Chapitre 12

C'est la quatrième nuit que le quatuor navigue vers le continent. Linzi et Stella ont repris les rames sous les rayons timides du soleil levant tandis que Kiona et Aron dorment encore. Blottis l'un contre l'autre, la jeune femme a la tête posée sur l'épaule du Chyrika. Cette scène répétitive amuse les deux Mucaniennes. Elles imaginent la tête que ferait Solon s'il les voyait.

Elles ne cessent de glousser et ne s'aperçoivent pas qu'Aron s'éveille. Celui-ci les dévisage un instant avant de jeter un coup d'œil sur son épaule droite. Un léger sourire vient fendre ses lèvres.
Alors qu'il veut se dégager en douceur, il se rend compte que la main de Kiona repose au creux de la sienne.
Effectivement, lorsqu'ils se sont enfin arrêté de pagayer, la jeune femme s'est confiée un peu à lui et sur sa peine d'avoir trahi son père. Il revoit ses yeux brillants de larmes à la lueur de la lune blanche. Il repense aussi aux mots réconfortants qu'il n'a pas su prononcer. Et il ressent encore le premier contact de sa peau avec celle de Kiona quand la seule chose qu'il a réussi à faire a été de glisser sa main dans la sienne en guise de soutien.

Délicatement, il relève son buste et faufile ses doigts entre ceux de la jeune femme afin d'en reprendre possession.
Il jette un œil à l'horizon et il lui semble distinguer le continent. Il vient rapidement entre les deux jeunes femmes et met sa main au dessus de ses yeux pour éviter d'être ébloui par la lumière émanant du soleil.

— On y est presque ! déclare-t-il, soulagé de ne pas s'être trompé.

Pendant que Stella et Linzi se regardent, interloquées, Kiona s'est réveillée et rejoint Aron sans tenir compte de ses amies, si ce n'est pour se frayer une place entre elles, à côté du Chyrika.

— Ça semble encore bien loin, non ? demande-t-elle.

— Si on s'y met tous les quatre, non.

Il lui adresse un sourire en coin avant d'attraper une rame. L'Aboui ne tarde pas à l'imiter. Quant aux deux Muncaniennes, elles restent un instant pantoises. Non pas parce qu'elles ne parviennent pas à voir le continent, mais parce qu'ils ont agi comme si elles n'existaient pas. Nul doute à leurs yeux qu'un rapprochement a eu lieu entre eux.

Elles sursautent lorsque Kiona s'écrie la voix remplie d'excitation :

— Stella, Linzi, on y est presque ! Vous vous rendez compte ! On est sur le point de rejoindre la résistance !

— T'emballe pas, ma bichette. Va déjà falloir qu'on la trouve ta résistance, rabat Aron sur un ton décourageant. Et crois-moi, c'est pas gagner. Une fois qu'on aura posé le pied sur le continent, ça sera le début des ennuis.

Kiona fronce les sourcils.

— On ? s'étonne-t-elle.

Dans tout ce qu'il vient de lui dire, la seule chose à avoir attiré son attention, est le "on" qu'il a utilisé.

Aron se pince les lèvres et ancre son regard dans l'Etiendo.

— Je ne serais pas digne d'être un Chyrika si je vous laissais sans protection, se défend-t-il.

Les trois jeunes femmes ne sont pas dupes et Linzi lui fait remarquer :

— Ça ne serait pas plutôt le contraire ? N'importe quel Ralan sait que les Chyrikas sont réputés pour leur égoïsme envers les autres êtres. Ils ne protègent que les leurs.

Le jeune homme déglutit avec difficulté, sans se retourner sur l'une d'elles. Il se rend compte que la réputation des Chyrikas n'est plus à faire.

— Pas tous, se risque-t-il.

— Donne-nous un exemple alors, ironise Stella, un sourire moqueur sur les lèvres.

Aron relève la tête, gonfle ses poumons d'une grande bouffée d'air marin et ferme les yeux.

— Ma mère... Ma mère n'était pas comme ça... Elle était différente et peut-être que c'est ce qui a entraîner sa mort...

