Chapitre 13
Le lendemain midi, Lacy m'accompagne pour aller laisser un mot sur le panneau d'affichage numérique des étudiants en Mécanique. Luca a écrit un message d'encouragement à Cléo sur notre groupe de discussion lorsqu'il a appris la nouvelle, puis nous avons convenu du message que nous laisserions sur le tableau.
Heureusement, le service d'inscription n'est pas très strict concernant les départs ou arrivées de personnes dans un projet. On aura juste à aller modifier les noms dans le dossier. En revanche, une fois que nous enverrons notre projet papier fin mars, on ne pourra plus faire machine arrière.
Il n'y a personne devant le panneau lorsque nous arrivons, ce qui m'inquiète pour la suite. Si aucun étudiant ne consulte les messages, nous aurons peu de chances de trouver quelqu'un. Lacy pianote sur le clavier tactile et recopie le texte que nous avons écrit sur un papier. Il précise que nous cherchons un étudiant en troisième, quatrième ou cinquième année de Mécanique, pour le concours. Nous ne révélons pas la nature du projet mais on a essayé d'y mettre un peu d'attrait, au moins pour attiser la curiosité. Nous y avons ajouté le mail étudiant de Lacy pour nous contacter.
Des personnes vont et viennent derrière nous mais aucune ne fait mine de s'arrêter. Lacy semble perplexe également.
— Tu penses qu'il y en aura au moins un qui ira regarder ?
— J'espère. Viens, on va se mettre près de porte. On attend un peu pour voir.
Nous nous déplaçons à une vingtaine de mètres et, pendant les dix minutes que nous restons, pas un seul étudiant ne frôle le panneau. Nous repartons un peu découragées.
Deux heures après le début de notre cours de l'après-midi, alors que je tape sur ma calculatrice, Lacy me donne un grand coup exalté dans la jambe.
— J'ai déjà reçu deux mails pour notre annonce ! chuchote-t-elle gaiement.
— Tu as leurs noms ? Leur année d'étude ?
— Attends, je regarde.
Elle clique sur le premier mail et son visage se teinte d'étonnement. Un grand sourire étire ses lèvres lorsqu'elle découvre l'auteur du deuxième mail. J'ai un mauvais pressentiment. Elle finit par se tourner vers moi et me glisser son Numécran.
— Un certain Noam Cray et un certain Jack Evans, étudiants de quatrième année, seraient intéressés.
— C'est une blague, dis-je en m'emparant du Numécran.
— Je ne sais pas ce que tu lui as fait, mais ce Noam est totalement ensorcelé.
— Je ne comprends pas, je poursuis en l'ignorant. Ils se sont inscrits avec Elias.
— Tu veux dire qu'ils s'étaient inscrits avec Elias. Apparemment ils ont changé d'avis.
Je fais immédiatement le lien avec la veille. Je ne me serais jamais attendue à ce que Noam quitte le groupe d'Elias, même s'il avait été odieux avec moi. Je ne sais pas trop quel est son but en voulant nous rejoindre. Veut-il simplement nous aider ? Ou davantage ? Noam n'est pas bête, il a bien compris quelles étaient mes intentions le concernant.
— Et on dirait qu'ils ne nous laissent pas vraiment le choix, se marre Lacy. Regarde la suite du mail de Noam.
On vous retrouve après votre cours, à la sortie de votre amphi.
— Est-ce que ça te gênerait de les laisser venir sur le projet ? me demande Lacy. Avec Noam ?
Je prends quelques secondes pour y réfléchir.
— Non, bien sûr que non. Je crois qu'il a compris. Entre mon super caractère et notre conversation d'hier, je ne suis pas sûre qu'il continue de flirter.
— Serait-ce du regret que je vois dans tes yeux ? Tu n'es pas si insensible que ça à son charme hein ? fait-elle en jouant des sourcils.
— Je ne l'ai jamais été, avoué-je. Je suis attirée par lui. Mais l'attirance mène ensuite à d'autres choses plus sérieuses, et ce n'est pas ce que je recherche. Je suis vraiment honnête avec moi-même quand je dis que je ne veux pas de copain. Et je n'ai rien fait pour lui faire croire le contraire.
Je fais une pause.
— Sauf la fois où je l'ai bêtement reluqué au bar.
— Il semblerait qu'il aime ton côté ronchon et sarcastique. Mais rien ne t'oblige à ce que ça devienne sérieux. Tu pourrais t'amuser un peu...
Ma meilleure amie me connaît, elle sait que ce n'est pas mon genre.
— Ça deviendrait compliqué tôt ou tard. Et je ne me sentirais pas à l'aise dans tous les cas.
— Je sais, j'ai mis cette idée sur la table au cas où.
— Quoi qu'il en soit, le projet reste plus important que mes états d'âme, donc si personne d'autre ne se propose... Allons-y pour Jack et Noam.
