Chapitre 28: Léa
On avait tous les trois prit le bus une nouvelle fois mais cette fois-ci pour aller au plein cœur de Bordeaux. On se rendait au Musée d'Aquitaine où quelqu'un nous avait conviés. Ce n'était pas prudent de notre part d'y aller mais il le fallait pour continuer dans notre enquête. Le bus nous déposa alors juste devant le musée, sur une place prévue à cet effet. Théo sortit de son sac les trois tickets qu'on avait reçu avec le courrier.
— Tenez, on devrait pouvoir passer tranquillement avec ça...
— Vous pensez qu'il faut vraiment y aller ? demanda Antoine.
— Je ne sais pas, ai-je franchement répondu. De toutes manières, il doit y avoir du monde et s'il devait nous arriver quelque chose...
— Impossible, fit Théo avant de partir en direction du grand bâtiment blanc sablé.
Ses colonnes qui partaient du premier étage semblaient porter le poids du ciel ; tout comme les figures sculptées sur la façade, partageant leur histoire, séparatrice, au-dessous du drapeau tricolore.
On gravit les quelques marches puis on poussa la porte centrale du musée. Notre trio pénétrait à présent dans l'immense hall, au milieu de colonnades. Il y avait déjà une petite queue de personnes à l'intérieur, devant un guichet, mais on s'en éloignait pour rejoindre une entrée sur la droite tandis que l'on possédait déjà des tickets.
— Bonjour, nous salua une dame. Vous avez vos billets d'entrée ?
— Oui, répondit Théo en lui passant son ticket.
— Très bien, bonne visite.
On ne savait pas vraiment où aller et on décida finalement de suivre le parcourt. Nous nous lançâmes alors dans une longue visite – ce qui ne me dérangeait pas, contrairement à mes deux amis, puisque j'aime les musées... – à travers les salles retraçant l'histoire de la région.
On traversait les différentes expositions ; de la préhistoire à l'époque gallo-romaine, du XVIIIe siècle au XIXe siècle. On entrait maintenant, après un peu plus d'une heure, dans la salle du XXe siècle où étaient présentées les deux Grandes Guerres. Tandis que l'on observait les différentes vitrines, je vis une femme qui me regardait droit dans les yeux. Elle me disait quelqu'un mais ça me semblait tellement loin...
— Regardez, ai-je glissé discrètement à mes deux voisins en fixant ma cible.
— Mais, commença Théo. C'est la prof d'histoire qu'on a croisé l'autre fois...
Elle s'approcha de nous.
— Charlotte ? demanda mon frère à la professeure. C'est ça ?
— Oui c'est bien cela, répondit-elle le ton grave. Vous pouvez me suivre s'il vous plaît ?
Sans réfléchir davantage, on s'est mis à la suivre.
— C'est vous qui nous avez invité ici ? ai-je demandé. Je me trompe ?
— Non, il fallait que je vous parle...
Elle nous ouvrit une porte et nous entraina dans une espèce de réserve dans laquelle étaient disposées de nombreuse caisses en bois empilées les unes sur les autres, débordantes de boules en polystyrène. L'éclairage était faible et produisait des ombres sur nos visages. Charlotte ferma à double tours la porte, ce qui laissa échapper un gros claquement.
— Plus moyen de sortir, lâcha-t-elle. Maintenant vous allez tout me dire...
J'eus mauvais pressentiment à cet instant ; on s'était trompés sur son identité. Sa gentillesse nous avait induits en erreur. Qu'est-ce qu'elle allait faire de nous ; Antoine, Théo et moi ? On n'aurait jamais dû venir ; notre enquête nous menait que dans de mauvaises situations, tel un piège tendu à nous trois. Mais pourquoi ?
— Excusez-moi, interrompis Antoine. Je crois que je n'ai pas bien compris...
— Tu as très bien compris Antoine, ne me le fais pas répéter.
— Qu'est-ce que vous voulez savoir ? demanda Théo.
— Je vous ai entendu parler de Lockington...
— Vous nous pistez !
— Et alors ? me répondit-elle. Ce n'était pas net l'autre fois... votre venue dans l'école pourtant abandonnée...
— Et vous alors ? demanda Antoine. Pourquoi y étiez-vous ?
— J'avais des choses à régler...