Une boule de tristesse s'est formée dans sa gorge rendant ses yeux humides. Kiona tend la main et la pose sur le bras du Chyrika avec compassion.

Toutes les trois savent ce qu'il ressent, elles aussi ont perdu des proches dans cette guerre.
Elles préfèrent rester muettes et s'activent à la tâche afin de ne pas s'engager sur un sujet aussi douloureux.

Le continent est de plus en plus proche, mais le triste silence régnant sur le radeau a ôté toute joie à la fin de ce voyage...

Aron est le premier à poser le pied sur la terre ferme. Il apporte son aide aux trois jeunes femmes avant de tirer le radeau et le cacher dans un bosquet.

Kiona s'éloigne un peu. Elle observe les environs. Un petit écureuil saute de branche en branche et la fait sourire. Cela fait bien longtemps qu'elle n'en a pas vu. Elle prend conscience de la concrétisation de son vœu le plus cher. Elle lève la tête vers le ciel bleu aux reflets rosés et silencieusement s'adresse à celle qu'elle esty venue chercher : "Maman, je vais enfin pouvoir te retrouver, toutes mes entraves viennent d'être levées. Bientôt, nous serons enfin réunies et je prouverai à grand-père et à papa que j'ai fait ce qu'il fallait."

Lorsqu'elle se retourne pour revenir vers ses amies, son regard se pose sur Aron. Torse-nu, il se sert de son maillot de corps aux manches coupées pour éponger la sueur sur son front décollant au passage des mèches de ses cheveux noirs venus s'y coller. Kiona ne peut s'empêcher de le contempler. Ses muscles développés et dessinés au cordeau forcent le respect, même si cela est naturel chez un Chyrika. Elle n'avait jamais vu un corps si bien sculpté.

Linzi s'approche d'elle et lui murmure à l'oreille :

— Sois plus discrète.

Kiona détourne tout de suite son regard et ses joues virent au rouge sous l'air amusé de ses amies.

— Nous aussi, on a regardé, ment Stella en s'approchant d'elle, mais nous, on a été discrète.

Les deux Mucaniennes se moquent gentiment de l'Aboui. Celle-ci leur adresse un sourire gêné avant qu'Aron ne les interpelle, un peu plus loin :

— Vous comptez faire du sur place ? Parce que ce n'est pas comme ça que nous trouverons la résistance. Et si on veut trouver une auberge où passer la prochaine nuit, il ne faut pas traîner.

— Une auberge ! s'insurge Linzi, d'après ce que j'en sais, ce sont des endroits malfamés où nos vies seront menacées.

— Malfamés ? répète le Chyrika en même temps que sa tête émerge de la tunique au col en V déchiré, mais propre qui vient revêtir son torse. Les choses ont changé sur le continent, maintenant les êtres que l'on trouve dans les auberges viennent de tout horizon.

— Comment peux-tu le savoir ? lance Stella dubitative, je croyais que les Chyrikas évitaient de se mêler à d'autres êtres que les leurs, si ce n'est pour du commerce.

— Effectivement, mais comme je viens de le dire, Aron fait quelques pas vers elles et les fixe chacune leur tour avec un regard dépité, les choses ont changé. Cela nous est arrivé d'y faire une halte pour farcir nos estomacs lorsque la chasse était mauvaise.

— Et donc, quels genres d'être traînent dans ces endroits mal réputés ? demande Linzi avide d'en savoir davantage.

— Des familles entières qui ont tout perdu après le passage des troupes d'Abran, d'autres fuyant leur lieu de vie avant que cela ne leur arrive. Des Soufènes, des Rajasirs, des Abouis (il pose son regard un instant sur Kiona pour ensuite fixer les deux autres jeunes femmes) des Muncaniens...

Il marque une pause avant d'ancrer son regard dans celui de Linzi.

— Ceux qui pensent avoir été abandonnés des leurs...

Les yeux de Linzi se remplissent de larmes face à cette révélation. Elle prend conscience que son peuple fuit pour ne pas subir le règne de l'autoproclamé Roi de Muncan pendant qu'elle reste cachée au lieu de combattre et les aider. Pourquoi n'a-t-elle jamais regardé les choses sous cet angle ? De plus, elle est venue sur le continent pour une raison égoïste : l'amour qu'elle porte à Stella et non pas pour tenter de sauver le Royaume de Muncan. Quelle mauvaise future Régente elle fait.

