Chapitre 7
Après s'être rassasié et un peu reposé chez son ami Agus, Ashkii s'est rendu à la fuste de Munco. Ce dernier a convoqué les êtres des trois communautés vivant sur l'île sans compter les Abouis. Il y a Jacy pour les Muncaniens, Agus représentant des Rajasirs et Artiom, un vieil homme à la tête des Igums. Ces derniers sont peu nombreux sur l'île. Ils sont discrets, mais toujours prêt à aider quiconque dans le besoin.
Seulement parce que c'est lui qui a découvert que la mungiscanie est de nouveau utilisée, Ashkii est aussi présent. Cependant, il risque aussi d'être réprimandé pour ne pas avoir averti Munco et avoir pris l'initiative de sauver lui-même le Chef des Chyrikas.
Alors que Jacy vient de terminer de raconter le déroulement des événements, Munco ne tarde pas à s'en prendre à Ashkii :
— Tu te devais de me prévenir. Tout cela aurait pu mal tourner ! Tu as pris des libertés qui n'étaient pas de ton ressort !
— Si nous t'avions appelé, il serait peut-être mort à cet instant et les Chyrikas vivant nous aurait tous tués, se défend Ashkii.
Munco vient se mettre face à lui.
— Qu'importe ! La mungiscanie aurait pu échapper à ton contrôle et investir d'autres corps, dont celui de Jacy ! Si elle vient à disparaître, cette île ne sera plus aussi sécuritaire qu'elle ne l'est aujourd'hui ! (Il martèle plusieurs fois son index sur le torse d'Ashkii.) Comment peut-on agir de la sorte sans penser aux conséquences !
Ashkii ouvre la bouche pour lui répondre, mais Artiom le devance.
— Munco, avec tout le respect que je te dois, cet homme a agit de la manière dont il pensait être la meilleure. De plus, rien de ce que tu avances ne s'est produit, il a réussi à ôter la mungiscanie du Chyrika.
Le ton avec lequel il parle est des plus calmes, contrairement à Munco.
— Cela m'importe peu ! Cette insubordination dont il a fait preuve envers moi, envers nous, mérite une sanction, tente-t-il pour les rallier à sa cause.
Jacy se lève et vient aux côtés d'Ashkii et lui adresse un tendre regard avant de s'adresser au Meneur des Abouis.
— Munco, nous nous connaissons depuis de nombreuses lunes noires et je te respecte beaucoup, commence-t-elle par dire, néanmoins, je ne prendrais pas part à une quelconque sanction que tu viendrais à prononcer.
Le Meneur des Abouis boue de colère. Voilà qu'à présent, Jacy se ligue contre lui.
— Donc, tu affirmes qu'il n'y a aucune imprudence de commises, qu'il ne nous a pas mis en danger.
— Je dis juste qu'il a fait ce que tu lui as demandé. Sauver le Chyrika.
Le vieil homme se lève. Le dos voûté, il se dirige vers la sortie. Tous le suivent des yeux.
— Je crois que nous en avons fini pour aujourd'hui, déclare-t-il d'une voix autoritaire.
Il se tourne, son visage fermé traduit son mécontentement. Il fixe Munco avec intensité.
— Réfléchis à la façon dont tu vas apprendre aux tiens comment enlever la mungiscanie à la place de vouloir le punir. Cela sera plus approprié aux circonstances, lui somme-t-il.
Agus et Ashkii le suivent. Quant à Jacy, elle reste et attend que la porte se ferme avant de venir vers Munco. L'air grave qu'elle affiche ne présage rien de bon.
— Munco, quand ta colère envers Ashkii ne sera plus, je devrais te parler de quelque chose d'important.
Elle n'en dit pas plus et le laisse seul après avoir prononcé cette phrase mystérieuse. Le Meneur des Abouis se demande de quoi elle veut lui parler, mais les rides de son front se sont creusées plus que d'habitude et ce n'est certainement pas sans raison. Il doit se ressaisir et décide d'aller se défouler dans les bois sous sa forme animale.
Kiona et Stella sont sur le chemin du retour et elles accélèrent le pas. Des nuages noirs obscurcissent le ciel et la menace d'une tempête se fait pressante. Les ondulations des arbres situés droit devant elles s'accentuent au fur et à mesure de leur avancée.
