Chapitre 17

Lysandre était frustré, il ne faisait rien pour cacher son agacement. J'aurais pu être déçue si je ne me rendais pas compte de ce à quoi j'avais commencé à céder. J'étais peut-être pécheresse, mais Lysandre n'était certainement pas une tentation à laquelle je pouvais succomber.

Autrement dit, Michele venait de me sauver du pire.

Après la visite incongrue de l'Archange dans la chambre, surprenant deux idiots prêts à répéter les mêmes erreurs passées, il avait déclaré avoir retrouvé quelqu'un. Ou quelque chose. Mais qui, ou quoi ? Une excellente question tout à fait normale, et qui attendait encore une réponse.

Michele était accoudé à la bibliothèque du salon alors que Lysandre se tenait assis sur la table. Ils se fixaient ainsi, en silence. Étais-je réellement la seule intriguée dans l'histoire ? Non pas que cela puisse m'intéresser, mais j'y voyais une autre opportunité de me débarrasser de mon ange. S'il s'agissait d'une mission angélique, il aurait sans doute l'obligation de partir.

À moins que le silence signifiait que ma présence ici était de trop. Si ça les gênait, je pouvais reprendre ma lecture des Jason Bourne. Après tout, j'étais déjà installée dans un fauteuil, il ne manquait que le livre.

— Qui est-ce qui a été retrouvé ? tentais-je tout de même de ramener à la discussion.

— Un traitre qui ne devrait pas être sur Terre, commença Michele.

L'Archange semblait prêt à ouvrir la discussion, ce ne fut pas le cas de Lysandre. Tout du moins concernant cette mission.

— Je voudrais parler d'un tout autre sujet, Michel.

Lysandre se tournait vers l'intéressé, le regard furieux.

— Pourquoi est-ce que tu nous as interrompus ?

Si la question paraissait surprendre Michele, pour moi, c'était un choc bien réel. De nouveau, Michele s'apprêta à répondre, un peu prit au dépourvu. Et de nouveau, il fut interrompu, cette fois-ci par moi. Il n'était pas question qu'il intervienne là-dessus.

— Interrompus ? haussais-je un sourcil, me redressant du fauteuil.

Lysandre pivota vers moi, tiltant sur mon interrogation. Oh, il savait parfaitement ce qui lui pendait au nez.

Il s'approcha jusqu'à se placer à moins d'un mètre de ma personne. Il semblait si sûr de lui – et peut-être paraissait-il un peu imposant ? – mais ce n'était pas la première fois quelqu'un me dévoilait son arrogance ou essayait de m'intimider, même si je doutais que ce fût l'intention première de Lysandre.

Quoiqu'avec cet ange, on pouvait s'attendre à tout, même au plus stupide.

— Tu m'as ouvert ton cœur, Vi.

— Ne te fais pas de film, le coupais-je dans ses divagations.

Mon cœur se serrait dans ma poitrine alors que je préparais mes mots. Une douleur que j'aurais pu comprendre si j'en avais fait l'effort. Assumer que Lysandre ne me laissait pas indifférente, je ne pouvais pas me le permettre.

Était-ce par habitude de toujours travailler seule ? Était-ce pour le préserver de la Mort qui emportait toujours mes proches bien trop vite ? La réponse importait peu, parce que le fait était que je devais retrouver les miens pour combattre le Conseil et sauver le Vatican de leur corruption. Les anges ne pourraient rien, parce qu'ils n'intervenaient pas dans les affaires humaines. Dans l'immédiat, ils semblaient rester dans mon sillon à cause d'un œuf leur appartenant. Un œuf que j'estimais appartenir à ma famille. Un œuf dont les pouvoirs se manifestaient par mon biais.

Ni ma mère ni le père Jean ne m'auraient mis en danger. On s'évertuait à m'expliquer que cet œuf me tuerait à un moment donné. Lysandre promettait de trouver une solution. Seulement, qu'arriverait-il si les anges avaient tort ? Au final, s'il s'avérait que cet œuf n'était aussi nocif qu'on me le prophétisait, que tenteraient ces mêmes anges à mon encontre ? Je restais une simple humaine pour eux. Ils m'avaient démontré ce dont ils étaient capables, tout comme ils m'avaient prouvé leur indifférence face à la vie des humains.

Si l'œuf finissait, pour une raison ou une autre, par ne pas me tuer, le Paradis s'en chargerait.