Dernière héritière d'une longue lignée de Régents du don, elle devrait être ici depuis le début. Bien qu'elle n'ait pas formulé ses vœux, car elle n'avait pas encore l'âge requis, il en est de son devoir de défendre son Royaume. C'est là son destin... Son fardeau...

D'un coup, elle a l'impression que la liberté de son peuple repose aussi sur ses épaules. Elle se doit de le défendre jusqu'à son dernier souffle, c'est comme cela que doit agir tout être opposé au Roi Abran.
Toutes les bonnes paroles de sa grand-mère concernant la trouvaille d'un Naran pour lui donner droit de devenir Régente et s'engager dans la bataille viennent de voler en éclats. Qu'importent les mœurs ! Abran a tué ses parents et a mis la main sur le royaume de Muncan.
Elle n'a d'autres choix que de se battre et rejoindre la Résistance pour aider à libérer son peuple opprimé et par la même occasion venger ses parents.

Une chaleur ardente coule dans ses veines. Un changement est en train de se produire en elle. Dans tout son être, elle ressent le don plus que jamais. Est-ce cela qu'il se passe quand on passe la cérémonie des vœux ? Linzi se le demande. Pourtant, cela ne peut se produire qu'en même temps que l'union à son être de vie. Comment est-ce possible que ça lui arrive maintenant ? Qui plus est dans un lieu hors de Muncan, sans cérémonie et sans Naran !

Ahiga accompagnés des siens ainsi qu'Ashkii accompagnés de Solon et Agus voguent à bord d'une vieille barque vers le continent. Après trois lunes blanches sur l'Etiendo et malgré l'espace exigus, peu de paroles ont été échangées. Ils avancent vite et d'après le chef des Chyrikas, cette journée sera la dernière avant de toucher terre.

Ashkii et Agus à l'arrière, pagayent suivant le rythme d'Ahiga et Bidzil à l'avant. Solon et Erika, quant à eux, dorment au milieu de la barque. Ils ont ramé toute la nuit.

Le Rajasir penche sa tête vers Ashkii et murmure :

— Je n'ai aucune confiance en lui, dit-il en désignant Ahiga du menton. Il est aux antipodes de son frère et de Mahala. Antipathique et insensible.

Ashkii se pince les lèvres et acquiesce d'un hochement de tête.

— Comme tu dis, mais la seule chose qui compte est de retrouver les filles dont la mienne avant qu'il n'arrive malheur. Elles ne savent pas ce qui les attend et surtout, elles n'y sont pas préparées, murmure Ashkii les yeux voilés par l'inquiétude.

— Ne pense pas ça, mon ami. Ta fille pourrait te surprendre.

Ashkii lui lance un regard suspicieux. Quand il parle comme ça, on dirait qu'il sait des choses que j'ignore... Son ami aurait-il des secrets pour lui ?

— As-tu quelque chose à me révéler ? lui demande Ashkii, les sourcils froncés.

— Non, que vas-tu imaginer ? C'est juste que c'est ta fille et celle de Satinka, elle ne peut être que surprenante comme ses parents, c'est tout.

Ashkii feint de le croire, mais sait pertinemment que son ami lui cache quelque chose et il compte bien le découvrir tôt ou tard. Mais pas maintenant. Ce n'est ni le lieu, ni le moment.

À l'avant, il tarde au chef des Chyrikas d'arriver à destination. Bien qu'il en veut à son fils d'être parti sans son accord, il est prêt à tout pour le retrouver sain et sauf. Il est le fruit de l'amour qu'il portait à Mahala, la seule personne pour qui il donnerait sa vie même s'il est souvent déçu par les choix qu'il fait. Il reste la chair de sa chair.
Perdre Mahala a été l'épreuve la plus difficile au monde après la mort de son frère aîné. Je ne supporterai pas la perte de mon fils, Rala. Je sais que je ne te suis pas fidèle, mais épargne-le. Protège-le. Sans même prendre garde, il prie intérieurement tant la peur d'un autre deuil le pétrifie.