Elles se sont assez éloignées et ne sont pas certaines de réussir à regagner leur lieu de vie dans les temps. D'un geste de la main, Kiona fait comprendre à son amie de marquer un arrêt.
— Stella, nous devons trouver un abri, affirme la jeune Aboui, une goutte de pluie ruisselant sur son front.
— Je suis d'accord, lui répond-t-elle d'une voix assez forte pour ne pas qu'elle soit couverte par le bruit du vent qui s'intensifie. Mais où ? Nous sommes au milieu d'une plaine !
Les deux jeunes femmes posent leur regard un peu partout sur les alentours, les yeux plissés à la recherche d'un lieu sûr.
Derrière et à leur droite, la forêt et devant, une étendue d'herbe parsemée d'arbres et d'arbustes à perte de vue.
Le seul endroit qui serait à même de leur offrir protection se trouve à leur gauche. Au loin, des collines, dans lesquelles elles peuvent éventuellement trouver une cavité pour s'y réfugier, se dessinent.
Les deux jeunes femmes, d'un commun accord, se mettent à courir aussi vite que possible.
Le tonnerre se met soudainement à gronder après que des éclairs furtifs aient déchiré le ciel ombragé. À présent, la pluie tombe averse. Elles sont trempées et peinent à avancer sous la lourdeur de leurs vêtements gorgés d'eau.
Alors qu'il ne reste qu'un peu plus de cent pas pour atteindre la paroi verdâtre et rocailleuse, Stella glisse sur l'herbe mouillée et pousse un cri strident surplombant le vacarme ambiant lorsque son poignet se fracture sous son poids. Kiona se stoppe net dans sa course et fait demi-tour. Elle s'agenouille auprès de son amie grimaçante de douleur.
Elles doivent faire vite, la foudre frappe à divers endroits et se rapproche d'elles. La jeune Aboui se relève et se métamorphose en une jeune biche dont les grands yeux bleus traversés de filaments dorés fixent Stella avec insistance. Elle plie ses pattes avant et abaisse sa tête, l'invitant à monter sur son dos.
— Non, refuse la jeune femme, tu n'arriveras pas à me porter, je suis bien trop lourde.
Kiona insiste et lui donne des petits coups de museau. Un énorme coup de tonnerre retentit et les fait sursauter. Cela décide Stella à accepter la proposition de son amie, ce n'est pas le moment de tergiverser.
Au galop, elles ne tardent pas à rejoindre le flanc de la colline. Elles n'ont pas besoin de la longer longtemps avant de réussir à s'engouffrer dans une grotte assez profonde pour les accueillir toutes les deux et les mettre à l'abri.
Ashkii avance à grandes enjambées sous la pluie battante. Il se dirige vers la hutte où se trouvent les Chyrikas.
Sa fille, ainsi que Stella sont introuvables . Pour lui, il ne fait aucun doute qu'ils y sont pour quelque chose.
Il ne les a trouvées nulle part et l'envie de sa fille de vouloir rejoindre la résistance l'a sûrement poussé à se rapprocher de ces êtres venus du continent.
Il pénètre dans la cabane avec fureur faisant s'écraser la porte contre le mur.
Des gouttes d'eau perlent sur ses cheveux bruns et quelques mèches lui brouillent la vue. D'un geste brut, il les enlève et balaye la pièce du regard.
Bidzil se dresse devant lui, l'air menaçant, prêt à l'affronter.
L'Aboui n'en tient pas compte, il a plus important à faire que de batailler : retrouver sa fille.
— Où sont-elles ? Où est ma fille ?
Surpris Aron et Erika assis côte à côte sur l'un des quatre lit meublant la pièce, le dévisage avant de se jeter des coups d'oeil interrogateur. Quant à Bidzil, malgré sa stupeur face à la situation, reste impassible et imagine qu'il s'agit là d'un stratagème pour venir voir ce qu'ils font.
— Comme tu peux le constater, pas ici, répond Bidzil d'une voix forte.
Ashkii n'en a que faire de ses dires. D'un coup d'épaule dans le biceps du grand homme balafré, il se fraye un passage. Il passe à côté d'Ahiga, toujours inconscient sans lui prêter attention et va inspecter la salle d'eau.
Les iris de Bidzil rougissent de colère, mais Aron lui demande de le laisser faire d'un geste de la main. Contrarié, il obtempère, la mine renfrognée.