Ces tatouages étaient supposés envoyer des messages que les anges pensaient comprendre. Et s'ils avaient tort ? Quelque chose me disait que si je me mettais à comprendre ces messages que mon cœur, mon corps et même mes tatouages m'envoyaient, alors je serais perdue. Si je parvenais à comprendre, mon existence serait menée à sa perte.

Cette dernière pensée me mettant en garde, ce fut avec une sorte de courage ou de cruauté que je me plongeais dans le regard de Lysandre.

— J'étais dans le flou et mon esprit était embrouillé par la fièvre.

Ma respiration commençait à devenir irrégulière. Mais je ne m'arrêtais pas pour autant. Je devais le dire. Lysandre était sérieux, et je m'en rendais compte.

Il me fallait l'éconduire dès à présent, quitte à briser ses sentiments.

— Vi, ne dis plus rien.

Lysandre me regardait d'un regard presque suppliant. Sois courageuse. Sois déterminée. Tu dois le dire Virginia, me soufflait ma petite voix. Je ne devais pas faiblir. Pas maintenant.

Ne pas être égoïste.

— Je ne t'aime pas.

J'aurais tellement voulu être sourde en ce moment. Pourtant, je ne l'étais pas. J'avais l'impression d'entendre le cœur de Lysandre se briser. L'un des bruits les plus horribles qu'il m'ait été donné d'entendre. Son expression s'apparentait au plus douloureux des spectacles. Il n'était pas blême. Il était blessé.

Une envie de le prendre dans mes bras commençait à m'envahir et je serrais les poings pour m'en dissuader. J'avais pris une décision, il me fallait en assumer les conséquences. Ne pas montrer de regret, demeurer déterminée.

La souffrance se reflétait sur le visage de Lysandre.

— Va-t'en.

Trois petits mots. Trois misérables mots qui me rendirent la souffrance que j'avais envoyée à Lysandre. Une souffrance que je devais mériter.

— Attends Lysandre, tu ne peux pas..., commençait à intervenir Michele.

— La ferme ! s'emporta alors Lysandre.

Les mains de cet homme tremblaient alors que des veines ressortaient pour signifier sa colère. Il ne m'accorda pas un regard.

— Je t'ai dit de t'en aller !

Je voulus me relever de ma chaise, mais je m'aperçus que c'était déjà le cas depuis longtemps.

Faisant volte-face, je sortis de la pièce, laissant Michele seul avec Lysandre. Je devais aller récupérer mes affaires, partir d'ici et achever ce que j'avais commencé. Je devais renverser le Conseil et montrer la vérité aux yeux des Ordres. Ils étaient manipulés par ce dernier et ils devaient être tenus au courant. En espérant qu'ils ne soient pas déjà tous dans la confidence...

Une fois arrivée dans la chambre, je pris mon sac qui était déjà fait. Une chose de moins à m'occuper. Étrangement, je ne ressentais rien. Ni colère, ni tristesse. Juste... rien. C'était une émotion ou une sensation des plus étranges. Ce n'était pas quelque chose de « bien » ou de « mal ». C'était simplement « quelque chose ».

Sortant de la chambre, mon sac dans le dos, je descendais le plus discrètement possible. Il n'était pas question d'être arrêtée par Lysandre qui aurait pu revenir sur sa décision.

Avant de sortir de la demeure, je n'entendis qu'une phrase provenant du salon, m'obligeant à tourner la tête vers les deux anges.

— Tu ne peux pas la laisser sortir maintenant ! Pas avec ce qu'il se trame en ce moment ! Je me fous qu'elle ait blessé ton petit cœur, alors dis-lui que tu as changé d'avis !

Michele s'énervait sur Lysandre, qui semblait à peine l'écouter. Mon ami s'égosillait pour rien. Il voulut rajouter quelque chose, mais lorsqu'il vit Lysandre lever le visage vers moi, mon ami me regarda aussi. Je sortis de la demeure alors qu'il se précipitait sur moi.

Avançant sur le petit chemin de terre, je me dirigeais jusqu'à la voiture.

— Vi, attends !

Mais alors que Michele voulait m'arrêter, je me retournais brusquement et une énergie inconnue m'enveloppa entièrement. Elle se formait en une sorte d'aura rouge, comme une protection surgissant de mon corps. Et elle se projeta violemment contre Michele, qui fut expulsé du sol pour se percuter contre le mur du grand manoir. Il s'empressa d'éteindre des flammes naissantes, allant jusqu'à retirer sa chemise et la balancer au sol.

