Chapitre 5

Toujours allongée sur le canapé et recouverte de cendres opaques et poisseuses, je n'osais pas un mouvement. L'être magnifique à l'origine de la mort spectaculaire du démon ne sembla pas non plus vouloir se déplacer.

Les cheveux mi-longs, d'une couleur aussi sombre que la nuit, lui tombaient sur les épaules. Même la couleur si particulière de ses yeux restait la même que dans mon souvenir. Un nitrate aussi pénétrant qu'un pieu, aussi glacial que le métal. Lysandre restait le même homme que j'avais tué il y avait plus d'un an.

Pas un homme, un ange.

Pourtant, une chose paraissait différente. Son sourire avait disparu. Ce sourire qu'il avait toujours eu l'habitude d'arborer stupidement en me regardant. À présent, sa mâchoire était contractée et la colère se lisait dans son regard.

Nous restions ainsi tous les deux à nous dévisager. Qu'allait-il faire ? Et pourquoi se trouvait-il ici ?

— J'ai réussi à retrouver ta trace grâce au collier que je t'ai offert.

— Le collier ?

— Il me prévient dès lors qu'un danger est proche de toi. Cela m'a mené à un démon qui avait rendez-vous avec une jeune femme ce soir. Ici.

Voilà qu'il lisait dans mes pensées, répondant à mes questions muettes...

Il devait parler du démon qui, à présent, n'était qu'un tas de cendre sur mon corps.

— Je tourne le dos un an et je te retrouve à fricoter avec d'autres hommes.

Fricoter ? Mais il n'était pas bien dans sa tête !

— Le père Jean m'a expliqué que tu étais une pécheresse et il m'a détaillé ton travail. À partir d'aujourd'hui, tout ça se finit. Tu n'iras plus combattre des créatures. Je refuse que tu remues ton derrière devant d'autres personnes.

Cet enfoiré... Je vais le tuer. Une seconde fois.

Comment osait-il m'insulter ainsi ?

Soudain la porte de l'appartement s'ouvrit en grand et des chasseurs entrèrent en trombe. Lysandre détacha ses yeux furieux de moi et j'en profitais pour récupérer ma dague au sol. Aussitôt en main, je sautais sur l'ange. Mais au lieu d'être touché, Lysandre attrapa mon poignet en plein vol et me saisit de sa main libre par la gorge. D'un mouvement rapide et habitué, l'ange me plaqua contre le mur, me forçant à lâcher mon arme.

Le choc de mon dos contre cette dureté créa un frisson de douleur dans tout mon corps. Je n'osais même plus bouger, de peur de me faire plus de mal qu'autre chose. Et en entendant un craquement derrière moi, je me demandais si le mur n'endurait pas plus de souffrance que mon pauvre dos.

Lysandre relâcha ma main, à présent inoffensive sans mon arme, mais garda toujours sa prise sur ma gorge, le bras tendu pour garder une certaine distance de sécurité entre nous. Je n'étais pas sous-estimée, et ça n'aidait pas à me libérer de cette situation épineuse et imprévue. Il se tourna ensuite vers les chasseurs qui armaient leurs pistolets pour tirer contre lui. Sa main libre se tourna vers eux, s'illuminant d'une lumière aveuglante. Je fermais les yeux en poussant le même cri de douleur que les chasseurs.

Mais la lumière était si intense, et ma curiosité sans limites...

Je me risquais à entrouvrir les yeux.

— N'ouvre pas les yeux ! Idiote ! aboya Lysandre alors que je m'apprêtais à commettre l'irréparable pour ma vue.

Gardant les yeux fermés, j'attendis. Finalement, la curiosité était un vilain défaut dont je devais me débarrasser.

Et lorsque je sentis derrière mes paupières que la lumière s'affaiblissait, je m'autorisais à les rouvrir. Des points rutilants me bloquaient la vue en de petites taches, mais ils ne tardèrent pas à partir. Je m'habituais de nouveau à la clarté moins intense de la pièce.