Aron se lève et s'adresse à Ashkii. Ce dernier semble désemparé.
— Pourquoi avoir pensé qu'elles seraient ici ?
— Parce qu'elles ne sont nulle part ailleurs, s'agace-t-il sans dévoiler ses réels soupçons.
Aron adresse un bref regard à Erika et Bidzil avant de proposer son aide. Erika, elle, se garde de révéler qu'elle a aperçut la jeune femme lorsqu'ils étaient à la rivière.
— Je vais vous aider à les chercher, déclare-t-il. Dites-moi par où aller.
— Mais Aron... commence à s'insurger Erika en se mettant debout avant que celui-ci ne la fasse taire.
— J'ai dit que j'allais l'aider ! décrète-t-il sur un ton acerbe, je ne t'ai pas demandé ton avis.
Erika ne réplique pas, mais son visage furieux traduit son désaccord. Bidzil, lui, garde le silence. Cependant, il pousse un léger grognement marquant sa désapprobation.
— Maintenant que les choses sont clairs, déclare Aron en reportant son attention sur Ashkii, je vous suis.
Kiona est penchée sur le poignet de Stella. Elle le maintient par-dessous de sa main droite et la gauche est posée par-dessus.
— Tu es prête ? lance l'Aboui à Stella, dont la grimace de son visage traduit sa douleur.
— Si tu es certaine d'en être capable, rétorque la Mucanienne sur un ton méfiant.
Kiona maîtrise bien son don de guérison, cependant elle n'a jamais rétablis des os cassés et elle ne sait pas si elle en est capable.
— On va vite le savoir, répond-elle, la voix un peu tremblante.
Elle prend une grande inspiration et ferme les yeux. Concentrée, elle vide son esprit et envoie son énergie dans ses mains.
Stella émet un petit bruit lorsqu'elle ressent une chaleur anormale entourant son poignet. C'est une première pour elle aussi.
Une fois l'effet de surprise dissipé, elle ressent un bien-être indescriptible. Il se propage dans tout son corps avec légèreté. Elle n'entend plus la pluie battante, ni l'orage qui gronde.
Eprouvée, les paupières toujours closes, Kiona ôte ses mains et esquisse un sourire de soulagement.
— C'est incroyable, déclare la Mucanienne dans un murmure, les yeux rivés sur son poignet. Ce ressenti est incroyable. Tu es incroyable, Kiona.
— N'en fais pas trop non plus, se renfrogne gentiment la jeune femme.
Stella serre son amie dans ses bras, reconnaissante de l'avoir guérie.
— Kiona, je peux te poser une question ?
Les sourcils relevés, l'Aboui acquiesce.
— J'ai toujours du mal à comprendre pourquoi tu as beaucoup mieux réagi lorsque Linzi et moi t'avons avoué pour nous deux, alors que les ébats des deux Chyrikas semble vraiement te mettre mal à l'aise, lui signifie-t-elle perplexe. Pourquoi ? Nous transgressons les règles et de plus celles de Vazora. Nous mourrons peut-être même pour ça et cela ne t'a pas déranger outre mesure.
Kiona pose sa main sur la belle chevelure brune de son amie et lui sourit avec tendresse et bienveillance.
— Comme je vous l'ai dit à toutes les deux, c'est un sujet que j'ai abordé avec mon père. De plus, j'ai ressenti la sincérité de votre amour, alors dans ce cas, j'estime que transgresser les règles est juste. Eux, j'ai l'impression qu'il n'y a rien entre eux et je pense que pour se donner à quelqu'un, il faut tout d'abord s'aimer.
À quelques centaines de pas de l'endroit où elles se trouvent, Aron accompagné d'Ashkii et d'Agus, tous les trois trempés jusqu'à l'os, sont à leur recherche. Ils viennent de sortir du bois et se sont réfugiés contre un énorme rocher incurvé. La nuit s'est installée et il leur devient compliqués de voir.
— Peut-être que si vous vous métamorphosez cela faciliterait les recherches, non ? demande Aron à Ashkii lors d'une halte
Le jeune homme est surtout curieux de voir à quoi il ressemble sous sa forme animale. Il a trouvé Kiona magnifique en biche et se trouver devant un cerf doit être aussi impressionnant.
— Avec cette pluie et le boucan du tonnerre, non, répond l'Aboui. Mes sens seront brouillés. Heureusement, la vision nocturne d'Agus va nous aider.