— Seigneur Ahiga, Terre en vue, l'interrompt le balafré.

Ahiga esquisse un sourire satisfait. Les recherches vont enfin pouvoir réellement commencer. Il se tourne vers l'Aboui et le Rajasir :

— Nous y serons plus tôt que prévu, se félicite-t-il.

Il baisse les yeux sur la jeune femme endormie.

— Erika, debout !

Elle ne se fait pas prier et à peine les paupières ouvertes, se relève d'un bond.

— Prends une rame, le continent est en vue.

Elle s'exécute sans broncher même si un peu plus de repos lui aurait été salutaire.

— L'Aboui, dit au tien de faire de même ! ordonne-t-il à Ashkii.

Ce dernier ne riposte pas, même si ce n'est pas l'envie ne lui manque pas. Il doit admettre qu'Ahiga a raison, ils doivent s'y mettre tous afin d'atteindre le rivage plus rapidement.

Pendant ce temps-là, les trois jeunes femmes et le Chyrika se sont enfoncés dans les Terres.

Aron mène la marche, juste derrière Linzi avance avec détermination suivie de Kiona et Stella.

La chaleur humide est de plus en plus accablante et l'eau risque de manquer d'ici peu.

— Il faut qu'on s'arrête, glisse l'Aboui à la jeune femme brune. En plus, tu sembles exténuée et un repos te sera bénéfique.

— Je peux encore continuer, je t'assure, souffle la Muncanienne, la respiration haletante, et j'ai pas l'impression qu'ils en ont besoin, eux.

— Je ne leur laisserai pas le choix, lui lance Kiona en pressant le pas afin de rattraper les deux autres.

Elle vient se placer à côté de Linzi.

— Nous devons faire une halte, Stella peine à suivre, plaide l'Atohi.

— Impossible, je suis désolée, le temps est compté à présent, répond-t-elle en jetant un bref regard en arrière vers Stella.

Son amie n'est vraiment plus la même depuis qu'elle a ressenti le don. Seules ses obligations en tant que Régente semblent avoir d'importance à ses yeux.

Kiona ne se laisse pas décourager et accélère le pas afin de rattraper le Chyrika.

— Aron, nous devons faire une pause, Stella ne tiendra plus longtemps. Elle n'est pas habituée à marcher autant et l'eau risque de nous manquer.

— Elle aurait dû y penser avant de se lancer dans la recherche de la résistance ! Ce n'est pas une balade en forêt que nous faisons ! Nous devons trouver une auberge. La nuit, les dangers sont omniprésents. Et pour l'eau, il suffit de se rationner.

D'abord surprise par son ton sans empathie, la colère prend le dessus. Les muscles de l'Aboui se raidissent sous celle-ci.

— Si c'est comme ça, alors je la porterai, mais tu ne l'emporteras pas aux Jardins Sacrés ! lui lance-t-elle avec agressivité.

La jeune femme s'arrête et est enveloppée par un nuage de poussières dorées. Aron ne peut s'empêcher d'admirer discrètement la beauté du moment.

La barque où se trouve Ahiga n'est plus très loin du rivage lorsqu'elle commence à faire du surplace. Quelque chose l'empêche d'avancer, en dépit des efforts de ses occupants.

L'Etiendo commence à se déchaîner autour d'eux sans que rien ne soit visible à sa surface. Soudain, des algues sortent de l'eau et emprisonnent l'embarcation.
Agus sort ses griffes et déchirent ces lianes venues des bas tréfonds. Erika et Bidzil parviennent à en couper quelques-unes à la seule force de leurs mains.
Tandis qu'Ahiga et Ashkii échangent un bref regard, avant d'essayer à leur tour de se débarrasser de l'étreinte de cette verdure visqueuse.

Solon, est le dernier à suivre l'exemple, apeuré par cette attaque dont il ne sait rien. Il garde de mauvais souvenir du peu de combats auxquels il a assisté.

