Chapitre 13

Sur le continent, au milieu des bois, hors des sentiers, un bruit sourd retenti à l'arrière. Cela oblige Aron et Linzi à s'arrêter et à se retourner.
Kiona, sous sa forme animale, est allongée sur le flanc. Sa respiration est saccadée, ses quatre membres engourdis.

— Pardon, Kiona, pardon. Je savais que ce n'était pas une bonne idée. Je suis bien trop lourde à porter, s'excuse Stella à genoux à ses côtés en lui caressant le museau, des larmes aux coins des yeux.

Elle culpabilise de s'être laissée convaincre par l'Aboui, malgré le fait qu'elle savait pertinemment que son poids pourrait lui nuire.

Aron accourt auprès de la biche et s'accroupit. Kiona est épuisée, son cœur lui semble battre au ralenti.

— Allez, bichette, relève-toi. Dès qu'une auberge se présentera à nous, on s'y arrêtera.

Kiona ferme lentement ses paupières.

— Reprends ta forme humaine, je t'aiderais à marcher, la sollicite Aron. Relève-toi.

— Si elle n'y arrive pas, on sera dans l'obligation de la laisser ici, lance Linzi restée silencieuse.

Stella se tourne vers elle, les yeux écarquillés de stupeur. Aron, quant à lui, maîtrise son envie de lui sauter à la gorge.

— Méfie-toi que ça ne soit pas toi qu'on abandonne sur le bord du chemin, lui lance-t-il avant de se remettre debout et d'écarter les bras. C'est notre faute si elle est épuisée ! Reculez !

Dans un dernier effort, l'Aboui réussit sa métamorphose. Une fois le nuage de poussières dorées dissipé, Aron s'empresse d'aider Kiona à s'asseoir. Il pose le bras de la jeune femme autour de son cou et passe le sien autour de sa taille.

— Je savais que tu n'abandonnerais pas, lui fait-il remarquer, soulagé.

La jeune femme esquisse un sourire timide en guise de réponse. Elle tente de prendre appui sur ses deux jambes, mais se sent glisser. Aron la rattrape et la colle contre lui afin de mieux la maintenir.

— Je vais t'aider, annonce Stella en prenant le bras libre de l'Aboui pour le passer autour de son cou.

— Ça ira, lui affirme le Chyrika. Je la porterai s'il le faut. Ne t'en fais pas.

La jeune femme brune lui jette un regard noir avant de s'éloigner et de rejoindre sa bien-aimée.

Aron attrape son outre et la tend à Kiona afin qu'elle puisse se réhydrater.

— Bois, ça te fera du bien.

Il porte le contenant à ses lèvres et le penche doucement. La jeune femme e sent mal à l'aise de se laisser assister de cette façon, mais forcée de constater qu'elle n'est pas en mesure de refuser.

— Linzi, appelle Stella tout en douceur.

— Quoi ? demande la jeune femme sèchement en se passant la main dans la nuque afin d'y ôter les cheveux recouverts de sueur qui y sont collés.

— Ma douce, murmure-t-elle, tu n'es plus la même.

Un air de désolation se lit sur son visage, voir sa bien-aimée changée de cette façon lui serre le cœur de chagrin.

La nouvelle régente du don de Muncan fronce les sourcils. Elle-même ne se reconnaît pas, mais à présent, une seule chose compte plus que tout à ses yeux : reconquérir le Royaume de Muncan. Sans mot, elle accélère le pas et fausse compagnie à Stella. Les sentiments qu'elle éprouve sont toujours là, elle peut les sentir au plus profond de son âme. Cependant, chaque fois que la Muncanienne souhaite les laisser s'exprimer, quelque chose qu'elle ne maîtrise pas les refoule avec force. Elle mène un combat intérieur que ses trois acolytes ne peuvent comprendre. Elle est d'ailleurs incapable de leur expliquer. C'est comme si son esprit était maîtrisé par le Dounsan, le pouvoir des Régents du don.

— J'aurais peut-être dû attendre avant de lui parler des Muncanniens dépourvus, avoue Aron à Kiona. C'est assez surprenant son changement d'attitude, voir inquiétant. Ma mère m'a raconté des histoires sur le royaume de Muncan, dont celle sur le Dousnan. Je pensais vraiment que ce n'était qu'une fable, mais à priori cela semble vrai...

— Je suis d'accord, tu aurais pu t'abstenir, parvient à articuler Kiona de l'amertume dans la voix.

Aron la rehausse un peu. Il ne peut le renier, il apprécie cette proximité. Cette Aboui lui procure d'étranges sensations jamais éprouvées jusqu'alors.