Les chasseurs étaient au sol. La plupart inconscients, aucun n'était mort. L'un d'entre eux se releva, les yeux plissés.

— Nino ! hurlais-je alors qu'il levait son arme vers Lysandre.

Mais l'ange sourit tandis que Nino avait la main aussi tremblante que ses jambes. Mon ami s'effondra comme un jeune faon tout juste naissant, n'arrivant plus à tenir debout.

— Tu es plus fort que les autres, je te l'accorde. Mais tu restes un simple humain. Une seule personne a réussi à me tuer. Et tu ne lui arrives même pas à la cheville.

Alors Lysandre se tourna vers moi, me scrutant toujours avec cette colère que je ne lui connaissais pas.

— Il ne me serait jamais venu à l'idée de te détester parce que tu m'avais tué, Virginia.

— Si tu es encore en vie, c'est que je n'ai pas réussi à achever ma mission.

— Le père Jean m'a maintenu en vie alors que je basculais, sinon je ne serais plus de ce monde depuis longtemps. La blessure que tu m'avais infligée était mortelle. Je suis même impressionné de voir qu'une simple mortelle ait réussi à trouver le point faible des anges aussi facilement. La plupart pensent qu'il faut toucher le cœur ou bien nous décapiter.

Ces suppositions semblèrent amuser Lysandre. Pourtant, n'était-ce pas le cœur que j'avais visé pour tuer cet ange ?

— J'aimerais bien revoir cette lame si spéciale que tu as utilisée pour m'abattre, mon ange.

Alors cela venait de ma fine lame ? Il ne s'agissait pas d'une arme angélique...

Me gardant plaquée contre le mur, il utilisa son pied pour soulever ma dague au sol, la faisant sauter jusqu'à lui. Il rattrapa mon arme de sa main libre, l'examinant sous tous les angles.

— Oui, c'était le même métal.

— Elle appartient à ma mère ! Ne la touche pas ! m'emportais-je soudainement tandis qu'il s'empara du précieux objet.

Je me souvenais de très peu de chose sur ma famille. Mais je savais que ma mère avait toujours aimé créer des dagues, des épées, et autres armes tranchantes. Elle forgeait depuis toujours, son père lui ayant transmis le talent et le secret familial. J'aurais dû apprendre, mais le temps m'en avait empêché, détruisant ma famille et ses secrets.

À la place, j'utilisais les armes que ma mère avait fabriquées. C'était ma manière de perpétuer la tradition et d'honorer ma défunte famille.

— Ta mère ?

Mais alors que je voulus lui répondre une insulte cinglante, je sentais que la douleur à mon dos s'était apaisée. Mon genou partit en direction de son estomac. Cela ne lui fit rien. Il ne cilla pas, se contentant de hausser un sourcil.

— Parce que tu penses vraiment que ta force d'humaine peut combattre celle d'un ange ?

— Espèce d'enfoiré ! Je vais te tuer ! commençais-je à me débattre.

Lysandre hocha de la tête, un air pensif alors que son regard contemplait le paysage urbain par la fenêtre.

— Le père Jean m'avait prévenu que ça se passerait comme ça si je n'y allais pas en douceur.

Entendre ce nom de la bouche de Lysandre... C'était trop cruel. Même si je connaissais le père Jean depuis bien plus longtemps que Lysandre, cet ange semblait mieux connaitre celui qui avait été une figure paternelle pour moi durant des années.

— Le père Jean est mort.

Cela me coûtait de devoir lui annoncer une telle nouvelle, non parce que je m'inquiétais de sa réaction, mais à cause de ma propre douleur.

— Je vois. Ce n'est pas étonnant, il possédait un objet plutôt rare.

Insensible à ce décès, Lysandre s'avéra bien plus froid et indifférent que je ne l'aurais imaginé. Néanmoins, une information écarta toutes les autres de mes réflexions.

Un objet plutôt rare...

— Le collier, supposais-je en repensant à cette larme disparue dans mon être.

La main de Lysandre se resserra autour de mon cou à cette parole, me coupant le souffle.

