Chapitre 3
— Bien joué ! me félicitait le groupe de chasseur.
Hier soir, après que Nino et moi ayons réussi à récupérer les informations dont nous avions besoin, nous étions directement retournés à Rome. Le temps que l'on revienne, l'aube avait pointé le bout de son nez.
Et à présent de retour en salle de réunion, chacun nous acclamait pour notre réussite.
J'avais posé sur la table le bout de papier que le démon m'avait donné. Mes talents de pécheresse avaient été plutôt utiles puisqu'à présent, nous savions où serait le démon et surtout quand.
J'étais fière de mon travail, mais ni Nino ni Michele ne semblaient ravis. D'ailleurs, que faisait Michele ici ?
— Tu as fini ta mission Michele ? me renseignais-je amicalement.
— Virginia, tu as risqué inutilement ta vie. Ta mission était seulement d'observer, pas de t'infiltrer.
À cette réflexion, je serrais les poings pour m'empêcher de m'énerver.
Le silence s'était fait dans la réunion alors que Michele et moi-même nous défions du regard.
— T'es vraiment..., commençais-je à m'exprimer.
Je secouais la tête, un sourire amer sur les lèvres.
— Pourquoi personne ne veut reconnaître mes talents ? J'en ai marre d'être traitée comme vous le faites toujours tous les deux !
Je fusillais du regard Nino et Michele.
— Vous savez quoi ? Vous n'avez qu'à vous démerder.
Furieuse, et surtout consciente de mon indispensabilité au bien déroulé de la mission, je me dirigeais vers la porte lorsque Nino m'attrapa par le bras, le regard tourné ailleurs.
— Ton travail n'est pas terminé.
Je me mise à rire avant de prendre Nino dans mes bras. Sa phrase signifiait tout simplement « Tu as fait du bon travail, nous avons encore besoin de toi ». Oh, je devenais vraiment douée pour le « langage Nino ».
Michele grinça des dents avant de sortir.
— Ce n'est pas ma mission de toute manière. Faites ce que vous voulez.
Et il claqua la porte, repartant.
L'un des chasseurs siffla.
— Je ne l'avais encore jamais vu autant en colère.
— En tout cas, les pécheresses devraient travailler plus souvent avec les chasseurs. Le travail serait plus efficace, intervint un autre chasseur.
Je hochais de la tête, validant l'idée. D'autant qu'en tant que pécheresse, je pouvais bien avouer que parfois, il arrivait que l'on se sente réellement seule durant une mission. Mais fort était de constater que seule, j'aurais pu achever la mission. Seulement, les objectifs des chasseurs différaient de celui des pécheresses.
Je ne savais pas ce que l'équipe souhaitait du démon, mais il était certain qu'elle ne voulait pas le détruire. Les chasseurs voulaient s'emparer du lieu de résidence de ce dernier.
Je lâchais un soupir, gardant toujours Nino dans mes bras.
— Bon, ce soir Virginia ira au rendez-vous. Lorsqu'elle aura désactivé les sécurités, nous interviendrons.
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Sortant enfin de la salle de réunion, je m'étirais. Je n'avais fait que roupiller. Nino m'avait d'ailleurs sermonné pendant une trentaine de minutes à ce sujet, ce qui avait rallongé la réunion. Et il avait fini par me faire un mini-résumé de moins d'une minute de tout ce qui avait été dit.
Regardant par la fenêtre, j'observais fixement le paysage. Le soleil illuminait le couloir, me berçant de sa chaleur rassurante. C'était dans ce même genre de halo lumineux que je l'avais rencontré. Lysandre.
Ma main se plaqua alors contre mon cœur, contre ce pendentif que je n'avais pas encore retiré. Ce soir. Je l'enlèverai ce soir, me promettais-je dans un murmure.
Mais alors que cette pensée me traversa l'esprit, un cri aigu retentit dans mon dos. Tout le monde dans le couloir se retourna, moi y compris. Et tout en regardant vers la provenance de ces cris, je fus plaquée à terre par... une jeune fille.
La fillette d'une quinzaine d'années se mettait à rire en me tenant dans ses mains alors que je venais de tomber sur les fesses par sa faute.
— Maria, je t'ai déjà dit de ne pas me foncer dessus lorsque tu me vois, grimaçais-je de douleur.
Maria se mit à rire en me fixant du regard. Ses cheveux courts et châtains se baladaient contre sa nuque, coiffés en deux couettes hautes. L'adolescente était une jeune pécheresse magnifique et adorable.