Aron écarquille les yeux, fasciné.
— Là, vous me voyez clairement, s'enthousiasme-t-il.
Agus sourit devant son émerveillement.
— Pas vraiment, je ne distingue pas les détails, explique-t-il, juste les contours de ce qui m'entourent. C'est associé à mon flair et mon ouïe que ma vision est plus claire, mais si Raja était là, mes sens seraient bien plus développés.
Chaque Rajasir est uni de manière ésotérique à un Furanja. Ce sont des grands fauves au pelage de couleur majoritairement orange. Des traits noirs, marrons ou jaunes sur leur dos forment diverses arabesques. Les iris d'Agus sont jaunes comme ces dessins mystiques sur le pelage de son compagnon. Leur lien étroit confère au Rajasir des aptitudes du Furanja et il est si puissant que pour ôter la vie à l'un ou à l'autre, il faut les tuer simultanément et ce n'est pas chose facile.
Lorsque Abran a déclenché les hostilités envers son peuple, le Rajasir a décidé de se séparer de son Furanja afin qu'il protège sa femme et ses deux enfants. Tous les trois sont partis se réfugier dans les montagnes du Sud avec d'autres des leurs délaissant leur terre. A contrario, Agus s'est engagé auprès de l'Alcane afin de rendre sa liberté aux Terre de Rala. Malheureusement, le détachement auquel il appartenait et où la plupart des partisans faisait partie de son peuple a été presque entièrement décimé. Un peu plus d'une dizaine de résistants sur près d'une centaine ont réussi à battre en retraite et comme les Chyrikas récemment, ils ont pris la voie de l'Etiendo et ont échoué sur cette île. Agus était mal en point lors de son arrivée. Ashkii l'a soigné et cela lui a évité de longues lunes blanches de souffrances.
Le visage d'Agus s'assombrit, sa femme, ses enfants et Raja lui manquent terriblement.
Ashkii échange un regard avec lui et compatit silencieusement avec son ami.
— On ferait bien de poursuivre, tu risques déjà assez de remontrances d'être venu avec nous, indique l'Aboui au jeune homme.
— Des remontrances ? s'étonne faussement Aron. Mais de qui ?
— De ton père, réplique Ashkii. Il n'appréciera sûrement pas que tu nous sois venu en aide.
— Ah oui, mon père, fait mine de se souvenir le Chyrika, vous en faites pas, de toute façon, quoi que je fasse, ça ne lui plaît pas, alors...
Personne ne peut le voir, mais Ashkii affiche un air désolé pour le jeune homme. Peut-être l'a-t-il mal jugé et qu'il tient plus de sa mère qu'il ne le pensait.
Aron lui rappelle vraiment Mahala. Elle n'était pas une Chyrika comme les autres. Elle avait sa propre vision des choses. Elle suivait les règles seulement si elle lui semblait justes.
Ashkii pose sa main sur l'épaule d'Aron. Il ouvre la bouche s'apprêtant à lui parler de sa mère, mais finit par s'abstenir. Il lui tapote simplement l'épaule avec bienveillance.
Pendant ce temps-là, dans les interstices de la cavité Kiona a réussi à trouver des racines assez épaisses que Stella embrase afin de leur procurer un peu de chaleur. Toutes les deux sont transies de froid. Elles ont étendu leurs vêtements trempés au sol et n'ont gardé sur elle que leur justaucorps.
Adossées sur la paroi, elles se collent l'une à l'autre pour se réchauffer en attendant que le ciel s'éclaircisse.
Ashkii, Agus et Aron sont repartis depuis un bon moment et alors qu'ils marchent à travers une plaine sans obstacle, la lueur du feu allumé par Stella, attire l'œil du Rajasir qui s'arrête. Les deux autres l'imitent, surpris par cette halte soudaine.
— Là-bas, de la lumière, s'écrie-t-il en pointant son index vers celle-ci.
Difficilement et en plissant les yeux le père de Kiona et le Chyrikas distinguent la direction indiquée où un très faible halo se dessine au loin.
Sous la pluie incessante et le tonnerre retentissant, Agus suivi d'Ashkii et Aron se dirige vers la lumière. Tous les trois sont trempés jusqu'aux os, leurs vêtements collent à leur peau, mais cela ne les empêche pas d'avancer d'un bon pas. Ils arrivent devant la grotte où les deux jeunes femmes se sont réfugiées et s'y engouffrent.