Michele m'observait, stupéfait. Pour ma part, j'étais sereine. Plus rien ne semblait pouvoir me surprendre. Cette attaque presque magique me paraissait ordinaire. L'étrange n'avait plus rien d'anormal. Pas après ces quelques semaines. Pas après ces années en tant que pécheresse.

Vive les œufs d'ange !

Montant dans la voiture, je tournais la clé déjà enfoncée dans le contact, démarrant le véhicule pour ne pas laisser le temps à mon ami de se remettre de son émotion.

Faisant une manœuvre, je m'engageais sur une route désertée.

J'étais Triple V, une pécheresse crainte par les créatures du monde entier. Et ce n'était pas un ange qui allait me faire chier.

J'avais traqué et tué des créatures ainsi que des monstres toute ma vie. Je ne cherchais pas à me faire pardonner. Ce qui était fait était fait, le passé ne pouvait pas être changé. Mais les vieilles habitudes avaient la vie dure.

Jamais – et je disais bien Ô grand jamais ! – je ne m'attendrirai pour l'une de ces créatures que j'avais été habituée à chasser. Ce n'était pas demain la veille que cela arriverait.

Trop tard pour ça, ma vieille. T'as été la baby-sitter de monstres et tu es amoureuse de l'un d'entre deux.

Chassant ce qui semblait être une larme isolée, j'ouvris la fenêtre pour laisser l'air chasser les mauvaises pensées. J'avais une mission, le reste n'importait pas.


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Les États-Unis étaient un pays immensément gigantesque. Et dire qu'il existait encore plus grand...

Arrêtée sur le parking d'un motel, j'observais le lieu peu luxueux. Les paroles de « Hotel California » des Eagles me revinrent. Ce n'avait absolument rien de rassurant. Mais il fallait que je me pose, que je prenne du repos et que je travaille de nouveau mon plan pour faire tomber le Conseil. Isabella et Maria devaient avoir fini leur travail. Je l'espérais tout du moins.

Dans tous les cas, je devais réfléchir à la suite avec cette possibilité à l'esprit. Et il me faudrait également trouver un moyen de les retrouver. Rien de bien difficile. J'étais recherchée, il me suffisait de me faire repérer pour pouvoir être en contact avec elles.

Poussant un soupir, je me laissais aller sur le siège de cette voiture pourrie. Une vieille caisse troquée contre celle des anges pour pouvoir me fondre dans la masse.

Il fallait dire que j'avais rencontré quelques problèmes. J'avais dû respecter le code de la route pour éviter de me faire repérer par des policiers. J'avais dû me déguiser dans les grandes villes pour que les caméras de sécurité ne me remarquent pas, ou tout du moins que les chasseurs ne me remarquent pas au travers de caméras de sécurité. Et pour finir, il y avait eu le problème : les bouchons.

Repensant au retard que j'avais pris à cause de toutes ces péripéties, la fatigue s'amplifia. La vie de fugitif n'avait rien de reposant.

Me motivant, je m'emparais de mon sac et sortais du véhicule, prenant la direction de l'hôtel. Un hôtel bas de gamme, voire miteux. L'écriteau lumineux de lumière rouge clignotait comme pour prévenir qu'il allait rendre l'âme très prochainement.

Entrant dans le bâtiment à deux étages, je me dirigeais directement vers l'accueil. Le concierge regardait tranquillement sa télé alors qu'un autre client attendait. Un homme plutôt beau gosse d'ailleurs.

Ses longs cheveux blancs étaient attachés élégamment en une queue de cheval, qui descendait jusqu'au milieu de son dos. La pâleur de sa peau était impressionnante. Et lorsqu'il se tourna vers moi, je compris mieux son apparence. Il était étrange de voir chez l'albinos humain des yeux rouges. Était-ce même possible ?

Je ne suis pas scientifique, haussais-je les épaules. Peut-être un vampire ? Il ne cherchait visiblement pas à se cacher dans ce cas. Mais ce n'était plus mon problème. Il pouvait s'estimer heureux. Alors qu'il croisait le chemin de Triple V, sa vie allait être épargnée pour cette nuit.

Ce client, d'une tête de plus que moi, m'adressa un sourire charmant.