— Que sais-tu au sujet du collier ?

Voyant que je commençais à manquer d'air, Lysandre soupira et me relâcha. Mon corps s'affaissa lamentablement par terre, ma main sur le cou alors prise d'une toux pour reprendre mon souffle.

— De toute manière, je ne suis pas là pour parler du père Jean ou de ce collier.

— Pourquoi es-tu là alors ?

Sa présence ici n'avait pas de sens ! Ou alors, l'arrivée de l'ange s'expliquait pour une raison dangereuse : moi.

— Tu es venu pour te venger, c'est ça ? Tu veux me tuer..., devinais-je sans peine en un rire moqueur. Eh bien fais-le, ne te gêne pas ! Qu'est-ce que tu attends ?

Lysandre pivota brusquement, son regard devenant noir de rage. Son genou se posa à terre, l'ange choisissant de se tenir à ma hauteur. Ses mains ravageuses me poussèrent pour me maintenir contre la solide cloison. Ce ne fut rien d'aussi violent que précédemment, mais la pression était suffisamment forte pour que je ne cherche pas à me débattre. Il glissa un genou entre mes jambes pour rapprocher nos corps. Cette proximité soudaine m'arracha un frisson bien malvenu. Une sensation qui remontait ma colonne vertébrale jusqu'à créer des sensations de bouffées de chaleur dans ma tête. Un goût de nostalgie, de passé...

Comme avant.

— Parce que tu penses vraiment que je me serais déplacé spécialement jusqu'à toi juste pour te tuer ? Ne te surestime pas à ce point. Je n'accorde pas autant d'importance à un humain pour lui faire l'honneur de mourir de mes mains.

Il était d'une arrogance comme on en faisait rarement. Après tout ce temps, j'en avais oublié ce défaut principal de sa personnalité exécrable.

Sa main se déplaça jusqu'au décolleté de ma chemise. Et sans crier gare, il tira dessus, faisant voler mes boutons en éclats.

— Espèce de pervers ! hurlais-je en dirigeant ma main vers sa joue pour le gifler.

Une défense bien misérable pour une pécheresse digne de ce nom. Il attrapa ma main en plein vol, son regard sévère se posant sur ma poitrine.

— Où est-il ? me demanda-t-il alors.

— De quoi ?

— Le collier que je t'ai offert, où est-il ?

Dans ton cul, au fond, à droite. Ensuite, tu continues tout droit avant de tourner à gauche puis encore à gauche et tu devrais le retrouver, aspirais-je de lui rétorquer.

— Je l'ai jeté.

— Imbécile...

Passant sa main derrière ma nuque, il attira mon visage vers lui, le posant au creux de son épaule. Puis il se saisit de ma perruque, l'arrachant brutalement pour révéler ma chevelure sanguine dans une douleur vive qui, pourtant, sembla laisser chacun de mes cheveux intacts. Ses doigts s'aventurèrent sur mon cuir chevelu, le massant, le caressant avec attention et douceur. Ce n'avait rien d'oppressant, mon instinct ne criait pas au danger. Bien au contraire ! Tout du moins, jusqu'au moment où Lysandre empoigna ma tignasse pour la tirer en arrière, obligeant nos visages à se faire face.

Ses yeux capturèrent mon attention, fouillant mes pensées et me laissant me noyer dans son regard perçant. Il posa un doigt sur mes lèvres, le remplaçant par sa propre langue. Lysandre lécha mes lèvres si soudainement qu'il me fut impossible de me rebeller dans l'immédiat. Je sursautais à ce contact. Que lui prenait-il tout à coup ?

Mes deux mains se posèrent contre sa poitrine, se mettant à lutter en lui donnant de petits coups dans l'idée d'être libérée. Alors, ne réagissant à aucune de mes vaines attaques stupides et impuissantes, il plaqua ses lèvres sur les miennes en un geste cruel et dominateur. Sa langue se glissa dans ma bouche, m'offrant un arrière-goût de maquillage.

