Chapitre 68


L'hôpital de la petite ville est plutôt calme cet après-midi là. Fréquemment, on entend dans le ciel des hélicoptères survoler la ville, en prélude à une série de télé-réalité qui avait été organisée dans la ville voisine, une havre de paix pour les grandes fortunes qui souhaitaient vivre en campagne. À part ça, rien d'autres de nouveau. Epuisée par le long voyage qu'elle avait effectué plutôt, Samantha Lagmay avait fini par s'assoupir dans un fauteuil non loin du lit de Zhéma. Cette dernière entrouvre les yeux pour la première fois depuis qu'elle avait perdu connaissance ce matin, encore à l'ouest.

-Où je suis...qui m'a amené ici...? Murmure-t-elle, ce qui réveille immédiatement Samantha, à l'aguet du moindre signe de vie.

-Ça va ? Tu veux de l'eau? T'as faim? Comment tu te sens ? La submerge Samantha.

Zhéma contemple sa meilleure amie du haut en bas, les yeux un peu lourds. Malgré tout ce temps, elle n'avait pas changé. Elle était resté pile comme dans les souvenirs de Zhéma. Toujours le même petit visage ovale pleins d'expressions, des petits yeux d'asiatiques chaleureux et une silhouette un peu rondelette qu'elle camouflait toujours mais qui se voyait par ses joues rebondies. Zhéma souffle, le regard toujours plongé dans celui de son amie dans lequel se trémoussent des flammes de curiosité.

-Pourquoi tu ne m'as pas laissé mourir Sam...?

-Qu'est ce que tu racontes enfin? Je n'allais quand même pas te laisser faire quelque chose d'aussi stupide, et je suis contente d'être arrivée au bon moment.

Les lèvres de Samantha brûlaient d'impatience de lui demander qu'est-ce qui avait bien pu se passer ces derniers temps pour qu'elle en arrive à penser au suicide, à tel point de passer à l'acte.

-Je ne suis plus celle que tu connaissais avant Samy, dit-elle comme si elle avait lu dans les pensées de Sam.

Sam lui caresse affectueusement la main, décidant d'avancer prudemment quelques mots pour en savoir plus, même si Julia lui avait confié qu'Adam était le pion principal de cette histoire.

-Pourquoi tu ne m'as rien dit ? Je suis toujours là pour toi, tu sais...

-Comment voulais-tu que je te dise quelque chose alors que je ne savais plus comment te joindre ?

Samantha marqua une pause, consciente de la véracité des paroles de Zhéma.

-Je sais que j'étais injoignable. Arrivée là-bas, j'ai perdu tout moyen de te contacter, et ma mère m'a annoncé qu'elle avait finalement déménagé après mon départ. J'ai insisté tellement de fois pour qu'elle prenne ton numéro pour moi, mais mon père m'empêchait de lui parler, même à elle...

-Tu racontes n'importe quoi, tu m'as abandonné quand j'ai eu le plus besoin de toi ! Tu ne voulais juste pas entendre une pauvre fille te raconter ses insignifiants problèmes de cœur, voilà tout !

-Ne dis pas ça Magee...

-Au diable Magee ! Au diable cette sale geek que j'étais ! Ça ne m'a apporté que de sale emmerdes !

-Calmes-toi, tu dois te reposer, ta blessure s'est réouverte et le médecin a dit...

-Ne t'approche pas de moi ! Cria-t-elle en se dressant sur son lit, retirant tous les tubes de médicaments qui lui avaient été branchés.

Zhéma devenait de plus en plus agressive. Elle en voulait à Samantha, de l'avoir laissé survivre dans un monde qui la clouerait au pilori sans lui laisser le bénéfice du doute et la miséricorde qu'elle méritait. Elle inspecta minutieusement autour d'elle, et se muni du couteau que Samy avait utilisé plus tôt pour son déjeuner.

-Apparemment la première fois je n'ai pas réussi...je vais achever le travail...

-Pose ça Zhéma, ne te fait pas plus de mal, je t'en supplie ! Pose ça, et confies-toi à moi !

-Si je ne meurs pas, je finirai par aller en prison et tout le monde m'abandonnera un jour ou l'autre.

-Tu peux encore t'en sortir Zhéma...

-C'est faux ! Tu me mens pour que j'abdique ! Où étais-tu toutes ces années où j'avais besoin de toi ?

-Tu as pensé à ta mère, à ce qu'elle ressentirait de voir morte sa seule fille? Et Julia, t'as pensé à elle ? Elles t'aiment tellement, tu ne peux pas leur faire ça, Zhéma...

Zhéma déglutit à l'évocation de chacune de ces personnes, et finit par se calmer et baisser la tête. Samy profita de son court moment d'absence pour lui arracher le couteau et la prendre dans ses bras. Samantha avait raison. Elle ne pouvait plus rien maintenant, sinon c'est sa mère qui ne s'en relèverait pas. Elle éclata finalement en sanglot sur l'épaule de son amie, comme elle l'avait fait un an plus tôt, au bout du rouleau.