— Quelles genres de choses ? Insista Antoine en s'approchant de Charlotte.
— Vous ne comprenez rien ! Lockington a tué mes deux enfants !
Là j'avais vraiment du mal à suivre ; Lockington était la personne qu'Antoine et Théo avaient rencontrée lors de leur excursion à Paris. Il était, selon eux, chaleureux et accueillant. Rien d'un criminel quoi. Ils m'avaient néanmoins dis qu'il avait eu une période sombre, serait-ce cela ? Serait-ce pendant cette période qu'il aurait pu faire du mal à ce point ? Charlotte reprit en haussant sa voix, les larmes aux yeux...
— Il a été accusé ! On avait toutes les preuves contre lui mais elles ont toutes disparues. Du jour au lendemain ! Comme par magie ! Et vous y croyez-vous ? C'est impossible !
— Calmez-vous, supplia Théo.
— Non ! Vous devez me dire ce que vous savez sur ce traitre !
— On veut bien vous aider, reprit Antoine d'une petite voix. Mais on...
La prof empoigna le col du frère de Théo et le plaqua contre un mur de caisses.
— Mais quoi ?
A ce moment, un bruit assourdissant nous perçâmes les tympans. Quelques secondes plus tard, Charlotte s'écroula sur le sol, devant les yeux pétrifiés d'Antoine. J'éloignais d'un coup de main Théo, moi-même effrayée de la situation. Un homme aux cheveux blancs dégarnis fit son apparition derrière les caisses, sous un rayon de lumière. Il tenait un revolver dans sa main droite ; c'était lui qui venait d'abattre notre agresseur. Nos trois regards se portèrent sur lui (qui regardait le cadavre de sa victime.)
— Lockington ? demanda Antoine.
Là, le monsieur posa son regard sur le frère de Théo et lui répondit comme à bout de souffle...
— Oui, c'est moi.
A ce moment, je ne savais pas à qui faire confiance. Ce Lockington venait de nous tirer d'affaire mais les arguments que Charlotte nous avait posés contre lui refaisaient surface dans mon esprit. Il était dans la réserve depuis le début. Pourquoi nous suivait-il ? Mes deux voisins qui semblaient se réjouir, avancèrent vers Lockington.
— Attend, ai-je chuchoté à Théo.
— Non, viens !
Lockington avait dû voir que je paniquais car lui-même le devenait :
— Restez où vous êtes !
Antoine essaya de s'opposer mais lorsqu'il émit un son, Lockington leva son arme vers nous.
— Si j'étais vous je ferais ce qu'on me dit de faire...
Nous nous étions, encore une fois, trompés. Dans l'histoire, c'était lui le mauvais côté, pas la professeure d'histoire. Antoine et Théo revenait vers moi, toujours en regardant notre véritable agresseur. Ils devaient être bouleversés : c'était pour eux la seule personne dans notre enquête sur qui ils pensaient pouvoir compter. Ils pensaient qu'il avait été sincère mais non.
— Qu'est-ce qui vous arrive ? demanda Antoine. Pourquoi vous ?
— Il ne m'arrive rien, mais vous par contre...
— Quoi nous ?
— Vous êtes naïfs jeunes gens ! Le monde est absurde et injuste !
— Pourquoi l'avez-vous tué ? demanda Antoine en montrant du doigt le cadavre de Charlotte, transpercé d'une balle au front.
— Parce qu'elle le méritait ; tout comme ses enfants...
— Vous les avez vraiment tués ?
— Oui, j'ai tué Clémence et Raphaël, sa fille et son garçon d'à peine dix ans qui...
— Qui quoi ? Ai-je réclamée quand il s'est abstint.
— Ne vous inquiétez pas, ce sera bientôt votre tour...
— Jamais ! Répliqua Antoine.
Il a essayé de faire un pas mais la pression dans la main de Lockington s'est fortement accentuée et a alors stoppée ce dernier courageux. Lockington s'est lui-même avancé vers nous ; sa main tremblante tenait toujours le pistolet.
— Et votre femme dans tout ça ? S'imposa Théo en essayant, sûrement, de jouer sur les sentiments.
— Ne me parle pas de Katie comme ça toi !
— Et pourquoi donc ? Ironisa Théo.