— Laissez tomber, mademoiselle. Le concierge ne fait attention qu'à sa télévision.

Je m'approchais tout de même du concierge, persuadée de pouvoir faire changer la situation.

— Monsieur...

— Chut ! me coupa-t-il sèchement. J'écoute.

Jouer à ce genre de jeu avec une pécheresse... Il fallait être sacrément stupide.

Ma main frappa fermement sur le comptoir.

— Une chambre, tout de suite, grondais-je d'un sourire étincelant.

Il se tourna furieusement, certainement dans le but de me demander de me la fermer de nouveau. Mais lorsqu'il posa ses yeux sur moi, me décrivant sans retenu du regard, il en oublia totalement sa télévision. On ne résistait pas aux charmes d'une pécheresse.

— S'il vous plait, insistais-je de nouveau.

— B-Bien sûr.

Le concierge me tendit une clé et j'adressais un clin d'œil à l'homme albinos comme pour le narguer. Il leva ses propres clés de chambre, me montrant que lui aussi était parvenu à faire relever la tête au concierge qui, à présent, me reluquait.

Je sortis de l'accueil pour me diriger vers le premier étage. L'albinos me suivait de près et je me retournais. Il n'était pas question de devoir me battre ce soir. S'il s'agissait d'un monstre, il se cachait suffisamment bien pour que je ne puisse pas l'identifier. Et s'il s'agissait d'un chasseur, ça allait vraiment briser ma joie de vivre de devoir le combattre lui et ses copains. Les chasseurs n'étaient jamais seuls.

— Votre chambre est aussi au premier étage ?

Pour toute réponse, il me montra son numéro de clé. Il était mon voisin. Ouvrant ma porte au même rythme que ce dernier, nous nous tournions soudainement tous les deux pour nous regarder.

— Quel est votre nom ? me demanda-t-il.

— Alice. Alice Hide. Et vous ?

— Lukaz Laporte.

Français ?, cherchais-je à déduire de ce nom de famille.

— Laporte, est-ce français ?

— Hide serait british ?

Prudent, l'homme continuait seulement de sourire. Évidemment, personne de sensée ne viendrait ici s'il était irréprochable. Ce gars devait également fuir quelque chose.

— Je suppose que oui.

Son attention posée sur moi, il tenta de cacher son intérêt. Totalement inutile, je pouvais le voir, presque le ressentir. Il ne s'en cachait pas.

— Il y a un bar plus loin. Puis-je vous inviter à prendre un verre ?

Un comportement charmant, une belle apparence... Mais cet homme ne m'attirait pas.

— Je vous invite seulement à boire, Alice Hide. Rien de plus.

— Nous savons tous les deux que ce n'est pas le cas.

Il pianota sur la porte, puis leva les mains en l'air.

— Je comprends. Une autre fois peut-être.

— Si nos routes se croisent à nouveau.

— Sans aucun doute.

Je soupirai un rire amusé avant de faire mine de le laisser.

— Bonne nuit, Monsieur Laporte.

— Bonne nuit, Madame Hide.

Madame... Avais-je l'air d'une « Madame » ?

Chacun rentra dans sa chambre. Fermant ma porte à clé, je posais mon sac avant de m'écrouler aussitôt dans le lit. J'étais fatiguée.

M'allongeant sur le dos, ma main se posa sur ma tête. Depuis mon départ de ce manoir, j'avais l'impression étrange d'avoir oublié quelque chose. Quelque chose de très important. Un vide s'était formé en moi. Un vide que je ne m'expliquais pas.

Peu importe, je n'avais pas le temps pour des devinettes. Sortant de mon sac la carte du Vatican ainsi qu'un crayon de papier, je commençais à gribouiller des indications supplémentaires par-ci par-là.

Le Vatican avait de nombreux secrets à garder, outre le fait qu'il voulait dominer le monde en utilisant une fausse Apocalypse. Qui disait secret disait passage secret. Et des passages secrets, il y en avait énormément dans cette propriété. Cela ne manquait pas le moins du monde.

À travers l'Histoire, le Vatican avait souvent dû faire face à des tentatives d'infiltration ou d'attaques de monstres, la plupart du temps tut au grand public. Il avait fallu trouver des moyens de toujours être les maîtres sur leur propre territoire. La plupart de ces passages étaient connus du Conseil, mais je voulais parier sur mon instruction et surtout sur mon sens de l'orientation légendaire. Grâce à ces moments à parcourir le lieu, totalement perdue, j'avais découvert des endroits totalement abandonnés, des tunnels inexplorés.