L'innocence était une nouvelle qualité que nous essayions de perfectionner chez les pécheresses. Nous abandonnions petit à petit le « sexy » pour le « pur ». Nous n'en connaissions pas réellement les raisons, mais le côté innocent et pur attirait davantage les monstres ces derniers temps.
Seulement, pour les pécheresses plus âgées, il était difficile de conserver cette aura de pureté.
Je lâchais un soupir déprimé en me rendant compte que j'approchais de cet âge. Et dire que je n'avais que vingt-quatre ans...
— Maria, appela sévèrement une voix féminine mais glaciale.
Maria se pétrifia sur place. Une femme aux lourdes boucles tombant dans le dos s'approchait calmement de nous. L'émeraude de ses yeux verts observait avec une certaine froideur la scène, hésitant entre un instant complice avec nous et nous surveiller à la manière d'une grande-sœur.
Elle m'accorda un bref, mais sincère sourire, avant de soulever facilement Maria par le col de sa petite robe adorable.
— Isabella, comment vas-tu ? lui demandais-je tandis qu'elle m'aidait à me relever.
Isabella, une pécheresse de trente ans, était l'une des meilleures. Une pécheresse exemplaire et très crainte. Sa réputation lui avait valu le surnom de Rose de Sang. Tous les regards se tournaient toujours vers elle, peu importe ce qu'elle faisait. Elle était d'une beauté fatale, mais surtout, elle était une guerrière aussi bienveillante que cruelle. Lorsqu'elle devait tuer sa cible, elle le faisait toujours avec douceur, comme s'il avait s'agit d'un ami auquel nous devions abréger les souffrances. Elle ne tuait jamais pour faire souffrir, elle n'était pas devenue sadique malgré toutes ses années d'expérience. Et cela était quelque chose de très rare.
Lorsque nous devions vivre en tuant, même s'il s'agissait de monstres, il était dur de le supporter longtemps. Soit nous ne pouvions tout simplement plus vivre, la culpabilité nous rongeant petit à petit, soit nous devenions assoiffées de sang et de génocide. Ou bien, nous en ressortions si insensible que le Conseil nous « accordait des vacances ». C'était pour cela qu'à partir de quarante ans, très peu de femmes continuaient leur travail de pécheresse. Elles s'occupaient d'enseigner et de former de nouvelles recrues, ou bien devenaient bonnes sœurs. Certaines se contentaient de disparaître afin de vivre loin de tout et de tous jusqu'à la fin de leur vie. Et je pouvais le comprendre. Reprendre une vie normale après avoir participé à un tel combat était quelque chose d'impossible. Certaines le tentaient, mais cela se finissait rarement bien.
Pour en revenir à Isabella, à trente ans, elle parvenait encore à tenir le coup. C'était bon signe. Mais ce n'était pas étonnant venant d'elle. Elle avait toujours été forte, autant mentalement que physiquement.
— Je viens de rentrer de mission, se contentait-elle de m'expliquer.
— Ah oui, un lycan, me souvenais-je.
Elle me souria de nouveau en affirmant de la tête. Une douce esquisse que je lui rendis automatiquement. Elle m'avait beaucoup appris.
Mais alors que nous parlions toutes les deux gaiement, Maria commençait à partir comme une voleuse. Isabella l'attrapa immédiatement, son regard changeant en une fraction de seconde pour devenir de nouveau sévère.
— Nous n'en avons pas fini toutes les deux.
— J'ai compris, bouda Maria avant de me regarder avec des yeux pétillants de bonheur. Virginia, tu sais quoi ? Je pars en mission dans quelques jours. Ma première mission.
Elle semblait si fière, et pourtant cela me fit comme une douleur dans la poitrine.
La première mission rendait toutes les pécheresses dans cet état. Mais une fois réalisée, nous comprenions que ce n'était pas aussi magnifique. Certes, nous aidions à l'élimination d'un danger potentiel. Mais surtout, nous comprenions la signification du mot « péché ». La luxure, la colère, l'orgueil, l'avarice, la paresse, la gourmandise et l'envie... Les sept péchés capitaux nous frappaient en plein dans la figure dès cette première fois.
Et dire qu'ils envisagent d'envoyer des pécheresses enfants, pestais-je à l'idée d'une telle possibilité.
Lorsque nous étions formées pour devenir des pécheresses, on ne nous apprenait pas à devoir faire face à ces péchés cruels. Certains étaient plus durs à endurer que d'autres, comme la luxure ou encore la colère. Mais aussi ce sentiment de peur. Avec le temps, les gens penseraient que nous nous y habituions, mais la vérité était que nous ne nous y habituions jamais réellement. Ceux qui affirmaient le contraire mentaient, ou bien, ils s'étaient adaptés.