— Pour ma défense, je ne pensais vraiment pas que cela se produirait. Dans ce que ma mère me contait, le Dounsan prend possession de l'âme des êtres destinés à devenir Régent, mais seulement lors d'une cérémonie et surtout d'une union. Il est censé rester en sommeil avant cela.

— Il faut croire qu'avec la menace que représente Abran, la prise du pouvoir des Régents du don a été précipitée.

Elle s'accroche un peu plus à lui en agrippant un peu plus fort le tissu de sa tunique entre ses doigts.
Elle ressent un sentiment de sécurité à ses côtés pourtant elle fait tout ce qu'elle peut pour le répudier.

— Nous allons enfin pouvoir nous reposer, déclare Aron dans un sourire.

Un toit d'ardoises à la cheminée fumante se dessine en contrebas du sentier qu'ils cheminent. Une odeur de poissons frits parvient à leurs narines et les fait saliver. Leur dernier repas date de la veille et chacun d'eux à l'estomac qui crie famine. Encore un effort et ils pourront savourer un mets bien mérité.

Les Dlotifis, toujours plus nombreuses, se pressent autour de la barque aux prises d'algues. Ahiga et la femme blonde à l'air machiavélique ne se quittent pas du regard. Il y a quelques lunes Noires, elle lui avait promis de le retrouver pour en faire sien.
Le chef des Chyrikas n'a pas peur de lui faire face une nouvelle fois. Il se tient prêt. Ces êtres, tout droit venus de l'autre côté de la frontière sont sans vergogne.

— Ahiga, si tu me suis, je laisserai ceux qui t'accompagnent rejoindre le continent, propose la Dlotifi dont la beauté ne peut être niée.

Le père d'Aron n'est pas dupe, il connaît leur perfidie sans limite.

— Et tu penses que je vais te croire sur parole, se moque-t-il. Vous êtes des menteuses nées. Manipuler les êtres terrestres est votre spécialité pour les emmener dans les bas tréfonds. Alors aie un peu de respect et ne me prends pas pour un imbécile, cette époque est révolue. Je sais ce que vous êtes et ce que vous recherchez !

Des protestations s'élèvent de la part des Dlotifis.

— Comment oses-tu t'adresser à notre sœur de cette façon ! vocifère l'une d'elles.

— Tu ne mérites que de nous servir, rétorque une autre.

— On devrait te faire tellement souffrir pour ton impolitesse que la mort deviendrait ta seule échappatoire ! le menace la première arrivée.

La Dlotifi blonde fixe de ses iris couleur acier Ahiga avec gourmandise et intervient pour faire cesser les contestations :

— Mes sœurs, c'est justement pour sa force de caractère que je l'ai choisi. Il me donnera une fille forte, capable de tout surmonter et vous guider aux pouvoirs de toutes les eaux présentes sur Vazora. Bien entendu, en me parlant comme il vient de le faire, il a commis un acte répréhensible.

Ses lèvres se fendent dans un sourire sournois adressé à Ahiga.
Ensuite, sans que personne n'ait le temps de réagir, elle jaillit hors de l'eau et vient percuter Bidzil. Elle le déstabilise le faisant passer par-dessus bord puis l'entraîne sous la surface de l'Etiendo.
Le chef des Chyrikas vient d'assister à la perte de son bras droit, il en est bien conscient. Les autres présents à ses côtés sont sous le choc de la rapidité de ce qu'il vient de se passer.

Le balafré se débat comme il peut. L'eau n'est pas son élément contrairement à elles.
Avant d'être happé dans les bas tréfonds par les Dlotifis afin de servir à leur cause, il parvient à émerger sa tête de l'eau et récite l'adage des Chyrikas :

— Ila funaibileisse an eaxistune aque piran otunranui !

Ensuite, il est comme aspiré sous la surface. Des remous suivis de quelques bulles remontent à la surface puis plus rien. L'atmosphère est pesante sur le radeau et seule la joie des femmes de l'eau se fait écho.

Les expressions effarées des êtres debout sur l'embarcation ravissent les Dlotifis qui se félicitent entre elles. Seul Ahiga garde son air impassible, malgré l'accélération de sa respiration et de son pouls. Il se tourne vers Ashkii et croise son regard. L'Aboui comprend ce qu'il attend de lui. D'un mouvement rapide du corps, il attrape son arc et son fourreau rempli de flèches qu'il balance sur son épaule.

Très rapidement et avec habilité, il encoche un projectile et tire avec précision directement dans le cœur d'une des assaillantes. Trop occupées à se réjouir, elles sont prises au dépourvu et s'affolent.