Le Conseil ferait surveiller la plupart de ces passages, tout comme il placerait des pions aux entrées principales. Il ne laisserait rien au hasard, conscient mieux que personne de la dangerosité d'une pécheresse. Alors si tout un groupe s'unissait...

Prendre l'avion était prévisible, difficile et long. Le plan était donc le suivant. Tout d'abord, me faire repérer à l'aéroport. Isabella et Maria le sauraient, je devais y croire. Bien sûr, je ne prendrai pas l'avion.

Après trois ans à devoir vivre aux États-Unis, j'avais encore des contacts dans le coin. Reprendre contact avec d'anciens amis « magiques » ne serait pas difficile. Le seul problème serait sans doute le paiement. L'argent les intéressait peu, bien que parfois cela suffisait.

Une fois en Italie, grâce à mon contact, je me rendrai directement en direction du Vatican, attendant la nuit pour agir. J'espérai croiser entre-temps les pécheresses. Et enfin, je m'infiltrerai par l'un de ces passages secrets. Une fois à l'intérieur... J'improviserai. Dans tous les cas, je devrais jouer la diversion pour donner l'occasion aux autres de prendre possession des lieux tandis que je garderai le Conseil.

Le Conseil et ses Anciens étaient vieux, j'étais jeune. Un avantage qui ne devait pas me rendre trop gourmande. Des Gardiens seraient là pour les protéger. Sans oublier les Chasseurs.

— Ouais, je suis dans la merde en gros, en concluais-je.

Est-ce que je parviendrais à moi toute seule à renverser le Conseil alors que des monstres plus forts que moi, mieux préparés et en plus grand nombre, avaient tenté, en vain ?

Réfléchissant pendant quelques secondes, j'affirmais de la tête. Je réussirai facilement. Cela serait si rapide que le temps d'une respiration, tout serait terminé. Bon, j'exagérais. Je compterai surement moins de trois secondes. J'avais affaire à des Anciens, donc par définition à des vieux croûtons qui avaient besoin d'une canne pour marcher et d'un dentier pour manger. Le tout était de passer inaperçue des chasseurs et des gardiens.

Une fois le Conseil maîtrisé, que les pécheresses auraient pris le contrôle des lieux, nous laisserions le soin aux Anciens non-corrompus de remettre tout sur pied. Avec de la chance, je pourrai ensuite prendre des vacances. J'avais vraiment besoin de vacances. Le bourreau du travail que j'étais commençait en avoir sérieusement marre de tout ce complot.

Me levant du lit, je me dirigeais vers la salle de bain. L'endroit était propre et des serviettes étaient à disposition. C'était bien plus que je n'en attendais d'un tel lieu.

Je pris une douche. Observant la pièce, un souvenir amusant me revint en mémoire. Le jour de ma rencontre avec Lysandre. Bien évidemment, rien n'était dû au hasard, contrairement à ce qu'il avait très certainement cru.

Lysandre n'avait pas d'habitat fixe, allant d'hôtel miteux en hôtel miteux. C'était d'ailleurs ce qui m'avait rendu la tâche un peu plus difficile. Jusqu'au jour où je l'avais enfin trouvé. Il habitait à ce moment-là dans une chambre d'hôtel semblable à ici. J'avais alors pris une chambre dans ce même lieu où il séjournait, entrant dans le rôle d'une artiste en recherche d'inspiration pour son art. Il m'avait « surpris » tandis que je dessinais des croquis de lui en « cachette », le décidant à me proposer de dessiner son portrait dans sa chambre. Bien évidemment, avant qu'il ne m'invite ainsi, j'avais dû patienter plus de deux semaines dans cet hôtel à faire des dessins. Une chose qui ne me déplaisait pas tant que ça d'ailleurs. Ensuite, après que je lui ai dessiné son portrait, nous nous étions « perdus » de vue. Mais bien sûr, je savais que cela ne se finirait pas ainsi. Pas alors que je le traquais. Et puisqu'il semblait méfiant envers et contre tous, cela m'avait demandé énormément d'énergie mentale simplement pour réfléchir à tous les stratagèmes possibles pour le charmer.