Lacy m'adresse un sourire entendu et nous nous reconcentrons sur le cours. Il se termine deux heures plus tard et nous n'avons pas reçu de nouvelles candidatures. Il faut se rendre à l'évidence : Noam et Jack sont deux cadeaux tombés du ciel.
Je les repère dès que nous franchissons les doubles portes. Des types de leur taille, ça se remarque. Un sourire éclatant étire les lèvres de Jack qui nous fait de grands signes de la main, comme si on ne l'avait pas vu. A côté de moi, Lacy rit de son attitude.
— Il a les expressions et attitudes d'un gosse de cinq ans, fait-elle remarquer.
— Sauf qu'il en a vingt-deux.
Après avoir traversé la marée humaine, nous arrivons enfin devant eux. Je les salue sans oser regarder Noam. Après nos deux derniers échanges, je ne suis pas particulièrement à l'aise. Mais si je l'ignore, il aura une autre raison de croire que mon comportement lunatique a tout à voir avec lui, alors je lui lance un coup d'œil.
Noam capte mon regard comme s'il attendait justement ce moment. Un large sourire taquin vient progressivement étirer ses lèvres, signe que tout malaise s'est envolé, et je ne peux m'empêcher de lui renvoyer son sourire. Mais je ne reste pas à le fixer bêtement. Quelques secondes de plus et cet échange silencieux prenait une toute autre signification.
— Alors comme ça, commence Lacy, vous voulez rejoindre notre projet ?
— Bravo Sherlock, répond Jack en tapant dans ses mains.
— Et l'autre gros connard ? ajoute-elle en l'ignorant.
Noam me jette un coup d'œil avant de poursuivre.
— Disons qu'il nous a fait une très bonne impression la dernière fois. Il nous a vendu du rêve. Dix sur dix pour le respect de l'autre, et on ne pense pas qu'on sera à la hauteur.
— Du coup, on l'a largué, termine Jack. On préfère travailler avec des personnes qu'on apprécie... et qu'on peut battre au billard.
Lacy se renfrogne. Elle lance un regard meurtrier à Jack.
— Attendez la prochaine partie les gars, avant d'en faire une généralité.
— Vous avez maintenant deux étudiants en Mécanique à votre disposition, enchaîne Noam. Vous voulez qu'on passe un entretien, qu'on vous donne notre CV ? ajoute-il en plaisantant.
Je tends mon bras devant eux et leur présente ma paume ouverte vers le ciel.
— Très bonne idée. Vous n'avez qu'à les ajouter à la longue liste de candidatures qui nous sont déjà parvenues, dis-je en désignant ma paume vide.
Ma meilleure amie hoche vigoureusement la tête.
— Les photos sont essentielles dans le choix, n'hésitez pas à en mettre la tonne.
Les garçons échangent un regard amusé.
— On est embauché donc ? suppose Jack.
— Du moment que vous vous débrouillez en cours, ça nous va, je réponds.
Jack se racle la gorge, comme s'il s'apprêtait à déclarer un grand discours.
— Mesdames, commence-t-il en désignant Noam d'une torsade du poignet, je vous présente l'un des meilleurs étudiants ingénieurs de sa génération. Dès sa première année, il a ébloui tous ses professeurs !
— Ça va, ça va... tente de le couper Noam en le tapant doucement sur le torse.
Jack l'ignore et hausse la voix. On dirait qu'il présente le dernier produit marketing à la mode.
— En troisième année, il trafiquait les robots ménagers de la fac en l'espace de dix minutes ! C'est un futur génie. Comme bébé Flord devant nous, ajoute-il en me désignant.
Je suis surprise d'entendre ce surnom dans la bouche de Jack, mais étonnamment, il ne m'horripile pas. J'aime bien Jack. Il est naturellement à l'aise, ce qui ajoute à son charme.
— Et toi ? lui demandé-je.
Il hausse les épaules.
— La moyenne et moi, on est plutôt bons copains.
— Vous voyez ce type qui arrive à s'en sortir en n'ayant pas révisé ? intervient Noam. C'est Jack.
Lacy se tourne dans ma direction.
— Oh mais tiens ! Regardez-ça, nous avons un individu de la même espèce à ma gauche, dit-elle en me désignant.
Le visage de Jack s'illumine comme un sapin de Noël.
— Alors toi aussi, tu fais partie de cette team de gens horripilants que tout le monde envie et déteste en même temps ?
Je viens cogner mon poing dans le sien pour approuver.
— Tout ça pour dire, reprend Noam, qu'il pourrait très bien être major de la promo s'il le voulait.
— Oui, peut-être, mais je me satisfais de ma moyenne.
Ils se tournent tous les deux vers nous, attendant visiblement une réponse. Ma meilleure amie déclare alors :
— Parfait ! On vous engage !
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