D'autres flèches viennent à leur tour toucher leur cible. Celles-ci ne sont pas tirées par Ashkii, mais par des archers alignés sur la plage à plusieurs centaines de pas de là. Cela provoque un nouveau mouvement de panique chez les Dlotiflis. Certaines s'enfoncent sous la surface pour rejoindre les bas tréfonds, d'autres hurlent, du sang colorant l'eau autour d'elles.

La Dlotifi blonde, qui semble les diriger, reste immobile contrairement aux siennes. Elle garde les yeux rivés sur Ahiga et se passe la langue sur ses incisives avant que du liquide vermeil ne vienne colorer ses lèvres.

— Je n'en ai pas fini avec toi, Ahiga ! Et la prochaine fois, tu seras mien ! gronde-t-elle le regard sombre.

Elle disparaît ensuite dans l'eau ainsi que les algues qui gardaient le radeau immobile.

Le silence revient et seuls les corps des femmes de l'eau sans vie entourent la barque. Pas longtemps. Ils disparaissent tous en même temps comme absorbés par l'Etiendo.

Ahiga, Ashkii et Agus se tournent vers ceux qui viennent de leur apporter leur aide.

— Il faut les rejoindre, suggère le Rajasir. Ils auront peut-être des informations à nous donner.

— Je suis d'accord, approuve le père de Kiona. Ils pourront peut-être nous aider, de plus ils viennent de nous sauver la vie.

Ahiga ne dit rien. Pensif, il fixe les êtres au loin. Il en dénombre une vingtaine.

— Seigneur Ahiga, l'interpelle Erika, les yeux emplit de tristesse. Et pour Bidzil qu'allons nous faire ?

— Malheureusement, nous ne pouvons plus rien pour lui, révèle-t-il sans trahir une ombre d'émotion, si ce n'est lui rendre hommage dès que nous le pourrons.

La jeune femme tombe à genoux. Tant bien que mal, elle ravale ses sanglots. Elle se doit de garder sa peine pour elle-même. Solon pose une main compatissante sur son épaule et tous les deux échangent un bref regard avant que la jeune femme ne lui ôte brutalement.

— Nous aurons tout le temps de le pleurer plus tard. Là, il nous faut rejoindre le continent et s'assurer des bonnes intentions de ces êtres. (Ahiga attrape une pagaie et la lance à Ashkii) Bien qu'ils viennent de nous apporter leur aide, on ne connaît pas leurs intentions à notre égard.

L'Aboui reconnaît bien là le chef des Chyrikas. Pour obtenir sa confiance, il faut faire ses preuves et les sauver d'une mort certaine ne semble pas être suffisant...

Le soleil est à son point culminant lorsqu'Aron pousse la porte de l'auberge. Éclairée seulement par la lumière traversant les quelques fenêtres à sa droite, il balaye la pièce du regard. Il en fait vite le tour. Une dizaine de tables sont disposées, dont trois sont occupées. Derrière le comptoir, un homme aux épaules carrées se dresse et l'observe. Les êtres présents ont eux aussi les yeux tournés vers lui. Seuls des bruits métalliques venant de la cuisine brisent le silence engendré par leur irruption.

La main de Kiona dans la sienne, Aron pénètre à l'intérieur de l'auberge. Les deux Muncaniennes les suivent.

— C'est pas très rassurant tous ses yeux qui nous fixent, chuchote Kiona à l'intention du Chyrika sans oser tourner la tête et croiser l'un des regards braqués sur eux.

— Une fois que l'on aura pris place, ils ne feront plus attention à nous, lui répond-t-il en l'entraînant vers une table près d'une fenêtre. Ils s'assurent que nous n'allons pas leur tomber dessus.

Aron invite Kiona à passer en premier sur un des bancs perpendiculaire à la planche faisant office de plateau. Le tout est fixé au mur et tenu sur un seul pied à l'extrémité. Les deux Muncaniennes prennent place face à eux.

Nerveusement, Aron fait tourner sa bague autour de son index et ne cesse de jeter des coups d'œils au tenant du lieu. Celui-ci est immobile et les scrute.

— Dis-moi, si je me trompe,(elle désigne l'être derrière le comptoir du menton) c'est bien un Igum, chuchote Linzi. Es-tu certain qu'il ne va rien nous faire ? Parce que ceux présents sur l'île étaient assez inamical voire inquiétant.