— Parce qu'elle aussi à son rôle dans tout ça... elle a empoisonné quelqu'un il y a quelque jours ; un foutu ado comme vous ! Mais elle n'en sait rien et ne le saura jamais...
— Et vous n'en saurez jamais plus, conclu-t-il en relevant son revolver vers nous trois. Car votre aventure s'achève ici...
Ce qui se passa après fût hors-normes : je pensais vraiment qu'il s'agissait des derniers instants de ma vie lorsque de gros projecteurs dissimulés des quatre côtés de la salle s'allumèrent ; nous éblouissant de ce fait tous les quatre. Lockington, qui voulait absolument en finir s'avança davantage vers nous, nous faisant ainsi reculer. Antoine me prit la main et je fis alors de même avec celle de Théo, à ma droite. D'un coup, mon pied heurta un objet dur sur le sol et je basculai alors en arrière, entrainant Antoine et Théo dans ma chute. Là c'était vraiment fini jusqu'au moment où je vis une ombre derrière Lockington qui le désarma avant de lui retourner le bras. Une seconde silhouette, toujours impossible à déterminer, arriva encore par derrière et assomma Lockington avec quelque chose de long et rigide. Le professeur tomba alors devant nous. Une des silhouettes vint vers moi et m'attrapa le bras de manière à me remettre sur pieds. Dans le mouvement, je reconnus la personne ; c'était Jean, le mec que j'avais rencontré à la bibliothèque.
— Salut ! me dit-il.
— Hey l'ami, lui répondis-je en souriant du mieux possible. Comme on se retrouve !
Antoine, déjà debout, aida son frère à se relever.
— Venez ! lança une autre voix au fond de la pièce.
On s'est alors tous mit à courir, suivant Jean qui nous guidait vers ce nouvel inconnu.
— Où est-ce qu'on va ? Ai-je demandé dans l'action.
— Vers une autre sortie ! La police ne va pas tarder à arriver, quelqu'un les a prévenus !
Je n'en revenais pas, on était en train de fuir face à la police. Cependant... qui pouvait bien avoir pris le temps de téléphoner à la police ? Personne à part Lockington, Charlotte, Jean et l'autre individu n'était au courant de la situation. Peut-être que c'était tout simplement ces deux derniers qui avaient pensé à tout. Ou Charlotte s'attendait à la présence de Lockington et du mauvais tournant de la situation. On se serait vraiment crus dans une mission commando ! Jean nous laissa passer devant lui, on franchit une porte, toujours vers l'inconnu, dans le flou le plus total. On emprunta enfin une issue de secours qui nous fit débarquer dans une petite rue. Je pu enfin dévisager l'autre individu que je me mis à fixer : c'était celui qui m'avait aidé à sortir des sous-sols de l'école juive. Il n'avait pas du tout changé.
— Je vous présente Mattias, glissai Jean en revenant parmi nous. C'est mon demi-frère.
Je fus surprise car ils ne se ressemblaient pas du tout mais bon, j'entamais à mon tour les présentations...
— Voici Antoine et Théo, nous sommes voisins.
Une fois les présentations terminées, on commença tous les cinq à marcher sur le trottoir.
— Vous pensez que c'était Lockington à l'origine de tout ça ? ai-je demandé.
— Ben si c'est le cas, dit Théo. On a fini notre enquête.
— Sauf qu'on n'a pas Yuki, ajouta son frère.
— C'est qui Yuki ? demanda Jean.
— Mon chien.
— Vous vous lancez sérieusement dans tout ça pour votre chien ?
On se regarda tous les cinq et on rigola tous ensemble. Ça faisait du bien de rire à côté de tous ce qu'il se passait.
— Pour revenir à Lockington, reprit Mattias. D'après ce que je sais, ce n'est pas lui tout seul au centre de l'affaire ; il y a aussi Rosenfeld et peut-être même d'autres personnes. Autant vous dire que vous êtes au point mort...
— Merci quand même, ai-je assuré aux deux demi-frères.
— Mais pourquoi vous étiez là ?
La question de Théo mit mal à l'aise Jean, au centre des regards. Je compris qu'il n'avait pas pu se détacher de moi et qu'il m'avait suivi, peut être au courant de la situation avec son frère ; j'ai alors essayé de changer de sujet...
— Comment allez-vous repartir ?
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