Je faisais partie de ce genre de personne. Je m'étais adaptée. En quelques mois, j'avais appris à apprécier ce que je faisais au point de devenir dépendante de mon travail, de mes missions. Je ne connaissais que ça et je ne désirais rien faire d'autre que ça. Chasser, traquer, encore et encore.
Parfois, il m'arrivait de me demander à quoi ressemblerait ma vie lorsque l'Apocalypse ne sera plus, lorsque la guerre se terminerait enfin. Malheureusement, je n'arrivais pas à me projeter aussi loin. D'autant qu'après des siècles de conflits, il était difficile d'envisager une fin à tout ceci. Même après l'Apocalypse, si cela arrivait un jour, il existerait toujours un mal à combattre. Il y aurait toujours des pécheresses. Il y aurait toujours des chasseurs, des exorcistes et tout autres combattants du Vatican. Il y aurait toujours un Conseil pour nous envoyer en première ligne.
Il n'était pas rare d'apprendre la mort de chasseurs, de pécheresses ou d'autres membres de divers autres Ordres. Entrer dans cette guerre n'était pas un choix. C'était simplement « au mauvais endroit, au mauvais moment ». Certains appelaient cela le hasard.
— Virginia ? s'inquiéta Maria en me regardant.
Je la rassurais d'un faux sourire en lui tapotant la tête.
— Je suis contente pour toi. Tu me diras comment cela s'est passé lorsque tu rentreras de ta mission, lui réclamais-je avec véritable souhait de connaitre tout de cette première mission qui sonnerait le début d'un enfer auquel certaines prenaient goût et d'autres non.
Nous irons picoler jusqu'à ce que ta mémoire défaille et que tu oublies ta première mission pour au moins une soirée.
Elle confirma joyeusement de la tête. Isabella, elle, avait dû comprendre mes pensées. Après tout, les siennes ne devaient pas énormément différer des miennes.
— Gladio ! Je vous trouve enfin, s'exclama une voix derrière moi.
Je me retournais, faisant face à un prêtre. Le pauvre semblait essoufflé.
— Le père Jean voudrait vous voir. Cela fait des heures qu'il vous attend.
— Le père Jean ? Mais pourquoi personne ne m'a prévenue ?
— Je ne vous trouvais pas. J'étais partie pour la salle de réunion où vous deviez vous trouver, mais vous n'y étiez pas. Apparemment, il y a eu un changement de salle à la dernière minute et je n'ai été prévenu que maintenant. Je suis navré.
Je fronçais les sourcils. Comment ça la salle avait changé ?
Une impression étrange m'envahit, comme un mauvais pressentiment.
Me tournant dans le couloir, je me mise à courir. Je devais me dépêcher de rejoindre le père Jean. S'il m'avait de nouveau fait appeler, ce devait être important. Habituellement, je ne le voyais que deux ou trois fois par mois. Pas deux fois en moins de quatre jours.
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Arrivant enfin devant la porte du bureau du père Jean, je fermais les yeux en soufflant un bon coup. J'avais couru dans les couloirs, m'étant perdue. Après tant d'années à vagabonder dans le Vatican, je n'arrivais toujours pas à me repérer.
Mais j'y étais, j'avais retrouvé mon chemin. Bien évidemment, j'avais demandé de l'aide pour ça. Les gens d'ici étaient habitués de toutes manières.
M'avançant jusqu'à la porte, je plissais les yeux. Elle était entrouverte. Elle n'était jamais entrouverte. Même lorsqu'il attendait quelqu'un, le père Jean fermait toujours la porte. Presque paranoïaque, il craignait à chaque instant que des personnes observent discrètement ce qu'il faisait.
Posant prudemment ma main contre la porte, je la poussais dans un grincement terrifiant et angoissant. Et alors, je le vis.
Le bureau était sens dessus dessous, retourné de fond en comble. Les livres éparpillés çà et là étaient ouverts, certains éventrés ou déchirés. Et parmi ce bazar, preuve d'un cambriolage, le père Jean était étendu au sol.
Je me précipitais sur lui, m'effondrant à genoux à ses côtés. Il était toujours conscient, mais la flaque rougeâtre qui ne cessait de s'étendre autour de lui n'était pas bon signe. Il avait été traversé par une balle au niveau de la poitrine.
— Non...Père Jean... Oh mon Dieu...
— Ne blasphème pas Virginia, se moquait-il. Enfin, je suppose que je ne vais pas... m'en sortir.
Il semblait éprouver de la difficulté à parler et je lui demandais de ne pas trop en faire. Je me mise à crier dans le bureau pour demander de l'aide. Un prêtre qui passait par là poussa un cri très peu viril avant de courir chercher de l'aide.