Ces baisers étaient brusques, et pourtant si doux à la fois... Autrefois, il n'y avait pas eu de fureur, mais du désir. Sa main me tenait, m'empêchant de lui échapper. Son souffle chaud se mêlait au mien, se retenant un égarement sur mon corps. Lorsqu'il me relâcha enfin, mon cœur était affolé dans ma poitrine. Une prompte fièvre s'emparait de ma chair.

— Je m'occuperais du reste ailleurs, déclara-t-il.

— De quoi ?

J'immergeais lentement, reprenant conscience de la situation. Ma situation.

— Je te préfère sans tous ces trucs qui cachent la beauté naturelle dont tu es dotée, continua-t-il en exprimant son souhait de me voir sans mes masques de maquillage.

Je ne parvins pas à contrôler le feu qui montait en moi, faisait rougir mes joues.

Se relevant, il me souleva par la taille et me jeta comme un vulgaire sac à patates sur son épaule.

— Lâche-moi !

— Non, tu es à moi depuis ce jour où j'ai posé mes yeux sur tes cheveux flamboyants. Ce qui m'appartient reste avec moi.

— Et depuis quand je t'appartiens ? Je ne suis pas d'accord ! Je n'appartiens qu'à moi !

Lysandre n'en fit qu'à sa tête, se dirigeant vers la fenêtre alors que j'aperçus Nino qui se relevait tant bien que mal. Ma main se leva vers lui.

— Nino !

Et dès lors, je compris que je ne pourrais jamais oublier ce regard. Nino baissait son arme. Il était impuissant tout autant que moi. Le désespoir acheva ma confiance. Un ange m'emportait pour m'enfermer dans une cage dorée.

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— Je te hais !

Lysandre soupira enfin. J'avais dû réitérer ce genre de harcèlement au moins une centaine de fois avant qu'il ne craque et ait cette réaction.

Enchainée à une chaise, j'examinais les lieux avec un pincement au cœur. Lysandre nous avait emmenés dans cette maison où nous avions vécu trois années ensemble. Trois années de mission que je regrettais en constatant les conséquences. Pas de mission depuis trop longtemps et un kidnapping. C'était suffisant pour ruiner une journée.

Il s'assit dans un fauteuil, près de l'endroit précis où je l'avais transpercé de ma lame. Sans doute ne s'en souvenait-il pas ? J'aurais voulu pouvoir oublier, mais pour une raison ou pour une autre, j'en étais tout à fait incapable. La sensation de la lame pénétrant son corps, le sentiment d'excitation qui ne venait pas, ni même l'impression d'avoir accompli son devoir. Le regard étonné et confus de l'ange prit par surprise. Avait-il ressenti de la trahison à ce moment-là ? Je me fichais bien de la réponse, et cette question n'aurait pas dû exister dans mon esprit. Ma mission avait été acclamée comme un succès au Vatican.

Ce même ange dont je m'étais persuadée de la mort, ce même homme tenait mon sac dans ses mains, ignorant ma présence durant quelques secondes.

— Je suppose que tu ne veux pas que je fouille dedans ?

— Oh, mais vas-y, je t'en prie. Ce n'est pas du tout impoli de fouiller dans les affaires d'une autre personne, déclarais-je sur un ton ironique et sarcastique.

— Je vois, tant mieux si tu le prends comme ça.

Mais c'était qu'il prenait mes mots au pied de la lettre le bougre !

Ouvrant mon sac, il en sortit une boîte. Celle que j'avais récupérée dans les affaires du père Jean. Il tenta de l'ouvrir, mais n'y parvint pas. Il n'avait pas le code. Cela me donnait un net avantage.

Ma pensée ne fut pas partagée à l'unanimité, l'imbécile réfléchissant à un moyen de contourner la règle du « code bon, ouverture de la boîte ».

Il posa la boîte au sol, visant avec sa main alors qu'il envoyait un faisceau de lumière. Le rayon de lumière ricocha sur la boîte, partant droit sur moi. Je n'eus que le temps de fermer les yeux.

— Vi, ça va ? s'enquit de s'assurer Lysandre.