— Certain, non. Je ne peux pas te promettre qu'il ne tentera rien contre nous. La seule chose que je peux te certifier, c'est que ce n'est pas un allié d'Abran. (Son air devient grave.). Son peuple a été l'un des premiers à avoir été attaqué. Malheureusement, ils n'ont pas tenu longtemps. Et pour cause. Afin d'accélérer leur déclin, Abran a fait appel aux Dlotifis. Celles-ci n'en ont fait qu'une bouchée. (Il prend une profonde inspiration et adresse un bref regard au tenant.). Elles ont eu vite fait de faire main basse sur la plupart des hommes de la communauté des Igums, en tuant au passage les femmes qui se dressaient face à elles. On dit que ceux ayant fui sont terrorisés par les eaux. (Il fixe l'anneau à son doigt.). Abran les a renommé les fuyards des eaux. Je ne sais pas combien des siens sont encore en vie, mais ils ne doivent représenter qu'une toute petite poignée.

— Il y en quelques-uns sur l'île, mais on n'était pas au courant de cette histoire ni qu'on les appelait les fuyards des eaux, dit Stella dubitative. Nous savions juste qu'Abran leur avait pris leurs terres et qu'ils erraient sur le continent avant que des Muncanniens ne débarquent avec eux sur l'île.

Il est vrai qu'il y a moins d'une dizaine d'Igums qui résident sur l'île des Avemagos et ce sont tous des hommes. Ils se mêlent très peu aux autres et restent la plupart du temps ensemble.

Mais le fait qu'ils ont à présent peur de l'eau alors que celle-ci est leur élément de prédilection en dit long sur ce qu'ils ont dû subir. Stella ressent de la peine pour eux, elle regrette de ne pas avoir tenté d'en savoir plus lors de leur arrivée. Elle comprend à présent pourquoi lors d'une balade avec ses deux amies, elles ont été surprises de voir Artiom, le vieil Igum, en pleurs sur la plage. Il devait certainement ressasser le passé. Ce jour-là, elles s'étaient éclipsée sans qu'il ne s'aperçoive de leur présence et elles étaient passées à autre chose, n'en parlant à personne. Elles auraient certainement eu plus de compassion si elles avaient été au courant du sort qui avait été réservé aux siens.

— J'ai une question, dit Kiona avec candeur. Qu'est-ce que les Dlotifis ?

Aron se tourne vers elle un sourire magnanime sur les lèvres. Cette méconnaissance des nouveaux êtres vivant sur Rala l'amuse autant qu'elle ne l'effraie.

— Ma bichette, tu sembles ignorer tant de choses. (Il pose une main amicale sur son épaule.) Les Dlotifis sont des femmes de l'eau, elles viennent directement de l'autre côté de la frontière. Des Terres du Sombreur pour être exact. Elles ne s'attaquent généralement qu'aux hommes forts pour enfanter à la suite d'un rituel morbide et ainsi agrandir leur communauté.

Sur le visage de la jeune femme, on peut y lire de la stupeur et du dégoût. Elle n'ose même pas imaginer de quelle sorte de rituel il s'agit.
Par ailleurs, elle savait que des êtres immondes avaient suivi le Roi Abran et qu'ils ont élu domicile vivent sur Rala, mais elle reste horrifiée par leur perversité.

Le Chyrika fait glisser sa main le long du bras de la jeune femme et lui prend la sienne.

— Tu n'as pas trop à t'en faire, elles ne tuent que les femmes qui s'opposent à elles, essaye-t-il de la rassurer.

Il lâche sa main et joint les siennes sur la table, le regard lointain posé dessus.

— À quoi penses-tu ? lui demande l'Aboui.

— Le tenant... ce n'est pas un fuyard. Il tient cette gargote depuis bien longtemps. Je pense que c'est un norralla.

Norralla, ce mot fait frissonner Stella. On appelle "norralla" les êtres ayant quittés les leurs selon leur propre choix ou ceux qui ont été exclus échappant à une mort certaine. Une fois devenu des norrallas, ils sont vus par tous les Ralans comme des hors-la-loi qui ne sont dignes d'aucun intérêt. En tout cas, c'est ce qu'on leur a enseigné.

— Tu le connais, s'enquiert Kiona, les yeux écarquillés. Tu aurais pu nous avertir.

— Je viens juste de m'en souvenir, se défend-t-il. Quand j'étais plus jeune, ma mère et moi, nous sommes arrêtés ici même...

Parler de sa mère, lui est difficile. Son cœur lui paraît être pris dans un étau et sa respiration devient difficile.

— Mais pourquoi t-a-elle entraîné ici ?

— Ça, je m'en souviens plus (Il déglutit péniblement.), mais le bon côté des choses, c'est que je sais où on est et nous allons pouvoir avancer plus sereinement.

