J'entre dans l'hôtel au bras d'un homme qui est censé être mon père. Je ne le connais ni d'Adam, ni d'Ève mais Mme Anderson s'est arrangée pour qu'on se ressemble plus ou moins.

Je tourne la tête. Tout autour, des connaissances de travail, des célébrités que je connais ou non. J'aperçois dans un coin Maggy, souriant jusqu'aux oreilles dans son splendide tailleur crème. Mme Anderson n'affiche aucune émotion particulière, mais je la sens fière d'avoir réussi à m'entrainer dans ce fichu pétrin. A côté d'elle se trouve Sharon, en train de fouiller dans une pile de documents. Tous sont là, sauf ma propre mère, ma tata, les personnes qui comptent vraiment dans ma vie. Mais c'est un faux mariage de toute façon, et les papiers seront brûlés peut-être même dès la fin de la cérémonie. Mieux pour moi si maman n'est pas au courant, sinon c'est certain que je vais m'attirer sa foudre.

Et pour ça, je dois prier pour qu'elle ne regarde pas de télé les jours qui suivent sinon je suis morte et enterrée.

Plus j'approche de lui, plus je serre les dents pour retenir les gouttes qui veulent gâcher mon maquillage. Mes yeux sont embués de larmes. Je vois complètement flou sous mon voile. J'entends à peine la traditionnelle musique des cérémonies nuptiales, que j'adorais fredonner quand j'étais encore célibataire. Je tremble, à l'idée de l'acte que je m'apprête à poser.

Mon ''papa'' me prend la main et la donne à Adam. Sa paume chaude se colle contre la mienne, et disperse dans tout mon être un choc électrique agréable, le même que celui que j'ai ressenti quand il m'a montré ma chambre.

Je suis là, face à lui. A mon mari. Enfin, à mon futur mari.

Il me regarde intensément, fend légèrement ses lèvres en me contemplant. Au lieu d'avoir le regard fuyant, je me plonge dans ses iris, savoure le moindre battement de ses paupières. Il n'y a rien à dire : Il est divinement beau dans son costume.

Le maire finit par revendiquer l'attention qui lui est dû et nous tire de notre bulle. J'ai hâte que ce cirque se termine. Signer ces foutus faux documents pour pouvoir refaire ma vie loin de lui, puisqu'il le souhaite et me libérer de ce fardeau. 

Mince, j'avais oublié le...baiser...

                                                                                                 *
Back in the past...

La tête posée contre le hublot, je repense à tous les événements de la matinée d'hier.

Après quelques formalités, c'est le moment de se porter les alliances. Une adorable choupette (Que fatalement je ne connais pas) nous les apporte sur un petit coussin très joli. Ok pour le coussin, mais Mme Anderson ne s'est pas foulée pour les bagues. Elles sont belles, oui...mais je ne les imaginais pas du tout comme ça. Trop simples. Sur ce coup, on ne peut pas dire qu'elle n'a pas eu de goût, mais bon, c'est bof bof quoi.

Il prend délicatement ma main, faufile ses doigts entre les miens pour les écarter, et glisse l'anneau tout le long de mon annulaire. Je fais de même, et une vague d'applaudissements s'en suit. Il remonte mon voile, met à nu mes lèvres rosies d'adrénaline.

Les demoiselles d'honneur : Un bisou ! Un bisou !

Il m'embrasse sur le front, puis sur le bout du nez. Je fais de même, et il capture mes lèvres. Ses mains sur mes hanches, mes bras à son cou. Douloureux d'accepter que cette attraction réciproque ne soit qu'utopie. Encore plus douloureux de se séparer, de se convaincre qu'on aura un jour le super pouvoir de ne plus s'aimer.

Je refoule les énièmes larmes qui coulent de la journée. La plupart disaient que c'est l'émotion. Ils ont peut-être raison. Je suis émue. Émue d'être mariée à l'homme que j'aime et à qui pourtant je n'ai pas droit...

In the present, in the plane...

Je me redresse et bois le reste de mon infusion. Il fait un froid de canard dans l'avion. Mais la vue de ces magnifiques îles en bas me réconforte ; vu qu'on va atterrir bientôt sur l'une d'entre elle pour notre lune de miel. 

Et oui, notre libération n'est pas pour maintenant.

Il est assis en face de moi, absorbé par un magazine. Il n'a rien dit depuis qu'on a décollé très tôt ce matin. Il doit être fatigué, la nuit a été longue pour nous deux. N'allez pas vous imaginer n'importe quoi.

Lui : Ça va toi ?

Moi : Oui, un peu fatiguée mais ça va.

Lui : On arrive bientôt, tu pourras dormir un peu.

Moi : Et toi ?

Lui : Ça va.

Il baille, projette la tête en arrière et soupire. Je sais qu'il me ment. Il est fatigué. Je veillerai à ce qu'il se repose arrivé là-bas, du moins en ce qui concerne son travail. Pour le reste, une simple déchirure du contrat de mariage suffira à régler beaucoup de soucis.

Mme Anderson et Sharon débarquent devant nous. Je les avais oubliées même depuis qu'on est monté. Ils sont à l'autre bout du jet privé avec Lewis White. Leurs visages sont graves, celui de Mme Anderson est encore plus sévère que d'habitude. Sharon transpire à grosses gouttes et à l'air paniquée.

Mme Anderson : Mr White, Mlle Woods, Sharon Moore a quelque chose de très important à vous dire.

Lewis White apparait au seuil la porte qui sépare les deux compartiments, silencieux.

Sharon : Euh...en fait...euh...

Mme Anderson : Tu vas parler ou je le dis moi-même ?

Moi : Vous avez un souci Sharon ?

Elle : Oui, madame, j'espère que vous me pardonnerez...

Moi : Allez-y, dites-moi de quoi il s'agit, qu'on le règle au plus vite.

Elle : En fait, je me suis trompé de...

Mme Anderson : Arrêtons de tourner autour du pot. C'est Sharon qui était chargé de remplacer les vrais documents par les faux n'est-ce pas ?

Moi : Si.

Mme Anderson : Elle les a échangés.

Moi : Je ne comprends, c'était le but non ?

Mme Anderson : Oui, mais au lieu de remplacer les vrais par les faux, elle a remplacé les faux par les vrais.

Je me redresse sur mon siège en essayant de comprendre ce qui est en train de se passer. Adam aussi relève la tête, ne dit rien et l'écoute, gravement.

Lui : Donc ?

Mme Anderson : Vu que vous avez signés les vrais documents, vous êtes mariés pour de vrais, vous et Mlle Woods.

Je cligne un nombre incalculable de fois les yeux, éberluée de la tournure ironique que prenait les événements.

Moi : Qu...Quoi ! ?

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