Chapitre 21: Théo
Je senti un souffle qui me réveilla. Je voulais m'étirer mais quelque chose m'en empêchait. Aucun moyen de bouger. Lorsque ma vision s'éclaircit, je vis que j'étais en plein milieu d'un chemin de fer, en dessous d'un immense soleil qui flottait dans le ciel. Mes mains et mes jambes étaient attachés d'une part et autre des rails.
Je vis qu'il y avait mon frère, encore endormit à côté de moi et dans la même situation. « Antoine ! » ai-je crié pour le tirer de son sommeil. « Il faut que tu te réveilles ! ». Encore dans les vapes, mon frère commençait peu à peu à ouvrir les yeux. Quelques instants plus tard, il tirait sur ses bras mais sans parvenir à se détacher.
— Qu'est-ce qu'on fait là ? me demanda-t-il.
— Tu crois vraiment que je le sais !
Il ne m'a porté aucune attention et s'est mis à chercher autour de lui d'un air vraiment paniqué.
— Où est Léa ?
— Merde ! Me suis-je exclamé.
Nous n'étions que deux en plein milieu des voies, il n'y avait personne autour de nous, personne qui pourrait nous sortir de là. Et qu'est-ce qu'on ferait si... il était trop tard : on entendait déjà un train qui arrivait au loin à toutes vitesses.
— Vite ! hurla Antoine. Il faut trouver un moyen de sortir de là !
— Il n'y a aucune solution ! On va mourir !
La pression montait, les rails vibraient de plus en plus. Tout dans ma tête s'accélérait, je ne pouvais me retenir de pleurer. Tandis que je voyais ma vie défiler, je voyais mon frère s'agiter dans tous les sens. Il était toujours impossible pour nous de nous détacher ; il ne restait qu'à attendre un miracle. Je voyais le train arriver derrière Antoine. Notre regard ne put se détacher de cette masse qui avançait sans s'arrêter et qui, maintenant, klaxonnait à répétition.
Plus rien. Le train venait de tuer mon frère et j'y passais à présent.
*
— Eh ! Réveilles-toi ! murmura mon frère en me secouant l'épaule.
— Qu'est-ce qu'il y a ?
Nous étions dans un train – sûrement un TGV – on occupait une banquette de deux places : mon frère Antoine était assis côté fenêtre et moi près de l'allé central. La voiture dans laquelle nous étions n'était pas trop remplie.
— Qu'est-ce qu'on fait là ? Ai-je demandé à mon frère en repensant au cauchemar que je venais de faire.
— Je ne sais pas, on nous a endormis quand on était dans le sous-sol de l'école juive.
— Et on s'est retrouvés là ?
Mon frère me répondit par un hochement de tête.
— Léa n'est pas ici ?
— Non, me répondit Antoine d'un air désolé. Et je ne sais même pas où l'on va...
Notre regard se posa sur un contrôleur qui faisait son entré dans le wagon, « Mesdames Messieurs, vérification des titres de transport. » On se regarda droit dans les yeux avec mon frère, paniqués de la situation.
« Qu'est-ce qu'on fait ? » lui ai-je lancé. Il s'est ensuite mit à chercher dans son sac à dos qu'il avait à ses pieds. « Attends, j'ai dû prendre de l'argent... » Après avoir retourné son sac dans tous les sens, il a finalement sortit deux papiers ; ce n'était pas de la monnaie mais des billets pour le trajet. Alléluia ! Me suis-je exclamé au fond de moi.
— Bonjour messieurs, puis-je vérifier vos titres de transport ?
— Oui, fis mon frère en lui passant les tickets. S'il vous plaît...
— Merci, bonne journée les jeunes !
Aussitôt que le contrôleur eu quitté les lieux, j'arrachai des mains d'Antoine les tickets que l'employé venait de le lui remettre.
« Paris ! Gare Montparnasse ! Me suis-je exclamé en criant au tel point que tout le monde – dont le contrôleur – se sont retournés vers moi et mon frère. « C'est de la folie ! » Tandis que les gens reprenaient leurs occupations, mon frère agonisait sur place.
— Mais qu'est-ce que qu'on va faire ?
— Tu sais... si ça se trouve on est dans un rêve...
— Pourquoi tu dis ça ?
— Je ne sais pas, j'ai un pressentiment...
— Ce n'est pas possible ; me rétorqua-t-il. On ne peut pas être à deux de cette manière-là dans un rêve, et puis...
— Quoi ?
— Et bien, reprit-il en hésitant. C'est assez bizarre mais, on ne peut pas vraiment se rendre compte que l'on est dans un rêve si c'est un rêve...
Je m'arrêtai sur la phrase semi-philosophique de mon frère en me demandant s'il avait raison et je repensais à Maurice, le vieux que nous avions vus à l'hôpital psychiatrique. Il nous avait dit qu'il fallait croire même à l'incroyable, que notre imagination pouvait voir certaines choses... Mais était-ce vraiment la personne sur qui l'on pouvait compter ou tout simplement la personne que l'on pouvait croire étant donné qu'elle soit internée ?
