Chapitre 23
Elle dévala les escaliers à toute vitesse et voit Luke, arrêté juste en bas de ceux-ci, mais de dos.
-Luke ! Crie-t-elle pour attirer son attention.
Il se retourne et la remarque s'approcher de lui.
-Salut Karen, content de te voir !
-Moi aussi, tu viens?
-Avec plaisir !
Il la suit sans broncher jusqu'à ce qu'ils arrivent à son étage. Elle sort la petite clé qu'elle enfonce dans la serrure qui obéit sans résistance, et invite Luke à entrer d'un signe de tête.
-C'est ici que je suis. Tu pourras te retrouver la prochaine fois?
-Oui, j'ai vu. Ce n'est pas trop caché, dit-il.
Elle opine de la tête et se précipite à l'intérieur sans l'attendre. Un peu hésitant, il entre en marchant doucement, comme s'il craignait de rayer le sol. Adam le regarde avec dédain avancer prudemment dans la chambre comme un espion débutant, totalement conscient que Luke n'avait pas encore remarqué sa présence.
-Bonsoir, lui lance-t-il pour crever l'abcès.
-Oh, bonsoir, dit Luke en sursautant, effrayé par la voie dure qui l'accueille, Karen ayant disparue de la pièce.
Avant qu'elle ne sorte, Adam et Luke se regardent longtemps comme deux rivaux, deux fauves prêts à tout pour défendre leur territoire. Sauf que l'un d'entre eux n'a d'autres choix que d'admettre que l'autre est plus sanguinaire et plus possessif que lui. Luke perd face à Adam, priant pour que Karen vienne interrompre cet affrontement déloyal.
...Dans la peau d'Adam...
C'est donc lui qu'elle est partie chercher.
Je me demande qui s'est encore ce type bizarre.
Elle sort finalement de la salle de bain, la démarche chaloupée à un tel point que j'en perd mon latin.
Karen: Adam je te présente Luke et Luke voici Adam, mon colocataire. Il prend des cours avec moi désormais.
Si vous voulez voir sa tronche, c'est le média tout en haut.
Moi: Ah. Enchanté Luke.
Lui: Moi de même.
Je le fusille discrètement du regard jusqu'à ce qu'il prenne place, frustré qu'il me vole ce moment.
Karen se dirige allègrement vers la cuisine, peut être pour boire de l'eau comme d'habitude.
Je me demande si elle ne cherche pas à me provoquer, sinon, qu'est-ce qu'elle a à se promener comme ça pour me laisser avec ce Luke ?
Pour être honnête, sa présence me gêne.
Il ne pouvait pas demander à quelqu'un d'autre pour l'aider pour ses cours ?
Moi: Tu étudies le journalisme aussi?
Je lui pose la question avec une bonté forcée puisée dans le plus profond de mon cœur. J'essaie de sourire un tant soit peu pour paraître moins menaçant, mais je me rend compte que c'est une mauvaise idée parce que je ressemble plus à un chien prêt à mordre qu'à quelqu'un qui essaie de sympathiser.
Luke: Oui, dans la même classe que Karen.
Évidemment, ça pouvait pas être pire. Heureusement, j'ai l'impression de lui faire peur.
Moi: Aucun professeur n'a accepté de te prendre?
Luke: Je n'ai pas essayé, les cours particuliers sont trop chers.
Moi: Ah, d'accord, enchanté.
Lui: Moi de même.
Je suis sûr qu'avec son air de binoclard, il cherche forcément un moyen de passer du temps avec elle et il a fini par trouver le prétexte magique : les devoirs.
Elle: Me voilà Luke. T'es prêt?
Lui: Ouais, je suis prêt.
Elle: J'espère qu'Adam n'as rien dit d'idiot.
J'hausse les épaules, l'air innocent et continue de travailler.
J'espère qu'il va se dépêcher de foutre le camp celui-là.
*
Exaspérant.
Chiant. Énervant.
Voila les mots que je choisis pour décrire la situation.
Un peu maladroite au début, elle se rattrape et aide Luke avec une aisance étonnante. Elle me rappelle Zhéma, qui elle aussi m'avait aidé par le passé de la même manière pour mes devoirs. Elle était tellement mignonne cette fille...
Luke, lui, comme un toutou, sourit à chacun de ses mots comme un empoté, et de manière assez discrète, lui touche souvent la main.
Beurk.
S'il pense que je ne vois pas son petit jeu.
Karen: Voilà comment se passe la rédaction.
Luke: C'était même pas compliqué en plus. Dire que j'étais complètement bleu.
Elle: Je devrais peut être devenir professeur, pour une première fois j'ai assurée.
Lui: Moqueur. Si tu le dit.
Ils discutent un moment de tout et de rien, laissant les cahiers prendre un peu de poussière.
Inutile de vous dire à quel point je les trouve agaçant à rire comme des gogos, la bouche en cœur.
Moi: Il y a quelqu'un qui bosse ici, diminuez le volume.
