour terminer nos verres avec Max.
— Je ne sais pas si je vais me reprendre à boire, avoue-t-il en se tenant le ventre.
Il semble un peu pâle. Son éternel sourire est un peu de travers, comme s'il se forçait. J'ai l'impression qu'il va être malade.
— Ça n'a pas l'air d'aller Max.
— Ouais. Je crois que le deuxième burger ne passe pas du tout. Je me suis dit que la gêne disparaitrait mais là... (Il croise les bras sur la table et pose son front sur ses mains.) Je vais juste me reposer un peu.
Je m'apprête à lui conseiller de rentrer chez lui quand mon regard se pose sur quelqu'un à plusieurs mètres de nous. C'est Noam. Il est seul avec la brune de tout à l'heure. Elle a un grand sourire aux lèvres alors que Noam lui dit je ne sais quoi. Il semblent assez proches, et je me demande si cette fille ne serait pas une amie de Noam, voire plus.
Max fait un drôle de bruit à côté de moi, ce qui détourne mon attention du duo.
— Tu devrais rentrer chez toi, lui conseillé-je en frottant son dos puis j'ajoute en plaisantant : je te préviens, si tu me vomis dessus, je te plante ici comme un con et je fais comme si je ne te connaissais pas.
Il marmonne des paroles inintelligibles.
— T'as envie de gerber Max ? commencé-je à m'inquiéter.
— Je sais pas, dit-il en redressant lentement la tête.
Misère, son teint est carrément verdâtre maintenant. Ses yeux s'ouvrent rond comme des soucoupes.
— Oui. Je crois que je vais gerber.
— Fonce aux toilettes !
Il n'attend pas la fin de ma phrase pour s'y précipiter. Pitié, faites qu'il y arrive avant de dégobiller sur quelqu'un. Il bouscule plusieurs personnes au passage mais personne ne semble se rendre compte de l'urgence de la situation. Je le perds des yeux avant de remarquer que Noam et la fille brune ne sont plus dans les parages.
Bon, je suis désormais seule à ma table, avec mon verre pour seule compagnie. Je décide de le finir tranquillement en surfant sur mon Numécran avant d'aller voir si Max va bien.
C'était une erreur.
Ma respiration se bloque alors que le bruit des verres qui s'entrechoquent et des conversations disparait progressivement. Je sens l'étourdissement me monter à la tête lorsque je découvre les titres des nombreux articles proposés sur mon Numécran. Ils disent à peu près tous la même chose.
« L'entreprise Flord sur le point de couler ? »
Je clique sur différents articles et lis en diagonale ce que les journalistes savent réellement.
« Selon des sources fiables, certains investisseurs refuseraient tout nouveau partenariat avec l'entreprise Flord. Les raisons ? L'entreprise n'a plus proposé de nouveautés depuis la mort de Caroline Flord. Cela fait également plusieurs mois que Simon Flord n'a pas posé un pied dans ses locaux. Que faut-il en déduire ? Apparemment... »
Le reste de l'article contient diverses suppositions sur l'état physique et mental de mon père. J'en grince des dents. Ça ne cessera donc jamais ?
Je n'en reviens pas que l'info ait fuitée. Ça fait déjà plusieurs heures. John n'était pas le seul à être au courant de ces informations, ça peut venir de n'importe qui dans l'entreprise. Sûrement d'une personne qui ne sait pas que mon père a accepté de revenir sur le devant de la scène d'ici quelques semaines. J'espère que John trouvera l'abruti qui a pensé se faire de l'argent en déblatérant des choses horribles sur mon père.
J'éteins mon Numécran et le fourre dans mon sac avant d'avoir la stupide idée de le balancer contre le mur. Je ne supporte plus cette attention constante et malsaine sur notre famille. J'aimerais qu'on nous foute la paix.
Je bois le reste de mon verre cul sec, puis je le pose sur la table d'un geste trop brusque. Il est temps d'aller voir comment va Max et de penser à autre chose.
Je m'élance d'un pas décidé et rapide, tel un hippopotame enragé. Même si cet animal a disparu depuis longtemps, je garde le souvenir d'une bête assez dangereuse malgré son aspect inoffensif, et à ce moment, je m'identifie à lui.
Alors que j'arrive au milieu du bar, une personne me percute. Ou du moins, je percute quelqu'un. Enfin bref, nous nous percutons l'un l'autre assez fort pour que ça me fasse mal. Je relève la tête pour m'excuser mais les mots meurent sur ma langue.
Elias me regarde d'un œil énervé et arrogant mais j'y lis également un éclat malsain.
Et je sais que je ne vais pas pouvoir rejoindre Max tout de suite.
***
Ouloulouh ce suspense !!
Comme d'habitude j'espère que ce long chapitre vous aura plu !
La bise !
Eiouam
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