— Les secours vont arriver, tenez bon.
Je tins fermement sa main dans la mienne. Il ne devait pas partir. Il ne devait pas me laisser, il ne devait pas m'abandonner.
De sa main libre, le père Jean pointa discrètement un point de la pièce du doigt.
— Tu dois... le code...
Il n'arrivait même plus à articuler une phrase correctement. Pour autant, le « code » ne m'était pas inconnu. Je pouvais me souvenir de la feuille dans mon dossier confié par le vieil homme. Un code s'y trouvait.
— Chut... Père Jean, vous devez éviter de parler. Cela va empirer votre blessure.
— Je suis désolé, Virginia. Si tu savais comme je... m'en veux... Mais je te la rends... La perle...
Je l'écoutais, mais ne fit pas attention à ses mots.
Je plaquais mes mains vainement contre la plaie, une chose que j'aurais dû faire dès mon arrivée ! Mais le Père Jean chassa faiblement mon aide.
— Il est trop tard... Virginia...
Il me demanda de la main de me baisser et je m'approchais de lui.
— Ne laisse personne prendre ce qu'il y a dans le coffre, Virginia... Jamais... Promets-le-moi...
— Père Jean, je ne comprends pas ce que...
— Promets, me coupa-t-il.
— J-Je vous le promets.
Alors, il sourit en déposant un baiser sur mon front.
Soudain ses mains perdirent de leur rigidité, s'effondrant au sol. Le père Jean ne bougeait plus.
— Père Jean...
Je secouais doucement le corps du père Jean, espérant que...
En comprenant la situation, un cri chercha à m'échapper. Je voulais crier, sans succès. Ma gorge était nouée, tout comme mes larmes. Je n'arrivais pas à pleurer, je n'arrivais pas à faire quoique ce soit. Entièrement paralysée, je regardais le corps inerte du père Jean dont les paupières s'étaient closes. Il semblait dormir et pourtant...
Baignant dans son sang, je ne voulais pas y croire. Je restais pétrifiée jusqu'à ce que les secours arrivent enfin. L'ambulance débarqua bien plus tard.
Deux hommes me saisirent par les bras pour m'éloigner, mais un déclic se fit en moi. Je ne voulais pas m'éloigner du père Jean. Je repoussais brutalement les ambulanciers avant de retourner auprès du cadavre de celui qui m'avait permis d'être qui j'étais aujourd'hui. Celui sans qui je ne serais pas là en cet instant. Celui qui m'avait parmi de vivre et de survivre.
Il était inconcevable que je le laisse seul !
Mais un bras m'enlaça soudainement, beaucoup plus puissant et autoritaire, m'éloignant de la pièce par la force alors que je me débattais comme une furie.
— Virginia ! hurla la personne qui me tenait avec tant de fermeté.
Reconnaissant la voix de Michele, mon corps perdit toute sa force. Je fondais en larmes, me tournant pour prendre mon ami dans mes bras. L'homme légèrement plus âgé que moi me borda, tenant ma tête contre son torse.
— Virginia, tout va bien, je suis là.
Mais la vérité était que tout n'allait pas bien.
Plusieurs minutes passèrent. Les ambulanciers avaient emmené le corps du Père Jean depuis quelque temps, les gens s'étaient dispersés. Il ne restait plus que moi et Michele. Un ami pour seul soutien et une pièce barricadée par la garde suisse pour unique preuve de ce qu'il s'était passé...
Des pas résonnèrent dans le couloir déserté.
— Gladio Virginia, nous interrompit alors un prêtre.
Nous nous tournions vers le nouvel arrivant.
— Le Conseil souhaiterait s'entretenir avec vous.
Déjà ? Je savais qu'il m'appellerait, puisque j'étais celle ayant trouvé le père Jean ainsi. Mais je ne pensais pas qu'il serait si rapide.
Michele serrait les poings.
— Elle vient de voir un ami mourir. Vous n'avez aucune...
— Michele, le coupais-je. C'est bon.
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Le prêtre m'avait accompagné jusque devant deux grandes portes massives.
La salle du Conseil se trouvait dans les souterrains, une pièce secrète de la vue de tous. Ce devait être un grand classique, mais le Vatican cachait de nombreux secrets. Même ceux qui en faisaient partie intégrante, comme moi, n'avaient pas accès à tous les secrets de l'organisation.
Le prêtre se tint droit devant les portes, se tournant vers moi. Il me regardait de la tête aux pieds avec répugnance.
— Vous êtes couvertes de sang.
— Si vous ne m'aviez pas pressée, j'aurais eu le temps de me laver et de me changer.