Sa voix trahissait l'inquiétude.

Rouvrant les paupières, je le découvris avec le bras tendu devant moi. Il venait d'arrêter la lumière en faisant bouclier entre moi et son attaque.

J'opinais du chef pour le rassurer. Alors, il se tourna vers la boîte.

— Ce matériel est très spécial. Je ne peux pas l'ouvrir sans le code. Quel est le code, Vi ?

— Tu m'as plaquée contre un mur avec une telle violence que j'ai failli avoir le dos explosé, ensuite, tu m'as étranglée avant de me menacer de viol.

— Je ne t'ai pas violée...

— Tu as déchiré ma chemise, maté mes seins et embrassé sans mon consentement, le coupais-je.

Lysandre baissa les yeux d'un air coupable.

— Et enfin, tu m'as kidnappée pour m'emmener ici afin de m'enchaîner sur une chaise. Oh, et tu as failli me tuer avec tes super-pouvoirs. Et tout ça en quelques heures. Félicitation, tu es condamné à la prison à vie.

— Les règles humaines appartiennent aux humains.

— Parce que les anges ont le droit de faire ça ?

Lysandre grimaça, prouvant très clairement que non, les anges n'étaient pas non plus autorisés à ce genre de comportement.

— En plus, tu fouilles dans mes affaires...

— Tu m'y as autorisée, se défendait-il en me coupant.

— C'était de l'ironie ! En tout cas si tu crois que je vais te passer le code, tu te fourres le doigt dans l'œil.

Je soulevais le menton, fière de ma supériorité en ce moment.

— Qu'est-ce que tu caches dans cette boîte ?

— Mes capotes et mes pilules pour pouvoir coucher n'importe où et n'importe quand sans risquer d'attraper des maladies ou de tomber enceinte.

Bon, ce n'était pas la vérité. Mais Lysandre cherchait vraiment à ce que je lui réponde ainsi.

Mais au lieu de s'énerver, ce dernier eut une mine adorablement boudeuse.

— J'ai compris. Si je veux de nouveau conquérir ton cœur, je ne dois pas te brusquer, murmura-t-il pour lui-même.

Il tourna le visage vers moi, me détachant. Me libérait-il réellement ?

Je lui lançais un regard troublé alors que lui me souriait tendrement. Il tendit sa main vers moi comme pour caresser mes cheveux, mais s'arrêta et la laissa retomber mollement le long de son corps.

— Vi, crois en ces mots s'il-te-plait.

— Je ne comprends rien, Lysandre. Tu me libères ?

Il affirma de la tête.

— Je n'aime pas te voir comme ça. J'espère qu'un jour, tu retrouveras ce sourire qui illuminait ton visage.

Mais ce sourire n'avait été que pure comédie lorsque j'avais vécu avec Lysandre. Mon cœur se serra dans ma poitrine en y pensant. Il croyait en une personne que je n'étais pas. Il n'avait s'agit que d'une identité, un masque.

— Lysandre...

— Je sais, me coupa-t-il de nouveau. Tu es Triple V, tu te comportais comme cela envers moi à cause de ta mission. Seulement, je peux voir à travers tes mensonges, Vi. Je sais qui tu es.

À ces mots, je me pétrifiais sur place. Qu'avait-il réussi à voir en moi que moi-même, je ne parvenais pas à reconnaître ?

S'approchant, il posa un genou au sol, s'agenouillant de façon chevaleresque à mes pieds. Il prit délicatement ma main, l'approchant de son front.

— Vi, je t'attendrais autant d'années, autant de siècles, autant de millénaire qu'il le faudra, pourvu que tu puisses un jour retourner pour moi ces mêmes sentiments que j'éprouve à ton égard.

Il se releva, prenant une mèche de mes cheveux rouges entre ses doigts masculins et magnifiques. Il porta la mèche à ses lèvres, y déposant un doux baiser.

— Vi, je t'aime.