L'infirmière qui était de service débarqua la minute d'après, suivie de Julia et d'Alma, toutes inquiètes de la santé de Zhéma, tant sur le plan physique que mental.

                              *

Au tribunal, l'affaire White venait d'être classée. A la demande des White, un scandale médiatique avait été évité, le procès s'ayant été fait à huit clos. Adam White s'en était sorti relaxé, grâce au dévouement de son avocate Gabriella Reece.

-Merci maitre Reece, tout ça est enfin fini, dit Lewis White, le père d'Adam, aux côtés de ce dernier.

-Je suis heureuse d'avoir fait mon travail Mr White, vous n'avez pas à me remercier. Adam est quelqu'un de bien, et il ne méritait pas une telle injustice.

-Hum, en effet. J'ai collaboré avec votre mentor durant de nombreuses années, et ce sera une joie pour moi si jamais nous travaillons à nouveau ensemble en cas de nécessité.

-J'en serai enchantée Mr White.

-Au plaisir de nous revoir.

-Moi de même, au revoir.

Juchée sur ses escarpins, elle tourne le dos aux deux hommes et laisse l'ascenseur de la cour de justice effacer sa présence. Jusque-là, Adam n'avait bronché le moindre mot, et s'était contenté de regarder ailleurs, trop éprouvé pour parler.

-Adam, on doit parler.

-De quoi ?

-Tu fais exprès?

-Non papa. Je n'ai juste pas envie d'en parler.

-A elle peut-être tu n'as rien voulu dire jusqu'à présent, mais tu ne me le feras pas à moi Adam. On vient de finir un procès ! Tu veux savoir le nombre d'années que tu risquais en plus de tout le temps que tu as passé ici?

-Je n'en ai pas besoin. Et puis tu as bien vu que je ne voulais pas la tuer.

-Je veux comprendre.

-Comprendre quoi?

-La fille que j'ai vu la dernière fois, elle t'aimait. Et celle dont on parle ici te déteste. Qu'est-ce qui s'est passé ?

-C'est compliqué.

-Adam, finit les tracasseries judiciaires. C'est entre toi et moi mon fils, dit finalement Lewis sur un ton un peu plus adoucit. Quand on va rentrer, tu vas m'en parler n'est-ce pas ?

Adam soulève les épaules et soupire, comme pour donner son approbation. Une partie de l'histoire se finissait bien, mais tout au fond de lui, Adam avait les pensées toujours occupées par une seule et même femme : Zhéma. Il ne lui en voulait pas le moins du monde. Si lui il s'en était sorti, et elle ? 

                                       *

A l'hôpital, le médecin s'entretient aussi avec Alma concernant la santé de sa fille Zhéma. Comme toute la petite famille à laquelle appartenait désormais Samantha, lui aussi soupçonnait une maladie psychologique assez grave. Pour la calmer toute l'après-midi, ils durent lui administrer un tranquillisant assez fort qui en ce moment même l'avait cloué dans un profond sommeil.

-Madame Woods, votre fille a besoin d'un traitement adéquat dans un hôpital psychiatrique pour ce genre de trouble. Sinon tôt ou tard, soit elle vous fera du mal, soit elle se fera elle-même du mal. 

-Vous voulez dire que ma fille est une malade mentale ?

-Elle a juste besoin de soins pour aller mieux. Voyez-vous même, elle ne va pas bien pour l'instant surtout après la crise qu'elle vient de faire. Excusez moi, je reviens, dit-il après qu'un infirmier lui ai fait signe.

Le docteur s'éloigna un instant et laissa Alma, complètement abattue, assise les mains à la tête sur un banc du couloir de l'hopital.

-Alma ? Fait Julia en s'approchant tendrement de sa sœur en posant son bras sur elle.

-Julia, je ne sais pas pourquoi Zhéma est dans cet état. Ma petite fille ne me cachait rien, et à toi aussi, à quel moment tout s'est écroulé Julia ? Tu crois que j'ai été une mauvaise mère ?

Elle s'assit et se tint la tête entre les mains.

-Alma, je...je te dois la vérité. Tu as été une mère parfaite.

-Je n'ai pas été une bonne mère, voilà la vérité. Et Zhéma a été détruite...

-Au contraire, tu es une très bonne mère. Mais il y a des choses que tu ne sais pas sur ta fille. Par ma faute. Pardonne-moi Alma, pardon...

-Des...choses ? Mais de quoi tu dois me parler ?

Sans plus de retenue, Julia lui dit toute la vérité, sur tout ce qui s'est passé depuis le lycée jusqu'à maintenant, au procès. Alma tombait des nues. Ce n'était pas possible. Pas Zhéma.


A suivre...












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Bisou flagrant💮💖!

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