Kiona s'apprête à demander à Aron s'il sait quel acte répréhensible cet être a commis pour devenir un norralla, cependant elle se ravise quand elle se rend compte que le tenant du lieu est juste à un pas d'eux.

— Qu'est-ce que je vous sers ? dit-il en les dévisageant chacun leur tour.

Les yeux de l'Aboui s'ouvrent grand sur le cou de l'Igum recouvert d'écailles vert et blanc. Ceux sur l'île n'avaient pas des écailles de cette couleur, sauf celles d'Artiom, si ces souvenirs sont bons...
Stella remarque l'ahurissement de son amie et lui donne un léger coup de pied afin qu'elle détourne le regard.

— De l'eau pour commencer, préconise Aron, ensuite, tu nous serviras du poisson frit.

Le tenant acquiesce sans rien dire et repart. Aron le suit des yeux rejoindre le comptoir et disparaître derrière une porte battante.

Dans l'eau, Ahiga et Ashkii tirent la barque vers la plage tandis qu'Agus, Solon et Erika la poussent à l'arrière. Une vingtaine d'êtres sont nassés et les regardent avant que quelques-uns ne se détachent pour venir leur prêter main forte.

Une fois bien arrivé sur la terre ferme, un homme se dirige vers eux. Il ne cache pas sa joie lorsqu'il reconnaît l'Aboui.

— Ashkii ! s'exclame-t-il en l'étreignant. Je suis si content de te voir en vie. (Il se recule et le contemple de haut en bas.) On pensait ne plus jamais te revoir !

Ashkii ne cache pas son soulagement. Cet être face à lui fait partie de sa famille. Il est le fils du frère de son père. Ils ont pour ainsi dire été élevés ensemble. D'ailleurs, tous les êtres présents font partie de son peuple. J'aurais dû m'en douter, des si bons archers ne pouvaient être que des Abouis.

— Jehiel, mon frère, je suis moi aussi bien heureux de te retrouver sain et sauf.

— Je vois que tu es en bonne compagnie, ironise-t-il, son regard braqué sur Ahiga, Erika.

Il s'avance vers le Rajasir et l'étreint en lui tapant plusieurs fois dans le dos.

— Agus, je suis contente de te revoir ! s'exclame-t-il. Nous pensions que tu n'étais plus des nôtres.

Il jette ensuite un œil au jeune homme assis sur le bord de du radeau éprouvé par les derniers événements et déclare :

— Mais ne serait-ce pas Solon, futur Naran de ta fille ? D'ailleurs où est-elle ? Avec Satinka ?

Au son de ce nom, une boule de tristesse se forme dans la gorge d'Askii. Ce dernier passe son bras autour des épaules de Jehiel.

— J'ai beaucoup de choses à te raconter, mon frère, mais tout d'abord, je te remercie de ton aide.

— Ces sales femmes sont des plaies et nous ne sommes pas mécontents d'avoir réussi à en éliminer quelques-unes. Elles ne se montrent que très rarement.

Ashkii lui adresse un sourire empli d'approbation.

— Dis-moi, où pourrions-nous nous rassasier. Y a-t-il une auberge non loin d'ici ?

— Une auberge ? s'interloque Jehiel, tu plaisantes, j'espère. Vous allez venir avec nous sur notre camp. L'Alcane ne refuse aucun être prêt à se battre contre Abran.

L'Alcane, Ashkii aurait dû s'en douter. Il acquiesce d'un geste de la tête, les lèvres pincées. Il imagine la déception que ressentira Jehiel quand il saura qu'ils ne sont pas venus pour rejoindre la résistance. Il lance un bref regard à Agus puis à Ahiga. Ce dernier hoche la tête en guise d'accord.

— Allez, en route. En marchant à bonne allure, nous y serons avant que le soleil ne se couche.

— Combien d'êtres parmi tes rangs, questionne subitement Ahiga.

Jehiel se tourne vers lui, les sourcils relevé marquant son étonnement.

— Deux cent soixante-trois et avec vous cinq en plus deux cent soixante-huit, pourquoi veux tu savoir cela ?

— Et quel genre d'êtres remplissent tes rangs ?

— Si ta question est : Y a-t-il des Chyrikas au sein de la Résistance, la réponse est non. De toute façon, qu'importe qu'ils viennent de tel peuple ou telle communauté ou encore de tel Royaume. Les êtres qui se sont engagés dans l'Alcane ont fait fi de leurs dissonances entre eux et se battent côte à côte pour récupérer leurs Terres. Pour récupérer Rala.

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