Mais le prêtre m'ignora totalement, regardant de nouveau vers les portes. Posant ses deux mains dessus, il les ouvrit en grand avant de me faire signe d'entrer.
La pièce était immense et sombre. Aucune fenêtre, aucun meuble, excepté une grande table en demi-cercle et des chaises réparties autour.
Au sol, gravé sur les pierres, des symboles représentaient divers pièges pouvant renfermer une multitude de créatures de toutes espèces. Ou presque toutes les espèces. Mais les plus impressionnantes gravures demeuraient celles recueillies des véritables Clavicula Salomoni, un livre de magie ayant appartenu au roi Salomon en personne, permettant notamment à ce dernier de créer un piège à démons redoutable. Aujourd'hui, il existait quelques copies de ce livre, et le Vatican en possédait un exemplaire, caché et protégé pour ne pas être utilisé de n'importe qui. Il s'agissait de magie après tout.
Je m'avançais au centre du cercle, me tenant droite, les mains ensanglantées le long de mon corps. Mes vêtements et mes cheveux étaient également tâchés. Une couleur qui se confondit avec la teinte naturelle de cette maudite chevelure !
Ma main empoigna mon pendentif. Cette croix. Un réflexe rassurant...
Autour de la table étaient assises plusieurs personnes d'un âge plutôt avancé. La plupart étaient des hommes, mais il y avait deux femmes. L'une représentait l'Ordre des pécheresses. L'autre, celle des armuriers, ceux qui fabriquaient des armes pour les combattants du Vatican.
Les Douze Anciens du Conseil, chacun étant le dirigeant et le représentant d'un Ordre du Conseil. En dehors de l'Ordre de l'Armurier et de la Pécheresse, il existait dix autres Ordres. L'Ordre du Chasseur, l'Ordre de l'Exorciste, l'Ordre du Guérisseur, l'Ordre de l'Égaré, l'Ordre du Croyant, l'Ordre du Chercheur, l'Ordre du Gardien, l'Ordre du Siffleur, l'Ordre de l'Artiste et enfin l'Ordre de la Reine, qui ne se composait pas que de femme contrairement à ce que laissait supposer son nom.
Chacun de ces Anciens me fixait. Un silence pesant s'était fait dans la pièce. Un silence que l'Ancien du Chasseur, placé au centre, brisa immédiatement.
— Virginia Gladio, vous avez assisté aux derniers moments de la vie du père Jean.
Ce n'était pas une question, mais une affirmation. Alors je ne répondis pas, attendant qu'il continue.
— Que vous a-t-il révélé avant de mourir ?
Je foudroyais l'homme du regard.
— Vous vous foutez de moi ? grondais-je calmement.
— Virginia, nous savons ce que vous ressentez. Nous comprenons que vous soyez encore bouleversée. Si vous avez besoin de plus de temps, nous pouvons reporter cet entretien, intervint l'Ancienne de l'Ordre de la Pécheresse.
— Non, ce ne sera pas reporté. Vous voulez savoir ce qu'il m'a dit ? Je suis recouverte de son sang, je n'ai même pas eu le temps de me nettoyer et vous me demandez de vous donner ses dernières paroles ?
— Nous en avons besoin pour les procédures habituelles, m'expliqua froidement l'Ancien du milieu.
— Ah oui, les procédures, crachais-je avec moquerie. Voilà ce qu'il m'a dit.
Je le regardais droit dans les yeux, les mains tremblantes alors que le visage mourant du père Jean me revenait en mémoire.
Non, ne pleure pas maintenant.
Mais mes larmes déferlèrent, inondèrent mes joues, déboulant sur mon visage sans aucune once de pitié pour ma fébrile fierté.
— Il m'a dit qu'il m'aimait, sanglotais-je alors.
L'Ancienne de mon Ordre se leva pour s'approcher. Elle me prit dans ses bras, fusillant le vieil homme du regard.
— Gregorio, vous n'êtes qu'un macho excentrique ! Cette pauvre fille vient tout juste de perdre un ami et vous l'avez tout de même convoquée alors que nous étions presque tous d'accord pour que ce soit fait demain.
Les autres Anciens baissèrent les yeux faces à ce petit bout de femme qui restait magnifique malgré les marques de l'âge sur son visage et son corps légèrement courbé en avant.
Elle me regarda avec toute la compassion du monde.
— Virginia, vous pouvez rentrer à présent. Si vous ne voulez pas participer aux prochaines missions qui vous seront confiées à l'avenir, je comprendrai. Prenez autant de temps qu'il vous faudra pour surmonter votre deuil.
Date dernière mise à jour : 02/07/2024
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