<><><>

La situation paraissait étrange, inédite, mais Lysandre m'avait réellement laissé partir. En retour, il n'avait réclamé qu'une seule contrepartie, si facile à respecter et insignifiante que je ne pouvais qu'accepter. Il avait souhaité que je porte toujours son collier.

Cela ne me coûtait rien. Alors, bien que les raisons d'une telle demande m'échappaient, autant m'y plier. Je n'avais qu'une parole. Ou presque. Mais ce geste avait demandé beaucoup d'effort à l'ange affirmant nourrir des sentiments à mon égard. En sortant de la maison, des bruits effrayants avaient suivi mon départ. Comme si quelqu'un se battait à l'intérieur. Meuble fracassé, verre brisé et rage hurlée.

Lâchant un soupir las, je regardais le panneau d'affichage. Il me fallait passer à autre chose. D'autant qu'à présent, j'allais sans doute devoir m'expliquer avec le Conseil. Lysandre, ma cible, n'était pas aussi mort que je l'avais prétendu et la mission avec le démon d'hier ne s'était pas bien terminée. Un fiasco total. Et à présent que je rentrais à la maison comme si de rien était, les questions et les rumeurs fuseraient de toutes parts.

Mon avion ne décollerait pas avant plusieurs heures. Embêtant.

Lysandre aurait pu m'emmener dans un village proche du Vatican, mais il avait opté pour un vol jusqu'aux États-Unis. Pour un ange, se déplacer de l'Europe jusqu'en Amérique n'était pas difficile, mais pour une humaine, c'était nettement plus long et les billets d'avion n'étaient pas gratuits. D'autant qu'il s'agissait d'une programmation. Je m'estimais chanceuse de ne pas à devoir attendre le lendemain.

— Je déteste l'avion, m'agitais-je dans mon coin.

Tout ça à cause de cet ange !

J'inspirais profondément, cherchant à cesser de m'agiter. Je bougeais comme une girouette, ne tenant pas en place.

Regardant l'heure affichée sur une pendule de l'aéroport, je décidais de retourner aux toilettes, afin de refaire correctement mon maquillage. Mais surtout pour prendre l'un de ces fichus cachets que j'avais réussi à prendre dans une pharmacie sur le chemin.

— Refaisons ce maquillage, décidais-je après avoir avalé la gélule.

Je m'en rendais soudainement compte, mais à aucun moment je n'avais utilisé de déguisement devant Lysandre. Pourquoi avais-je pris un tel risque déjà ?

Parce que la première fois que je suis tombée sur Lysandre, je n'étais pas déguisée.

Une erreur de débutant. Avant de pouvoir entrer dans la vie de ma cible, il me fallut en connaitre davantage sur lui. Alors je m'étais infiltrée dans sa chambre d'hôtel, fouillant ses affaires. On m'avait informé de sa nature d'ange. Ma mission demandait d'être comme un ami pour lui. Je devais donc créer un personnage qui conviendrait aux attentes de ce dernier. Je n'avais simplement pas prévu que ce dernier rentre plus tôt et me surprenne dans sa salle de bain. Il m'avait fallu improviser.

Avec du recul, je trouvais étonnant d'être parvenue à lui cacher ma nature de pécheresse durant tout ce temps.

Poussant la porte des toilettes de l'aéroport, je posais mon sac pour sortir de quoi réajuster mon maquillage. Un rouge à lèvre dans les mains, prête à dénaturer la teinte de mes lèvres, je me figeais devant le miroir. Le tube me glissa des mains, roulant sur le lavabo et tombant au sol.

Qu'est-ce que c'est que ça ?

Je pivotais, écartant mes cheveux pour avoir un visuel sur mon dos. Plus précisément au niveau de ma nuque.

La petite rose tatouée n'était plus du tout discrète. Elle avait fleuri, se colorant même d'une teinte écarlate, presque vive. Des feuilles accompagnaient sa nouvelle tige épineuse.

— Des tatouages qui changent sans raison. Ajoutant ça au bordel qui me tombe dessus depuis la mort du père Jean.

Date dernière mise à jour : 06/07/2024

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