Luke: Consterné. Désolé...
Karen: Ne prend pas à cœur ce qu'il dit. Il ne le pensait pas, hein Adam?
Je lui lance un sourire censé dire: <<Tu sais très bien que si>> mais elle m'ignore après m'avoir tiré dessus avec son regard et retourne tranquillement à ses moutons.
Je suis sûr qu'elle fait exprès.
Exprès de m'agacer.
*
Lui : Merci, c'est cool que t'es accepté.
Elle: De rien, tu me le revaudras. Salut!
Lui: Attend, il y a un club de lecture chez moi les vendredis, t'es la bienvenue si tu veux.
Elle: C'est assez compliqué...mais je vais voir si j'ai un bout.
Je les regarde depuis la fenêtre de la chambre, le rideau poussé violemment pour me laisser les voir roucouler au pied du bâtiment. Je ne peux m'empêcher de lorgner Luke. Mais il remarque ma présence qu'il gratifie d'un signe de la main, auquel je ne répond que très froidement.
S'il pense qu'on va faire pote pote, il rêve.
Elle: A peine rentrée. Je peux savoir d'où te sors un caractère aussi désagréable?
Moi: Tu as probablement dû le contaminer avec le tien.
Elle: Luke est super gentil et toi tu es froid et distant.
Moi: Je ne le sens pas ce mec.
Elle: Ça ne veut rien dire, tu n'as pas à le juger.
Moi: Je ne savais même pas qu'il venait, tu aurais dû me prévenir.
Elle: Ne t'inquiète pas, il ne dérangera pas les petites habitudes de monsieur.
Moi: T'es vexée?
Elle: Pas tellement, je m'y attendais. Pour une fois que je n'ai rien à faire d'autre, je ne serais pas contre une soirée Netflix.
Moi: Je n'ai jamais dit que moi j'avais fini.
Elle: Qu'importe. C'est pour te faire pardonner.
Moi: Tu risques d'attendre longtemps.
Elle: J'entend rien, lalala. Je vais faire du pop corn microbe.
Moi: Salé/sucré pour moi.
Elle: J'ai une idée, et si je t'ajoutais du vinaigre?
Cinq minutes après qu'elle soit rentrée dans la cuisine, son téléphone vibre près de moi.
Je n'ai pas l'habitude de fouiller les téléphones mais je ne peux pas m'empêcher de jeter un coup d'œil, et tombe accidentellement sur le contenu de ce message.
Mais il compte pas la laisser celui-là?
Moi: Criant depuis la chambre. T'as un message. ''Je suis bien rentré. Bonne nuit Luke.'' Humm...
Elle: Pourquoi tu fouilles mon téléphone?
Moi: J'ai pas fouillé, je l'avais sous les yeux.
Elle: Heureusement sinon je t'aurais étripé.
Moi: Dans tes plus beaux rêves. Ils viennent quand tes pop-corn?
Elle: Je suis chez ta grand-mère là, elles sont entrain de cuire, dis lui de se dépêcher.
Moi: C'est vrai qu'elle est plus rapide que toi la limace.
Elle: Et puis quoi encore...
Enfin seuls. Je vais pouvoir profiter de ma coloc au mauvais caractère.
Est-ce nécessaire de vous dire qu'elle m'a manqué pendant ces deux heures?
Retour à l'histoire...
Ça faisait un bon moment qu'elle avait aussi bien dormi sans être hantée par d'affreux cauchemars. Elle se décida le soir-même à aller au club de lecture dont Luke lui avait parlé. Les sororités, c'était pas son truc à cause des choses effrayantes dont elle avait entendu à leur sujet, mais les clubs, elle adorait ça.
-Je suppose que tout le monde connait déjà Karen Wilson, dit Luke, une fois tout le monde présent.
-Tout le campus parle d'elle. Enchanté, lâche l'un d'entre eux, un grand blond aux traits comiques, suivit du reste du groupe
-Lui c'est Danny, présente Luke.
-Enchantée Danny, enchanté tout le monde, répond Karen, un sourire plaqué sur le visage.
-Aujourd'hui le sujet que nous allons aborder concerne une fille qui a fait accuser son copain de meurtre. Comme tu viens d'arriver, dit Luke en s'adressant à Karen, on va t'expliquer comment ça se passe.
Plutôt remuée par le thème de leur réunion de ce jour, Karen n'arrête pas de bouger sur son siège, le sentiment d'être vue par tous. Pour Luke, ce club de lecture est l'occasion de se faire une nouvelle amie super cool. Mais pour Karen, ce thème loin d'être anodin, était l'augure de l'acte macabre qu'elle s'apprêtait à commettre, en dépit de tous les principes qu'elle avait bâti sur l'autel du dieu Innocence et qui commençaient à se resserrer tel un étau qui l'empêchait d'aimer et de faire confiance à nouveau...
A suivre...
Si vous étiez Karen, seriez-vous allé au club de lecture?
Bisou groupé💖💮!
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