Ils les découvrent endormies et blotties l'une contre l'autre. Ashkii ne peut s'empêcher de lâcher un soupir de soulagement. Sa fille est saine et sauve.
— Rala merci, murmure-t-il.
Kiona est la première à ressentir leurs présences et bondit sur ses pieds, prête à se défendre. Lorsqu'elle se rend compte qu'il s'agit de son père, Agus et Aron, elle baisse la tête, les joues rosies devant les trois visages amusés.
Stella ouvre les yeux à son tour et se relève doucement.
Alors que son père l'étreint très fort, Kiona ne peut s'empêcher de se poser des questions. Pourquoi le Chyrika est-il avec eux ? Et sait-il qu'elle l'a surpris dans son intimité ? Sans qu'aucun son ne sorte de sa bouche, son père lui donne les réponses qu'elle attend.
— Voici Aron, ma fille, lui présente-t-il avant de se tourner vers le jeune homme, Aron, ma fille Kiona.
Ashkii pose sa main avec tendresse sur sa joue et lui adresse un sourire rassurant.
— Il nous a proposé son aide quand il a su que vous aviez disparu.
Kiona fronce les sourcils, étonnée par cette attitude adoptée par le jeune homme. Toujours dans les bras de son père, elle échange un bref regard avec Aron avant de fermer ses yeux. Elle qui pensait que ce n'était qu'un être désinvolte et malappris, peut-être l'a-t-elle mal jugé. Agus l'interrompt dans sa réflexion :
— Nous allons passer la nuit ici. Quand l'orage sera terminé, les Avemagos sortiront pour se nourrir.
— Les Ave quoi ? s'interloque Aron.
— Les Avemagos, répète Kiona. Ce sont de grands et magnifiques volatiles.
— Aux dents tranchantes et griffes aiguisées ! s'exclame Stella. As-tu déjà oublié notre première et unique rencontre avec eux, moi pas, j'ai vraiment cru qu'on allait être dévorée.
Elle n'a jamais compris ce que son amie trouvait de beau à ces oiseaux. Ils n'aspirent qu'à les déchiqueter et à remplir leur estomac.
Ashkii prend la suite avec plus de calme afin d'expliquer au Chyrikas où ils se trouvent :
— Nous sommes réfugiés sur l'île des Avemagos, mon garçon. Nous comptons sur eux si une attaque avait lieu la nuit. En quelque sorte, ils sont notre défense en dehors de notre lieu de vie.
Kiona fixe son père, les sourcils froncés. Il vient d'appeler Aron, mon garçon, cela la surprend. Une telle familiarité alors qu'il paraissait si hostile envers ces nouveaux venus l'étonne.
Elle dévisage ensuite le jeune homme. Celui-ci s'en aperçoit et leurs regards se croisent un court instant avant que la jeune femme ne détourne la tête, gênée.
Ashkii s'agenouille près du feu et sort de sa besace de quoi remplir leur estomac. Stella vient à ses côtés et Kiona fait de même. Les deux jeunes femmes ne se feront pas prier pour manger.
Aron se rend à l'entrée de la grotte et admire les éclairs violacés et verdâtres qui fendent le ciel. Il n'a jamais vu un tel spectacle. Sur le continent, les éclairs sont gris. En même temps, il essaye d'imaginer à quoi ressemble les Avemagos et s'il en verra un. Ces volatiles suivant la description qui lui a été faite lui semblent être d'une grande magnificence. Comme Kiona, il apprécie ce que Rala et la nature ont créés, même si cela lui a parfois joué des tours.
— L'orage est d'une sinistre beauté, n'est ce pas ?
Aron se retourne dans un mouvement vif. Agus s'approche de lui et vient à son tour contempler le ciel déchiré de toutes parts.
— Ce sont des images à immortaliser, indique le jeune homme. Malheureusement, je n'ai plus rien pour dessiner.
— Un artiste ? dit le Rajasir avec étonnement.
— Ma mère m'a tout appris, répond le Chyrika, la voix lointaine.
Par habitude, il attrape sa chevalière entre son pouce et son index et la fait tournoyer. Mentionner sa mère lui est très douloureux. C'est elle qui lui a offert son premier fusain. Elle disait que dessiner permettait de garder une trace plus concrète des souvenirs.
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