Devenir son « ami » avait été mission impossible, il avait préféré m'offrir son cœur. J'étais devenue l'amie, et rapidement l'amante, pour finir par vivre avec lui. Trois ans à vivre en sa compagnie. Trois ans où il avait peiné à me confier jusqu'à sa vie. Sa confiance avait été difficile à prendre.

Puis un soir, le responsable de ma mission me passait un coup de fil. Il était temps.

Tout ce temps passé avec Lysandre, à redoubler d'effort pour qu'il m'accorde sa confiance, j'en avais presque oublié ma mission de départ. Et ce coup de fil qui m'annonçait l'ordre de le tuer m'avait ramené à la réalité. Il était un ange, j'étais une pécheresse.

Lâchant un soupir, j'arrêtais l'eau et sortis pour m'essuyer d'une serviette. La multitude de fleurs éparpillées sur mon corps me séduisait. J'avais l'impression de m'y être habituée. À l'exception sans doute de ce cœur formé au creux de ma poitrine. Cette partie de ma chair me brûlait sans cesse. Certes, la douleur était faible. J'en ressentais néanmoins les réchauffements marquants.

Pourquoi un cœur ?

Le visage de Lysandre traversa mon esprit. Cet ange avait toujours possédé une beauté étrangement attirante. Il était même la plus belle des créatures que j'avais rencontrées, le plus bel ange que j'avais croisé. Bien que tous les anges soient magnifiques, c'était Lysandre que je trouvais le plus captivant.

Ses cheveux mi-longs et sombres qui lui tombaient légèrement sur le front, son regard perçant, son corps à la musculature saillante et sa bouche... J'avais toujours eu du mal à résister à l'attrait de ses lèvres.

Un frisson me remonta l'échine alors que je pensais à mon ange. Mais lorsque son visage déchiré par la douleur prit la place de l'image divine que j'avais de lui, une souffrance pesante se pressait de nouveau dans mon cœur, me faisant grimacer.

Je ne devais pas y repenser. Je ne devais pas penser à Lysandre. Je l'avais rejeté, il m'avait chassé. Tout s'était passé comme je l'avais souhaité...

Entendant comme des bruits de gouttelettes, je crus tout d'abord qu'il s'agissait de la pomme de douche que j'avais utilisé. Les yeux chauds, la vue brouillée, il s'agissait de tout autre chose. Je pleurais. Encore.

Je ne savais pas, je ne voulais pas savoir.

Et pourtant, le cœur tatoué sur ma chair se mit à briller au rythme des battements qu'il créait. La parcelle de chair qu'occupait ce tatouage devenait légèrement transparente. Je ne savais pas et je ne voulais pas savoir. Toutefois, le visage de Lysandre, ce visage qui était la preuve de ma cruauté, la preuve que j'avais brisé son cœur, ce visage ne voulait pas disparaitre de mon esprit.

— Putain de merde, jurais-je en tapant du poing contre le matelas.

J'aimais Lysandre.

On m'avait mise en garde. Les anges étaient naturellement attirants. Une attirance différente de celle que l'on ressentait avec d'autre créature. Cette attirance s'entourait de bonté et de chaleur, de sécurité et d'espoir. Mais chez Lysandre, il y avait toujours eu quelque chose de plus.

Posant ma tête entre mes genoux, je me laissais aller à mes pleurs silencieux, laissant ma stupidité et ma douleur se déverser dans ces larmes.

Je ne voulais pas être amoureuse, je ne le devais pas. Pas alors que j'avais rejeté la personne à cause de laquelle mon cœur me torturait seconde après seconde. Pas alors que cette même personne avait abandonné l'idée de continuer de se battre pour posséder mon affection.

J'étais véritablement la pire. Et à présent que je m'en rendais compte, je ne savais que faire.

C'est alors que je sentis quelque chose se dessiner dans mon dos. Me relevant, je me tournais vers le miroir, me rappelant alors soudainement que quelque chose y était écrit. Mais il ne s'agissait pas de « Haud Pardisus ».

— Veni vidi vici.

Ces trois mots tatoués en bas de mon dos d'une écriture élégante me firent retrouver le sourire.

Je ne devais pas perdre mon objectif de vue. Je devais réduire à néant les projets du Vatican.

Était-ce que ces mots cherchaient à me rappeler ?

Dernière mise à jour 1 : 27/08/2024

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