*
« On arrive » me chuchota mon frère qui rangeait ses écouteurs dans son sac. Je me rendis compte que je venais de m'endormir une nouvelle fois. Au moins le trajet était passé vite... On s'enfonçait dans la gare, parmi les autres trains. Les voyageurs du wagon se levaient et allaient rejoindre les sorties.
— Allez, vas-y ; me lança Antoine m'expulsant ainsi de ma place.
— Minute papillon ! Tu dois voir quelqu'un ou quoi ?
On se dirigea hors du compartiment et on attendit avec les autres personnes que les portes s'ouvrent. Une fois celles-ci ouvertes, on se précipita avec la foule à l'extérieur du TGV. Beaucoup de personnes attendaient sur le quai mais une en particulier me retenais l'attention : c'était une personne avec un chapeau noir et un long caban par-dessus une chemise bleue ; pas trop jeune mais pas trop vieille ! Elle tenait un carton sur lequel était inscrit notre nom, Bushman.
— Regarde ! Lâchai-je à mon frère en montrant du doigt l'inconnu. C'est-bizarre non ?
— Tu le connais ?
— Non, je ne l'ai jamais vu...
Le monsieur ressemblait à un inspecteur assez sombre. Il cherchait autour de lui lorsqu'il nous croisa du regard. Il s'est alors approché de nous, persuadé d'avoir trouvé ses cibles.
— Bonjour jeunes gens, dit-il en soulevant son chapeau, laissant ainsi découvrir ses cheveux blancs. Ai-je bien devant moi messieurs Théo et Antoine Bushman ?
— Euh... Oui, répondit mon frère hésitant.
— Très bien ! Je suis Albert Lockington, suivez-moi, on m'a chargé de vous dire des choses...
Il nous a alors entraînés hors du quai ; mon frère et moi nous lancions des regards, un peu à l'écart de l'inconnu. Qu'est-ce qu'il pouvait bien avoir à nous dire ? C'était bizarre le niveau auquel il semblait nous connaître. Comme si tout était normal. Mais non ; je m'étais réveillé bras et jambes attachés en plein milieu d'un chemin de fer. A peine que le train venait de passer que mon frère et moi nous sommes retrouvés dans un TGV en direction de Paris. On déboulait maintenant sur le parvis d'une des sorties de la Gare Montparnasse, après avoir fait la connaissance d'un homme qu'on ne pouvait ni déterminer ni cesser de suivre.
— Où est-ce que vous nous emmenez ? demanda mon frère tandis que je restais toujours silencieux.
— Chez moi, répondit Lockington. On sera plus tranquille...
— Et c'est loin chez vous monsieur ?
— Non, on va prendre un taxi, c'est dans le XIXe arrondissement.
Sur cette annonce, on s'est tous les trois approchés d'un taxi qui attendait sur un trottoir. Antoine et moi sommes montés sur la banquette arrière tandis que Lockington a pris place devant. Ce dernier a annoncé au chauffeur l'adresse à laquelle il devait nous déposer. « Pas d'soucis, a répondu ce dernier. On y va tout de suite ! »
Pendant le trajet, nous avons parcouru divers quartiers de Paris. Nous étions déjà venus une fois dans cette capitale mais mon frère et moi étions très petits et j'en ai alors gardé peu de souvenirs. Je redécouvrais donc cette ville immense.
Ça faisait un peu plus d'une demi-heure que l'on roulait ; on était en train de traverser une avenue lorsque Lockington prit la parole.
— J'ai travaillé là il y a plusieurs années... indiqua Lockington en nous montrant un gros bâtiment assez moderne qui dépassait d'épais feuillages.
Il y avait de grands panneaux de la Cité des Sciences, et j'ai alors compris de quoi il s'agissait.
— Alors vous êtes un scientifique ? Ai-je demandé.
— On peut dire ça... J'aimerais vous y emmener mais là on n'a pas vraiment le temps ; on fera ça une prochaine fois.
Je ne comprenais pas trop ce qu'il voulait dire par on peut dire ça, c'était vraiment un personnage mystérieux.
Notre taxi s'engagea dans une nouvelle rue, elle était identique aux autres, assez typique de l'ancien Paris. Puis le chauffeur s'arrêta.
— Merci, fit Lockington en lui tendant quelques billets. Gardez le reste.
— Oh ! Bonne journée à vous !
— Les enfants, on est arrivés, vous pouvez sortir...
Après avoir salué le conducteur, Antoine et moi avons rejoint Lockington sur le trottoir. « Venez ! nous a-t-il lancé, en montrant du carton toujours présent dans sa main, une maison. C'est par là... » Alors que le taxi repartait, on avançait derrière notre guide vers sa maison. Nous étions à peine arrivés devant la porte que cette dernière s'ouvrit. On aperçut derrière celle-ci une petite dame – sûrement du même âge que Lockington. Elle avait les cheveux blonds, lisses et portait des petites lunettes rondes sur son nez. Lockington nous fit signe d'entrer devant lui.
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