Un rire aigu et tonitruant les fait tous sursauter. Ils cherchent d'où il provient, regardant autour d'eux jusqu'à s'arrêter à bâbord. Là, une femme dont le corps est immergé dans l'eau les fixe, les yeux brillants d'excitation.

— J'en étais sûr, une Dlotifi ! s'exclame Ashkii.

— Une quoi ? s'étonne Erika, l'air ignorant.

— Une Dlotifi, répète Ahiga sur un ton vindicatif. Cela tombe bien, j'ai des choses à régler avec elles.

La jeune femme ne sait toujours pas de quelles sorte d'êtres il s'agit. Mais cette femme de l'eau ne lui inspire pas confiance.

— Normalement, elles ne te feront rien, vient la rassurer Bidzil alors qu'une autre Dlotifi, puis encore une autre font surface.

Erika tourne la tête de tous les côtés. Sa respiration s'accélère lorsqu'elle se rend compte qu'ils sont encerclés. Cependant, elle est prête à se battre même si elle n'a aucune idée de comment les combattre.

La première à être apparue vient vers eux, ses longs cheveux bruns flottent derrière elle. L'impression qu'elle avance sans faire le moindre effort, comme si elle était portée par l'Etiendo, lui donne une élégance certaine.
À présent, il n'y a plus seulement sa tête de visible, mais aussi son cou et ses épaules. Sa peau mate brille sous le soleil levant et elle affiche un sourire enjôleur.

Ashkii jette un rapide coup d'œil à son arc et ses flèches posées au fond de la barque, non loin de lui. Il sait que si les choses s'enveniment, il devra s'en saisir rapidement pour ne perdre aucun d'entre eux.
Quant à Ahiga, ses doigts fermement enroulés autour du manche son poignard, il n'hésitera pas à s'en servir si elles viennent à s'approcher de trop près.

— Voyez-vous ça, mes sœurs, des Chyrikas ! se réjouit la première Dlotifi à s'être montrée. On se les partagera une fois débarrassées des bêtes et de la fille.

Agus lui lance un regard noir, tandis qu'Erika est en pleine incompréhension. Bidzil, lui, pousse un grognement sourd en tournant sur lui-même afin d'avoir une vision globale de leurs assaillantes et d'élaborer une stratégie pour s'en débarrasser.

Ashkii et Ahiga échangent un regard significatif. S'en suit un léger hochement de tête chacun l'un vers l'autre.

— Partez si vous ne voulez pas rejoindre les vôtres dans les sombres tréfonds, annonce le chef des Chyrikas d'une voix claire.

Son visage est innexpressif. Impassible. Jusqu'à ce qu'une autre Dlotifi s'approche de lui. Entourée de ses longs cheveux blonds presque blanc, elle affiche un sourire sadique.

— Ahiga, je suis tellement heureuse de te retrouver, nous allons enfin finir ce que nous avions commencé, jadis. T'en souviens-tu ?

Elle pose ses mains sur le bord de la barque afin d'être plus proche du Chyrika. Il ne la quitte pas des yeux, mais reste immobile. Cette Dlotifi, il s'en rappelle très bien. Inconsciemment, il pose sa main gauche à droite de son cou. Il se remémore la douleur du baiser posé par cette femme de l'eau et celle-ci semble se réveiller.

— Bien sûr que tu t'en souviens, en convient-elle à voix basse. Les points rouges qui parsèment tes iris le prouvent.

Prenant appui sur ses paumes, elle se lance en arrière en riant à gorge déployée. Et alors que sa tête plonge sous l'eau, une énorme queue de poisson noire ébène remonte à la surface éclaboussant les occupants de l'embarcation avec violence...

Erika risque de basculer dans l'eau, mais est rattrapée de justesse par Solon. Elle ne daigne pas le remercier et s'adresse à son chef dans un murmure :

— Que veulent-elles, Seigneur Ahiga ?

Le chef des Chyrikas lui répond tout en gardant les yeux rivés sur la Dlotifi blonde. Cette dernière, le regard lubrique braqué sur lui se passe la langue sur les lèvres avec délectation.

— Se reproduire, Erika. Se reproduire...

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